Violence des mineurs : «Un choc d'autorité ne peut pas marcher», estime Maurice Berger

  • il y a 1 heure
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Maurice Berger, pédopsychiatre et psychanalyste, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le pédopsychiatre et psychanalyste Maurice Berger.
00:07Bonjour Maurice Berger.
00:08Bonjour Monsieur Pavlenko.
00:10Bienvenue à vous sur Europe 1, vous êtes un spécialiste internationalement reconnu de la violence chez les enfants et les adolescents.
00:16Vous avez écrit de nombreux ouvrages à ce sujet.
00:18Le dernier en date est paru en 2021, « Faire face à la violence en France », c'est aux éditions de l'artilleur.
00:24Alors c'est l'affaire qui choque la France en ce moment.
00:26À Marseille, un ado, tueur à gage de 14 ans seulement.
00:29Dans le même dossier, un autre jeune de 15 ans, assassiné de 50 coups de couteau et brûlé vif, sans doute par des jeunes de son âge.
00:36Cette autre affaire aussi, il y a 4 jours apparaît, on en a un peu moins parlé.
00:39Une rixe ultra-violente entre bandes rivales sur la dalle de Beaugrenelle.
00:42Et puis à Tourcoing, cet élève frappant sa prof qui lui demandait de retirer son voile.
00:46Ça fait 40 ans que vous travaillez auprès d'enfants très violents.
00:49Maurice Berger, ces affaires nous renvoient l'image d'une montée générale de la violence chez les plus jeunes.
00:55Est-ce que c'est un effet de loupe médiatique ou bien est-ce qu'il se passe véritablement quelque chose ?
00:59Ah oui, réellement on voit les chiffres.
01:04Et je peux même vous dire qu'en prison, on a une augmentation des mineurs meurtriers supérieure à l'augmentation des adultes meurtriers.
01:14On a une multitude de facteurs, donc je vais vous donner juste quelques-uns.
01:20Le premier, c'est qu'effectivement il y a des problèmes éducatifs absolument majeurs.
01:26Donc ça pose la question de notre dispositif de protection de l'enfance qui est totalement débordé.
01:33Mais aussi, je crois qu'on a lâché sur certains grands piliers.
01:39Le grand pilier, c'est le respect absolu de l'intégrité physique.
01:43C'est quelque chose qui n'est plus pris en compte dans la loi.
01:48C'est-à-dire qu'on a une gradation des violences qui ne rencontre pas de butée.
01:53Un autre pilier, c'est vraiment la nécessité de rencontrer des interdits clairs.
01:58Et ça aussi, on ne le voit plus.
02:01Alors, dans l'affaire de l'adolescent tueur à gage à Marseille, vous diriez, Maurice Berger, que c'est le business de la drogue qui transforme les mômes en tueurs ?
02:09Ou bien est-ce que c'est le contraire ?
02:11Alors, pour reprendre l'histoire de Marseille, moi je trouve que ce qui est intéressant, entre guillemets, c'est l'argent.
02:18L'argent, c'est-à-dire qu'on a des mineurs pour lesquels la vie n'a pas de valeur.
02:23Ça, c'est impressionnant.
02:25Ce que j'entends, c'est qu'ils seraient morts de toute manière un jour ou l'autre.
02:28Comme si tuer, ce n'était qu'accélérer un processus naturel.
02:33Et en même temps, quand on a cette violence, il y a l'argent qui est une véritable obsession.
02:41Et pas seulement pour se droguer, pour acheter de la drogue,
02:45mais on voit des jeunes, un jeune qui me dit, moi j'ai besoin d'avoir tout le temps un billet de 50 euros dans la poche pour me sentir bien.
02:52Un billet, évidemment, volé.
02:55Et donc cet argent, ça met en quelque sorte à l'abri des besoins.
03:00On ne dépend plus de personne.
03:02C'est une sorte de besoin d'indépendance à tout prix qui aboutit au meurtre.
