[2/2] Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique

Europe 1

ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : http://www.dailymotion.com/Europe1fr Écoutez la suite du récit racontée par l’historienne Virginie Girod sur la vie de Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique. Le désormais très prestigieux physicien Robert Oppenheimer a été choisi par le général Leslie Groves pour piloter le projet Manhattan dont la mission est de fabriquer la première bombe atomique de l’Histoire pour les États-Unis. Mais Oppenheimer est à la fois grisé par la recherche scientifique et effrayé par le potentiel destructeur de ses découvertes. Constamment surveillé par le FBI, entouré d’espions soviétiques, le physicien est tiraillé entre ses désirs de gloire, sa volonté de maîtriser une nouvelle technique et sa détermination à mettre fin à la guerre. “Au Cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.  Retrouvez "Au Cœur de l'Histoire - Des récits pour découvrir et apprendre l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-de-l-histoire                                 Retrouvez-nous sur :                                 | Notre site : http://www.europe1.fr                                 | Facebook : https://www.facebook.com/Europe1                                 | Twitter : https://twitter.com/europe1

Transcript

00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.

00:05 Dans l'épisode précédent, Robert Oppenheimer, physicien génial et charismatique,

00:10 a été choisi par le général Leslie Groves pour piloter le projet Manhattan,

00:15 dont la mission est de fabriquer la première bombe atomique de l'histoire pour les États-Unis.

00:20 Mais Oppenheimer est tourmenté.

00:22 Il est à la fois grisé par la recherche scientifique

00:25 et effrayé par le potentiel destructeur de ses découvertes.

00:29 Il est aussi étroitement surveillé par le FBI pour ses accointances avec des communistes.

00:36 Épisode 2. Le prix de la gloire.

00:41 À la mi-juin 1943, Oppenheimer quitte le laboratoire de Los Alamos pour quelques jours.

00:52 Son amour de jeunesse, Gene Tatlock, souhaite le revoir et il se précipite dans ses bras.

00:59 La militante communiste, rongée par une lourde dépression, lui annonce qu'elle l'aime toujours.

01:05 Après une nuit avec elle, il rentre au Nouveau-Mexique,

01:08 où il poursuit ses travaux sur la bombe atomique.

01:12 Deux ans plus tard, en mai 1945, l'Allemagne se rend.

01:19 La guerre se termine avant la fin de la course à l'armement nucléaire.

01:23 Les yeux bleus d'Oppenheimer semblent assombris par des tempêtes intérieures.

01:27 Il n'est pas certain qu'il soit nécessaire de poursuivre le projet Manhattan.

01:31 Il ne souhaite pas créer des armes destructrices pour de futures guerres.

01:35 Mais le Pentagone n'est pas de son avis.

01:37 Et puis, leurs recherches sont sur le point d'aboutir.

01:40 Il faut aller jusqu'au bout.

01:42 Les physiciens appellent leur bombe des gadgets

01:45 et, dès le 4 mai, l'un de ces gadgets est prêt à être testé.

01:49 La première bombe atomique, créée à Los Alamos,

01:58 est testée dans la vallée de la Jornada del Muerto, au petit matin du 16 juillet 1945.

02:03 Elle explose à 5h29, en semant la mort et la désolation dans un rayon de 160 km.

02:11 Oppenheimer est ravi par son succès technique

02:14 et dévasté par le potentiel meurtrier de son arme.

02:18 Ses collaborateurs témoignent de son apparence stoïque au moment de l'essai Trinity.

02:23 "Ça a marché", murmure-t-il.

02:26 Mais en son fort intérieur, il se récite la prophétie de Krishna dans le Bhagavad Gita,

02:31 comme il le confessera bien plus tard lors d'une interview.

02:34 "Je suis devenu la mort, le destructeur des mondes."

02:39 Quelques jours plus tard, Oppenheimer assiste à une réunion de défense top secrète

02:44 avec le président des États-Unis et le général Leslie Groves.

02:48 Il est question de forcer le Japon à se rendre et de venger l'humiliation de Pearl Harbor.

02:53 Pour cela, les États-Unis largueront deux bombes sur des sites stratégiques,

02:58 des villes liées à l'histoire glorieuse du Japon.

