Brigitte Lahaie - Emission du 15 février

  • l’année dernière
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##BRIGITTE_LAHAIE-2023-02-15##
Transcript
00:00:00 Bonjour à tous, nous sommes ensemble durant ces deux heures sur Sud Radio.
00:00:04 Alors on sait aujourd'hui à quel point la famille dans laquelle on grandit aura une
00:00:07 influence considérable sur notre construction future.
00:00:11 Alors moi j'ai beaucoup apprécié un livre que j'ai lu déjà il y a pas mal de temps
00:00:15 qui s'appelait "L'enfance du crime", c'était écrit par Pierre Lassus et il raconte l'enfance
00:00:20 des plus grands dictateurs, des plus grands criminels qui ont sur les mains le sang de
00:00:24 millions de morts.
00:00:25 Alors ce qui est intéressant dans ce livre c'est qu'on voit que tous ces hommes ont
00:00:28 eu des enfances massacrées.
00:00:30 Alors on peut aussi se poser la question comment des parents, surtout aujourd'hui où il y
00:00:35 a quand même une loi qui interdit la fessée, peuvent continuer à être aussi violents,
00:00:40 aussi destructeurs avec leurs enfants.
00:00:42 Et c'est avec Bruno Ponsnard que nous allons essayer de comprendre pourquoi la famille
00:00:46 est si souvent violente et comment peut-être une société pourrait veiller à protéger
00:00:51 ces enfants, puisqu'on sait que les enfants d'aujourd'hui c'est la société de demain.
00:00:55 Et sincèrement j'ai quand même l'impression avec les faits divers que nous abordons sans
00:01:00 cesse dans les médias que ça s'arrange pas vraiment.
00:01:04 Enfin en tout cas si vous avez été meurtri par votre enfance, on peut peut-être vous
00:01:08 aider durant ces deux heures à trouver des pistes pour aller mieux parce que je pense
00:01:12 que tout le monde n'a pas envie de rester dans sa souffrance.
00:01:15 Et bien pour ça vous venez nous rejoindre, vous venez témoigner, vous nous appelez au
00:01:19 0 826 300 300.
00:01:21 Bonjour Bruno Ponsnard, merci d'être avec nous pendant ces deux heures.
00:01:24 Bonjour Brigitte, bonjour à toutes et bonjour à tous.
00:01:30 Alors vous êtes psychanalyste, sexologue, clinicien, je sais que vous travaillez beaucoup
00:01:35 justement sur la violence intrafamiliale et c'est même d'ailleurs vous qui avez eu
00:01:40 envie qu'on aborde ce sujet vraiment et qu'on rentre vraiment dans le cœur du sujet, parce
00:01:45 que je crois que c'est vraiment le cœur du sujet.
00:01:47 On a tous des blessures d'enfance, quel que soit notre milieu familial, on a des blessures
00:01:52 d'enfance d'abord parce qu'on est prématuré et qu'il faut des années pour que l'être
00:01:58 humain se construise.
00:01:59 Donc forcément on n'a pas été compris dans nos émotions, on a ressenti des choses
00:02:04 qui n'étaient pas forcément la réalité d'ailleurs.
00:02:06 Mais il y a quand même des familles plus violentes que d'autres.
00:02:10 Pourquoi ?
00:02:11 En fait l'éducation et la famille c'est là que tout commence en termes d'éducation
00:02:20 et très souvent on apprend à être animateur radio, on apprend à être psy, à être un
00:02:25 bon garagiste, à faire du bon pain, à être un bon boulanger, mais on n'apprend pas à
00:02:29 être parent.
00:02:30 Parent on l'apprend au travers d'un modèle, c'est son père et sa mère en fait.
00:02:36 Et c'est nos parents qui vont nous éduquer, on dit élever un enfant, nous transmettre
00:02:41 des valeurs et très souvent dans les valeurs qu'on transmet, on transmet aussi beaucoup
00:02:45 de croyances, où on pense qu'éduquer un enfant c'est lui mettre une fessier pour
00:02:50 lui faire entendre aux raisons, où on pense qu'un enfant doit se rabaisser ou se soumettre
00:02:56 face à l'adulte.
00:02:57 Alors je ne suis pas en train de dire qu'il faut le laisser libre et faire n'importe
00:03:00 quoi, mais peut-être qu'entre les deux, entre l'enfant roi qui est tout puissant et à qui
00:03:06 on laisse tout faire et l'enfant qu'on va en permanence frapper ou interdire, il y a
00:03:13 peut-être un juste milieu à avoir tout simplement.
00:03:15 Alors il faudrait quoi, donner des cours d'éducation à la parentalité quand les
00:03:23 gens attendent un enfant par exemple ?
00:03:25 Oui, alors effectivement on peut déjà sensibiliser les parents sur le fait que qu'est-ce que
00:03:31 c'est qu'élever un enfant, qu'est-ce que c'est que poser un cadre, est-ce qu'il
00:03:36 est nécessaire d'en arriver à des violences, aujourd'hui on parle beaucoup de VEO, ce
00:03:40 qu'on appelle les violences éducatives ordinaires, et Brigitte vous parliez à juste titre de
00:03:44 cette fameuse loi FEC, on n'est pas obligé de contraindre un enfant physiquement ou de
00:03:51 le rabaisser psychiquement et de lui dire qu'il est nul et bon en rien, pour le cadrer
00:03:56 et pour de temps en temps le remettre aussi à sa place d'enfant.
00:03:59 L'enfant il a besoin de repères et ces repères, il faut qu'ils soient dans un juste équilibre
00:04:05 entre ce qu'on l'oblige à faire parce que vivre en société c'est aussi accepter
00:04:09 certaines contraintes, certaines obligations, sans être dans une forme de maltraitance
00:04:15 pas forcément physique, elle peut être psychique, il y a des enfants qui sont éduqués, qui
00:04:19 entendent pendant toute leur enfance qu'ils sont nuls, qu'ils n'y arriveront jamais,
00:04:25 qu'ils sont bons en rien, donc on induit quelque chose là déjà, c'est déjà une
00:04:29 forme de rabaissement qui est assez inutile en fait, et pour le parent et pour l'enfant.
00:04:35 Alors Bruno Ponsner, moi j'écoute depuis déjà pas mal d'années les auditeurs et
00:04:41 j'entends beaucoup d'auditeurs qui sont en effet assez démolis par une enfance maltraitante
00:04:48 et qui pourtant semblent, encore une fois ce n'est que ce que j'entends, mais j'ai
00:04:51 tendance à les croire parce qu'on sent beaucoup de sincérité dans leurs propos,
00:04:56 ont l'air d'avoir été de très bons parents, donc on voit bien qu'il n'y a pas une fatalité,
00:05:00 c'est pas parce qu'on a été soi-même maltraité qu'on devient maltraitant, mais
00:05:04 en même temps j'imagine que ceux qui sont maltraitants ne viennent pas témoigner, donc
00:05:09 on peut imaginer que ça se répercute de génération en génération non ?
00:05:14 Alors ça se répercute de génération en génération et ça se pérennise dans le
00:05:18 temps, effectivement vous avez raison, vous dites que c'est de génération en génération,
00:05:22 et ça se pérennise dans le temps quand les parents n'en ont pas conscience ou quand
00:05:25 il n'y a pas une volonté de changer.
00:05:27 Il y a des parents qui pensent que donner la fessier c'est toujours bon, on entend
00:05:30 encore aujourd'hui les gens qui vous disent "oh ça fait pas de mal, ça fait circuler
00:05:34 le sang, s'il pleure il pissera moins le soir", toutes ces bêtises qu'on peut entendre
00:05:40 qui viennent justifier l'injustifiable, et donc quand le parent est sûr de son bon
00:05:46 droit j'allais dire, et qu'il n'y a pas de remise en question, effectivement on va
00:05:50 avoir plutôt tendance à répéter puisqu'on pense que c'est la bonne solution.
00:05:53 Les familles où ça change, et c'est vrai qu'il y a plein d'auditeurs qui vous disent
00:05:56 "voilà moi j'ai vécu ça, ça, ça, et je ne voulais pas ou je me suis interdit à
00:06:00 refaire pareil", c'est des gens qui ont, je m'excuse pour les autres, mais je pense
00:06:05 que c'est des gens qui ont l'humanité en eux, et qui ont conscience qu'éduquer
00:06:09 un enfant c'est de l'ordre de la transmission en fait.
00:06:14 Si on a conscience qu'on est là pour transmettre à l'enfant, je pense qu'effectivement
00:06:19 on est en capacité de changer, y compris sa propre façon de penser.
00:06:22 C'est ce que moi j'appelle le doute, je pense que le doute, il est important de douter,
00:06:30 non pas pour s'empêcher de faire, mais pour remettre en question peut-être certaines
00:06:33 choses qu'on a comprises, qu'on a apprises, et pour les faire différemment, et peut-être
00:06:38 mieux encore.
00:06:39 Et les parents qui sont bienveillants, en fait quand ils élèvent leur enfant, ils
00:06:45 essaient de les aider à faire encore mieux que ce que moi j'ai fait en fait.
00:06:48 Un bon parent c'est celui qui permet à l'enfant de faire encore mieux que ce que
00:06:51 moi j'ai fait, et c'est ça la transmission.
00:06:54 Est-ce qu'on pourrait dire que chez certains parents qui justement ont été maltraités,
00:07:04 être très bon parent c'est un peu se réparer soi-même ?
00:07:06 Bien sûr, complètement.
00:07:08 Alors là, je sous-suis à 100% effectivement, on ne se répare pas.
00:07:14 Parce que quand on est maltraité, quand on subit des violences, on pourrait parler
00:07:19 d'autres violences plus graves, comme l'inceste, on parle souvent de réparation, on ne se
00:07:23 répare pas.
00:07:24 On vit avec ce qui est vécu, de traumatisant, de douloureux.
00:07:29 Par contre, on se répare en faisant différemment avec ses propres enfants, c'est ça qui
00:07:35 est important, le changement il est là en fait.
00:07:38 C'est quand j'arrive à faire ce que mes parents n'ont pas su faire avec moi, que
00:07:42 je suis dans un processus de réparation et de changement en fait.
00:07:47 Alors on va évidemment donner la parole aux auditeurs dans un instant.
00:07:53 Juste avant, je voulais peut-être revenir aussi sur les différentes violences que peuvent
00:07:59 subir les enfants et même les ados d'ailleurs.
00:08:01 On sait qu'il y a des violences qui paraissent plus graves que d'autres.
00:08:06 Et en même temps, j'aurais envie pour ouvrir le débat et laisser à chacun la possibilité
00:08:10 de témoigner avec sa sensibilité et sa souffrance.
00:08:14 Au fond, ça va dépendre des individus.
00:08:16 C'est-à-dire qu'il y a parfois des enfants qui ont subi juste, je dis juste entre guillemets
00:08:21 bien sûr, juste de la maltraitance par la parole et qui pourtant vont être plus blessés
00:08:26 que quelqu'un qui aura peut-être été battu ou voire même violenté sexuellement.
00:08:32 Vous êtes d'accord aussi avec ça ? Je crois que c'est important de le rappeler.
00:08:35 Au fond, c'est ce qu'on ressent soi qui compte.
00:08:38 Voilà, après c'est comment sont vécues les choses.
00:08:40 Si vous voulez, dans le milieu de la maltraitance, on a ce qu'on appelle les violences éducatives
00:08:46 ordinaires.
00:08:47 C'est la punition où on prie l'enfant de repas en l'envoyant se toucher, c'est la fessée,
00:08:54 c'est les rabaissements en disant qu'il est nu, qu'il est bon ou rien.
00:08:56 On appelle ça les violences éducatives ordinaires.
00:08:59 Et on est nombreux à les avoir pratiquées, y compris moi en tant que parent, parce que
00:09:04 peut-être pas assez conscients de l'impact que ça pouvait avoir sur l'enfant.
00:09:08 Ensuite, on a les violences intrafamiliales dont on parle beaucoup, on retrouve notamment
00:09:13 les féminicides, mais pas seulement.
00:09:14 Aujourd'hui, par exemple, l'enfant est reconnu comme une co-victime.
00:09:17 Quand une maman est maltraitée par son conjoint, l'enfant est considéré aujourd'hui, légalement
00:09:21 et juridiquement, comme une co-victime.
00:09:23 Avant, l'enfant c'était un spectateur, c'est un témoin.
00:09:26 Comme si l'enfant ne ressentait rien ou n'était pas impacté par les violences infligées
00:09:31 à sa maman par son papa.
00:09:33 Et ensuite, on a plein d'autres formes de maltraitance, et là ça sort du cadre familial,
00:09:38 on peut avoir le harcèlement scolaire, on peut avoir le harcèlement scolaire sur les
00:09:44 réseaux sociaux, puisqu'aujourd'hui, dans les phénomènes de harcèlement chez les enfants
00:09:48 et les ados, 80% des phénomènes de harcèlement ont lieu sur les réseaux sociaux.
00:09:52 Et après, on a toutes les violences sexuelles qu'on peut connaître, soit entre enfants
00:09:56 ou entre adolescents, mais aussi certains prédateurs qui vont sur les réseaux sociaux
00:10:01 de façon insidieuse, se font passer pour un enfant de 14 ans, et en fait, on parle là
00:10:06 de pédophilie.
00:10:07 Il y a beaucoup de formes de violences, je pourrais vous en donner encore plein d'autres,
00:10:12 mais là je vous ai donné un petit peu un canevas de ces violences-là.
00:10:15 Et ce qui est vrai, c'est que par rapport à un fait, certaines personnes vont le vivre
00:10:20 de façon très traumatisante, et vont porter ça comme un fardeau toute leur vie, et d'autres
00:10:27 personnes qui arrivent, malgré la gravité de la violence subie, je ne tiendrai pas à
00:10:33 oublier, mais à faire avec.
