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Claude Ardid, grand reporter et auteur du livre "Les enfants du purgatoire" disponible aux éditions de l’Observatoire, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.

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Transcription
00:00 7h, 9h
00:02 Europe 1 Matin
00:04 Europe 1 Matin, 7h12, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le journaliste Claude Ardide pour son livre "Les enfants du purgatoire"
00:11 Oui bonjour Claude Ardide, bienvenue sur Europe 1, ce livre que vous allez nous présenter
00:15 Alors je me permets un petit avertissement, c'est un coup de poing à l'estomac, c'est un coup d'œil dans le quotidien sordide de la brigade de protection des mineurs de Marseille
00:23 Vous avez suivi pendant deux mois au quotidien les 33 hommes et femmes qui composent cette équipe hors normes et qui, je vous cite, "lutte 24h sur 24 contre le mal"
00:34 Et qu'est-ce que c'est que ce projet ? Comment en êtes-vous arrivé à suivre cette brigade hors normes ?
00:39 Alors j'avais fait deux documentaires précédemment, un pour France 5 sur la prostitution des mineurs de moins de 15 ans et un deuxième film sur les adolescents fugueurs
00:47 Et j'avais été déjà sidéré par la progression du nombre de gamines de moins de 15 ans, alors toute classe sociale confondue, pas simplement les gamines des quartiers
00:56 mais les gamines de milieu bourgeois, parents médecins, parents chefs d'entreprise, qui avaient sombré dans la prostitution avec une facilité qui me paraissait dérisoire
01:04 C'est-à-dire qu'aujourd'hui se prostituer à 15 ans grâce aux réseaux sociaux c'est extrêmement facile
01:08 Mais pour se prostituer il faut fuguer et donc j'avais vu aussi au sein des brigades de mineurs de Paris, de Marseille, qu'il y avait des dizaines de milliers de gamins, souvent de 14, 13, 12 ans qui fugaient
01:21 Et donc je me suis dit je vais m'intéresser au travail de la brigade des mineurs et c'était plus facile de travailler à Marseille pour des raisons d'acceptation, d'intégration
01:29 Et donc tous les matins, très tôt, à 7h30 j'arrivais au troisième étage, un couloir 30 mètres de long, 10 bureaux, 33 flics, essentiellement des femmes moins de 40 ans, des femmes déterminées, très humaines, très drôles, un humour colossal
01:46 - Et vous les décrivez comme des urgentistes de l'enfance finalement
01:49 - Oui parce qu'en fait elles sauvent des vies en permanence, que ce soit des bébés, moi j'ai assisté à un nombre incalculable d'affaires de bébés secoués dont un est mort quelques jours après que je sois là, j'avais assisté à l'audition
02:01 - Un nombre incalculable en l'espace de deux mois
02:03 - Oui, c'est-à-dire que vous avez cinq affaires de bébés secoués, moi je m'attendais pas à ça, c'est un phénomène nouveau, c'est pas un fait divers, c'est un fait de société
02:10 Il y a des parents qui pètent les plombs pour différentes raisons et qui secouent leur bébé
02:14 - Cinq affaires par jour ?
02:15 - Non pas par jour, en deux mois, c'est déjà beaucoup, il y a 500 affaires de bébés secoués en France, c'est plus un fait divers, c'est un fait de société
02:25 Donc quand vous assistez à des auditions, vous voyez des parents qui pleurent parce qu'ils ont secoué leur bébé
02:31 Le nombre d'affaires d'inceste auxquelles j'ai assisté pendant deux mois avec des pères, des grands-pères, et parfois même des femmes qui agressent sexuellement leurs enfants
02:44 Vous vous dites quand même que c'est assez terrible, la société va très très mal
02:48 - Vous vous faites le porte-voix de ces hommes, de ces femmes, très courageux, il y a une part de lumière aussi chez eux, vous dites qu'ils sont capables de beaucoup d'humour
02:58 Mais ils ont tous quelque chose, c'est la peur de connaître l'affaire de trop, et dans la brigade, mais aussi dans la suite de la chaîne pénale, ça vous l'avez vu notamment chez les juges pour enfants
03:08 - Oui, alors j'ai rencontré deux juges pour enfants qui sont, franchement, extraordinaires, je peux les citer, il y avait Dominique Bellon et Anne-Sophie Boutier-Véran
03:18 Qui, elles, sont submergées par le nombre de dossiers, c'est-à-dire que quand je rentrais dans leur bureau, elles avaient entre 400 et 450 dossiers sur leur table
03:28 Et puis toutes me disaient que c'est terrible parce que le nombre de dossiers le plus conséquent, c'est ce qu'on appelle les séparations conflictuelles
03:34 C'est-à-dire des divorces qui se passent mal, des séparations qui se passent mal avec des enfants qui sont victimes des séparations
03:42 Et des enfants qui vont arriver dans leur bureau de juge pour enfants qui sont à peu près normaux, et qui au bout de trois à quatre mois, parce que les affaires durent très longtemps
03:49 Qui sont quasiment dans l'ultime, c'est-à-dire qu'ils s'expriment plus, ils ne parlent plus, ils ne mangent plus, parce qu'ils voient leurs parents s'entre-déchirer
03:57 Et que les juges n'arrivent plus à donner de réponse pénale, rapide, à ces couples et donc à ces enfants
04:04 - Alors malgré tout, vous dites que c'est la plus belle expérience de votre vie professionnelle, et on peut dire que vous avez une carrière étoffée, Claude Ardite
04:13 Vous avez été reporter, grand reporter, vous avez travaillé pour la télévision, pour de nombreux quotidiens, à ce point-là, ça vous a marqué à ce point-là ?