03:01 Les bombes tueront des civils et mineront le moral de tous les soldats.

03:06 Les civils et mineront le moral de tout le pays mettant fin à l'effort de guerre.

03:12 Pour le physicien, cette réunion est une torture.

03:16 Il ne veut pas avoir des morts sur la conscience,

03:19 mais refuse de s'opposer à la décision du gouvernement en raison de ses valeurs,

03:23 loyauté et patriotisme.

03:26 Il exprime tout de même ses réticences malgré la volonté du président Truman.

03:35 Le 6 août 1945, à 8h16,

03:39 la bombe atomique baptisée "Little Boy"

03:42 explose à l'aplomb de l'hôpital Shima situé en plein cœur d'Hiroshima.

03:46 Cette ogive contient 64 kg d'uranium-235

03:51 dont seulement 700 g entrent en fission, c'est-à-dire 1,1 %.

03:56 La puissance de son explosion est comparable à près de 15 kg/t de TNT.

04:02 Le centre de la ville est soufflé.

04:05 70 000 personnes meurent sur le coup dans un rayon de 12 km.

04:09 Une bulle de gaz incandescent produit une onde de choc

04:13 qui brûle les personnes situées au-delà de cette zone.

04:16 Des vents entre 300 et 800 km/h balayent tout sur leur passage.

04:22 Alors que le champignon atomique s'élève dans le ciel,

04:26 des incendies se déclenchent sur des dizaines de kilomètres.

04:29 Puis, les poussières radioactives se mettent à voler

04:34 et retombent au sol, plaquées par une pluie noire et grasse

04:38 qui pollue les eaux et la terre.

04:40 Le véritable enfer ne fait que commencer pour les survivants.

04:44 Une partie de l'équipage de l'Enola Gay, l'avion qui a largué les bombes,

04:50 est pris de remords face à la puissance inédite de la déflagration.

04:54 Des remords vite étouffés par leur patriotisme et leurs collègues.

04:59 Trois jours plus tard, le 9 août, le même scénario recommence à Nagasaki.

05:05 La bombe Fatman est encore plus puissante.

05:11 Son explosion correspond à 20 kilotons de TNT.

05:15 Elle contient 6,4 kilos de plutonium-239

05:21 et tue 35 000 personnes sur le coup.

05:24 C'est moins qu'à Hiroshima car la ville est contenue dans une vallée

05:28 dont les reliefs brisent l'onde de choc.

05:31 Entre ces deux villes, près de 100 000 personnes meurent encore dans les jours suivants

05:36 à cause des radiations, des incendies et des famines.

05:41 Aux Etats-Unis, Robert Oppenheimer est devenu un homme triste.

05:45 Il a perdu sa faconde et son charisme.

05:48 La culpabilité est un poison qui le ronge de l'intérieur.

05:52 Lors d'un rendez-vous avec le président Truman, il se plaint d'avoir fait un mauvais choix.

05:57 Il a été éliminé par la police,

06:00 et il a été éliminé par la police.

06:03 Il a été éliminé par la police.

06:06 Lors d'un rendez-vous avec le président Truman, il se plaint d'avoir du sang sur les mains.

06:11 Celui-ci se met en colère parce que le bombardement, c'était sa décision à lui.

06:16 Il refuse de revoir Oppenheimer à la Maison-Blanche

06:19 et il qualifie désormais le "chercheur de crybaby scientists",

06:23 de pleurnichard scientifique.

06:26 Oppenheimer demande à quitter la direction scientifique du projet Manhattan.

06:30 Il a rempli la mission pour laquelle il avait été recruté.

06:34 Le 16 octobre 1945, il est remplacé par le physicien Norris Bradbury.

06:39 Le pacte de Faust est consommé.

06:45 Oppenheimer a vendu son amour diable pour être un scientifique célèbre.

06:49 Il fait la une de tous les journaux, il est reçu dans tous les médias,

06:53 mais le cœur n'y est pas.

06:55 Le prix de sa célébrité est trop cher à payer

06:58 et pourtant, toutes les universités d'Amérique lui font un pont d'or.

07:02 Il enseigne à nouveau à Caltech et à Berkeley.

