Ay cours d’une mobilisation dans le local associatif du Campus, contre la réforme des retraites le lundi 23 janvier, 29 jeunes militants ont été placés en garde à vue. Ils auraient été soumis pendant cette interpellation à des humiliations et des violences constantes. 3 d’entre eux ont souhaité témoigner de manière anonyme, sur le comportement des forces de police : refus d'aller aux toilettes, de boire de l’eau ou encore consulter un médecin, mais aussi des insultes, des intimidations et des coups.
D’après les témoignages recueillis, des policiers auraient même enfreint la loi en prenant en photo des interpellés.
Contactée par nos soins, la préfecture de Police de Paris a confirmé l'interpellation de "29 individus cagoulés, suite à des dégradations, dans les locaux associatifs du campus de Condorcet" et affirme n'avoir reçu aucune information sur d'éventuelles violences policières.
D’après les témoignages recueillis, des policiers auraient même enfreint la loi en prenant en photo des interpellés.
Contactée par nos soins, la préfecture de Police de Paris a confirmé l'interpellation de "29 individus cagoulés, suite à des dégradations, dans les locaux associatifs du campus de Condorcet" et affirme n'avoir reçu aucune information sur d'éventuelles violences policières.
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00:00 On était là, tranquille, en train de discuter,
00:01 et d'un coup, bam, 30 policiers débarquent, armés.
00:04 Moi j'avais peur que ça dérape en mutilation.
00:08 Tout le monde a été arrêté et mis en garde à vue.
00:10 Et puis une fois arrivé au commissariat, alors c'est pareil,
00:12 ça a été des insultes, des coups.
00:14 Et là je me suis demandé en fait si j'en allais...
00:17 Qu'est-ce qui allait me survivre ?
00:18 Il y a des lois qui existent,
00:19 mais les lois elles n'existent pas dans le commissariat.
00:26 Le 23 janvier, il y avait une occupation qui avait été décidée sur
00:31 un bâtiment associatif du campus Condorcet.
00:34 Et en fait on voulait une espèce de salle,
00:37 qui était accessible non seulement aux étudiants,
00:40 mais aussi un lieu de politisation pour faire venir
00:42 des gens de l'extérieur, des étudiants qui ne sont pas en fac.
00:45 Pour en créer un lieu de mobilisation,
00:47 aussi un lieu de rencontre étudiant, un lieu de vie étudiante,
00:50 pour en tout cas le temps de la lutte contre la réforme des retraites.
00:53 On s'est dit que c'était le moment de relancer une énergie
00:57 qu'il n'y avait plus.
00:59 Ce qu'il faut rappeler c'est que cette action
01:00 n'était pas uniquement liée à la réforme des retraites,
01:03 parce qu'en fait c'est beaucoup plus global.
01:05 Parce qu'il faut savoir que le campus Condorcet,
01:08 c'est un campus qui est assez récent, qui a quelques années,
01:11 qui est présenté comme quelque chose d'ultra-moderne,
01:13 avec des grands bâtiments vitrés,
01:16 on dirait des bâtiments d'affaires.
01:18 Le campus Condorcet, c'est une fac où il n'y a pas de lieu politique,
01:22 où les étudiants doivent travailler,
01:24 et puis voilà, ils ferment leur gueule.
01:26 C'est un campus qui est cerné de murs en béton,
01:30 de douves, c'est-à-dire qu'on a des fossés
01:33 au fond desquels il se trouve des fils barbelés,
01:36 et chaque entrée est fermée par des portes,
01:39 qui sont des grandes grilles, du genre de 2H, quasiment.
01:43 Tous les 5 mètres on a des caméras,
01:45 des vigiles qui patrouillent,
01:47 enfin globalement c'est extrêmement hostile.
01:50 Il n'y a aucun espace de vie pour les étudiants,
01:52 c'est-à-dire que si nous on voulait une salle,
01:53 c'était d'abord une salle pour pouvoir se réunir,
01:56 une salle à nous, entre étudiants,
01:58 et globalement apporter de la vie dans un lieu
02:01 qui est présenté comme un lieu ouvert,
02:03 et qui se dit destiné aussi à partager des choses
02:08 avec les habitants du quartier,
02:10 alors que ces habitants du quartier en sont matériellement exclus
02:13 par tous les dispositifs de sécurité que j'ai mentionnés.
02:16 On n'a eu aucun dialogue avec la direction du campus,
02:21 il n'y a eu aucune tentative de discuter
02:24 sur pourquoi il y avait une occupation,
02:25 sur quelles conditions on partirait ou pas.
02:29 Ça s'est passé vite,
02:31 parce qu'on a annoncé une occupation un peu avant 8h,
02:36 et à 8h20 la police débarquait.