04:20 - Oui, ça m'a marqué, ça m'a profondément marqué, alors j'ai fait exactement comme les filles, c'est-à-dire qu'au bout de deux mois et demi, je me suis dit "tu t'arrêtes maintenant, il ne faut pas"
04:26 L'affaire de trop, elle va te faire son boulot, parce que je rentre... - Ah vous aussi, vous vous êtes dit ça au bout d'un moment ?
04:31 - Oui, je me suis dit "il faut que t'arrêtes", parce que j'ai assisté à des assassinats, des aveux de personnes qui avouaient leur inceste, une gamine un jour de 15 ans
04:40 - Mais c'est-à-dire, attendez-moi Claude Ardite, vous étiez dans le bureau avec les policiers ?
04:43 - J'arrivais le matin à 7h30, et puis les flics avec lesquels j'avais vraiment de bonnes relations, venaient me chercher en me disant "Claude, j'ai un inceste, viens"
04:49 "Claude, j'ai un père qui a brossé son gosse par la fenêtre, viens, on part chercher un mec qui a tenté d'assassiner sa femme"
04:59 Donc moi j'étais sur le qui-vive, et d'un bureau à l'autre, j'étais dans une espèce de machine à laver, mais avec des femmes qui, même quand elles partaient avec le gilet pare-balles
05:10 avec le brassard en se disant "on va peut-être chercher un agresseur, on sait pas comment ça va se passer"
05:15 elles le faisaient avec le sourire, elles chantonnaient presque, elles me disaient "allez viens avec nous, on y va"
05:18 je disais "attendez les filles, on va se calmer, moi je sais pas où je vais"
05:21 Mais, donc voilà, c'est un mystère, je ne sais pas comment elles tiennent, je ne sais pas
05:27 Donc moi je me suis dit "je veux pas la faire de trop"
05:29 Pour ne rien vous cacher, je remercie ma psychothérapeute, parce qu'au bout de trois mois je suis allé voir une psy en lui disant
05:35 "bon il faut que je dépose mes valises, il faut que vous m'expliquiez ce qui est en train de se passer dans cette société
05:39 avec des gamins, avec des ados, avec des femmes, parce que j'ai du mal à comprendre"
05:44 - Et est-ce que quelqu'un soutient ces femmes de la brigade de protection des mineurs, parce que ce que vous avez vécu en deux mois, elles s'y sont toute leur carrière pratiquement ?
05:51 - Oui, elles ont un café-piscine une fois par mois, où elles disent "ouais c'est pénible, on n'a pas envie"
05:56 et en fait elles y vont, elles racontent, elles lâchent tout, elles apprennent avec des psychothérapeutes qui sont mandatés par le ministère de l'Intérieur
06:03 on leur dit "faites de l'hypnose, faites la technique du MDR, allez voir un psy, allez vous poser pour raconter ce que vous vivez"
06:10 parce que c'est extrêmement lourd. Alors je sais pas si elles le font, mais par contre elles randonnent, elles partent en vacances
06:16 elles font le chemin de compostelle, elles font du sport sur les quais de la Joliette en bord de mer
06:22 elles font un apéro une fois par mois, j'ai jamais vu ça, vous avez le couloir
06:27 elles sortent les micros, car auquel sortent des bouteilles de champagne, de vin
06:31 elles chantent des trucs de dingue, et pendant deux heures c'est une espèce de folie à laquelle j'ai assisté
06:36 moi j'étais là "c'est pas possible" et puis on rit quoi, c'est ça qui les sauve.
06:40 - Voilà, ça c'est la part de lumière, c'est pour ça que vous parlez de purgatoire et non d'enfer
06:44 - Ouais, c'est pas encore l'enfer, non.
06:47 - Les enfants du purgatoire, je montre le livre à ceux qui nous regardent sur europe1.fr à la caméra, vous le voyez
06:51 c'est signé Claude Hardide aux éditions de l'Observatoire, merci d'être venu le voir ce matin sur Europe 1, Claude Hardide.
06:57 - Merci beaucoup. - Bonne journée à vous.

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