07:05 L'année suivante, en 1946,

07:11 le gouvernement américain crée la Commission de l'énergie atomique

07:14 chargée de fabriquer l'armement nucléaire

07:17 et Oppenheimer reçoit la médaille du mérite pour son action pendant la guerre.

07:21 Il continue de donner des conseils au ministère de la Défense

07:25 et prend la présidence du Comité Consultatif Général de la Commission.

07:30 L'histoire de l'atomisme

07:34 En 1949, l'URSS fait exploser sa première bombe atomique au Kazakhstan.

07:42 Les renseignements américains tombent des nues.

07:45 Ils pensaient que les soviétiques avaient dix ans de retard.

07:49 L'hypothèse de traître et d'espion à Los Alamos se fait jour.

07:53 John Edgar Hoover, le directeur du FBI, entame sa chasse aux sorcières.

07:59 Faire payer les communistes qui ont trahi l'Amérique.

08:02 Son action vengeresse est encouragée par le sénateur Joseph McCarthy, élu en 1950.

08:09 Cette période de quatre ans, qu'on appelle le "McCarthisme",

08:13 se caractérise par une lutte intérieure contre le communisme aux Etats-Unis

08:17 dans le cadre de la guerre froide.

08:19 Le pays est en pleine peur rouge.

08:22 Elisabeth Zarubina, l'ami espionne de Kitty Oppenheimer,

08:27 est rentrée en URSS dès l'année 1944 et ne travaille plus pour le KGB.

08:32 Mais elle avait pris soin de placer de nombreux agents dans le projet Manhattan

08:36 pour servir de fusible et protéger Oppenheimer.

08:39 Si celui-ci venait à être soupçonné de trahison,

08:42 l'identité des agents sous couverture serait révélée.

08:46 Parmi les espions russes, il y a le physicien Klaus Fuchs.

08:50 En 1950, cet Allemand est condamné à neuf ans de prison

08:54 pour avoir divulgué des secrets sur la bombe atomique.

08:58 Issu d'une famille antinazie, il avait intégré le Parti communiste dès les années 1930

09:03 et était probablement devenu un des agents dormants de Zarubina

09:07 avant de partir en mission en intégrant Los Alamos.

09:11 Il a échappé à la perpétuité car les Etats-Unis n'étaient pas en conflit frontal avec l'URSS

09:16 quand il a été recruté dans le laboratoire.

09:20 Donner quelques espions n'est pas suffisant pour protéger parfaitement Oppenheimer

09:27 qui est suspecté d'être un agent soviétique par certains de ses anciens collaborateurs.

09:32 Le FBI n'arrive pas à prouver qu'il est un véritable communiste et encore moins un espion.

09:38 Mais ils ont suffisamment de doutes pour suspendre ses habilitations secrètes défense.

09:44 En 1954, le FBI lui fait subir une audition de sécurité

09:49 qui doit permettre de déterminer s'il peut, oui ou non, garder ses autorisations à connaître des secrets militaires.

09:56 Ce n'est pas la première fois que le FBI confronte Oppenheimer

10:01 qui avait déjà livré de son plein gré et dans l'espoir de prouver sa loyauté

10:05 des noms de communistes dans son entourage comme celui du Professeur Chevalier

10:09 un de ses amis spécialisés en littérature française.

10:13 Mais Oppenheimer vit cette audition comme une infamie.

10:17 Son pays a une drôle de façon de le remercier pour les services qu'il lui a rendus.

10:21 Écoeuré, il regarde le FBI fouiller dans sa vie privée et professionnelle.

10:27 Le comité d'audition lui demande de parler de sa visite à la communiste Jean Tatlock, son ancienne amante, en 1943.

10:35 Oppenheimer jure que leur rencontre était purement sentimentale

10:40 et qu'il ne lui a livré aucune information sensible.

10:43 Jean était dépressive et elle s'est suicidée six mois après leur dernier rendez-vous.

10:48 Si Oppenheimer s'en tire bien au sujet de sa liaison avec Jean,

10:54 le témoignage d'Edward Taylor s'avère accablant.

10:57 Le physicien est un des ennemis intimes du père de la bombe A

11:01 parce que celui-ci a freiné son ascension professionnelle au sein du projet Manhattan

11:06 et l'a poussé à arrêter ses recherches sur la bombe H.

