Les actrices Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz , à l'affiche de Mon crime, de François Ozon, sont les invitées de 7h50.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00 7h48, deux actrices sont avec nous ce matin dans ce studio pour parler d'un film « Mon
00:06 crime » dont elles partagent l'affiche, Nadia Tereskevits et Rebecca Marder.
00:11 Bonjour à toutes les deux.
00:12 Bonjour.
00:13 Merci d'être avec nous ce matin.
00:15 « Mon crime » de François Oswand en salle mercredi prochain, mercredi 8 mars.
00:19 C'est un film qui raconte l'histoire de deux jeunes amies, l'une est actrice, l'autre
00:23 est avocate et elles peinent à faire décoller leur carrière.
00:26 Ça n'est pas du tout votre cas dans la vie puisque vous crevez l'écran depuis quelques
00:31 mois.
00:32 Nadia, vous avez reçu vendredi le César de Meilleur Espoir Féminin pour votre rôle
00:36 dans le film « Les Amandiers ». Rebecca, vous tournez beaucoup également.
00:40 On vous a vu l'an dernier à l'affiche, notamment dans « Simone, le voyage du siècle
00:43 », qui a très bien marché.
00:45 Est-ce que vous vous connaissiez avant le tournage de « Mon crime » toutes les deux ?
00:49 Non, on ne se connaissait pas.
00:51 Enfin, moi je l'avais vu jouer dans « Seules les bêtes » de Dominique Molle et puis on
00:55 s'est rencontrées pour le casting, pour l'audition.
00:57 Nadia ?
00:58 Moi aussi je la connaissais depuis que j'ai 10 ans parce que j'ai vu Rebecca dans son
01:03 premier film quand elle avait 10 ans et du coup moi aussi.
01:06 Mais après, c'est vrai qu'on s'est rencontrées pendant le casting et ça a tout de suite
01:11 matché.
01:12 Vous ne vous connaissiez pas et là vous ne vous quittez plus ?
01:14 Oui, exactement.
01:15 Comment ça se passe la rencontre et le travail ? Peut-être même avant le tournage, vous
01:20 êtes deux amies, vous êtes très proches dans le film pour que cette sororité, cette
01:26 solidarité entre femmes, cette amitié, elle éclate à l'écran.
01:29 Est-ce que vous avez passé du temps ensemble avant ? Est-ce que François Ozon vous a demandé
01:33 ça ? Vous a réservé des moments pour ça ?
01:35 Oui, on a fait beaucoup de lectures et puis comme rarement sur un tournage, on a eu ce
01:39 luxe-là de répéter en amont du tournage, ce qui arrive rarement au théâtre, oui,
01:43 mais au cinéma peu.
01:44 Et donc là, on a répété pendant deux semaines dans les décors en studio avant le tournage.
01:51 Donc tout de suite, ça nous a liés.
01:52 Oui, puis on a passé du temps ensemble.
01:55 Je suis allée voir Rebecca au théâtre, c'était sa dernière à la Comédie-Française
02:00 et puis après, comme ça marche dans la vie, c'est toujours plus simple quand on est aussi
02:05 amis dans la vie.
02:06 Ce n'est pas banal de partager l'affiche d'un film à deux.
02:09 En quoi est-ce particulier ? Est-ce qu'il faut veiller à la place de l'autre en permanence
02:13 ?
02:14 Mais de toute façon, sur n'importe quel projet, on fait attention à ses partenaires.
02:19 J'ai l'impression que ce soit au théâtre, au cinéma ou dans un film.
02:24 Mais c'est vrai que de jouer un duo et d'autant plus un duo aussi complémentaire parce que
02:30 dans ce film, ce film parle vraiment de ça.
02:33 C'est deux jeunes femmes visionnaires qui sont toutes les deux très malicieuses et
02:37 qui ont besoin l'une de l'autre aussi pour réussir.
02:39 Et la fin justifie les moyens.
02:40 Nadia, ça existe la sororité au cinéma ? Vous vous retrouvez fatalement en concurrence
02:45 parfois pour des rôles.
02:47 Vous êtes exactement de la même génération.
02:49 Vous avez 26 et 27 ans toutes les deux.