02:40 La police est immédiatement arrivée,
02:42 est rentrée de force dans le lieu qu'on occupait,
02:45 et a arrêté les 30 étudiants qui étaient présents sur le lieu à ce moment-là.
02:51 Même des gens qui étaient arrivés,
02:52 qui avaient juste vu les banderoles,
02:55 et qui étaient venus regarder ce qui se passait dans le bâtiment.
02:57 On a entendu des flics défoncer une porte,
03:00 et tout de suite après il y en a un autre qui est arrivé dans la salle,
03:03 et on s'est tous agrippés,
03:05 parce qu'il est arrivé avec un LBD.
03:08 On était là, tranquille, en train de discuter,
03:09 et d'un coup bam, 30 policiers débarquent en armure,
03:13 armés, et attaquent.
03:15 C'était tout de suite un déchaînement de violence,
03:17 il n'y a pas eu de négociation, il n'y a eu aucun contact,
03:20 personne ne nous a demandé ce qu'on faisait là.
03:22 On a eu des personnes qui se sont fait frapper très violemment,
03:25 on s'est fait violemment arracher nos masques Covid.
03:29 Moi j'ai eu la chance avec les autres d'être réunis assez vite dans la salle,
03:32 puisqu'en fait il y en a un qui s'est retrouvé tout seul,
03:34 sans caméra malheureusement,
03:36 et ils l'ont tabassé au sol à plusieurs,
03:40 soit disant pour l'immobiliser.
03:41 En fait quand je l'ai vu dans la salle, il était menotté tout seul,
03:44 il tremblait, il avait du sang sur le nez,
03:48 il commençait à avoir des bleus partout sur le visage,
03:50 que moi je voulais absolument qu'il aille à l'hôpital pour vérifier qu'il n'y ait rien,
03:53 et en plus il avait du mal à respirer, ce qui m'inquiétait encore plus.
03:56 Mais nous évidemment ils l'ont mis tout seul, menotté,
04:00 jusqu'au sang, avec trois flics autour de lui,
04:03 et nous on a été alignés très vite sur le mur,
04:06 et en fait ils ont séparé assez vite les X,
04:08 ceux qui ne voulaient pas donner leur identité pour faire une défense collective,
04:12 et ceux qui avaient de toute façon leur papier,
04:15 et en fait ils ont fait croire évidemment que ceux qui donnaient leur identité allaient être lâchés.
04:20 Mais tout le monde a été arrêté et mis en garde à vue,
04:22 donc de toute façon, même ceux qui avaient donné leur nom
04:25 ont subi les mêmes violences que tout le monde.
04:27 Au début on ne savait pas pourquoi on était arrêté et retenu,
04:30 donc il s'en allait à 20h,
04:32 et jusqu'à 22h on était en fait dans une des salles de l'occupation,
04:38 avant d'être transportés au commissariat,
04:40 et au commissariat ils ont mis encore 2, voire 3,
04:44 voire même 4 heures pour certains, à nous notifier de la garde à vue,
04:48 et à ce moment-là en fait ils nous ont dit qu'on était arrêté
04:50 pour dégradation en bande organisée,
04:52 et dissimulation de visage dans le cadre d'une manifestation.
04:55 La plupart des gens portaient juste des masques FFP2,
04:57 contre le Covid, pour se protéger,
04:59 parce qu'encore aujourd'hui le Covid rend les gens malades et en tue,
05:03 donc beaucoup de gens portaient juste un masque Covid,
05:05 et ils ont quand même été arrêtés pour ça.
05:07 La version de la préfecture qui mentionne de dégradation est complètement fausse,
05:12 c'est-à-dire que matériellement nous, quand les policiers ont débarqué,
05:15 on était en train de grignoter et de faire des coloriages.
05:19 Enfin je veux dire, on nous a présenté comme des individus dangereux,
05:23 cagoulés à un mètre barre de fer,
05:25 enfin on était des étudiants qui discutaient quoi.
05:27 J'ai lu des motifs dans tous les sens,
05:29 j'ai même lu sur le journal que selon le parquet,
05:32 ce serait un groupe d'anarchistes qui hantent par effraction.
05:36 Ils doivent essayer de trouver un motif pour justifier la répression,
05:40 et donc du coup ils inventent n'importe quel motif qui leur tombe sous la main.
05:44 Ils sont arrivés en à peine 20 minutes,
05:47 les gens ont juste eu le temps de manger un bout de fromage
05:49 et de commencer à réfléchir à des ateliers.
05:51 Ensuite on a été finalement embarqués après un long moment,
05:57 je ne saurais pas dire combien de temps, dans le commissariat.
06:02 Et en fait ça en est suivi, donc 24 heures de garde à vue
06:05 qui étaient très compliquées pour toutes les personnes qui étaient présentes.