11:10 Pour Taylor, le comportement d'Oppenheimer est antipatriotique et suspect.

11:15 Pendant les 27 heures de l'audition,

11:19 le chercheur est humilié par tous les scientifiques jaloux de sa réussite qui ne rêvent que de sa déchéance.

11:25 Seul Albert Einstein lui écrit une lettre de soutien.

11:29 À l'issue de l'audition, le comité conclut que le docteur Robert Oppenheimer est un citoyen américain loyal

11:37 mais que ses sympathies pour des communistes justifient qu'on lui retire ses habilitations.

11:42 Cette mesure se veut donc préventive et non punitive.

11:46 Elle est surtout très humiliante.

11:49 Dans l'ambiance de terreur rouge du maccartisme,

11:57 la déchéance d'Oppenheimer est le symbole du triomphe d'une Amérique débordante d'armes nucléaires.

12:02 Elle en possède déjà 300 en réserve à cette date.

12:06 Or, le chef du projet Manhattan véhicule publiquement un discours incitant à la prudence à l'encontre de la prolifération de ces armes.

12:14 C'est cette voie mesurée que la partie la plus belliqueuse de l'Amérique a voulu faire taire.

12:19 Oppenheimer retourne à la recherche fondamentale.

12:30 Il devient le directeur de l'Institute for Advanced Study de Princeton

12:34 où il continue à faire rayonner son pays par la qualité de ses recherches et ses échanges avec d'autres physiciens.

12:40 Malgré la reconnaissance de ses pairs, Oppenheimer s'enfonce dans un état mélancolique.

12:49 Sa vie personnelle est un naufrage.

12:51 Son épouse Kitty, toujours alcoolisée, vient l'humilier jusque dans son bureau

12:56 quand elle ne met pas le feu à la maison parce qu'elle s'est endormie avec une cigarette à la bouche.

13:00 Mais Robert continue à se voir en sauveur.

13:03 Il refuse de la faire hospitaliser.

13:05 La réalité est qu'elle est pour lui un dernier point de repère dans un monde qui se disloque

13:10 où il se voit lui-même en génie destructeur.

13:12 Ironie du sort, en 1963, le département de l'énergie des Etats-Unis

13:20 décide de le distinguer pour ses travaux de recherche.

13:23 Le président Lyndon Johnson lui remet le prix Fermi

13:27 du nom du physicien italien nobélisé qui avait travaillé avec lui sur le projet Manhattan.

13:33 Son vieil ennemi, Edward Teller, avait été primé l'année précédente.

13:37 Il est naturellement présent à la remise du prix d'Oppenheimer

13:41 et devant la foule, il vient lui serrer la main pour le féliciter.

13:45 Lui, l'homme qui, par jalousie, a participé à son éloignement du gouvernement.

13:50 Quant à lui, Oppenheimer est un homme brisé

13:56 mais il est toujours très impliqué dans la recherche internationale.

13:59 Il préside le congrès Solvay en 1964.

14:03 Chaque année, l'événement rassemble les plus grands physiciens et chimistes du monde

14:07 pour comparer leurs recherches et faire avancer la science.

14:10 L'année suivante, Oppenheimer se voit diagnostiquer un cancer de la gorge.

14:16 Il paie le prix de ces longues années où la cigarette a été sa compagne de chaque instant.

14:21 Il meurt à Princeton le 18 février 1967.

14:26 Le faust de l'énergie nucléaire a définitivement rejoint les enfers.

14:30 C'est la fin de ce récit en deux parties consacré à Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique.

14:45 Merci de l'avoir écouté.

14:47 Au cœur de l'histoire est un podcast original produit par Europain Studio.

14:52 Je suis l'auteur du récit que vous venez d'écouter.

14:55 La direction artistique est assurée par Julien Tharaud.

14:58 Cet épisode a été réalisé par Clément Ibrahim.

15:01 Julien Tharaud a composé la musique originale

15:04 ainsi que les musiques additionnelles avec la complicité de Sébastien Guidis.

15:08 Kelly Decroix est chargée de la communication et Héloïse Bertil de la diffusion.

15:13 Sidonie Mangin a créé l'identité visuelle d'Au cœur de l'histoire.

15:17 À bientôt !

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