Anne Paceo, batteuse : "Ma musique évoque beaucoup d'images"

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00:00 * Extrait de la chanson *
00:17 Bonjour à tous. Un club musical aujourd'hui avec Anne Passéo. Trois victoires de la musique, Révélation Jazz en 2011 et Artiste Jazz de l'année en 2016 et en 2019.
00:27 Plusieurs albums sur le label Labori Jazz dont Empreinte, Triphase ou encore Circles.
00:32 La percussionniste, compositrice et chanteuse de jazz revient avec un nouvel album, Chaman, sur son propre label jusqu'à la nuit.
00:39 Une tournée et la bande-son imaginaire d'un des tout premiers documentaires, Nanou Clesquimau qui fête ses 100 ans.
00:45 Projeté samedi prochain au Théâtre des Gémeaux à Sceaux sous la forme d'un ciné-concert, le film sera accompagné par la musique d'Anne Passéo, artiste associé et notre invitée ce lundi jusqu'à midi et demi.
00:55 * Extrait de la chanson *
01:04 Une émission programmée par Henri Leblanc et préparée par Laura Dutèche-Pérez et Sacha Matéi.
01:08 A la réalisation, Félicie Fauger avec Ruben Karmazine à la technique. Bonjour à tous et bonjour Anne Passéo.
01:15 Bonjour. Bonjour. Chaman, c'est le titre de ce nouvel album, le titre aussi que vous donnerez peut-être à votre tournée.
01:21 Vous pensez comme une chamane que la musique peut guérir. Je suis persuadée que la musique peut guérir, que la musique fait du bien.
01:29 En fait, ça a même été prouvé scientifiquement. Il y a un bouquin d'un musicologue qui s'appelle François-Marie Drue qui s'appelle "Tout est vibration"
01:39 où il explique qu'en fait notre corps est constitué d'eau et donc réagit aux vibrations et que donc en fonction de la musique qu'on écoute, notre corps réagit différemment.
01:48 Et vous, quelle musique vous font vibrer ?
01:52 C'est une bonne question. Je n'ai pas de barrière de style. Ça peut être Umu Sangaré, par exemple, chanteuse incroyable malienne.
02:01 Ça peut être James Blake, ça peut être John Coltrane. En fait, j'ai l'impression que les musiques qui me font vibrer,
02:06 c'est celles qui sont jouées vraiment avec le fond du cœur et l'âme entière.
02:12 Donc dans l'idée de chamane, il y a une part de rituel et une part aussi de spirituel. Votre musique, à vous,
02:18 est-ce qu'elle est le reflet au fond de votre ou de vos états d'âme au sens propre du terme pour le coup ?
02:25 Oui, en fait, je ne peux pas mentir quand je compose de la musique et puis quand je la joue, je raconte mes états intérieurs.
02:34 Et chamane, c'est toute cette traversée où, je dis souvent en concert, c'est ce moment où il y a tout qui explose
02:42 et on a l'impression que c'est la fin de quelque chose. Mais en fait, c'est l'aube. C'est une aube.
02:46 Et il y a un titre d'ailleurs qui s'appelle "L'aube". Et donc oui, chamane, ça a été une espèce de reconstruction.
02:53 Et ce qui est marrant, c'est que les gens le sentent aussi après les concerts, sans forcément que j'explique.
02:57 Pourquoi de reconstruction ? Alors là, je vais vous faire expliquer.
03:01 Qu'est-ce qui vous a déconstruit ?
03:04 Tout a un peu explosé dans ma vie en même temps. Et puis il y a eu le confinement qui s'est ajouté par-dessus,
03:10 où on n'était plus en capacité de faire des concerts devant des gens. Et toutes mes certitudes ont volé en éclats.
03:18 Aussi, j'ai connu la perte de proches. Et c'était une période où tout a explosé.
03:29 Et il a fallu que je trouve une manière de renaître. Et en fait, je crois que l'écriture de ce disque m'a vraiment permis de faire cette renaissance.
03:40 Et il y avait un morceau de l'album qui s'appelle "Healing", donc "Soigner", que je jouais en boucle tous les jours comme un mantra.
03:46 Et j'avais l'impression qu'il purifiait mes cellules, que ça enlevait les mauvaises ondes.
03:52 Alors chamane, c'est l'album de l'après-tempête. C'est aussi le début de l'apaisement.
03:56 C'est quand même pour vous. Et on va l'entendre tout de suite, la possibilité de vous échapper.