00:10:35 Et finalement, ils ne fonctionnent pas si mal que ça par rapport à la gravité.
00:10:39 Donc, il y a à la fois la gradation de l'acte et sa gravité, mais aussi, psychologiquement,
00:10:45 est-ce que je suis plus ou moins solide, ou en tout cas plus ou moins en plein à supporter
00:10:49 ce qui pourrait paraître à d'autres insupportable.
00:10:51 Je vais vous donner un exemple d'une patiente que j'ai eue qui avait été séquestrée
00:10:56 15 jours, elle était victime d'une tournante, donc on parle là de 12 ou 13 garçons qui
00:11:02 l'ont violée pendant…
00:11:03 Eh bien, cette fille que j'ai eu la chance de voir, c'est vraiment une chance, c'est
00:11:07 vraiment une belle histoire pour moi, au niveau de sa sexualité, il n'y avait pas beaucoup
00:11:12 de traumatisme, elle a réussi à se construire séctionnement, elle est venue pour d'autres
00:11:17 choses, et notamment sa question existentielle c'est "est-ce que je vais arriver à être
00:11:20 une bonne mère parce que j'ai été abîmée ?"
00:11:22 Donc, la sphère sexuelle et sa relation à l'homme, ça ne dysfonctionnait pas, alors
00:11:28 qu'on aurait pu croire qu'effectivement l'homme était devenu le danger, et en fait
00:11:34 elle est venue pour savoir "est-ce que j'arriverais à être une bonne maman avec ce que j'ai
00:11:37 vécu ?"
00:11:38 Donc voyez que l'impact selon…
00:11:39 Il y a des gens qui ont entendu leur maman jouir une nuit et qui pensent que maman avait
00:11:43 mal parce qu'elle jouissait, vous voyez ?
00:11:45 Donc il y a à la fois le fait et à la fois comment ce fait est vécu, et ça, ça dépend
00:11:51 de qui on est et de comment on vit les choses.
00:11:54 - Et c'est important de le dire parce que sinon on a tendance, parce qu'on entend
00:11:57 quelque chose et on se dit "oh là là, moi aussi j'ai vécu ça et donc je suis massacrée",
00:12:00 c'est vraiment important de revenir à ce qu'on ressent.
00:12:02 - Oui, souvent on projette notre histoire.
00:12:03 Vous avez raison Brigitte, souvent on est dans la projection de notre histoire et on
00:12:07 a du mal à entendre les autres en minimisant ou en…
00:12:10 Et ce qui est important c'est d'entendre notamment là, puisqu'on parle des enfants
00:12:13 maltraités, ce qu'il faut entendre c'est la souffrance.
00:12:16 Même parfois on me dit "oui mais il ment un peu, il raconte un peu des histoires, des
00:12:22 sornettes", en tout cas ça signe une souffrance, ça c'est certain.
00:12:26 - Eh bien on en parle dans un instant avec Céline qui nous a rejoint mais bien sûr
00:12:30 je vous invite et vous aussi à venir parler.
00:12:32 0826 300 300, on vous attend sur Sud Radio.
00:12:36 Nous évoquons aujourd'hui les violences intrafamiliales en compagnie de Bruno Ponsnard,
00:12:41 psychanalyste, sexologue, clinicien et on va commencer avec Céline qui va nous raconter
00:12:47 justement son enfance.
00:12:49 Bonjour Céline.
00:12:50 - Bonjour Brigitte, bonjour Bruno.
00:12:52 - Bonjour Céline.
00:12:53 - Alors qu'est-ce que vous avez envie de dire en premier Céline ?
00:12:57 - Alors ce que j'ai envie de dire en premier c'est que pour ma part j'ai vécu donc
00:13:05 une violence bien particulière intrafamiliale dont je mets le nom l'inceste, voilà, de
00:13:11 la part de mon beau-père.
00:13:12 Et donc j'ai vécu, je vais dire quelques années puisque j'ai un certain âge, j'ai
00:13:24 vécu quelques années à rechercher, puisque j'étais persuadée que ma mère était
00:13:30 au courant et j'ai recherché la reconnaissance dans les yeux de ma mère et une sorte d'amour
00:13:42 de sa part.
00:13:44 Et au bout d'un certain temps qui a été quand même assez long puisque plein de choses
00:13:52 se sont passées, je devais avoir une dizaine d'années et disons que je me suis réveillée
00:13:57 à l'âge de 40 et quelques années en me disant que rien n'avait de vraie valeur
00:14:06 à ses yeux finalement puisque je sentais bien que je n'étais pas reconnue et que
00:14:10 quoi que je fasse c'était toujours mal, noir, le tableau était noir.
00:14:17 Et donc j'ai mis des mots sur ce que j'ai osé dire et parler de ce que j'avais vécu
00:14:26 donc toujours à l'intérieur de la famille.
00:14:28 Donc toujours avec maman ça ?
00:14:30 Pardon ?
00:14:31 C'était avec maman ?
00:14:34 Oui, j'en ai parlé à mes frères, à mes sœurs, à ma mère ouvertement, on a eu une
00:14:42 forte discussion.
00:14:43 Elle n'a pas voulu reconnaître, elle n'a pas reconnu les choses, elle était dans la
00:14:48 négation tout le temps.
00:14:49 J'en ai parlé à mes sœurs et à mes frères et là c'est pareil, j'ai eu une levée
00:14:56 de bouclier en me disant que oui, il s'était passé quand même quelques années, qu'il
00:15:02 allait ne plus penser à ça, continuer à avancer.
00:15:07 Et moi j'avais besoin de mettre des mots, peut-être pas reconnus, mais mettre des mots
00:15:14 sur ce que j'avais vécu.
00:15:16 Et je veux dire, je l'ai fait de façon naturelle, puisque entre temps on prend plus de maturité
00:15:23 et d'assurance.
00:15:24 Et je l'ai dit, je vais dire comme je raconte une histoire banale, normale quoi.
00:15:33 Et je veux dire, ça a d'autant plus choqué et je ne me suis plus mise du côté de la
00:15:39 victime.
00:15:40 À ce moment-là, je me suis dit en fait c'est toi la victime, c'était pas moi finalement,
00:15:51 j'étais pas responsable de ce qui m'était arrivé et j'étais pas responsable.
00:15:55 - Attendez, Céline, pour bien comprendre, le fait que votre mère et votre famille ne
00:16:02 reconnaissaient pas la réalité, vous aviez l'impression que vous aviez une part de culpabilité,
00:16:08 c'est ça ?
00:16:09 - Je l'ai porté, même après avoir parlé, je l'ai porté et je veux dire à un certain
00:16:16 moment de ma vie actuellement, pourtant le temps avance, oui, dans ma façon d'être,
00:16:26 je sens bien.
00:16:27 - C'est important ce que je vous demande, Céline, parce que ça peut vraiment aider
00:16:32 ceux qui nous écoutent.
00:16:33 Est-ce que si votre maman avait reconnu le mal que vous a fait son compagnon, puisque
00:16:40 c'est votre beau-père, ça vous aurait aidé à vous libérer de cette culpabilité ?
00:16:47 - Tout à fait, oui.
00:16:48 - Oui, mais c'est ça, il me semble, l'intérêt de votre témoignage, non, Bruno Poncelat ?
00:16:53 - Oui, on parle beaucoup en ce moment de la libération de la parole et c'est pas un vain
00:16:57 mot parce que d'abord ça permet de ne pas s'effondrer, ça permet de ne pas garder les
00:17:02 choses à l'intérieur de soi et ça permet de donner une réalité à des choses qui sont
00:17:07 ressenties par rapport à des événements réels que vous avez subis avec ce beau-père
00:17:12 incestueux, mais ça vous permet aussi de redevenir actrice de quelque chose, de ne plus subir.
00:17:18 Alors c'est vrai que dans votre témoignage qui est touchant et on l'entend très souvent,
00:17:22 pour l'entourage, c'est inaudible, on peut pas l'entendre parce que d'abord ça voudrait
00:17:28 dire que si on l'entendait, on aurait peut-être pu faire quelque chose, donc il y a aussi
00:17:33 des fois des proches de la famille qui vous font taire parce qu'ils ont pas vu et que
00:17:39 reconnaître ce qui vous est arrivé, ça serait reconnaître qu'à un moment donné, ils
00:17:43 ont pas été là.
00:17:44 Et puis après, il y a tout cet équilibre familial qui est quelque chose de fragile,
00:17:49 vous m'avez dit, vos frères et sœurs aussi vous ont demandé de vous taire et de passer
00:17:55 à autre chose, c'est ça ?
00:17:56 - Oui.
00:17:57 - Est-ce que votre mère justement est toujours avec cet homme ?
00:18:01 - Non, depuis il est décédé, donc non, mais elle le défend.
00:18:06 - Elle le défend toujours ?
00:18:08 - Oui, voilà, alors moi c'est vrai que par la suite, longtemps après ne pas avoir été
00:18:17 reconnue dans ces faits-là, je me suis dit que finalement de ce côté-là, rien n'était
00:18:24 possible et j'ai préféré pour ma part, après peut-être c'est mon caractère, etc.,
00:18:32 mais pour ma part, j'ai préféré couper court avec ma propre mère et quasi avec la
00:18:42 totalité de mes frères et sœurs.
00:18:43 - Je crois que vous avez bien fait parce que c'était pas de ce côté-là que vous pouviez
00:18:48 avoir du soutien et je crois, enfin Bruno Ponsnard va nous le dire dans un instant,
00:18:54 mais je crois que dans ces histoires-là, à un moment donné, on a quand même besoin
00:18:58 d'un pilier, d'un soutien pour avancer.
00:19:00 Céline, restez avec nous, on va vous retrouver dans un instant et puis on va continuer à
00:19:05 avancer déjà avec vous et puis on retrouvera également Philippe Hoffmann qui va parler
00:19:09 de la masturbation chez les ados, ça va vous parler Bruno Ponsnard puisque vous êtes également
00:19:14 auteur d'un livre sur la masturbation.
00:19:15 On fait une toute petite pause, on retrouve Céline tout de suite.
00:19:18 - Nous sommes avec Bruno Ponsnard, nous évoquons aujourd'hui les violences intra-familiales.
00:19:24 Vous êtes sexologue, clinicien, psychanalyste et vous vous occupez beaucoup de ces sujets
00:19:29 difficiles, délicats.
00:19:31 Bruno Ponsnard, je trouve que le témoignage de Céline pour commencer est intéressant
00:19:36 parce qu'il montre bien toute la structure familiale finalement qui fait bloc presque
00:19:43 contre la victime.
00:19:44 - Oui, c'est vrai qu'au-delà du fait qui est déjà une première inoubliée qui est
00:19:55 vécue, après il y a plein de choses qui empêchent l'enfant de parler.
00:20:00 Il y a d'abord l'auteur des faits, les faits ont en eux-mêmes l'auteur des faits.
00:20:05 Après, il y a la culpabilité et très souvent on se rend compte que l'entourage n'est pas
00:20:10 prêt à entendre et que très souvent c'est plus facile de faire taire.
00:20:14 C'est le cas pour Céline, de faire taire la victime que d'assumer, si tant est qu'on
00:20:20 devait assumer parce que les gens qui sont autour n'ont rien à assumer en fait.
00:20:24 Mais pour eux c'est difficilement odie parce que ça remet en question leur équilibre
00:20:28 familial, leur perception du papa parce que là on entend bien qu'il y a toute la fratrie
00:20:32 qui dit à Céline "tais-toi" en fait, c'est ça qui donne l'idée.
00:20:36 Et Céline elle a fait ce que beaucoup font quand ils n'ont pas d'autre choix, c'est
00:20:42 couper le lien.
00:20:43 Alors moi je ne suis pas là pour vous dire si c'est bien d'avoir coupé ou pas, mais
00:20:46 en tout cas c'est nécessaire pour vous et c'est ça qui est important.
00:20:49 Vous avez compris qu'à un moment donné, cet éloignement et cette distance que je prends
00:20:53 avec mes proches, ce n'est pas parce que je ne les aime pas, c'est parce que c'est
00:20:58 une question de survie aussi, c'est une question de pouvoir vivre sans le regard des autres
00:21:04 qui me renvoient une forme de désapprobation en fait.
00:21:07 Comme si vous étiez comptable ou responsable de ce qui se passe.
00:21:11 Mais Céline, couper le lien on le comprend tout à fait puisque de toute façon ce que
00:21:16 vous en attendiez vous ne l'avez pas.
00:21:18 Mais est-ce que quelque part vous êtes encore dans une sorte comme ça d'espoir qu'à
00:21:24 un moment ou à un autre vous pourriez l'avoir ou est-ce que vous y avez vraiment renoncé ?
00:21:27 Je pense que déjà une moment on n'en a qu'une.
00:21:33 C'est sûr que moi-même je suis maman.
00:21:36 Donc la décision qui a été prise, comme je l'ai dit c'est une question de caractère
00:21:44 aussi, elle a été très complexe puisque j'ai mis des années à me dire voilà je
00:21:52 vais couper le lien.
00:21:53 Donc c'est très difficile parce qu'on se retrouve tout seul finalement.
00:21:57 Parce que je veux dire quand on est jeune, quand on part dans sa vie d'adulte, moi en
00:22:02 l'occurrence j'ai trois enfants, on a envie de faire les anniversaires, les Noëls,
00:22:08 les fêtes de famille, on a envie de tous se rassembler avec les cousins, les femmes
00:22:14 et même quand ils sont bébés, petits.
00:22:16 Et je veux dire on se retrouve un peu seul.
