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Jérôme Vignon, conseiller sur l’immigration à l’institut Jacques Delors, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00 Il est 7h11, Dimitri Pavlenko, vous recevez Jérôme Vignon, il est conseiller sur l'immigration à l'Institut Jacques Delors.
00:07 Oui bonjour Jérôme Vignon.
00:08 Bonjour.
00:08 Bienvenue sur Europe. L'Agence de l'Union Européenne pour l'asile a publié hier ses données définitives pour 2022.
00:15 Les 27 ont collectivement enregistré l'an dernier 966 000 demandes d'asile. C'est un record depuis 2015-2016.
00:23 On va y ajouter aussi les 330 000 entrées irrégulières détectées par Frontex, l'agence des gains de frontières et des gardes-côtes européens.
00:30 Jérôme Vignon, est-ce que l'on est en train de vivre une nouvelle crise migratoire, à moins que la crise aujourd'hui ne soit devenue permanente ?
00:37 Alors il ne faut pas ajouter les entrées irrégulières. Une bonne partie des personnes entrées irrégulièrement, les 330 000, ont déposé une demande d'asile,
00:46 donc font partie des 990 000. Mais c'est vrai qu'à la fois les entrées irrégulières et les demandes d'asile ont augmenté de 50% entre 2021 et 2022, c'est très important.
00:56 C'est un effet de rattrapage du Covid ?
00:58 Il y a trois choses. Pour les demandes d'asile, il y a effectivement un effet rebond Covid, puisque en 2020-2021 on ne pouvait pas facilement franchir les frontières,
01:08 donc il y a un report de ce qui aurait dû se passer plus tôt. Il y a un effet de certaines causes historiques et fortes.
01:18 Les Syriens sont particulièrement nombreux, et ils étaient très nombreux parmi les frangissements irréguliers.
01:24 On peut penser que la Turquie a un peu une lassitude de l'accueil des Syriens, où ils étaient très nombreux, et on a beaucoup de signes que ces Syriens qui sont venus massivement,
01:34 260 000 pour demander asile, c'est aussi des Syriens qui vivent en Turquie.
01:38 Les Afghans aussi, c'est une reprise de la crise afghane liée au Taliban.
01:42 Ça c'est au-delà de la normale, si j'ose dire. L'étiage de la normale c'est environ 600 000 bonans malins, si je peux dire, demandes de protection en Europe.
01:54 - Et si je me réfère aux chiffres français, parce que la France sur ce presque million de demandes d'asile en a reçu plus de 150 000,
02:03 et on voit les quatre nationalités les plus représentées, les Afghans, les Bangladais, les Turcs, les Géorgiens également.
02:11 - Oui, alors le cas de la France est un peu singulier. J'ai noté des chiffres qui donnent 130 000 pour 2022 pour la France,
02:20 et l'augmentation pour la France est de l'ordre de... - Les 23 000 Dublinais, dont les 150 000.
02:26 - Absolument. - Ceux qui normalement devraient faire une demande d'asile dans le premier pays où ils ont posé le pied en Europe,
02:32 ce qui n'est pas le cas, je prends par exemple les Italiens en Grèce, etc.
02:35 - Oui, mais l'augmentation des demandes d'asile en France est notable pour 2022, de l'ordre de 30 %,
02:41 mais c'est quand même moins que les 50 % en moyenne pour l'Europe, et ça c'est en partie dû au fait que les Syriens viennent peu en France.
02:46 - Question importante, Jérôme Vignon, sur ces 966 000 demandes, combien aboutissent et que deviennent ceux à qui on oppose un refus ?
02:55 - Alors justement, en 2022, les chiffres de l'agence européenne de l'asile sont que 40 % seulement des personnes qui demandent l'asile
03:06 ou une protection en Europe reçoivent effectivement soit l'asile, soit une protection subsidiaire, qui sont les deux formes classiques de l'asile.
03:17 Donc il y a 60 %, donc les 3/5, qui ne reçoivent pas ces protections. Avec un petit bémol, c'est qu'il y a aussi quelque chose qui s'appelle la protection humanitaire,
03:26 qui est accordée de manière temporaire et qui n'est pas... - C'est le cas des Ukrainiens, par exemple.
03:31 - Alors les Ukrainiens c'est encore différent, eux ne demandent pas l'asile, il y a simplement 25 000 demandes d'asile ukrainiennes dans les 966 000,
03:39 eux bénéficient d'un autre dispositif qui s'appelle la protection temporaire, qui a été décidée en mars 2022, et ils sont 4 millions.
03:49 4 millions d'Ukrainiens, 1,5 million en Pologne, 1 million en Allemagne, 160 000 en France quand même.
03:55 - On vient d'avoir les chiffres du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, justement.
03:58 - Et c'est cette, je dirais, cette coïncidence entre un effort, je dirais, majeur d'un certain nombre de pays européens vis-à-vis des Ukrainiens
04:06 et l'afflux, en termes classiques, des demandes d'asile qui a rendu les choses très tendues, et a provoqué notamment ce Conseil européen des 9 et 10 février.