04:01 C'est une échappée belle, parce qu'ailleurs, il se passe plein de choses et qu'il faut parfois regarder un peu plus loin.
04:06 On va écouter un extrait de ce septième et dernier album, le vôtre, "Chaman", Anne Passéo.
04:11 Une invitation au voyage, dites-vous, celui d'un chamanisme intemporel, profondément humain.
04:15 On l'écoute "Travelers".
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06:01 Trois voix de femmes sur ce morceau "Travelers".
06:04 La vôtre d'abord, Anne Passéo, celle d'Isabelle Sorling et celle de Marion Rampal, que l'on retrouvera un peu plus tard dans cette émission musicale.
06:12 Qu'est-ce qu'il raconte, ce voyage ? Il nous emmène où ?
06:15 Justement, on parlait de traduire les états d'âme. Je pense qu'il la mène dans une forme d'intériorité.
06:22 Alors ce qui est rigolo, c'est que c'est un morceau que j'ai écrit dans un train.
06:26 Je suis allée à la porte, puis il y avait le paysage qui défilait, j'ai eu cette mélodie qui m'est venue.
06:31 Je l'ai enregistrée comme ça, et puis on était en résidence avec le groupe quelques jours après à Guidel.
06:37 Et les filles me disent "mais Anne, ça serait cool qu'on ait un morceau juste tambour-voix. T'aurais pas quelque chose ?"
06:44 Et puis je dis "mais attendez, il y a cette petite mélodie qui m'est venue".
06:48 Je leur fais écouter mon mémo vocal, elles me disent "Banco, c'est trop bien, on y va".
06:52 Je l'ai écrit, je l'ai mis sur un bout de papier, et c'était parti.
06:56 Moi j'aime le voyage, le voyage m'inspire, rencontrer des nouvelles cultures, des nouvelles personnes, des nouveaux pays.
07:06 Et ce morceau-là appartient à plein d'endroits, il y a plein d'inspiration.
07:11 Je crois que c'est mes voyages intérieurs et puis aussi cette passion pour la rencontre.
07:16 Et derrière les voix, il y a quel instrument ?
07:18 Derrière les voix, sur ce morceau, c'est un tom basse et une chaîne.
07:23 Tout simplement.
07:25 Vous êtes une grande voyageuse. Qu'est-ce que vous allez chercher vous dans vos voyages ?
07:29 Ce que vous faites pas simplement à l'intérieur de vous-même, mais physiquement, concrètement.
07:34 Qu'est-ce que ces rencontres, ces ailleurs vous ont apporté ?
07:37 Je trouve que ça fait grandir, que ça rend peut-être aussi plus ouvert aux autres, plus généreux.
07:46 Et puis ça fait prendre conscience aussi de ce qu'on a.
07:50 C'est-à-dire quand on reste au même endroit toute sa vie, je pense qu'on se rend pas compte de la variété de façons de vivre, de cultures, d'êtres.
07:59 Je pense que ça me fait grandir et j'ai l'impression que ça me rend meilleure.
08:06 Et puis ça m'inspire énormément de musique.
08:09 J'adore, quand je voyage, aller écouter de la musique aussi.
08:13 Quand je pars en tournée, puis aller chez les disquaires, acheter des musiques typiques de chaque région.
08:21 Donc oui, ça me fait grandir beaucoup, beaucoup.
08:24 Et puis aussi musicalement, je vois dans ma manière de jouer de la batterie, il y a quelque chose qui s'est fait de très fort avec la musique birmane.
08:33 Où en fait, je crois que j'ai attrapé certains éléments de langage de cette musique-là.
08:41 Et tout ça vient nourrir mon jeu et puis la musique que j'écris.
08:48 J'ai l'impression que je souhaite faire une musique sans frontières.
08:52 Et on ne peut pas se dire "tiens, ça ressemble à ci ou ça", mais ça évoque des choses.
08:56 - À te passer aux guérisseuses, globe-trotteuses et passeuses de monde aussi.
09:00 Parce que tous ces voyages, tous ces ailleurs se reflètent, ces influences dans votre musique.
09:05 Des mondes, ceux d'aujourd'hui, ceux d'hier aussi.
09:08 Vous avez raconté, aimé, non seulement la musique des autres, mais aussi les livres et les films qui parlent de ces autres cultures.
09:16 Et notamment les films ethnographiques de Jean Rouch, les livres de l'anthropologue Charles Stépanoff,
09:20 qui était le prix France Culture Art et de l'Essai en 2021, qui est le complice de Nastasia Martin.
09:25 Ils ont tous des visions assez ethnographiques du monde.