00:22:20 Et à ce moment-là je me suis dit, puisque on ne t'a pas laissé d'autre choix que
00:22:28 celui-là, et bien toi tu vas insuffler autre chose, tu vas casser en quelque sorte ce
00:22:35 moule qui ne te plaît pas, c'est ce que je me suis dit, ce moule qui ne te plaît
00:22:39 pas et ta famille, tes enfants, ton conjoint, tu vas les porter et tu vas insuffler autre
00:22:48 chose, du bonheur, de la compréhension, finalement tout ce qui me manquait, toute la reconnaissance.
00:22:58 Et ce n'est pas un remplacement, c'est juste, parce que souvent on dit, quand on
00:23:04 a été malheureux, au contraire avec ses enfants, soit on reproduit, soit on fait
00:23:09 mieux et on leur donne.
00:23:11 Non, je suis restée dans une éducation "classique", mais je voulais absolument
00:23:21 casser ce moule de cette famille où finalement le silence, la prise de non-parole était
00:23:30 là et les secrets de famille, et moi ce n'était pas ce que je voulais pour ma "propre"
00:23:36 famille.
00:23:37 - Je vais vous poser une question indiscrète, vous vous êtes fait accompagner par un psy
00:23:43 ou par ?
00:23:44 - Et bien non, pas du tout, c'est pour ça que ça a été très long.
00:23:50 - Alors un grand bravo !
00:23:51 - Oui, j'ai passé des moments où je ne comprenais pas.
00:23:56 - Je vous dis un grand bravo parce que vous avez fait, en fait, on parle beaucoup de la
00:24:00 résilience, vous êtes quelqu'un de résilient et vous avez compris que se réparer, ce n'est
00:24:05 pas se réparer soi-même, c'est on se répare en faisant différemment avec les siens, avec
00:24:10 ses enfants, ses propres enfants.
00:24:11 On fait comme on peut, on tient compte effectivement, tout ce qui est le milieu familial, les frères,
00:24:19 les soeurs, vous ne le maîtrisez pas.
00:24:21 Par contre, vous n'avez pas perdu de vue que pour pouvoir vous réparer vous-même,
00:24:26 c'était en transmettant autre chose que ce que vous, vous avez subi en fait.
00:24:30 Et c'est pour ça que je vous posais la question parce que c'est tout ce qu'on fait quand on
00:24:33 est dans la thérapie d'accompagnement, c'est de permettre aux gens de porter un regard
00:24:37 différent, non pas sur ce qui s'est passé en arrière, mais ce qu'est-ce qui va se passer
00:24:41 demain et en quoi moi je suis actrice de ça.
00:24:44 Donc un grand, grand bravo pour votre témoignage, un grand merci, vraiment.
00:24:48 Et justement Céline, votre témoignage que vous avez eu envie de nous offrir aujourd'hui
00:24:53 sur Sud Radio pour tous ceux qui nous écoutent, qu'est-ce que vous diriez à ceux qui nous
00:24:59 écoutent, qui vous écoutent Céline ? Quel est le message que vous avez envie de transmettre
00:25:04 parce que je pense qu'il y a aussi quelque chose dans votre envie de témoigner qui est
00:25:07 de cet ordre-là ?
00:25:08 Et bien moi je pense qu'il faut, au départ on culpabilise, certes.
00:25:15 Comme disait Bruno, c'est un grand travail qui prend du temps, mais je veux dire, le
00:25:21 dire avec des paroles simples et comprises de tout le monde, pour moi ça a été la meilleure
00:25:30 thérapie de ne pas noircir, de ne pas porter ce poids comme si c'était quelque chose que
00:25:40 je ne pouvais pas porter.
00:25:41 Au contraire, je...
00:25:45 Vous êtes consciente que vous portez un fardeau et vous ne faites pas comme si tout allait
00:25:52 bien, c'est ça ?
00:25:53 Et bien je porte ce fardeau, mais en fait je...
00:25:57 Mais ça va bien, oui, je comprends bien.
00:25:59 Oui, voilà, que la vie soit le plus légère.
00:26:01 Je trouve des bonheurs, il y a des bonheurs partout dans la vie qui nous entourent, tous
00:26:05 les jours de notre vie, avec nos proches, avec nos enfants, mes petits-enfants, quand
00:26:12 on rencontre des gens qui sont très gentils, avec qui on peut discuter, tous les jours
00:26:16 il y a des petits bonheurs dans la vie.
00:26:18 Et en fait, oui, j'ai reconstruit cette façon-là en fait.
00:26:23 Vous restez dans l'amour de l'autre et de vous-même, surtout.
00:26:28 Merci beaucoup Céline, je crois, je suppose que vous l'avez fait, je crois qu'à un moment
00:26:34 ou à un autre, ce sera bien aussi d'en parler à vos enfants, parce que ça évitera justement
00:26:39 les secrets de famille.
00:26:40 Je l'ai fait, Brigitte.
00:26:41 Bravo.
00:26:42 Bah écoutez, mille fois bravo, Bruno Ponsnard, on n'a plus rien à dire.
00:26:46 Un grand, grand bravo et puis superbe témoignage, vraiment, merci Céline.
00:26:51 C'est moi qui vous remercie.
00:26:54 C'est grâce à ce genre de témoignage, Céline, vous savez qu'on est heureux, Bruno Ponsnard
00:26:58 et moi, de faire ce genre d'émissions qui ne sont pas toujours faciles à mener, mais
00:27:02 c'est grâce à ce témoignage.
00:27:04 Oui, d'autant que parmi tous les gens qui nous écoutent, ça va parler à quelqu'un,
00:27:10 ça ne va pas donner des solutions, parce que chacun a la solution en soi par rapport
00:27:13 à sa propre histoire, mais vous savez, des fois on rencontre quelqu'un, 10 minutes,
00:27:19 qui change votre vie et votre témoignage, il va changer la vie de quelqu'un, j'en
00:27:22 suis certain, vraiment.
00:27:23 Merci Céline.
00:27:24 Et des gens se seraient rasés en tout cas.
00:27:27 On vous embrasse.
00:27:28 Chapeau.
00:27:29 Ouais.
00:27:30 Alors Bruno Ponsnard, vous êtes l'auteur de ce livre "La masturbation, si on en parlait
00:27:34 aux éditions de la Musardine", le titre de toute façon, il a été assez compliqué,
00:27:39 le livre, il n'y a pas tant de gens qui l'ont acheté, ça reste un tabou la masturbation,
00:27:43 n'est-ce pas Philippe Hoffmann ? Bonjour.
00:27:45 Oui, alors justement, j'ai voulu rebondir un petit peu avec votre livre.
00:27:50 Bonjour Brigitte et bonjour Bruno, parce que je voulais vous parler de la masturbation
00:27:57 pour les adolescents surtout, puisque c'est vraiment à ce moment-là que les choses deviennent
00:28:03 très très très intenses.
00:28:04 Alors je vous rassure, je ne fais pas cette chronique pour tous les déçus de la Saint-Valentin
00:28:10 qui se voient obligés de se satisfaire en solo, mais comme d'habitude, on va parler
00:28:16 des ados et vraiment, on sait très bien que c'est la période de découverte de la sexualité
00:28:21 et puis que ça passe par l'exploration du corps qui change et surtout de ses parties
00:28:26 génitales.
00:28:27 Alors, excusez-moi Philippe, vous avez l'habitude, je vous coupe toujours.
00:28:33 On sait à partir de quel âge les ados, garçons ou filles, parce que je pense que ce n'est
00:28:38 peut-être pas tout à fait le même âge, commencent à se masturber ?
00:28:40 Oui, alors pour les garçons, en fait, c'est quand leurs zizis commencent à pousser, à
00:28:46 être éminents, beaucoup plus gros, avec des érections qui parfois les surprennent
00:28:52 même la nuit et donc ils commencent entre 12, 13, 14 ans.
00:28:55 C'est un petit peu une fourchette comme ça.
00:28:57 Les filles, c'est plus compliqué parce que ça passe par le clitoris, cette excitation
00:29:03 dans un premier temps, et le clitoris, ce n'est pas aussi apparent, ce n'est pas aussi
00:29:09 évident.
00:29:10 D'ailleurs, il y a beaucoup de jeunes filles de 14 ans, au moment de l'éducation sexuelle
00:29:16 en quatrième, qui ne savent pas où est leur clitoris.
00:29:20 Enormément encore, après 50 ans de révolution sexuelle.
00:29:26 Et donc, pour les filles, c'est plutôt après 16 ans, l'exercice de la masturbation.
00:29:32 Donc, il y a un décalage comme ça, alors que pour les garçons, c'est évident et peut-être
00:29:38 culturellement c'est très répandu.
00:29:40 Et pour les filles, c'est très différent.
00:29:42 Alors, c'est sûr que dans toutes les sociétés, on a toujours condamné la masturbation, ça
00:29:51 se fait encore aujourd'hui.
00:29:52 Ça a même été condamné par la médecine en diabolisant, ça rend des idiots sourds,
00:29:57 enfin je ne sais quoi.
00:29:59 Et en fait, c'était surtout pour, et c'est surtout pour contrôler l'excitation sexuelle
00:30:03 des jeunes qui pourraient menacer l'ordre établi.
00:30:06 Donc, c'est un processus de castration symbolique sociale qui rappelle aux ados que pour être
00:30:14 une femme ou un homme, il faut être digne et savoir se retenir.
00:30:18 Et au-delà de cette castration sociale, pour nous les psys, il y a une castration psychique
00:30:24 aussi.
00:30:25 Parce que les ados, comme ils deviennent des hommes et des femmes, ils ont des petits fantasmes
00:30:31 oedipiens qui rappellent leur enfance, où maintenant, ils pourraient carrément avoir
00:30:35 du désir sexuel vraiment pour leur papa ou leur maman et passer à l'acte.
00:30:40 Donc ça, ça les culpabilise un peu, c'est inconscient.
00:30:43 Et ce qui fait que ça participe aussi au fait que la masturbation, c'est bien agréable,
00:30:49 mais ça n'est pas si simple que ça, et ça peut produire aussi des angoisses.
00:30:52 Donc, comme je le disais, pour le garçon, c'est plus simple que pour les filles.
00:30:58 En plus, comme ça devient presque mécanique avec un débordement de testostérone, ils
00:31:04 se tripotent sans arrêt.
00:31:05 Pour certains, ça devient un vrai tic.
00:31:08 Ils le font partout.
00:31:09 Ils garderont même la main dessus, comme pour vérifier que leur pénis est toujours
00:31:13 là.
00:31:14 Il y en a qui se masturbent sans arrêt pendant une période de 6 à 10 fois par jour.
00:31:19 Alors on dit que ça devient compulsif, mais ça devient vraiment compulsif si ça dure
00:31:23 dans le temps.
00:31:24 En général, ça passe avec la première rencontre amoureuse.
00:31:28 Donc ça ne présage pas d'un problème grave psychologique futur.
00:31:32 Mais il y a aussi des garçons qui se masturbent entre eux quand ils font des concours.
00:31:38 C'est un petit peu une forme de relation homosexuelle soft qui permet de découvrir
00:31:45 et de partager leurs désirs.
00:31:46 Pour les filles, c'est différent.
00:31:49 Comme je le disais, le plaisir sexuel pour les filles dans le monde entier, c'est très
00:31:53 verrouillé.
00:31:54 Au Soudan et en Égypte, il y a plus de 80% des filles qui sont excisés encore aujourd'hui.
00:31:59 C'est une mutilation barbare qui est pratiquée par les femmes pour faire de leurs filles
00:32:03 des épouses fidèles qui n'auront pas de ressenti de plaisir.
00:32:07 En fait, ce n'est pas toujours vrai, puisqu'il peut y avoir du plaisir ailleurs, mais malgré
00:32:13 tout, c'est quand même terrible.
00:32:15 Et on voit bien qu'avec cette idée-là, la masturbation féminine s'est associée
00:32:20 à la souillure parce que ça touche une partie obscure qui est jugée sale, où s'écoulent
00:32:25 tous les flux, l'urine, le sang, les règles, les extrêmements.
00:32:28 On ne doit pas y toucher et encore moins jouer avec.
00:32:31 Ça explique peut-être pourquoi il y a 50% des filles encore aujourd'hui, malgré toutes
00:32:36 les révolutions sexuelles, qui ne se masturbent pas, et même après 16 ans.
00:32:40 Physiologiquement, pour les filles, c'est moins évident que pour les garçons, comme
00:32:47 je l'ai dit, et la libération hormonale est peut-être moins excitante, mais ça n'explique
00:32:52 pas tout.
00:32:53 Mais heureusement, les mœurs évoluent, et puis avec les réseaux sociaux, les sex-toy,
00:32:57 les films, ça commence à changer.
00:33:00 Pourtant, pour les deux sexes, c'est vraiment formidable cette découverte du plaisir et
00:33:07 de l'orgasme en solo, parce que c'est une étape très importante de leur développement.
00:33:11 Ils découvrent seuls, dans un secret qui est indispensable, l'intimité de leur corps.
00:33:17 Ils développent leur fonction sexuelle, ils apprivoisent leur plaisir, ils sauront mieux
00:33:20 attendre même pour jouer avec leur partenaire.
00:33:23 Et après une période où les images qui les excitaient sont crues, morcelées, vous savez,
00:33:29 un sein, un vagin, une main, un morceau de corps, comme dans les films porno, ça va
00:33:35 devenir plus sophistiqué grâce à la rencontre avec l'autre.
00:33:40 Et donc, ça va apaiser leurs tensions internes, autant physiques que psychiques, et ils vont
00:33:45 se sentir devenir des hommes et des femmes à part entière, petit à petit.
00:33:48 Et puis après, ce jeu va s'estomper en rencontrant une autre personne.
00:33:54 Le vrai contact, ça va devenir une source sensuelle incroyable et ça va leur faire
00:34:00 abandonner un petit peu quand même cet autorotisme.