04:14 - Alors Jérôme Vignon, justement, venons-en ce Conseil européen où la question migratoire est revenue sur la table, il se trouve que depuis fin 2020,
04:21 un pacte sur les migrations et l'asile est en discussion, entre les 27, le texte était un petit peu passé au second plan, sous l'effet évidemment du Covid,
04:31 puis de la guerre en Ukraine, voilà que le thème de l'immigration revient en force dans l'agenda politique européen, porté notamment par la présidence suédoise
04:39 du Conseil de l'Union européenne. Ce texte, quelles en sont les grandes lignes de force, est-ce qu'elle va être adoptée,
04:46 puisque le temps presse, il se trouve que le mandat de la Commission et du Parlement européen s'achève dans un petit peu plus d'un an, il faut que ça aboutisse avant.
04:54 - Alors si on veut aller au cœur de l'ensemble de ces textes, il y a une dizaine de textes, c'est un paquet de plus de 10 000 pages,
05:01 l'essentiel c'est d'arriver à un accord, sur le terme d'un équilibre entre d'une part la responsabilité des pays dits de première entrée,
05:11 c'est-à-dire ceux qui gèrent les frontières extérieures communes de l'Union européenne, qui doivent le faire dans des conditions telles qu'on puisse facilement distinguer
05:19 les personnes qui relèvent de l'asile et celles qui n'en relèvent pas.
05:23 - Les pays riverains de la Méditerranée en ont un petit peu marre, ils trouvent que derrière, les pays de second rideau ne sont pas très solidaires.
05:28 - Absolument, et donc ceux-ci devraient être équilibrés par la solidarité des pays qui n'étant pas en première ligne, doivent néanmoins faire un effort
05:39 à mesure de leur richesse et de leur attractivité.
05:41 - Et on se souvient que pendant la crise de 2015-2016, ces pays, l'Italie notamment, souhaitaient des relocalisations forcées,
05:47 c'est-à-dire prenez votre part messieurs les Allemands, messieurs les Français, messieurs les Polonais,
05:51 et on pense aux Polonais notamment, avaient vertement refusé, est-ce qu'on se dirige aujourd'hui vers un accord,
05:56 parce que cette relocalisation forcée, on sait que c'est un casus belli en Europe aujourd'hui ?
06:01 - Oui en effet, et les efforts de la Commission et des présidences actuelles, c'est-à-dire suédoises et bientôt espagnoles,
06:07 vont être de donner à cette solidarité, y compris la relocalisation, les modalités les plus flexibles possibles,
06:17 et donc pas seulement la relocalisation, mais aussi un appui direct, financier ou administratif,
06:23 et même faire valoir les efforts qui ont été faits par exemple pour les Ukrainiens précédemment.
06:29 Donc essayer de mettre au pot de la solidarité le plus possible de modalités pour qu'elles soient plus acceptables
06:34 par les pays qu'on appelle de "visegrates", les pays les plus récemment entrés dans l'Union,
06:39 et qui sont très réticents à accueillir des migrants, quels qu'ils soient sur leur sol.
06:44 - On voit que la question migratoire, elle nourrit l'impression aussi d'une faiblesse de l'Union Européenne,
06:48 ça excède nombre d'opinions publiques, à commencer par la France.
06:52 On voit peut-être aussi monter en puissance de certaines idées, je pense à celles qui sont portées par la France,
06:57 par Emmanuel Macron, il y a cette idée, puisque je vous posais la question de que deviennent ceux qui n'obtiennent pas de visa,
07:03 la question de s'assurer que les retours soient beaucoup plus effectifs,
07:07 quitte à utiliser des armes qui aujourd'hui ne sont pas exploitées,
07:11 comme par exemple restreindre l'octroi de visa aux ressortissants des pays qui ne coopèrent pas sur les retours.
07:17 Ces solutions-là vont-elles aboutir, Jérôme Vignon, pensez-vous ?
07:21 - Alors c'est un problème extrêmement difficile, parce qu'effectivement le choix fait jusqu'à maintenant par l'Union Européenne,
07:26 et confirmé par le Conseil Européen, c'est plutôt le bâton que la carotte.
07:31 C'est-à-dire conditionner les visas, même conditionner les subventions au développement,
07:39 les facilités commerciales, à la docilité si je peux dire, des pays d'origine ou de transit,
07:46 pour la réadmission de leurs ressortissants.
07:49 Alors ceci jusqu'à maintenant n'a pas beaucoup marché,
07:51 puisque les intérêts de ces pays sont très faibles à cette réadmission.
07:56 La carotte ce serait plutôt de dire "nous sommes sur la même planète, nous sommes embarqués dans la même direction,
08:02 nous avons les uns et les autres besoin de mobilité, nous avons en Europe besoin,
08:06 même la loi française actuelle reconnaît, de populations actives, y compris extérieures,
08:12 mais vous avez aussi besoin de vous développer, c'est-à-dire de permettre à certains de vos jeunes retoursissants de s'expatrier".
08:18 Et c'est cet équilibre, qui est l'équilibre de la mondialisation, qui est l'équilibre aussi du changement climatique,
08:24 nous ne l'avons pas encore trouvé, nous sommes surtout du côté de la pression sur les pays du Sud,
08:29 et en ce moment ça ne marche pas très bien.
08:31 Et ça reste politiquement extrêmement sensible.
08:33 En tout cas merci d'être venu nous voir sur Europe 1.
08:35 Jérôme Vignon, je rappelle que vous êtes conseiller sur l'immigration à l'Institut Jacques Delors.
08:39 Bonne journée à vous.

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