06:09 On a attendu tellement longtemps, longtemps, longtemps.
06:13 Je ne sais même pas vers quelle heure on est partis,
06:15 mais je crois que ça devait être minuit ou un truc comme ça.
06:17 Et alors là, déjà on a été entassés dans un camion,
06:21 je ne sais pas combien on était, il devait y avoir 5 places assises,
06:24 on devait être 15 ou 10, enfin bref.
06:26 Et c'était un rodéo, c'est-à-dire que les policiers se sont amusés
06:29 à conduire n'importe comment, exprès, pour nous envoyer dans les fenêtres,
06:33 les uns contre les autres, sachant qu'on était menottés deux par deux.
06:36 Vu qu'il y avait 30 personnes qui étaient arrêtées en même temps,
06:38 les policiers n'avaient pas les moyens de garder tout le monde
06:40 dans le même commissariat, donc on était répartis
06:42 dans plusieurs commissariats depuis 93.
06:44 Et puis une fois arrivés au commissariat, alors c'est pareil,
06:46 ça a été des insultes, des coups.
06:49 Ça me faisait bien à repérer ceux qui avaient gardé la lune de main
06:54 ou qui étaient masqués, et donc du coup ils s'en prenaient à eux,
06:56 ils arrachaient leurs masques, ils leur donnaient des gifs,
06:59 il y en a qui ont eu des menaces, ils ont commencé à rouler des muscles.
07:03 Et en fait, ils continuaient de prendre des photos illégalement
07:05 avec leur téléphone portable.
07:07 Moi par exemple, ils ont voulu prendre mes photos de force,
07:10 ce qui est totalement illégal évidemment,
07:11 j'ai refusé parce qu'ils n'avaient pas le droit.
07:14 Et alors là du coup, ils m'ont traîné,
07:17 donc ils ont commencé à me taper, à faire des clés.
07:20 Ils ont fini par se mettre à, je ne sais pas, à trois, cinq,
07:23 dans une salle à côté, un peu plus fermée,
07:27 pour me taper dessus globalement,
07:29 juste parce que je suis incapable de me défendre,
07:30 et donc qu'ils puissent prendre leurs photos.
07:32 Le problème c'est qu'en fait, on ne sait pas où ces images ont fini,
07:35 et il y aurait des personnes qui auraient vu ces photos et vidéos
07:38 dans des groupes WhatsApp.
07:40 Ce qui m'inquiète parce que c'est déjà arrivé
07:42 que des flics balancent des infos confidentielles
07:44 sur des groupes de fascistes.
07:46 Or plusieurs fois, on a entendu blaguer en disant
07:48 "peut-être on va relâcher quelques-uns vers le métro,
07:50 on verra s'ils survivront avec les Zouaves".
07:52 Les Zouaves, c'est un des groupes un peu connus d'ultra-droite sur Paris,
07:58 dont on sait qu'il y a quand même des fortes proximités avec la police.
08:02 Ça, c'était un exemple personnel, mais il y en a eu plein comme ça.
08:06 D'autres personnes se sont fait également tabasser, menacer.
08:10 Certaines se sont fait menacer de viol, par exemple.
08:14 Au moment où j'ai vu le caméra se faire choper
08:17 par plusieurs flics en même temps et étrangler,
08:19 j'ai eu peur et donc j'ai réagi.
08:22 Ils se sont vengés, ils se sont mis à plusieurs,
08:25 ils ont essayé de me démonter l'épaule.
08:26 Après, pour punition, toute la matinée,
08:28 jusqu'à 6h du matin, je suis restée sur le banc menottée.
08:32 Pour me faire culpabiliser, ils ont dit
08:34 "on se viendra de ton comportement,
08:35 t'as pas intérêt à appeler pour viol ou violence conjugale".
08:37 Parce qu'en fait, il faut savoir que quand on arrive dans un commissariat,
08:41 il y a des lois qui existent,
08:42 mais les lois n'existent pas dans le commissariat.
08:44 Dès le début, ce qui a été fait pour les hommes,
08:49 c'est qu'on était tous mis jusqu'à 16 dans une cellule
08:52 qui faisait 2m par 2, sans aération,
08:54 c'est-à-dire que même la trappe qu'ils avaient à faire passer de nourriture
08:57 était refermée de force.
08:58 On est restés toute la nuit et toute la matinée sur le sol,
09:01 ce qui est évidemment illégal, mais bon.
09:03 Je commençais à avoir froid,
09:06 il y en a qui se sont endormis sur les bancs de pierre.
09:09 Ils refusaient de nous donner de l'eau,
09:10 des gens commençaient à faire des malaises,
09:12 des gens qui étaient blessés lors de l'interpellation.
09:14 On n'a pas pu voir de médecin jusqu'à 3h du matin quasiment.