03:08Et cette indépendance, vous n'avez qu'à voir l'histoire de ce jeune de 14 ans.
03:14Ses deux parents étaient en prison pour toxicomanie.
03:17Il a été placé à 7 ans.
03:19Donc il a eu une enfance absolument désastreuse.
03:22Et pour lui, le plus important, c'est je ne dépends de personne.
03:26Alors, il est évident qu'un choc d'autorité ne peut pas marcher dans une situation comme celle-là.
03:35Parce que la loi ne veut rien dire.
03:37Ces mineurs n'ont aucune loi dans la tête.
03:41Donc la question, c'est de passer rapidement,
03:45dès les premières atteintes corporelles patinées à autrui,
03:49à des peines courtes dont on sait qu'elles sont efficaces
03:53et qu'elles ne désocialisent pas.
03:55C'est 7 à 14 jours de prison.
03:57Et dès que, dans l'échelle des violences, on atteint un niveau plus important,
04:04c'est des peines beaucoup plus longues
04:07qui permettent la prise en charge éducative, psychologique de ces mineurs.
04:12Vous dites qu'il faut restaurer la certitude de la peine
04:15et la promptitude de cette peine, que ça tombe rapidement.
04:18Quelle est la réponse pénale aujourd'hui pour les mineurs les plus violents, Maurice Berger ?
04:22Nous nous trouvons devant une situation que la France n'a jamais connue.
04:26C'est-à-dire une très forte augmentation de la violence
04:29qui s'accompagne d'une érosion de la peine.
04:32Je dirais que c'est blessure réelle, peine virtuelle.
04:37Blessure irréparable, peine futile.
04:41Et la question c'est comment protéger les citoyens ?
04:44Sur mon bureau j'ai un code pénal, je pourrais écrire dessus
04:48« Ceci n'est pas un code pénal »
04:50comme sur le tableau de Magritte « Ceci n'est pas une pipe ».
04:54Donc on ne s'en sortira pas sans une véritable révolution pénale
04:59centrée sur comment protéger les citoyens d'abord
05:03et centrée sur le besoin d'interdits clairs matérialisés.
05:12C'est-à-dire fermes.
05:14Pour les sujets violents, la parole qu'on leur dit
05:19et la parole judiciaire ne portent pas, elle n'a pas de valeur.
05:23Alors on est ennuyé parce qu'on doit renoncer à ce qui est notre outil naturel
05:28c'est-à-dire le dialogue et la parole.
05:31Et alors cet adolescent tueur à gages, Maurice Berger,
05:33est-ce que vous avez une idée de la peine qui l'encourt ?
05:36Je pense qu'il va prendre un certain nombre d'années
05:39mais on va aussi faire intervenir l'individualisation de la peine
05:43en fonction de sa personnalité.
05:45Donc je ne sais pas ce qui restera finalement.
05:48Moi ce que je propose c'est que l'excuse de minorité ne dépasse pas 10%.
05:53Parce que le 50-50 on ne sait pas sur quels motifs ça repose
05:58et que l'individualisation de la peine ne dépasse pas 10%.
06:02Ce qui permet quand même des peines adaptées.
06:07Et puis on a au sein de la magistrature des juges qui diront
06:14mais c'est une victime, l'auteur est une victime.
06:17Même des juges qui disent je ne mettrai jamais quelqu'un en prison.
06:21Donc c'est tout le problème de certains juges très idéologiques.
06:25Et puis on en a d'autres qui vont considérer que l'incarcération
06:33est non seulement une sanction mais aussi une chance pour ces mineurs
06:38parce qu'ils ne pourront plus continuer leur escalade dans les passages à l'acte
06:44et on va leur donner un temps pour penser.
06:47Merci beaucoup Maurice Berger.
06:49Je rappelle que vous êtes opé de psychiatre.
06:51Votre dernier ouvrage « Faire face à la violence en France » aux éditions de l'Artilleur.
06:55Bonne journée à vous.
06:56Merci, au revoir.

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