00:34:02 Qu'est-ce que vous en pensez Bruno ?
00:34:04 Je trouve ça très très intéressant.
00:34:09 La seule chose où je suis dubitatif, c'est effectivement quand on regarde les statistiques,
00:34:17 on retrouve que les filles découvrent le corps un peu plus tard.
00:34:24 La petite fille, je pense qu'elle a une capacité à découvrir son corps très tôt,
00:34:29 et notamment on note chez les petites filles, et là je parle de petites filles, 4-5 ans,
00:34:37 la découverte du corps par la masturbation, et on a même vu des organismes chez la toute
00:34:45 petite fille, ce qui est surprenant d'ailleurs, parce que c'est vrai que ce corps de la femme
00:34:49 est diabolisé, et en témoignent nos religions, aujourd'hui on focalise beaucoup sur l'islam,
00:34:54 mais les catholiques étaient pas mal il n'y a déjà pas si longtemps que ça, puisqu'on
00:34:58 attachait les enfants pour pas que ça défronde.
00:35:00 Il y a beaucoup de cultures qui sont comme ça.
00:35:02 Dans les trois grandes religions monothéistes, on voit qu'il y a une espèce de diabolisation,
00:35:08 c'est comme si on avait du mal à assumer un petit peu cette part d'animalité, parce
00:35:12 que le sexe c'est animal, si on regarde deux singes bonobos ou deux humains c'est la même
00:35:17 posture, c'est très animal.
00:35:18 Mais cette chronique elle est éclairante, bien sûr, effectivement, par contre la masturbation,
00:35:26 même quand on est en couple, il faut continuer à en user, à en abuser, ne serait-ce que
00:35:30 pour les plaisirs du couple, tout simplement.
00:35:32 - Oui mais là ça devient un jeu sexuel d'adulte, alors que ce que j'expliquais c'était
00:35:37 que c'était une pratique solitaire qui participe au développement de la sexualité.
00:35:43 - Bien sûr, et de la découverte du corps, et de la découverte du plaisir par ce corps
00:35:47 qui est un corps en devenir.
00:35:49 - Peut-être qu'il y a juste quelque chose qu'il faut signaler avant tout aux parents,
00:35:57 c'est que dès que l'enfant a 12-13 ans, ne jamais rentrer dans la salle de bain ou dans
00:36:02 sa chambre sans frapper, sans prévenir, pour justement ne pas le surprendre en train de
00:36:06 se masturber, non ?
00:36:07 - Oui, parce que ça, ça peut être traumatique.
00:36:11 - Permettre à l'enfant de…
00:36:14 - Oui Bruno, allez-y.
00:36:16 - Allez-y, allez-y Bruno.
00:36:18 - Permettre à l'enfant d'avoir son intimité, de lui dire "voilà, il y a un espace qui
00:36:22 est à toi, et dans lequel je ne rentre pas, tu as ton intimité et la possibilité de
00:36:31 découvrir ton corps seul sans que je sois envahissant en tant que parent".
00:36:36 - D'accord, merci en tout cas Philippe Hoffmann, comme toujours, vous savez que vous avez beaucoup
00:36:41 de fans qui écoutent votre chronique Philippe Hoffmann, donc bravo.
00:36:46 - C'est bien.
00:36:47 - Bah oui, félicitations.
00:36:48 Et puis je rappelle le titre du livre de Bruno Ponsnard, c'est le moment ou jamais, "La
00:36:55 masturbation si on en parlait", c'est aux éditions de la Musardine, il est toujours
00:36:58 là si vous avez envie de mieux comprendre de quoi on parle quand on parle de ce sujet
00:37:03 qui évidemment n'est pas encore si bien rentré dans les mœurs malgré les nombreuses révolutions
00:37:10 sexuelles, mais ça reste encore à prouver qu'il y a eu révolution sexuelle.
00:37:14 Merci Philippe Hoffmann.
00:37:15 On fait une petite pause et puis on se retrouve dans un instant bien sûr.
00:37:19 Nous évoquons en compagnie de Bruno Ponsnard aujourd'hui les violences intrafamiliales
00:37:24 et c'est un père qui va témoigner maintenant.
00:37:27 Bonjour Philippe.
00:37:28 - Bonjour Brigitte, bonjour M. Ponsnard.
00:37:31 - Bonjour Philippe.
00:37:32 - Bonjour.
00:37:33 - Alors c'est au sujet de votre fille Philippe.
00:37:35 - C'est au sujet de ma fille.
00:37:37 Je vais essayer de ne pas trop me disperser parce que c'est un parcours long, compliqué
00:37:42 et un petit peu sous mes dents de bûche.
00:37:43 Je vais vous arrêter si vous voyez que je me disperse.
00:37:46 Je suis le papa d'une jeune ado de 16 ans, d'un couple de parents divorcés depuis
00:37:53 bientôt une dizaine d'années et avec une garde alternée qui était en place depuis
00:37:58 le début.
00:37:59 Une semaine, une semaine, notre fille passait de l'un à l'autre, ça se passait pas mal.
00:38:04 Et puis il y a quelques années, il y a à peu près deux ans, ma fille a commencé
00:38:10 à dénoncer en rentrant à la maison le vendredi soir des coups, de la maltraitance psychique
00:38:23 auxquels je ne tenais pas une grande, comment dire, je n'ai pas prêté sans doute assez
00:38:31 attention au départ.
00:38:33 Se dire que la femme avec son ADP puisse maltraiter son enfance, c'est assez particulier.
00:38:40 Et puis je me suis dit...
00:38:41 - Donc elle avait 14 ans quand elle commence à vous raconter ça.
00:38:44 - Elle avait 14 ans, oui.
00:38:45 - Et les faits qu'elle dénonçait, c'était sa maman qui la maltraitait ?
00:38:50 - C'était sa maman qui la maltraitait.
00:38:53 - D'accord.
00:38:54 - Psychiquement.
00:38:55 - Donc peut-être que dans votre tête inconsciemment, Philippe, vous vous êtes dit bon, c'est sa
00:39:00 crise d'adolescence, elle en veut un peu à sa maman comme beaucoup de jeunes filles.
00:39:06 - Exactement.
00:39:07 - C'est ça, oui.
00:39:08 - Exactement, c'est exactement ça.
00:39:10 Et puis on a entendu des affaires où les jeunes peuvent raconter un peu des conneries.
00:39:14 Donc c'est compliqué de venir dire "attends, mais ma fille me dit qu'il y a des coups,
00:39:19 mais c'est la réalité.
00:39:20 Est-ce que c'est vraiment la réalité ?" Donc il y a déjà un questionnement qui se met
00:39:24 en place où...
00:39:25 Voilà, puis c'est une fois, deux fois, trois fois...
00:39:28 Et puis la maltraitance psychique où sans cesse on lui dit "t'es grosse, t'es moche,
00:39:37 tes études c'est de la merde, c'est pas fait pour toi, c'est décidé que ton père..."
00:39:40 Cette espèce de truc tout le temps clivant et manipulant qui était un petit peu...
00:39:45 - Oui, oui, c'est ce qu'on appelle de la violence invisible.
00:39:49 C'est-à-dire qu'en apparence pas grave, mais à force c'est très humiliant.
00:39:56 - Très humiliant, très destructeur.
00:39:59 Chez une jeune ado qui avait déjà des problèmes de confiance en elle, ça a été un ravage,
00:40:05 vraiment.
00:40:06 Donc ma fille a commencé à se faire du mal, du coup, par des scarifications, des choses
00:40:14 comme ça.
00:40:15 Nous, je suis en famille recomposée, donc ma compagne est dans le soin, donc on a eu
00:40:21 pas mal d'échanges là-dessus, on disait "à force de la traiter de grosse, elle va
00:40:24 nous déclencher une anorexie", on était quatre.
00:40:27 Et on l'a un peu vu venir, et ça n'a pas manqué.
00:40:30 Les troubles alimentaires sont arrivés, et bon, là ça a été dramatique, moi je pouvais
00:40:36 récupérer ma gamine au portail le vendredi soir à la maison, et elle était en épuisement
00:40:41 total, psychique et physique, donc elle tenait quasiment tout sur ses jambes.
00:40:46 Donc un jour je l'ai emmenée à l'hôpital, parce que je ne savais plus quoi faire et
00:40:51 que je pense qu'elle était en danger.
00:40:52 Donc on est partie à l'hôpital, puis ça tombait mal, c'était un week-end, ils ne
00:40:57 nous ont pas gardé.
00:40:58 On est repartie, elle a fait sa rentrée le lundi, le lundi soir elle rentre, c'était
00:41:03 pire, je suis retournée là-bas, et je leur ai demandé de l'hospitaliser.
00:41:08 J'ai un petit peu fait de fortune parce qu'ils ne voulaient pas, donc c'est des
00:41:11 services de pédopsychiatrie où il y a peu de place, on sait comment ça fonctionne
00:41:16 tout ça, donc ils ne voulaient pas, et puis finalement j'ai commencé, j'ai un petit
00:41:22 peu plus insisté, et ils nous ont gardé une semaine.
00:41:24 Ça a permis à ma fille de se remettre un petit peu sur pied, de se reposer, on va dire.
00:41:31 Elle me demandait, est-ce que ta mère soit éloignée d'elle pendant ce séjour à l'hôpital,
00:41:37 les équipes soignantes n'en ont pas tenu compte, donc la mère venait visiter sa fille.
00:41:41 La maltraitance n'a pas été entendue par les services soignants.
00:41:46 Je me permets de signaler à tous ceux qui nous écoutent qu'il y a plus d'infanticides
00:41:52 dus à cause des femmes que des hommes, donc cette idée encore que les mères sont forcément
00:41:58 bonnes, il serait peut-être temps aussi qu'on l'y torde le coup, ce qui ne veut pas dire
00:42:01 encore une fois que toutes les mères ne sont pas bonnes, qu'on se comprenne bien dans
00:42:05 ce que je viens de dire, mais c'est vrai qu'il y a encore cette croyance Bruno Ponsma.
00:42:10 Oui, que la violence c'est le fait de l'homme, bien sûr.
00:42:15 Alors que sur les enfants c'est plus souvent le fait des mères.
00:42:22 C'est des études sérieuses, je ne raconte pas n'importe quoi.
00:42:26 Oui, et comme je vous l'ai dit, c'est beaucoup plus insidieux parce que c'est des bons.
00:42:32 Tout ce qui mène vers l'anorexie, c'est le manque de confiance dans sa féminité,
00:42:37 parce que la maman quand elle dit "tu es nulle, tu es moche, tu n'arriveras à rien",
00:42:43 ça provoque un effondrement de la personne et de la confiance qu'on peut avoir en soi.
00:42:48 C'est ça.
00:42:49 Donc à ce moment-là, lors de la première hospitalisation, j'ai demandé à rencontrer
00:42:55 l'assistance sociale de cet hôpital, que je ne citerai pas, et j'ai dénoncé cette
00:43:01 maltraitance.
00:43:02 J'ai été écouté, reçu dans un bureau, écouté, très bien, ça s'est très bien
00:43:09 passé avec cette femme.
00:43:10 Et puis elle a dû rencontrer la mère, peu de temps après, et puis je l'ai recontacté
00:43:16 téléphoniquement par la suite.
00:43:18 Et là tout avait changé.
00:43:20 Votre ex est perverse, c'est tout.
00:43:24 Exactement.
00:43:25 Donc tout avait basculé.
00:43:27 Donc j'étais devenu le père manipulateur, et puis madame qui savait faire était la
00:43:33 lutime et ma fille était bien entendu manipulée.
00:43:36 Vous n'étiez pas rendu compte quand vous étiez avec elle qu'elle était perverse,
00:43:41 Philippe ?
00:43:42 Non, je ne m'en suis pas rendu compte.
00:43:45 Je m'en suis rendu compte après.
00:43:46 Je m'en suis rendu compte après de par les fonctionnements.
00:43:49 Il y a des choses qu'on ne voit pas.
00:43:50 Je pense que quand on est…
00:43:51 Non, non, mais je ne vous accuse de rien, Philippe.
00:43:52 Non, mais je ne le prends pas du tout comme ça Brigitte.
00:43:53 Non, je ne l'ai pas vue et c'est ça, elle est perverse.
00:44:00 Bon, donc du coup, et puis c'est un mot qu'on met à toutes les chances maintenant.
00:44:03 Alors du coup, on n'ose plus l'utiliser.
00:44:05 Moi, je crois que je n'ai pas osé l'utiliser parce qu'on dit ouais, il est pervers narcissique,
00:44:10 lui il est comme si lui c'est un manipulateur.
00:44:12 On rentre dans les cases maintenant et puis on ne sait plus ce qu'il est vraiment.
00:44:17 Bon, donc du coup, je n'ai pas voulu…
00:44:19 J'avais des pensées, mais je ne savais pas si elles étaient justes.
00:44:23 Donc du coup, j'en suis resté là.
00:44:25 Cette assistance sociale m'a dit je vais déclencher une information préoccupante.
00:44:29 J'ai dit c'est super, enfin on va venir nous aider.
00:44:32 Venir aider ma aide.
00:44:35 Au bout de plusieurs mois, aucune réponse.
00:44:38 Je contacte donc…
00:44:41 Moi j'habite dans le Rhône, donc il y a des maisons du Rhône où il y a des assistances
00:44:47 sociales, où il y a des services sociaux qui vous permettent d'aller dénoncer des
00:44:50 faits de maltraitance.
00:44:51 Aussi bien un adolescent peut aller dans ces maisons du Rhône, peut appeler et être reçu
00:44:57 ou des parents peuvent aller demander de l'aide.