02:51 Je pense que là, c'est un film sur la sororité qui met en valeur l'amitié féminine et
03:02 évidemment que j'y crois.
03:03 Je pense qu'on est toutes les deux très différentes et en même temps, on a une connexion
03:08 là dans le film en l'occurrence, mais en termes de concurrence, je ne dirais pas ça.
03:14 Je suis fière de faire partie d'une génération de comédiennes que j'admire et avec qui
03:21 j'aime travailler et avec qui je m'entends dans le travail et dans la vie.
03:24 Nadia, vous jouez donc dans ce film une actrice.
03:27 Rebecca, vous êtes une avocate, vous êtes sans le sou, vos carrières, je l'ai dit,
03:30 piétinentes.
03:31 Et lorsque votre personnage Nadia se retrouve accusée d'un meurtre qu'elle n'a pas
03:35 commis, celui d'un riche producteur de cinéma, vous décidez toutes les deux de faire de
03:40 ce procès à la fois un tremplin pour vos carrières, pour vous faire connaître, mais
03:43 aussi une tribune pour défendre le droit des femmes, ce qui va parfaitement fonctionner.
03:48 Et donc vous décidez de vous accuser, Nadia, de ce crime.
03:53 Ça se passe dans cette scène du film dont on écoute un extrait.
03:57 « J'avoue.
03:58 » « Vous avouez quoi ? » « Mon crime.
04:01 C'est moi qui ai tué mon frère.
04:04 Passez-moi les menottes.
04:05 » « Mais attendez, attendez, mais vous êtes sûre ? » « Certaine.
04:08 Je l'ai tuée avec son revolver que j'ai ramené chez moi à Rue Jacob.
04:12 » « Non, non, attendez.
04:13 Maître Molléon, vous confirmez ? » « Je confirme les aveux de ma cliente.
04:16 » « Rapu ! Qu'est-ce que vous dites de ça ? » « Ah oui, félicitations, monsieur
04:20 le juge.
04:21 » « Ma chère petite, vous avouez, je suis le plus heureux des hommes.
04:25 » « Moi aussi.
04:26 Enfin, des femmes.
04:27 On va me conduire en prison ? » « Je suis désolé, mais c'est inévitable.
04:30 » « Ne vous excusez pas.
04:32 Notre propriétaire allait nous expulser d'un jour à l'autre.
04:34 » « Oh, alors je vous rends plutôt service ? » « Plutôt.
04:37 » « Elle est délicieuse. »
04:38 Voilà, l'accusé qui rend service aux juges d'instruction, incarné par Fabrice
04:46 Lucchini.
04:47 On a reconnu Olivier Broche dans le rôle du greffier.
04:50 Comment s'est passé le tournage avec Fabrice Lucchini, Nadia ?
04:52 C'était génial.
04:53 J'étais très intimidée au début.
04:55 Surtout que c'est quand même le maître de l'éloquence.
04:59 Moi, je ne venais pas du théâtre.
05:02 Le premier jour de tournage, il m'a dit d'articuler.
05:06 Il ne comprenait pas ce que je disais.
05:07 » « Il vous l'a dit carrément comme ça ? » « Oui, mais il m'a dit pardon,
05:10 je n'ai pas compris.
05:11 » « Ça vous a déstabilisé peut-être ? » « Non, mais il est génial.
05:16 Il m'encourage.
05:17 Il m'a dit de travailler avec un crayon dans la bouche, ce que j'ai fait très scolairement
05:21 tous les soirs.
05:22 J'ai pris un plaisir fou à m'approprier la langue, à se mettre les mots en bouche
05:28 et à travailler l'articulation pour après être libre sur le plateau.
05:31 Et en fait, c'est vrai que ça tire vers le haut d'avoir des partenaires aussi merveilleux.
05:36 J'ai appris de chacun, que ce soit de Rebecca, que de tous les acteurs.
05:40 » « Surtout de moi, bien sûr.
05:41 » « Oui, évidemment.
05:42 Et pas du tout d'Isabelle Hubert, de Michel Faux, d'André Dusselier, de Danny Boon avec
05:47 l'accent marseillais à ne pas rater.
05:49 Beaucoup d'autres.
05:50 « Casting Royal, film léger, jubilatoire.