09:28 Est-ce que vous en avez une aussi, vous, de la musique ?
09:31 Est-ce que l'ethnomusicologie est là encore une science totalement humaine qui vous passionne ?
09:37 - J'adore. J'ai étudié au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, au département de jazz.
09:43 Et on avait des cours en option. Et je crois que mon cours préféré, c'était le cours d'ethnomusicologie.
09:49 On avait un prof incroyable qui s'appelle toujours Bruno Messina.
09:52 Et en fait, il arrivait toujours avec des musiques du monde entier.
09:56 Et en fait, je trouve que c'est merveilleux d'aller se passionner pour les musiques venues de pas de chez nous, en tout cas.
10:04 Et puis, je trouve important aussi, par exemple, quand j'ai écrit pour Chaman, je suis allée lire, écouter.
10:12 J'ai écouté beaucoup de cérémonies chamaniques dans le monde entier, Sibérie, Mongolie, Haïti.
10:18 Et je trouve important d'aller se cultiver et d'aller essayer de comprendre.
10:24 - D'aller aux sources de la musique, en fait, aussi.
10:26 - Oui, c'est ça. Mais il y a quelque chose aussi que j'ai découvert à force de voyager.
10:31 C'est qu'en fait, on ne peut pas comprendre une musique, j'ai l'impression, ou je ne peux pas,
10:36 comprendre une musique tant que je ne l'ai pas vécue dans ma chair, dans le pays où elle a été créée.
10:41 C'est-à-dire que j'ai l'impression qu'on comprend quelque chose de la notion de comment le temps se déroule,
10:47 pourquoi parfois il y a certains types d'accidents dans la musique.
10:50 En fait, j'ai l'impression que tout est lié aussi à la ville ou la campagne, l'endroit où on habite,
10:55 les sons qu'on peut entendre partout, la langue.
10:58 J'ai l'impression, dans ces voyages, de comprendre la musique dans sa chair et dans son bain.
11:08 - Et alors, composer une musique pour Nanouk Lesquimaux, on va y venir, c'était une idée à vous ?
11:13 Quelqu'un vous l'a suggérée ? En tout cas, elle semble tout à fait cohérente et logique dans le droit fil de ce que vous venez de raconter.
11:19 - En fait, on discutait avec Séverine Bouysset, qui est la directrice des Gémeaux,
11:24 et elle me disait « mais t'aurais envie de faire quoi ? » et je disais « je rêve d'écrire pour l'image ».
11:30 Et elle me disait « tiens, on va réfléchir un peu ».
11:34 Au début, l'idée, c'était de trouver des archives de films sur le chamanisme.
11:39 Et puis, finalement, il y a eu cette proposition de Nanouk Lesquimaux, et donc j'ai regardé le film.
11:43 Et je me suis dit « oui, en fait, c'est une évidence, parce que je crois que la musique que je fais évoque beaucoup d'images,
11:51 il y a quelque chose de cinématographique, et ce film, avec ses grandes étendues blanches, il y a quelque chose de complètement hypnotique. »
11:59 Donc ça faisait sens, vraiment.
12:01 - Et vous arrivez 100 ans après le tournage de ce film, 50 ans après la mise en musique de ce documentaire,
12:07 qui avait été réalisé à l'époque par Franck Zappa, la musique.
12:10 Vous venez de composer votre propre bande-son de Nanouk Lesquimaux,
12:14 le film de Robert Flaherty, sorti en 1922, « An Paséo ».
12:18 C'est un documentaire sur les Inuits, les nomades, des pêcheurs, des chasseurs,
12:23 et effectivement, on y voit leur vie au quotidien se dérouler à l'écran.
12:27 C'est un film muet, de 1922, il y avait tout à inventer à partir de là.
12:31 - Oui, il y a tout à faire. Et puis là, quand j'ai reçu le film, j'ai tout de suite coupé le son de ce qu'il y avait,
12:38 parce qu'il y avait quelque chose, et je voulais vraiment repartir de zéro.
12:42 Et donc je me suis mis le film avec mon piano, et puis là j'ai laissé venir la musique.
12:48 Ce qui est rigolo, c'est que je me rends compte aussi qu'il y a beaucoup de musique qui émane quand je regarde des images.
12:54 Et là, ce qui est marrant, c'est que c'est un film qui a 100 ans,
13:00 et je me suis dit, mais en fait, ces images, elles ont quelque chose d'intemporel.