00:45:00 J'ai donc fait une deuxième demande dans cette maison du Rhône et ils ont fait des
00:45:06 recherches et aucune information préoccupante n'avait été déclenchée par l'assistance
00:45:10 sociale qui m'avait dit qu'elle le ferait.
00:45:13 Donc toujours complètement impuissant et pas aidé.
00:45:18 Bruno Ponsnard, c'est le témoignage qu'on entend de Philippe, là aussi il est très
00:45:24 éclairant parce qu'il se retrouve, pourtant il s'accompagne dans le soin, donc on peut
00:45:30 penser qu'il a plutôt été aidé, mais malgré tout on voit ça traîne et pendant
00:45:35 ce temps-là la gamine continue à…
00:45:38 Philippe, la structure que vous avez vue dans le Rhône, vous pouvez nous donner le nom
00:45:44 ou pas ?
00:45:45 C'est ADMR.
00:45:46 Bon, on va faire la pause des infos parce que c'est l'heure, on respecte l'heure
00:45:52 sur ce radio, mais je vous propose Philippe qu'on vous retrouve d'abord parce qu'on
00:45:56 aimerait savoir où vous en êtes aujourd'hui et puis peut-être que Bruno Ponsnard va
00:46:00 pouvoir aussi donner quelques conseils pour les parents qui sont peut-être dans votre
00:46:03 situation parce que malheureusement c'est plus fréquent qu'on ne l'imagine.
00:46:08 C'est avec Bruno Ponsnard, psychanalyste, sexologue, clinicien, que nous évoquons
00:46:13 aujourd'hui les violences intra-familiales.
00:46:16 Alors nous avons le témoignage de Philippe.
00:46:19 Philippe, vous témoignez de votre fille qui a subi des violences particulières, on voit
00:46:28 bien, humiliation etc. par sa mère et tout le combat que vous avez fait pour la protéger,
00:46:36 pour la sauver, à préciser d'ailleurs, vous avez parlé de scarification, on sait
00:46:41 souvent quand les ados se scarifient que derrière il y a un mal-être qui peut être dû justement
00:46:46 à des violences.
00:46:48 Alors vous en êtes où aujourd'hui Philippe ?
00:46:50 Alors je suis retourné du coup, M.
00:46:52 Ponsnard m'en demandait, je suis retourné, chez nous c'est des maisons du Rhône, donc
00:46:57 c'est des MDR, on y va, ma fille a été emmenée par une de mes voisines qui était
00:47:01 dans les services sociaux et qui est tombée à l'improviste un jour à la maison où
00:47:05 elle était, ma fille, en pleine détresse et du coup elle l'a emmenée là-bas.
00:47:09 J'ai eu un appel des services sociaux du coup qui m'ont appelé le soir même, tout
00:47:14 de suite après cette entrevue avec ma fille, qui m'ont dit "Monsieur, vous n'envoyez
00:47:18 plus votre fille chez sa mère, elle y est en danger".
00:47:21 Donc c'est tombé comme un coup près.
00:47:23 Je disais "ouf" quelque part et en même temps j'étais terrorisé, sachant que je
00:47:29 n'étais dans l'irrespect d'une garde alternée décidée par un juge, puisque le
00:47:33 juge était une garde alternée.
00:47:35 Je me suis donc rendu en gendarmerie, ce qui est très important à faire, je le conseille
00:47:39 le jour où ça arrive, pour annoncer les choses.
00:47:42 Alors vous avez le choix de porter un bouquin, pour tout couvrir, pour ne pas être attaqué
00:47:48 soi-même.
00:47:49 Donc je me suis rendu en gendarmerie avec ma fille, on a fait une déposition et après
00:47:55 on a été reçu par une deuxième équipe de services sociaux.
00:47:57 Ces services sociaux étaient aussi défaillants que la première assistance sociale que j'avais
00:48:04 rencontrée.
00:48:05 – Je me permets de vous interrompre, le contact que vous avez eu en gendarmerie, c'est une
00:48:06 brigade ou vous avez été à la maison de protection des familles ?
00:48:09 – En brigade.
00:48:10 – Voilà, vous avez le Follorone, c'est la maison de protection des familles du Rhône,
00:48:17 c'est une idée spécifique, c'est sur les violences intrafamiliales et sur notamment
00:48:22 les signes de mort pour des gens qui seraient en danger.
00:48:25 Vous avez la possibilité de passer par eux et de redéposer de façon plus circonstanciée
00:48:33 et elles sont spécialisées dans ce type d'infractions.
00:48:36 – Bruno Ponstard, là Philippe parle d'une maison qui se trouve dans le Rhône, mais
00:48:44 est-ce qu'il y en a partout en France ce genre de lieu ?
00:48:47 – Oui, ces nouvelles unités ont été créées il y a deux ans, il y en a je crois de mémoire
00:48:52 62 en France et à terme il y en aura une par département.
00:48:57 – D'accord, donc on avance…
00:48:59 – Et c'est des gendarmes qui sont formés autour de ces problématiques-là, ils ne
00:49:05 font que ça en fait.
00:49:06 – Donc on avance quand même dans la société ?
00:49:08 – Oui.
00:49:09 – Les gendarmes ont été très bien, ils ont auditionné ma fille d'un côté, moi
00:49:15 de l'autre, on est ressortis avec ça, les services sociaux ont auditionné ma fille,
00:49:20 moi de l'autre, ils ont trouvé que nos déclarations étaient un petit peu similaires.
00:49:25 Donc bien entendu puisque moi je raconte des choses que me raconte ma fille, c'est
00:49:29 des choses que je ne dis pas puisque ça ne se passe pas chez moi.
00:49:32 Donc je suis commencé à rencontrer le même souci que j'avais rencontré la première
00:49:35 fois, c'est-à-dire qu'on a commencé à me soupçonner éventuellement de manipulation
00:49:41 sur ma gamine, ça recommençait.
00:49:43 – Mais pourtant votre fille elle avait quand même un âge, elle sait ce qu'elle dit,
00:49:50 elle a un âge, elle a un âge.
00:49:51 – Oui, mais d'après vous à partir de quel âge elle a subi ces violences de la
00:49:57 part de sa mère ?
00:49:58 – Moi c'est difficile à dire parce que les ados dénoncent mais ils continuent à
00:50:06 protéger leurs bourreaux, donc c'est un truc où il faut essayer de les emmener et
00:50:13 ce n'est pas facile, moi je lui avais proposé plusieurs fois de saisir le juge et elle n'a
00:50:17 jamais voulu que je le fasse.
00:50:18 Elle ne veut pas abandonner son bourreau et puis c'est sa mère.
00:50:22 – Oui, bien sûr, elle va mal et elle a besoin d'aide mais en même temps elle n'a pas
00:50:28 envie d'attaquer sa mère, je comprends tout à fait.
00:50:31 – Exactement, donc on n'a pas fait de dépôt de plainte contre la mère, ni personne,
00:50:35 donc du coup il y a juste été une déposition.
00:50:37 Par contre après les services sociaux ont fait une évaluation rapide parce qu'ils
00:50:42 nous ont rencontrés deux fois rapidement et là après vous passez devant un conseil
00:50:46 de famille où on vous reçoit, la mère et moi, et là j'ai compris qu'une fois de
00:50:51 plus tout avait viré, mon ex-femme avait réussi à basculer le truc et on était à
00:50:57 nouveau dans les mêmes doutes.
00:50:58 J'étais certainement un manipulateur et puis voilà, je voulais éloigner ma fille
00:51:03 de sa mère.
00:51:04 – Oui, bien sûr, mais aujourd'hui vous en êtes où ?
00:51:07 – Ils ont fait une chose très bien par contre, c'est qu'ils ont saisi le juge.
00:51:11 Donc c'est la seule chose qu'ils ont fait bien, ils ont saisi le juge et là ça change
00:51:14 tout, parce que du coup vous vous retrouvez devant une nouvelle équipe qui va faire une
00:51:18 évaluation sur de nombreux mois.
00:51:20 Donc autant vous pouvez mentir sur un rendez-vous d'une heure, autant quand il y a une évaluation
00:51:26 comme ça qui est faite en profondeur où ils vont chercher, ils vous voient à plusieurs
00:51:32 reprises, ils voient la mère, ils voient l'enfant.
00:51:34 – Mais aujourd'hui votre fille elle est éloignée de sa mère pour de bon ou pas ?
00:51:38 – Non, elle n'est pas éloignée, elle y est retournée parce qu'elle avait besoin
00:51:43 de le faire et que moi je ne peux pas l'empêcher.
00:51:46 – Bien sûr, non mais…
00:51:47 – Donc elle y est retournée, par contre, il va y avoir un encadrement puisque enfin
00:51:52 la maltraitance a été avouée par la mère, ça a été très long.
00:51:54 Donc là on arrive au bout de cette évaluation, la mère a reconnu la maltraitance, donc on
00:52:00 attend, on est à la fin du truc et puis ils vont certainement demander des mesures éducatives
00:52:06 pour accompagner cette maman.
00:52:08 – Bruno Ponsnard, qu'est-ce que vous avez envie de dire par rapport au témoignage
00:52:13 de Philippe qui est aussi un témoignage fort et important ?
00:52:16 – Le témoignage de Philippe, il démontre qu'il ne faut pas lâcher en fait, il ne
00:52:21 faut pas lâcher parce que parfois libérer la parole ce n'est pas simple, le fait que
00:52:27 votre fille elle est prise entre deux désirs, c'est à la fois se protéger de cette maman
00:52:33 qui est maltraitante mais à la fois de continuer à aimer cette maman qui est sa maman.
00:52:37 Pour votre fille c'est compliqué, par contre vous, vous avez eu la bonne position, c'est
00:52:42 de continuer dans l'envie de la protéger.
00:52:45 Aujourd'hui de plus en plus les choses évoluent, que ce soit au niveau social ou au niveau judiciaire,
00:52:52 de plus en plus on tient compte de cette parole d'enfant, même si c'est une parole qui
00:52:57 parfois est friable, ce n'est pas qu'elle n'est pas fiable, c'est comme je disais,
00:53:02 elle est entre deux feux, elle est entre cet amour pour sa mère qui est tout à fait
00:53:06 normal et aussi cette forme de rejet de cette maman qui la maltraite.
00:53:12 Donc voilà, il ne faut rien lâcher, votre témoignage il va servir à ça, parce que
00:53:18 c'est vrai que le temps judiciaire c'est un temps qui est long et que parfois dans
00:53:25 la façon d'être questionné on vous maltraite aussi, on vous bouscule en mettant en question
00:53:30 votre probité en disant "voilà vous dites ça mais peut-être que c'est vous qui manipulez"
00:53:36 et ce n'est pas drôle pour un papa qui veut protéger sa fille dans le grand monde.
00:53:40 C'est très dur.
00:53:41 En tout cas vous n'allez pas lâcher et bravo parce que le plus important c'est ça, c'est
00:53:45 qu'à un moment donné on arrive à prendre en compte ce contexte-là et qu'on puisse
00:53:51 aider votre fille à grandir tout simplement.
00:53:53 C'est ça, c'est levé.
00:53:55 La douleur est très personnelle et je n'étais pas le sujet, mais d'être accusé à tort,
00:54:02 j'ai compris ce que c'était.
00:54:03 Moi ça fait des années que je me démène pour ma gamine, que je la fais accompagner
00:54:07 par des multitudes de professionnels de santé, que je lui fais faire des bilans etc.
00:54:11 Je pense que j'étais un bon papa.
00:54:13 Et puis à un moment on en doute qu'on est un bon papa parce qu'on est entraîné dans
00:54:17 des trucs où on commence à nous faire penser que peut-être que je ne suis pas d'athlon.
00:54:21 Et là je suis heureux parce qu'on arrive à la fin de cette évaluation et on m'a dit
00:54:26 vous êtes un chouette papa, votre lien avec votre gamine il est fort et il est beau, continuez
00:54:31 comme ça.
00:54:32 Et ça fait du bien.
00:54:33 Donc je dis à tous les papas qui se sentent remis en question, moi je dis que pour protéger
00:54:36 son gamin, il faut y aller.
00:54:37 Il faut y aller.
00:54:38 Quand notre gamin on sent qu'il est en danger, il faut y aller.
00:54:42 Et de toute façon quand on est un bon papa on le sait.
00:54:45 Même si on peut douter, on sait qu'on est ajusté avec son gamin.
00:54:49 Merci Philippe de ce témoignage qui est très différent du témoignage de Céline mais qui
00:54:55 nous éclaire aussi sur toute la difficulté Bruno Ponsnard de protéger ses enfants et
00:55:03 cette violence qui est parfois à des endroits où on ne pourrait pas imaginer qu'elle existe.
00:55:09 Merci Philippe.
00:55:11 On va faire une petite pause et c'est Nicolas qui va témoigner dans un instant pour également
00:55:19 un tout à fait autre sujet.
00:55:22 On se retrouve sur CELRADIO avec vous bien sûr aussi au 0826 300 300.
00:55:27 A tout de suite.
00:55:28 Nous évoquons les violences intrafamiliales en compagnie de Bruno Ponsnard, psychanalyste
00:55:34 sexologue clinicien qui travaille évidemment beaucoup sur ce sujet depuis pas mal de temps.
00:55:39 Moi je trouve que quand même quand on entend le témoignage de Philippe qu'on vient d'entendre
00:55:43 ça avance dans la société.
00:55:45 On a l'impression qu'il y a quand même une prise de conscience, une prise en charge
00:55:49 même je dirais.
00:55:50 Oui je pense qu'on est en train de redonner la place à l'enfant, non pas à l'enfant
00:55:55 roi mais à une place comme individu en tout cas comme quelqu'un qu'on doit écouter.