09:18 Il y avait une personne réfugiée avec nous,
09:22 ils se sont tout de suite pris à lui.
09:24 Un flic a ouvert la porte,
09:26 je ne sais pas combien ils étaient,
09:29 ils étaient tous braqués, armés,
09:31 et là il a commencé à le prendre pour cible,
09:34 à le frapper à plusieurs reprises.
09:36 Il a fallu qu'un flic entre-temps,
09:38 qu'il le chope et qu'il dise "calme-toi collègue".
09:41 De toute façon, on n'aurait même pas dû être en garde à vue du tout
09:43 puisque les notifications n'étaient pas faites pour certains,
09:46 et puis d'autres ont été faites vraiment très très tard.
09:51 Je crois que j'ai vu l'OPJ que vers 2h du matin.
09:55 Et en fait c'est moi qui ai dû lui rappeler
09:57 "il faut l'avocat, le médecin".
09:59 Bien sûr, il voyait bien qu'il y avait des gens
10:01 qui ne connaissaient pas bien leurs droits.
10:03 Et du coup on a demandé collectivement la même avocate
10:06 pour qu'elle nous retrouve plus facilement.
10:07 Donc l'avocat, on n'a jamais pu la voir,
10:10 alors que si elle avait été prévenue,
10:12 on est sûr qu'elle serait venue,
10:13 ou au moins qu'elle aurait envoyé une ou un collègue pour la suppléer.
10:19 L'avocate, je ne la voyais toujours pas,
10:20 il me disait qu'elle était en audience,
10:22 qu'elle était en carence, je ne sais pas quoi.
10:24 À chaque fois qu'on demandait, c'était globalement
10:26 "oui, il va arriver", ou alors "non, de toute façon, il ne viendra pas,
10:30 elle n'a pas envie, elle est occupée, de toute façon, elle s'en fiche de vous,
10:33 de toute façon, elle n'a pas le droit de défendre plusieurs personnes,
10:36 ce qui est faux".
10:38 Et pareil, le médecin, en fin de compte,
10:39 le médecin était censé nous examiner pour nous aider,
10:42 mais en fin de compte, il essayait simplement de chercher des informations sur nous.
10:46 Il y a une personne qui était sous X dans ma cellule,
10:49 qui commençait à faire de gros malaises,
10:53 parce que le médecin ne lui avait pas donné son médicament.
10:56 Les pompiers, on fait comme les flics,
10:59 ils lui ont dit "on ne t'emmène pas à l'hôpital si tu ne donnes pas ton identité".
11:02 Sauf que c'est faux, en fait, on peut aller à l'hôpital sans papier,
11:05 ça arrive à des personnes Alzheimer, anesiques,
11:08 et donc ils ont profité de sa fragilité
11:10 pour la forcer à donner son identité.
11:13 Et après, ils ont donné ses infos et des infos confidentielles médicales aux flics,
11:18 alors que c'est totalement interdit.
11:19 Mais en fait, ils sont contre-fous de la loi.
11:22 C'est juste nous qui devons nous former à nos droits pour en fait…
11:25 Enfin, nous et d'autres gens qui en sont régulièrement atteints,
11:30 on doit se former pour ne pas se faire avoir.
11:32 Globalement, la répression policière, j'ai envie de dire,
11:35 en ce moment et pas que en ce moment,
11:37 c'est un outil de terreur des gouvernements
11:43 ou du gouvernement pour calmer les gens qui ne sont pas d'accord avec eux.
11:47 C'est-à-dire qu'il y avait des gens, c'était leur première occupation,
11:51 des gens qui étaient vraiment en début de politisation,
11:55 et qui en fait sont maintenant terrorisés
11:58 parce qu'ils ont subi 24 heures de violence absolue,
12:02 et ils vont avoir beaucoup trop peur pour être présents à nouveau
12:05 dans le mouvement étudiant.
12:07 En subissant une ou deux fois ces violences-là,
12:09 les gens n'osent plus contester les méthodes policières
12:14 et ce que le gouvernement essaie de mettre en place.
12:16 On le voit bien, pour nous étudiants qui voulons protester contre,
12:21 entre autres, la réforme des retraites,
12:24 mais on le voit aussi au quotidien pour des habitants de Saint-Denis par exemple.
12:28 Globalement, c'est vraiment le bras armé d'un État qui veut garder le pouvoir
12:32 et qui ne tolère pas qu'on ne soit pas d'accord avec lui.
12:34 On est en contact avec plusieurs organisations
12:38 de défense des droits de l'homme,
12:40 et des gens envisagent de porter plainte pour ce qui s'est passé,
12:45 et aussi pour les conditions du campus qu'on dorsait
12:48 vis-à-vis ces systèmes de défense.
12:50 Sous-titrage Société Radio-Canada
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