13:04 Et j'ai eu envie, j'ai senti le besoin de composer une musique très moderne, avec beaucoup de synthétiseurs,
13:12 du piano trafiqué, de la batterie qui est assez rock par moments,
13:17 et d'amener, en fait, quelque part, le spectateur à voir le film différemment.
13:24 - Mais l'amener vers le chaud, ou le laisser dans le froid ?
13:27 Quels sons, quelles textures vous avez entendues en voyant ces images ?
13:30 - Alors oui, en fait, j'ai entendu beaucoup de grands espaces de notes longues,
13:34 mais il y a des ***** qui ont vraiment besoin de rythme.
13:38 Et je pense que ma musique, elle a quelque chose de chaleureux, de toute façon.
13:42 Donc on va dire qu'il y a du chaud et du froid.
13:46 - On en écoute un extrait.
13:48 * Extrait de « The Fourth of July » de The Four Seasons *
13:52 * Extrait de « The Four Seasons » de The Four Seasons *
13:56 * Extrait de « The Four Seasons » de The Four Seasons *
14:22 - Composer pour l'image, Anne Passéo, c'est une expérience, on l'imagine, assez particulière.
14:26 Vous avez envie de poursuivre cette expérience-là, l'expérience Nanouk,
14:29 et de composer, peut-être un jour, pour le cinéma ?
14:31 - J'adorerais, en fait. Composer pour le cinéma, ça fait partie de mes rêves.
14:36 Et voilà, j'espère que j'aurai l'occasion, un jour, très vite,
14:40 parce que ça me passionne, en fait.
14:43 J'adore les musiques de films, et j'ai l'impression que ça ferait sens, vraiment.
14:49 Hier avait lieu la 95e, je crois, cérémonie des Oscars, qui a vu triompher
14:53 « Everything, Everywhere, All at Once » de Daniel Kwan et de Daniel Scheiner.
14:58 Meilleur film, meilleur réalisateur aussi, sept statuettes en tout.
15:02 Le film « Phénomène » ressort en salle un peu partout en France.
15:06 Si, comme moi, vous l'avez manqué au moment de sa sortie et que vous avez envie de le voir.
15:10 Autre film, multi-récompensé, « À l'Ouest, rien de nouveau »,
15:13 version allemande d'un film américain de 1930.
15:16 Le film Netflix a notamment reçu l'Oscar de la meilleure musique originale.
15:20 C'est pour ça que je voulais pas s'aller signer du pianiste et compositeur allemand Volker Bertelmann,
15:24 qui était déjà nommé pour « Lion » en 2016 et qui succède cette année à Hans Zimmer,
15:29 oscarisé en 2022 pour sa musique de « Dune ». On écoute un extrait.
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16:12 Extrait de la musique originale du film « À l'Ouest, rien de nouveau »
16:16 signé de Volker Bertelmann et récompensé hier aux Oscars.
16:20 Est-ce qu'elle vous fait vibrer cette musique-là ? Il y a de quoi quand même !
16:23 - Oui, c'est assez génial ! C'est un bon passage choisi, ça me donne envie d'aller chez les Doré.
16:29 - Quel cinéphile vous êtes, Anne Paceo ?
16:32 - Alors, je dois vous avouer qu'en ce moment, je ne vais pas beaucoup au cinéma.
16:35 J'aime beaucoup Michel Gondry, par exemple.
16:39 - Quand vous y allez, vous y allez avec les yeux ou avec les oreilles ?
16:42 - Là, j'y vais neutre, quoi. J'y vais avec tout.
16:47 Alors, parfois, je trouve que le son est trop fort dans les salles de ciné,
16:50 mais j'y vais avec les yeux, les oreilles et mon cœur aussi.
16:55 Ça m'arrive très souvent de finir en larmes au cinéma et de rester dans le noir avec un petit mouchoir.
17:00 J'ai aussi une passion pour les films de Miyazaki.
17:05 En fait, j'aime le cinéma qui propose des nouveaux mondes
17:10 ou une manière différente de voir le monde, en tout cas.
17:13 - Le nouveau Miyazaki qui doit sortir cette année, le nouveau, le dernier, des studios Ghibli.
17:18 Vous dites souvent que la mélodie est plus importante pour vous que le rythme. En quoi ?
17:23 - Alors, le rythme est très important, mais disons que la mélodie vient en premier pour moi.
17:28 J'ai toujours composé en partant de mélodies.
17:31 Et là, en ce moment, j'essaye justement de partir du rythme.
17:35 J'essaye de changer un peu cette manière de travailler.
17:38 Mais oui, en fait, pour moi, la mélodie...