00:56:00 Ça ne veut pas dire qu'on va accéder à tout ce que veut ou à tout ce que dit l'enfant
00:56:06 mais en tout cas la société se doit de protéger nos tout petits et nos plus grands d'ailleurs
00:56:13 et ça c'est plutôt une bonne chose.
00:56:16 Nicolas bonjour.
00:56:18 Brigitte bonjour.
00:56:20 Bruno bonjour.
00:56:21 Merci d'être avec nous Nicolas.
00:56:23 Merci à vous de prendre mon témoignage.
00:56:26 C'est toujours un plaisir de partager des petits moments avec vous.
00:56:29 Vraiment je suis ému toujours.
00:56:32 C'est toujours pareil.
00:56:33 Je suis ému.
00:56:34 Je vous écoute, je suis là.
00:56:37 C'est nous qui vous écoutons Nicolas.
00:56:40 Tout à fait.
00:56:41 Alors pour parler de ces fameuses violences, moi je vais avoir mes 52 ans cette année
00:56:49 et même après 50 années passées, j'ai toujours du mal.
00:56:54 J'ai vraiment du mal.
00:56:56 Je vous ai appelé il y a quelques temps, il y a plus d'un mois maintenant sous un
00:57:00 pseudonyme.
00:57:01 Il m'a fallu plus d'un mois pour me remettre mon témoignage.
00:57:03 Je crois que j'étais déjà avec Bruno Ponsnard me semble-t-il.
00:57:08 C'est ça, tout à fait.
00:57:09 C'était aussi Bruno.
00:57:10 Il m'a fallu un mois à peu près pour me remettre de mon témoignage.
00:57:13 Ça m'a fait énormément du bien de vous en parler.
00:57:16 Je me suis dit à quel point les violences qu'on fait aux enfants aujourd'hui c'est
00:57:21 quelque chose d'incroyable comme ça marque dans le temps.
00:57:25 Alors pour m'en sortir, c'est ce que je voulais partager avec vous, mon expérience
00:57:31 personnelle pour m'en sortir.
00:57:33 C'est très dur parce que j'ai grandi en n'ayant aucune image du père.
00:57:39 Je n'avais pas l'image de mon père qui quelque part m'a abandonné et je n'avais
00:57:44 pas l'image du mari de ma mère qui était censé être un beau père et qui ne l'était
00:57:48 pas non plus.
00:57:49 Ce qui fait qu'en grandissant, moi-même, mon image d'homme au fond de moi, c'était
00:57:54 très perturbé.
00:57:55 J'avais l'impression d'être un adolescent permanent qui était sans cesse en train
00:58:00 de vouloir faire plaisir à tout le monde et de dire tout le temps oui juste pour la
00:58:04 sensation d'être accepté, pas rejeté.
00:58:07 Et en fait, ça mène une vie où on vit pour les autres, on ne vit pas pour soi.
00:58:11 On n'en souffre pas vraiment.
00:58:15 On n'en souffre pas vraiment.
00:58:16 Nicolas, je voudrais juste vous dire une chose parce que vous parlez de cette sensation
00:58:22 d'être rejeté.
00:58:23 Donc on imagine bien qu'il y a une blessure de rejet, mais qui est aussi certainement
00:58:26 très liée à une blessure d'injustice.
00:58:28 Je crois que c'est vraiment important de le signaler parce que quelque part, oui, il
00:58:34 y a une injustice d'avoir été un petit garçon sans avoir la possibilité de se reposer sur
00:58:40 une image paternelle positive.
00:58:43 Oui, c'est une injustice.
00:58:45 D'autant plus que quand moi je le vivais, je me disais mais pourquoi ? Je veux une réponse
00:58:50 et je n'en ai pas en fait.
00:58:51 Pourquoi il m'arrive ça ? Pourquoi je dois vivre ça ? Et surtout, pourquoi je dois être
00:58:55 dans cette situation alors que moi, je n'ai rien demandé ? Je suis venu au monde, je
00:59:01 veux juste être un enfant, je veux grandir, je veux évoluer et on m'empêche sans me
00:59:07 donner d'explication.
00:59:08 C'est horrible.
00:59:09 C'est un sentiment qui est horrible.
00:59:11 Est-ce que Nicolas, je vais élargir un tout petit peu les choses, est-ce que symboliquement,
00:59:16 il y a eu des images, des symboles paternels qui ont pu quand même vous aider à vous
00:59:23 construire en tant que garçon, adolescent et plus tard homme ?
00:59:28 Je les ai pris ces symboles-là, non, je les ai pris plutôt quand il y avait des adultes
00:59:35 autour de moi qui parlaient ou qui disaient des choses et quand ces choses me raisonnaient
00:59:41 en moi, je les prenais, je les faisais miennes.
00:59:43 Mais je n'ai pas eu d'image paternelle, je n'ai pas eu d'amis de la famille ou de
00:59:47 cousins, de cousines.
00:59:48 Non mais ça peut être une star, ça peut être un homme politique.
00:59:54 On sait aussi qu'on peut se reposer sur des symboles.
01:00:00 Oui, il faut faire confiance à la souplesse de l'enfant que vous étiez Nicolas.
01:00:07 Je ne vais pas vous faire une séance maintenant dans le temps, mais il y a forcément dans
01:00:12 votre vie d'enfant ou d'ado des rencontres d'hommes qui ne sont pas forcément des
01:00:19 hommes très proches.
01:00:20 Ça peut être un instituteur, ça peut être un éducateur ou un moniteur de colonies de
01:00:24 vacances.
01:00:25 En tout cas, des petits moments où vous avez eu des personnes qui vous ont servi à vous
01:00:31 rendre compte de ce que pouvait être un bonhomme dans le sens premier du terme.
01:00:35 Ça peut être le grand-père, ça peut être un oncle et des fois c'est morcelé, des
01:00:40 fois on prend un peu du grand-père et puis il y a ses tontons, c'est des tontons bricoleurs.
01:00:43 Et l'enfant, il arrive quand même à se construire.
01:00:46 La preuve en est que vous êtes là aujourd'hui avec nous à la radio.
01:00:49 Oui, parce que Nicolas, ça peut même être une lecture, ça peut être un film.
01:00:56 Vous voyez, c'est des choses comme ça qui à un moment donné dans votre enfance, mais
01:01:01 peut-être que vous n'en avez pas conscience.
01:01:02 Non, je n'en ai pas conscience.
01:01:04 Mais ça peut être Zorro, vous voyez ce que je veux dire.
01:01:07 Parce que moi je me souviens très bien de votre témoignage et de la force qu'il y
01:01:12 a en vous.
01:01:13 Cette force, elle ne vient pas de nulle part.
01:01:15 Il m'a fallu concrètement, il m'a fallu à l'âge de 33 ans, j'ai divorcé et j'ai
01:01:22 eu la sensation de repartir à zéro.
01:01:24 J'ai eu la sensation en divorçant, en plus c'était un divorce tout à fait sans dispute,
01:01:33 sans violence.
01:01:34 C'est juste que je ne me sentais pas dans ma vie et c'est normal parce qu'en fait,
01:01:38 j'avais besoin de trouver une identité, j'avais besoin de me trouver moi-même déjà
01:01:42 en tant qu'homme.
01:01:43 Donc, depuis ce reset-là, je dois dire qu'à partir de ce moment-là, oui, les livres,
01:01:52 les gens autour de moi, les parents autour de moi, ceux qui ont des enfants, j'ai regardé.
01:01:56 Et ce qui m'a fait le plus grandir, ce qui m'a permis de passer cette, on va dire,
01:02:02 d'abord cette force comme vous parlez, que j'ai encore, mais elle est fragile, vous
01:02:05 savez, vous m'entendez là fort, mais elle est derrière, j'ai quand même une fragilité
01:02:09 qui est très très forte en moi.
01:02:10 Non, mais on se souvient de votre témoignage et de comment vous étiez dans ce jour-là.
01:02:17 Donc, ne vous inquiétez pas, on connaît votre vulnérabilité.
01:02:20 Quand j'ai eu ma fille, mon enfant, quand j'ai eu ma fille et que j'ai eu l'impression
01:02:26 d'être, enfin pas l'impression, c'était pour moi vraiment la sensation d'être dans
01:02:29 le bonheur puisque je construisais une famille, chose que je n'avais pas eu l'impression
01:02:33 d'avoir.
01:02:34 Vous voyez, je parle au conditionnel, je n'avais pas eu l'impression d'avoir parce que la
01:02:39 famille, elle y était, mais moi, je ne l'ai pas ressenti.
01:02:41 J'emploie bien les mots qu'il faut pour moi.
01:02:43 Donc, quand j'ai eu cette structure familiale avec ma fille et que je me suis séparé de
01:02:48 la mère de ma fille, j'ai eu l'impression que le monde autour de moi s'effondrait et
01:02:53 que je revivais à nouveau cet état que j'étais, dans lequel j'étais enfant.
01:02:58 Et là, j'ai pris une prise de conscience, je me suis dit, je ne veux pas que mon enfant
01:03:04 ait à subir ce que moi, j'ai subi.
01:03:06 Partant de là, j'ai toujours été prévenant, gentil avec sa maman, même si ce qu'elle
01:03:13 a fait, ce n'était pas beau.
01:03:14 Je lui ai pardonné.
01:03:15 J'ai eu une discussion avec elle où je lui ai dit que je lui ai pardonné.
01:03:18 L'objectif que j'avais à ce moment-là et que j'ai toujours aujourd'hui d'ailleurs, c'était
01:03:23 que mon enfant, ma fille, n'ait pas à subir la violence d'une séparation.
01:03:28 Parce que même si ça se passe bien pour les enfants, c'est ce que je pense, pour moi,
01:03:35 c'était une violence.
01:03:36 La séparation a été une violence.
01:03:37 Ma fille, aujourd'hui, elle est avec sa maman, elle m'a demandé d'aller avec sa maman, c'est
01:03:43 ma semaine de garde.
01:03:44 On mange ensemble avec sa maman, on se retrouve.
01:03:47 Et là, j'ai la sensation d'être un homme accompli.
01:03:49 J'ai la sensation aujourd'hui d'avoir pris ma revanche sur ce que la vie m'a fait il
01:03:56 y a tant d'années.
01:03:57 Je replore encore pour vous dire.
01:04:02 J'ai cette sensation d'avoir pris ma revanche sur la vie grâce à ça, grâce au fait que
01:04:08 j'ai pu gérer ce divorce comme il faut, gérer mon enfant sans qu'elle ait à subir, moi-même,
01:04:13 y compris une certaine violence de ma part, rien à part.
01:04:19 - Vous voyez, Nicolas, je crois vraiment, parce que je vous écoute et je me souviens
01:04:24 très, très bien de votre témoignage, parce qu'il nous avait énormément marqué.
01:04:27 C'était tout en début d'émission, je crois, la dernière fois qu'on avait fait l'émission
01:04:31 avec Bono Ponsnard.
01:04:32 Je crois réellement que ce qui peut vous aider, parce qu'on n'a jamais fini de se réparer,
01:04:39 c'est de travailler sur votre blessure d'injustice.
01:04:41 Parce que j'entends entre les mots que vous voulez vraiment toujours être parfait, comme
01:04:47 s'il fallait réparer l'injustice que vous-même avez subi en étant abandonné par le père
01:04:54 et puis ensuite avec un beau-père qui vous a certainement fait beaucoup de violence.
01:04:59 Et je crois que c'est important parce qu'on ne peut pas être parfait de toute façon.
01:05:05 Et puis, on n'a pas à réparer ce dont on n'est pas responsable non plus.
01:05:13 Qu'est-ce que vous en pensez, Bono Ponsnard ?
01:05:15 On sent chez Nicolas qu'il y a encore quelque chose de très douloureux, évidemment.
01:05:22 Oui, on voit qu'il se sent un homme en devenant parent, en devenant père.
01:05:29 J'allais dire à Nicolas, ça y est, le job est fait, vous êtes père.
01:05:34 A n'en quoi douter.
01:05:36 Vous vous en doutez peut-être encore parce que vous avez cette blessure-là, mais père
01:05:43 vous l'êtes.
01:05:44 Voilà, c'est ce qui vous permet d'être celui que vous êtes aujourd'hui.
01:05:47 C'est le plus important.
01:05:48 On va revenir avec vous, Nicolas.
01:05:51 Vous allez nous dire ce que vous pensez de ce que Bruno et moi-même on vous a dit.
01:05:55 Et puis, on continue bien sûr sur Soudradio à évoquer les violences intrafamiliales.
01:06:01 On n'aura de toute façon jamais assez de deux heures pour évoquer tout ça.
01:06:05 Et on voit bien que c'est des violences multiples.
01:06:08 Je crois que c'était ça aussi que vous aviez envie de dire, Bono Ponsnard.
01:06:11 On se retrouve tout de suite.
01:06:12 Nous sommes avec Bruno Ponsnard, nous évoquons les violences intrafamiliales et on continue
01:06:19 évidemment avec le témoignage de Nicolas.
01:06:21 Nicolas, vous avez envie de réagir à ce qu'on vient de vous dire ?
01:06:25 Oui, vous m'avez demandé s'il y avait des images qui avaient pu m'aider à grandir.
01:06:31 Vous faites partie, vous Brigitte, parce que ça fait maintenant plus de dix ans que
01:06:37 je vous écoute, vous faites partie des gens que je cite souvent.
01:06:40 Votre point de vue et la manière dont vous avez d'accepter la différence des autres
01:06:48 m'a énormément aidé, m'a élargi ma vision.
01:06:51 Ça m'a énormément aidé.
01:06:53 Quand j'écoute les professionnels que vous recevez, comme Bruno, qui sont là, c'est
01:06:59 une aide.
01:07:00 Il y a des paroles, il y a des mots.
01:07:01 Lorsqu'il y a des témoignages comme le mien ou comme la personne qui était avant lorsque
01:07:04 j'écoute, ça m'aide.