05:53 François Ozon explique qu'il a voulu un film, je le cite, pour mieux « supporter
05:57 la dureté du présent » Rebecca Marder.
06:00 « Oui, mais c'est vrai parce qu'il place l'action dans les années 30.
06:05 D'ailleurs, c'est une pièce, c'est l'adaptation d'une pièce de théâtre.
06:08 Mais comment dire, il place l'action dans les années 30 et il insuffle en même temps
06:14 dans cette adaptation un vent de Me Too et il parle de sujets qui sont vraiment diablement
06:19 d'actualité.
06:20 Et le fait de placer cette action dans ce contexte historique permet le rire et permet
06:25 de faire passer aussi des messages d'autant plus profonds et importants parce que peut-être
06:29 que le même sujet traité aujourd'hui ne serait pas une comédie et c'est un sujet
06:34 qui est grave.
06:35 Et en même temps, c'est une jeune femme qui s'incrimine elle-même.
06:38 Je dirais, elle accuse personne à tort.
06:39 Ce n'est pas une opportuniste.
06:41 Et je trouve que c'est très fort de sa part.
06:44 François Ozon, il a ce don-là d'entrer dans des univers tellement différents d'un
06:48 film à l'autre.
06:49 Il est très très minutieux et presque à la manière d'un archéologue.
06:53 Ça fait tous entrer dans cet âge d'or du cinéma, emportant en plus un message féministe
07:00 et sur la libération de la parole.
07:02 Donc je trouve que ces deux jeunes femmes, elles ont quand même presque un siècle d'avance
07:06 sur leur temps.
07:07 Oui, parce que vous avez parlé de Me Too, la première scène du film, votre personnage
07:12 Nadia raconte la tentative de viol qu'elle subit de la part de ce riche producteur qui
07:18 finalement sera assassiné.
07:19 Elle appelle évidemment l'affaire Weinstein à l'origine du mouvement Me Too.
07:23 Comme Rebecca, vous partagez l'idée que c'est un film féministe et qui a un propos
07:28 politique.
07:29 Nadia Tereskevits ?
07:30 Oui, je pense que c'est vraiment un film profondément féministe.
07:34 Dès la lecture, j'étais surprise de toutes les résonances avec l'actualité.
07:39 Et ces deux filles, on replace dans le contexte des années 30, les femmes n'avaient pas
07:45 de droit de vote, pas de carnet de chèque, elles devaient avoir une dot pour se marier.
07:50 Il n'y avait sûrement pas d'avocates non plus.
07:54 Les avocats n'étaient pas un métier pour les femmes.
07:56 Oui, et par survie, elles n'ont pas de possibilité de s'en sortir.
08:01 Elles galèrent, mais c'est vraiment ancré dans le contexte des années 30.
08:06 Et en fait, par survie, elles saisissent une opportunité et se découvrent presque à
08:13 leur insu une parole politique et une conscience politique et une parole féministe puissante
08:21 face à cette société patriarcale.
08:23 Le fait qu'elles puissent faire bouger le statut des femmes, la prise de conscience,
08:28 elle se fait notamment au moment du procès pour mon personnage.
08:31 Elle comprend avec les mots de son amie Pauline qu'en fait, elle peut avoir une parole.
08:39 C'est là où l'évolution, je trouvais ça vraiment intéressant et fort à apporter.
08:44 Sur l'évolution, justement, les actrices du film disent être dépendantes du pouvoir
08:49 et du bon vouloir des hommes.
08:51 Est-ce que c'est toujours le cas aujourd'hui, Rémé Camardère ?
08:53 Non, j'ai l'impression que quand même, on avance de plus en plus.
08:57 Même si le chemin reste long, on l'avance et là.
09:02 Film léger et profond à la fois, c'est un vrai plaisir, vraiment.
09:06 « Mon crime » de François Ozon, film France Inter en salle mercredi prochain, mercredi
09:12 8 mars, journée internationale du droit des femmes.
09:16 Ça n'aura échappé à personne, c'est très drôle, on rit, on en a entendu un extrait.
09:20 Merci à toutes les deux, Nadia Teressier, Rebecca Marder d'avoir été avec nous ce
09:24 matin.
09:25 Je vous garde encore quelques minutes, s'il vous plaît.