17:41 En fait, il y a des mélodies qui viennent comme des évidences.
17:44 En fait, il faut qu'elles soient là.
17:46 Et donc, après, je vais chercher le rythme qui vient avec, derrière.
17:50 Mais c'est vrai que c'est un espèce de chant qui passe comme ça.
17:54 Et je me dis, tiens, ça, ça a un sens, quoi.
17:56 - La batterie, c'est votre instrument.
17:58 Elle s'est imposée très rapidement dans votre vie.
18:01 Vous l'avez choisie ou elle vous a choisie.
18:03 Je ne sais pas dans quel sens ça peut se passer.
18:05 Généralement, une rencontre, ça marche dans les deux sens.
18:07 La batterie, c'est un son, mais c'est évidemment, on l'imagine aussi, une posture du corps, une gestuelle.
18:12 Comment vous avez appris ?
18:15 Est-ce que c'était d'abord par mimétisme avec d'autres batteurs ?
18:19 Et est-ce que vous avez mis du temps, finalement, à trouver la vôtre, votre relation à l'instrument ?
18:25 - Je crois qu'il y a eu aussi une évidence, tout de suite, dès que je jouais.
18:30 Et dès que je joue, il y a une sensation de bien-être, de bonheur, de plénitude.
18:36 Et en fait, c'est comme si c'était un refuge, quoi.
18:39 Comme quand on est longtemps parti et qu'on rentre chez soi et qu'on retrouve sa maison.
18:43 Et j'ai vraiment cette sensation-là.
18:45 Après, j'ai l'impression que plus je vieillis/grandis,
18:50 j'ai l'impression que je trouve ma manière vraiment propre d'appréhender cet instrument.
18:55 Je sais que quand j'étudiais, je voulais savoir tout jouer.
18:58 Je voulais jouer du bebop, je voulais jouer du rock, je voulais savoir tout faire à la manière d'eux.
19:04 Et je crois que ce qui est chouette quand on grandit, c'est qu'en fait on comprend qui on est aussi.
19:10 Et en fait, on va chercher à développer nos qualités et puis aller vers vraiment ce qui nous touche.
19:16 Et je pense que mon jeu, il est encore en évolution.
19:19 Et j'espère qu'il le sera tout le temps, en fait, pour être au plus juste de moi-même
19:25 et proposer vraiment ma vision de cet instrument.
19:29 - Et maintenant que vous avez beaucoup exploré, un peu tous les genres,
19:31 est-ce que le jazz revient d'une autre manière dans votre vie ?
19:34 Est-ce qu'il reste votre musique source, à laquelle vous revenez toujours ?
19:38 - Alors, en fait, c'est une question compliquée parce que jazz, ça veut dire plein de choses pour moi.
19:44 Il y a le jazz, on pense à John Coltrane, à Miles Davis, à Abel Hincon et à Lafitte Gérald.
19:50 Pour moi, le jazz, c'est synonyme de liberté.
19:53 Et aussi, c'est une musique dans laquelle on peut jouer ce qu'on est dans l'instant présent.
19:59 C'est-à-dire, c'est vraiment une musique du sensible, je trouve, où on peut vraiment retranscrire chaque émotion.
20:05 Là où la pop, parfois la chanson a une signification et il faut se mettre dans cet état-là.
20:11 Bref, pour revenir à votre question, je dirais que si on entend que le jazz, c'est une musique de liberté,
20:16 oui, ça sera toujours ma musique.
20:18 Après, j'ai l'impression que Chaman, par exemple, on y retrouve du jazz, mais on y retrouve de la pop, on y retrouve du rock.
20:26 Donc je dirais que c'est plutôt, on va toujours retrouver cet état d'esprit propre au jazz.
20:31 Et aussi, je trouve que c'est une école formidable parce qu'en fait, on apprend à tout jouer.
20:36 Et ça donne des clés pour aller jouer aussi bien de la pop et de l'électro que jouer avec un ensemble de musiciens du Myanmar,
20:43 que jouer avec des musiciens chiliens.
20:46 Voilà, c'est une école incroyable.
20:49 La percussionniste, batteuse, compositrice et chanteuse de jazz Anne Paceo est notre invitée pour quelques minutes encore.
20:55 Invitée de Bienvenue au Club aujourd'hui. Faites un vœu, Anne Paceo.
20:58 Ok.
20:59 Un vœu. Ah, vous ne le direz pas, oui d'accord.
21:01 Ah ben non.
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23:53 Anne Paceo en tournée avec ce nouvel album « Chaman ».