01:07:07 Personnellement, ça fait partie des endroits où je vais épuiser un petit peu de force,
01:07:11 ça m'aide.
01:07:12 Ce que je voulais vous dire, c'est que jusqu'à aujourd'hui, en même temps que
01:07:16 j'ai ces images qui vont m'aider, j'ai lu quelques livres aussi bien sûr pour m'aider,
01:07:21 mais il y a quand même aussi la contrepartie, c'est qu'il y a énormément de choses dans
01:07:27 la vie de tous les jours qui me ramènent toujours à cette déçure d'enfance.
01:07:31 J'ai beau passer par-dessus, j'ai beau continuer à grandir, elles reviennent.
01:07:38 Il y a quelque chose qui m'a énormément aidé à trouver aussi ma personnalité, c'est
01:07:43 la sexualité.
01:07:44 Je me suis épanoui dans ma sexualité et ça, ça m'a énormément aidé à avoir
01:07:50 une image de moi en tant qu'homme.
01:07:52 Lorsque j'écoute vos témoignages, je trouve que c'est tout à fait normal, parce que
01:08:00 très souvent lorsque des personnes assez timides sur leur sexualité ont peur d'aborder
01:08:05 des femmes ou des hommes ont peur d'être abordés, grâce à cette confiance dans ma
01:08:09 sexualité, ça m'a permis d'avoir une assurance auprès des femmes et ça m'a permis d'aller
01:08:14 de l'avant, ça m'a donné vraiment une assurance au fond de moi et ma sexualité
01:08:18 s'est épanouie d'une manière extraordinaire.
01:08:20 C'est grâce à vos émissions.
01:08:24 Alors oui, mais mes émissions, vous étiez déjà adulte, donc je vous en remercie et
01:08:30 je suis ravie d'entendre ça parce que c'est ce que j'ai envie de transmettre.
01:08:34 Je pense que Bruno Ponsnard, c'est également pour ça qu'il est là et qu'il prend deux
01:08:37 heures de son temps pour vous écouter.
01:08:39 Mais il me semble comme ça, mais c'est très intuitif ce que je vais vous dire Nicolas,
01:08:44 il me semble que peut-être qu'il y a eu une image féminine dans votre enfance qui
01:08:48 a été très importante et qui vous a sauvé.
01:08:51 Parce qu'au fond, si vous avez une sexualité épanouie, c'est sans doute grâce à cette
01:08:56 image là.
01:08:57 Les femmes certainement ont eu leur importance.
01:09:00 Peut-être qu'au fond, vous vous êtes construit bien en tant qu'homme grâce aux femmes,
01:09:05 non ?
01:09:06 Je ne sais pas.
01:09:07 Je sais que j'ai une image, une image sans parler, sans revenir sur mes parents, mais
01:09:13 j'ai tiré un trait.
01:09:14 Ça va faire, je vous l'avais déjà dit hier, parce que c'est la...
01:09:17 Oui, mais je ne parle pas de vos parents là.
01:09:19 Je parle de...
01:09:20 Parce que quand même Bruno Ponsnard, quand on écoute Nicolas, c'est une belle personne.
01:09:25 Alors, ses blessures, parce que vous n'avez pas encore suffisamment travaillé dessus,
01:09:32 mais on sent que le fond est bon, si je puis dire, même si bien sûr j'entends votre souffrance.
01:09:39 Non Bruno Ponsnard, vous ne trouvez pas qu'il y a forcément eu des tuteurs, comme dirait
01:09:45 Boris ?
01:09:46 Oui, oui, oui, des référents, des modèles.
01:09:47 C'est difficile de mettre un mot comme ça sur...
01:09:50 Mais en tout cas, on n'a pas qu'un père et une mère pour grandir, et heureusement,
01:09:55 parce que sinon on resterait dans une forme d'entre-soi.
01:09:58 Et c'est pour ça que c'est important, pas de s'en rappeler, mais c'est bien de voir
01:10:05 qu'on subit pas non plus que les blessures...
01:10:10 Quand on a des blessures familiales, on ne subit pas que ça.
01:10:13 On a aussi une ouverture sur le monde grâce aux gens qui nous entourent et qui nous aiment.
01:10:17 Et comme vous êtes quelqu'un de bienveillant, on l'entend dans ce que vous nous racontez,
01:10:23 et dans la façon d'être aussi.
01:10:25 Moi je pense que vous n'avez pas été seul, vous prendrez peut-être conscience.
01:10:31 Et puis vous savez, le temps c'est un précieux allié.
01:10:33 On appelle l'expérience, ça fait un peu vieux con, mais c'est un précieux allié.
01:10:38 Voilà.
01:10:39 Et puis on n'en finit pas de grandir, de toute façon.
01:10:43 Mais je trouve que ce serait intéressant pour vous, c'est encore une fois pour vous,
01:10:47 parce que nous ça pourrait être une curiosité inutile.
01:10:51 Ce serait intéressant pour vous de comprendre qu'est-ce qui a pu vous aider.
01:10:54 Ça peut être un animal, ça peut être un arbre, ça peut être...
01:10:57 Mais il y a forcément eu quelque chose de fort qui à un moment donné quand même vous
01:11:04 a permis de vous appuyer.
01:11:05 J'ai vraiment la sensation, je ne vais pas aller à l'encontre de ce que vous dites,
01:11:09 parce que très certainement, c'est vrai que j'avais un petit chien quand j'étais petit
01:11:12 que j'adorais.
01:11:13 Mais non, j'ai vraiment la sensation d'avoir fait un énorme travail sur moi-même.
01:11:19 J'en avais assez d'être toujours dans une espèce d'état qui n'est pas vraiment dépressif,
01:11:26 mais qui n'est pas vraiment heureux, toujours se chercher.
01:11:30 J'en ai eu vraiment assez.
01:11:32 J'ai acheté quelques livres, très souvent, le vôtre je l'ai lu déjà, vous me l'avez
01:11:38 envoyé, mais j'en ai acheté quelques livres sur le rapport humain, sur pas mal de choses.
01:11:43 J'ai essayé moi-même de ne pas me faire ma thérapie parce que ça serait bien prétentieux,
01:11:49 mais j'ai essayé de comprendre pourquoi.
01:11:51 Vous savez Nicolas, Freud n'avait pas fait de thérapie, il a fait son autothérapie,
01:11:56 donc après tout on peut faire son autothérapie Nicolas.
01:12:00 Mon autothérapie est simple.
01:12:03 Ce que j'avais du mal à comprendre c'était pourquoi j'étais tellement émotif à telle
01:12:09 réaction, à avoir la connaissance ou la compréhension de mes émotions.
01:12:14 Une fois que j'ai un petit peu compris ce qui me met en colère, ce que j'aime, ce qui
01:12:19 me fragilise, ce que je n'aime pas, aujourd'hui je m'en protège.
01:12:22 Si je rencontre telle situation, je dis attention, tu sais que ça va te mettre en colère parce
01:12:28 que attention, tu sais que...
01:12:30 Je vais vous donner un exemple tout à fait que je vis moi.
01:12:35 Je ne peux pas regarder les informations parce que ce que je vois aux informations est horrible.
01:12:39 Du coup ça m'affecte au niveau de mon ressenti.
01:12:43 Donc du coup je me suis coupé des informations.
01:12:46 C'est comme ça que je fonctionne.
01:12:48 - Blessure d'injustice.
01:12:49 Alors là je suis sûre de moi Nicolas.
01:12:51 - Ah oui, oui.
01:12:52 - Il y a l'injustice et l'abandon.
01:12:58 Je crois que je l'écumule un petit peu.
01:13:03 - Oui, oui, mais l'essentiel c'est vraiment la blessure d'injustice.
01:13:06 Vous pourriez, si vous ne l'avez pas encore lu, Lise Bourbeau, elle parle très bien des
01:13:12 blessures d'enfance, ou Chamis Langlois.
01:13:15 Et je vous assure, travailler votre blessure d'injustice, ça va vous faire avancer.
01:13:18 Vous êtes d'accord Bruno Poznan ? Je pense que c'est assez évident.
01:13:22 Merci beaucoup en tout cas Nicolas.
01:13:24 - Merci beaucoup Brigitte, merci beaucoup.
01:13:27 C'est toujours vraiment un plaisir.
01:13:28 Je vous écoute vraiment depuis de nombreuses années.
01:13:31 Je crois que c'est la plusieurs fois que je vous ai au téléphone.
01:13:34 Et vous êtes vraiment pour moi une personne d'une gentillesse incroyable.
01:13:40 Je vous garde en mémoire.
01:13:41 Je vous cite plus souvent que le Daïla et l'Anah.
01:13:45 Vous faites partie des gens que je cite autour de moi.
01:13:48 - Merci Nicolas.
01:13:51 Allez, on continue avec Yolande, à moins que vous ayez envie d'ajouter quelque chose
01:13:57 Bruno Poznan.
01:13:58 - Non, tout est dit.
01:14:00 On a un témoignage encore plein d'humanité.
01:14:02 C'est plutôt rassurant d'ailleurs, malgré tout.
01:14:07 - Mais est-ce qu'il ne faut pas pour aller chercher son humanité, être un petit peu
01:14:10 blessé ? C'est la question que je me pose.
01:14:12 - Je crois que les gens ont des failles.
01:14:14 Ce qu'on appelle des failles, c'est des blessures.
01:14:16 Quand ils commencent à prendre les choses à bras à le corps, ils se rapprochent de
01:14:22 leur vérité.
01:14:23 C'est ça qui est le chemin.
01:14:25 C'est ce que c'est en train de faire Nicolas.
01:14:28 C'est de chercher à combler ou à colmater ces vides que la vie nous inflige par moment,
01:14:35 tout simplement.
01:14:36 - Oui, parce que parfois on rencontre des gens qui ont eu jusqu'à présent une vie
01:14:41 tranquille, plutôt bien.
01:14:43 Et qui sont finalement d'une intolérance et d'un manque d'humanité qui parfois me
01:14:48 fait penser que s'il leur est arrivé quelque chose de difficile, ça les rendrait peut-être
01:14:52 plus humains.
01:14:53 Mais bon, ça n'engage que moi ce que je viens de dire.
01:14:55 - Non, non, mais je vous entends.
01:14:58 - Je suis sûr que beaucoup de gens doivent m'entendre.
01:15:01 Bonjour Yolande.
01:15:02 - Bonjour Brigitte et bonjour Bruno.
01:15:04 Je suis totalement d'accord avec tout ce que vous avez dit.
01:15:06 - Bon, écoutez.
01:15:09 Et alors vous justement, par quoi êtes-vous passée pour être devenue humaine ?
01:15:15 - Alors moi, je suis passée par de la maltraitance de mon enfance aux alentours de 6 ans jusqu'à
01:15:21 mes 15 ans.
01:15:22 Donc c'était violence sexuelle par mon père.
01:15:26 C'était aussi de la violence tout simplement.
01:15:30 Enfin, tout simplement, c'est un grand miroir-maud donc très violent.
01:15:32 Des maux, de l'humiliation.
01:15:34 Et tout ça restait à huis clos dans la famille parce qu'à l'extérieur, c'était l'homme
01:15:40 parfait en fait.
01:15:41 Voilà.
01:15:42 Donc il a été très très difficile de sortir de tout ça et d'en parler parce que même
01:15:48 c'était caché à ma mère.
01:15:50 Bon, elle voyait qu'il était violent avec mon frère et moi mais elle ne savait pas
01:15:53 tout.
01:15:54 Elle ne savait pas qu'il y avait aussi de la violence sexuelle envers moi en fait.
01:15:57 - Et évidemment, peur de le dénoncer à votre mère par peur des représailles.
01:16:03 - Bien sûr, parce qu'il était violent, il y avait du chantage, j'avais peur de perdre
01:16:09 ma maman et mon frère.
01:16:10 Enfin bon, donc du coup, je cachais tout ça bien sûr.
01:16:13 Et il a fallu en fait pour en parler, pour réussir à mettre des mots et le dire à
01:16:24 ma mère et l'avouer aussi à mon frère, il a fallu que j'ai accouché de mes enfants
01:16:28 et pour protéger mes filles de ceux, entre guillemets, grands-pères, j'ai tout dit.
01:16:35 Parce que je ne voulais pas qu'il soit en contact avec mes enfants.
01:16:40 - C'est ça.
01:16:41 Et comme on vous posait des questions et on ne comprenait pas pourquoi vous ne vouliez
01:16:45 pas qu'il soit en contact avec vos enfants, vous avez été là.
01:16:48 - Ah oui.
01:16:49 J'avais toujours des excuses.
01:16:50 J'avais toujours des excuses.
01:16:51 Tout le temps.
01:16:52 - Oui.
01:16:53 Et c'est terrible parce que vous avez utilisé le mot "avouer" comme s'il y avait une faute
01:16:57 à vous.
01:16:58 - Oui.
01:16:59 Parce qu'on culpabilise, on a honte, on veut protéger.
01:17:02 Donc du coup, on prend tout sur soi en fait.
01:17:09 Et c'est tellement lourd à porter qu'on n'arrive pas à en parler.
01:17:14 - Bruno Ponsnard, on prend tout sur soi, c'est quelque chose qu'on entend souvent aussi.
01:17:19 Qu'est-ce que vous avez envie de dire à Yolande justement ?
01:17:21 - Oui.
01:17:22 Yolande a tout dit dans son témoignage.
01:17:23 C'est-à-dire qu'il y a la honte, la culpabilité, la conscience qu'on a été salie, mais aussi
01:17:32 un sentiment qui est terrible pour l'enfant, c'est de se sentir sale.
01:17:35 Mais sale parce qu'il est aussi acteur de l'inceste.