23:56 Ce sera le 19 mars à Aurillac, le 5 avril à Annemas et le 21 juillet à Jazz in Martial.
24:02 Mais oui, c'est Martiac, pas une Martial.
24:05 C'est le début des festivals d'été. On a hâte de vous y retrouver, Anne Paceo.
24:10 C'est de vous les paroles, de ce « Wishes » Anne Paceo, avec Marion Rampal pour le chant.
24:17 Oui, on a co-écrit. En fait, je suis arrivée...
24:20 Parfois, je fais écrire les paroles en entier par des paroliers et parolières.
24:24 Et là, j'avais pas mal d'éléments de phrases et pas mal de yaourts aussi, moitié-moitié.
24:29 Et donc, Marion a transformé les parties yaourts en mots.
24:34 Il y a eu pas mal de collaborations déjà depuis une dizaine d'années pour vous, Anne Paceo,
24:39 Roda Scott, Sophie Allour, mais aussi Mélissa Laveau, Jeanne Haddad, Raphaël Imbert ou encore Marion Rampal,
24:44 que l'on retrouve ici. Vous avez, vous, on l'imagine, plein de souvenirs,
24:48 des souvenirs particuliers pour chacune de ces collaborations.
24:50 Mais au fond, ce qui est intéressant aussi de comprendre, c'est qu'est-ce qu'on apprend seule,
24:55 dans un tête-à-tête avec son instrument et qu'est-ce qu'on apprend dans le partage ?
24:59 Est-ce que vous sauriez dire comment se joue cette partition en vous ?
25:03 Alors, qu'est-ce qu'on apprend seule ? Je trouve que c'est un endroit qui n'est pas facile,
25:08 le moment où on se retrouve pendant des heures seule à son instrument.
25:13 Je me souviens d'un exercice que me donnait mon prof au conservatoire.
25:16 Il me disait "tu joues le même rythme pendant une heure ou une heure et demie, au même tempo".
25:21 Et en fait, c'est un exercice fou parce qu'on passe par tous les états.
25:25 L'impression que le temps se dilate, parfois qu'il s'accélère,
25:28 la tête qui se met en marche et réussir à l'arrêter, la concentration.
25:32 Donc, en fait, on apprend à mieux peut-être se comprendre et se connaître.
25:38 Et qu'est-ce qu'on apprend avec l'autre ?
25:41 Je reviens toujours à ça, mais je pense qu'on apprend l'humilité, en fait, dans le partage.
25:45 Et le fait de toujours être au service de la musique et mettre les goûts de côté.
25:51 Et que ce qui compte, c'est la musique qui naît et c'est de donner quelque chose aux gens, je crois.
25:57 Être femme à la batterie, ça a souvent été souligné, remarqué, vous concernant.
26:03 Et ça ne vous a pas échappé que c'est quand même quelque chose encore de particulier dans le paysage actuel,
26:07 même si ça bouge, même si ça change.
26:09 Vous diriez que parfois encore, ça vous exclut de certains cercles.
26:13 Mais qu'aujourd'hui, ça commence aussi à vous distinguer, qu'on vous regarde aussi autrement pour ça.
26:18 Je pense qu'il y a un peu des deux.
26:21 Après, je trouve que ce n'est pas toujours facile, déjà, d'être une femme dans ce monde.
26:25 Parfois d'être moins écoutée, que la parole pèse moins.
26:29 Mais peut-être que, oui, du coup, de par cette différence, ça m'a mis en lumière.
26:35 Est-ce que c'est une vraie différence ? Est-ce que vous habitez différemment la musique, vous pensez ?
26:39 Je pense que chaque être humain habite différemment son art.
26:43 Après, notre construction, notre histoire, nos luttes, nos colères, nos joies font ce qu'on est en tant qu'être humain.
26:54 Et être musicien, c'est quelque part mettre à plat son âme et dire "moi je suis ça".
27:00 Anne Passéo, merci beaucoup.
27:05 On vous rencontrerait ce samedi, on le disait, au Théâtre des Gémeaux à Sceaux avec Nanouk Leschimo,
27:09 mais aussi au TNB à Rennes les 26 et 27 mars pour ce ciné-concert.
27:14 Également le 13 avril à l'Arsenal de Metz en concert dessiné avec Cyril Pétrozza.
27:19 Et puis les dates de tournée, on les remet sur le site de Bienvenue au Club sur Radio France.fr.
27:25 Merci beaucoup à vous.
27:26 Merci à vous.

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