01:17:38 Et c'est terrible pour l'enfant parce qu'il y a pour l'enfant inconsciemment une sorte
01:17:45 de merchandisation du corps.
01:17:46 Voilà, il y a tout ça derrière.
01:17:49 Et puis il y a tout ce contexte familial qui fait que…
01:17:54 Alors le témoignage de Yolande, il est important parce que très souvent, c'est intéressant
01:18:00 la thématique, c'est la maltraitance.
01:18:01 Est-ce qu'on l'apprend dans l'éducation et comment on change ?
01:18:03 Et c'est quand on devient mère soi-même qu'on se met à protéger en fait.
01:18:07 C'est en protégeant ses enfants qu'on arrive à protéger ou à réparer ou à commencer
01:18:12 à combattre ces blessures subies en tant que victime.
01:18:16 Et c'est très souvent au moment de la parenthétique que les femmes se ressortent cette force de
01:18:20 dire non, non, moi c'est bon, j'ai donné, je le dis de façon un peu caricaturale, mais
01:18:26 mes enfants, je vais les protéger.
01:18:27 Oui, on devient plus fort en ayant des enfants et on grandit.
01:18:31 Moi, j'ai réussi à avoir de plus en plus de force et après à m'accomplir aussi au
01:18:37 niveau professionnel.
01:18:38 Et ce qui fait qu'aujourd'hui, j'ai pu après porter plainte au bout de tant d'années.
01:18:44 Et le fait d'avoir porté plainte a été très violent encore une fois, mais ça m'a
01:18:49 encore donné plus de force je trouve.
01:18:51 Et le fait d'en parler, je pense qu'il faut vraiment parler à ses amis.
01:18:57 Non mais ça c'est vraiment le sujet que je répète sans cesse et c'est pour ça que
01:19:02 je fais régulièrement des émissions avec des témoignages comme le vôtre Yolande,
01:19:07 parce que c'est en parlant qu'on va mieux.
01:19:08 Alors moi j'ai une question qui est peut-être un peu violente à vous poser Yolande, mais
01:19:13 je vous laisserai une petite pause pour pouvoir y répondre.
01:19:17 Est-ce que justement en devenant mère et en protégeant vos enfants, ça a changé
01:19:23 votre relation à votre mère et votre vision justement de votre mère qui quelque part
01:19:28 quand même ne vous a pas protégé de la violence physique au moins, puisque celle-là
01:19:32 elle la voyait.
01:19:33 Je vous laisse le temps d'une petite pause et puis vous nous direz ce que vous avez envie
01:19:37 de nous dire Yolande.
01:19:38 On se retrouve dans un instant sur ce.
01:19:40 En compagnie de Bruno Ponsnart, psychanalyste, sexologue, clinicien, nous revenons sur le
01:19:46 témoignage de Yolande.
01:19:47 Donc vous devenez maman, vous l'avez dit avec beaucoup de force, à quel point ça
01:19:53 vous avait rendu plus forte.
01:19:56 En quoi ça a changé votre relation à votre mère justement ?
01:20:01 Alors j'y ai réfléchi justement, c'était une très bonne question.
01:20:05 Donc avec ma mère j'ai toujours une relation assez on va dire, on va dire, pas fusionnelle.
01:20:12 Non, au contraire, j'étais très proche de ma mère.
01:20:14 Et ma mère a subi aussi la violence avec lui et elle a aussi subi la manipulation,
01:20:21 elle a été très soumise.
01:20:22 Et par contre, là où je pense que moi j'ai évolué, c'est que pendant des années,
01:20:28 j'ai été la gentille, on va dire, entre guillemets, qui accepte tout, qui dit oui
01:20:32 à beaucoup de choses.
01:20:33 Et finalement aujourd'hui, je ne veux plus être comme ça.
01:20:37 Aujourd'hui, j'ai plutôt envie de m'affirmer, de taper du poing sur la table s'il le faut,
01:20:42 tout en étant quand même conciliante, arrangeante.
01:20:45 Mais il y a des limites que peut-être ma mère n'arrivait pas à mettre avec lui.
01:20:51 Mais elle aussi, elle a évolué toutes ces années.
01:20:56 Depuis, elle a beaucoup évolué aussi.
01:20:58 - Merci Yolande de votre témoignage.
01:21:02 - C'est mais je vous en prie.
01:21:04 - On va continuer avec Christian qui est avec nous, Bruno Ponsnard.
01:21:09 Bonjour Christian.
01:21:10 - Bonjour Bruno, bonjour Brigitte.
01:21:11 Je vous appelle parce que je voulais témoigner par rapport à la maltraitance et notamment
01:21:18 par rapport aux croyances qu'on se crée quand on est petit.
01:21:21 Moi, j'ai été insulté et humilié par mon père pendant toute mon enfance, jusqu'à
01:21:29 mon âge adulte.
01:21:30 Et en fait, il me rabaissait régulièrement devant les gens et devant ses amis, devant
01:21:42 la famille aussi.
01:21:43 Et en fait, pour moi, mon père ne me désirait pas.
01:21:50 Je me demandais bien ce que j'étais venu faire là-dedans, dans cette famille.
01:21:54 Et quand mon père me frappait, pour moi, c'était des injonctions de mourir.
01:21:59 Il n'ose pas aller jusqu'au bout.
01:22:02 Mais ce qu'il désire lui, en réalité, pour moi, c'est la mort.
01:22:09 Je n'aurais pas dû être là.
01:22:11 Et ce que je voudrais souligner, c'est les croyances qu'on se crée.
01:22:17 C'est comment on donne du sens quand on est enfant.
01:22:20 Je sais bien, et ce qui est terrible, c'est qu'après adulte, on ne comprend pas pourquoi
01:22:25 on a réagi comme ça.
01:22:26 On ne comprend pas pourquoi c'est dur pour les enfants.
01:22:28 On ne comprend pas.
01:22:29 Moi, j'ai eu du mal à remettre des mots dessus et à trouver comment on réfléchit
01:22:34 quand on est enfant.
01:22:35 Ce n'est pas pareil.
01:22:36 On n'est pas construit pareil.
01:22:37 - Mais on n'a pas la capacité à rationaliser les choses, Christian.
01:22:42 On n'est que dans l'émotion jusqu'à l'âge de 7-8 ans.
01:22:45 Ce qui est horrible dans ce que vous dites, c'est qu'à la fois, vous avez subi une humiliation,
01:22:51 donc une blessure d'humiliation essentielle, et puis il y a cette peur de mourir que vous
01:22:56 deviez avoir chaque fois qu'il vous battait.
01:22:59 Parce qu'en fait, c'est ce que vous êtes en train de dire, il me semble.
01:23:02 - Oui, en fait, moi, je me suis protégé.
01:23:07 En tout cas, maintenant, je considère que je me suis protégé en le haïssant terriblement,
01:23:10 cet homme.
01:23:11 Je pense sincèrement, s'il y a un truc que je peux dire sur mon père, c'est que je ne
01:23:15 l'ai jamais rencontré.
01:23:16 C'était l'homme qu'il ne fallait pas devenir.
01:23:20 Je ne voulais pas devenir comme lui.
01:23:22 C'était très important pour moi de ne pas devenir l'homme qu'il était.
01:23:26 Et en plus de ça, c'est terrible parce que cette haine que j'avais envers lui, c'était
01:23:34 une violence.
01:23:35 On le sent bien.
01:23:36 On le vit très...
01:23:37 - Bien sûr.
01:23:38 - Et pour moi, ça me ramenait à sa violence à lui.
01:23:40 C'est-à-dire que le fait de le haïr me rendait aussi mauvais...
01:23:44 L'image que j'avais de moi était aussi mauvaise que celle que j'avais de lui.
01:23:48 - Bien sûr, mais ce qui va bien, c'est que vous utilisez l'imparfait, il me semble.
01:23:52 Bruno Ponsnard, qu'est-ce que vous pouvez dire à Christian ?
01:23:54 - Oui, en fait, c'est la peur d'être comme papa.
01:23:56 Ce rejet violent, c'est aussi un moyen de dire "je ne veux pas et je ne serai pas comme
01:24:04 toi".
01:24:05 Parce que le petit garçon que vous essayez, ce qu'il voulait, c'était d'être reconnu
01:24:10 par son père.
01:24:11 Et quand on a un père qui rabaisse et qui maltraite, l'enfant, il est lié.
01:24:14 Bien sûr que c'est...
01:24:15 Quand vous parlez de cette sensation de mort, quand vous repensez à cette relation, bien
01:24:23 sûr que quelqu'un qui vous maltraite, il vous renie, il vous tue.
01:24:26 Psychiquement, symboliquement, j'entends.
01:24:29 Et c'est vrai que l'enfant, lui, il a besoin de reconnaissance.
01:24:33 Tous les enfants regardent leurs parents, notamment pour un garçon, le papa, c'est
01:24:38 censé être mon modèle.
01:24:39 - Oui, c'est votre dieu et en fait, vous avez le diable en face de vous.
01:24:49 Je crois que c'est quelque chose comme ça de très compréhensif.
01:24:52 Parce qu'en fait, pour l'enfant, c'est noir ou c'est blanc.
01:24:55 C'est jamais entre les deux.
01:24:56 - Et c'est terrible parce que c'est une dualité qui est très compliquée à vivre.
01:25:00 C'est-à-dire de voir être aimé par un homme et le détester en même temps.
01:25:04 C'est vraiment...
01:25:05 C'est déchiré en deux.
01:25:06 - Oui, mais ce qui est intéressant, Christian, c'est que vous avez conscience aujourd'hui,
01:25:17 vous n'en aviez peut-être pas conscience enfant, mais si quand même, je crois, sinon
01:25:20 vous ne le diriez pas aussi simplement.
01:25:21 Vous aviez quand même conscience de cette dualité qui était en vous.
01:25:25 C'est à la fois vous le détestiez et en même temps, vous aviez envie qu'il vous
01:25:29 aime.
01:25:30 - C'est vrai.
01:25:31 Mais moi, ce que je sais surtout, c'est qu'à l'époque, je pensais que j'étais foutu,
01:25:35 que je n'aurais pas d'avenir, que j'étais à la poubelle.
01:25:39 - C'est ça, vous avez quel âge aujourd'hui ?
01:25:43 - J'ai 49 ans.
01:25:46 - Et qu'est-ce qui vous a aidé, Christian ?
01:25:48 - Alors, je vais vous dire ce qui m'a aidé, c'est d'essayer de sauver ma soeur.
01:25:51 - Ah oui, d'accord.
01:25:53 - Je me suis interposé et je pensais qu'il ne fallait pas que ça recommence.
01:26:03 Il ne fallait pas que ça lui arrive ce qui m'est arrivé, ce que je ressentais.
01:26:08 - Elle a combien d'âge de moins que vous ?
01:26:10 - Un an de différence.
01:26:12 - C'est tout ? Et vous aviez déjà cette force-là de la sauver ? À partir de quel
01:26:18 âge vous avez eu cette puissance-là, ce désir puissant de la protéger, justement ?
01:26:24 - Je dirais trois, quatre ans, je ne sais pas, très très tôt.
01:26:28 En fait, ma soeur, elle est arrivée très vite.
01:26:30 Je me suis fait virer des bras de ma mère, je me suis fait virer du lando.
01:26:34 Je me rappelle encore que ça a été des moments très durs et en même temps,
01:26:40 elle, elle avait une chance.
01:26:43 Elle, elle pouvait.
01:26:44 Et bon, ça ne marche pas comme ça, évidemment.
01:26:49 - Non, non, mais c'est ce que vous êtes dit en tant qu'enfant et ça vous a aidé.
01:26:55 Et est-ce qu'il était violent avec votre soeur ou pas ?
01:27:00 - C'est compliqué.
01:27:02 J'ai un grand frère et il a été violent avec mon grand frère.
01:27:04 Je l'ai vu et je pense que ça aussi, c'est la prise de conscience.
01:27:06 C'est pas juste à...
01:27:08 Je l'ai vu faire aussi.
01:27:11 C'est ça qui... De voir ça de l'extérieur, en fait, c'est pas la même chose.
01:27:17 Et pour moi, le souvenir que j'en ai, c'est que j'ai protégé ma soeur.
01:27:22 Mais après, est-ce qu'elle a reçu ou pas ?
01:27:24 De toute façon, je considère qu'aujourd'hui, le simple fait d'avoir vu la violence
01:27:29 que j'ai prise à sa place est suffisant pour...
01:27:31 Et déjà un traumatisme qui explique des choses, quoi.
01:27:37 Mais après, si elle a été battue...
01:27:40 Dans la famille, c'était un peu particulier.
01:27:41 Je pense que les filles avaient un statut où il fallait pas qu'elles soient battues.
01:27:44 Les garçons, c'était plus dans la culture.
01:27:48 Ouais, on va dire.
01:27:52 - Et dans tout ça, votre mère, elle était malgré tout une bonne mère,
01:27:59 même si elle a pas pu vous protéger ou pas ?
01:28:02 Qu'est-ce que vous diriez ?
01:28:05 - Ma mère, elle a passé son enfance à l'orphelinat.
01:28:10 Alors, comment dire ?
01:28:14 Je vais vous dire ce que je pense.
01:28:17 Pour moi, ma mère, elle était à sauver aussi.
01:28:19 Je vous l'ai pas dit, mais l'une des choses que j'aurais voulu faire dans ma vie,
01:28:23 c'est sauver ma mère.
01:28:25 Sauver du vide de son enfance, du monde d'affection qu'elle a pas reçu.
01:28:30 Pour moi, ma mère, elle nous a raconté très petit son histoire.
01:28:33 Et pour moi, elle nous a appelés au secours.
01:28:35 Elle m'a appelé au secours, en tout cas.
01:28:37 Donc...

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