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Les séismes qui ont touché la Syrie et la Turquie le 6 février ont fait plus de 52 000 morts et des centaines de milliers de blessés. Delphine Minoui, correspondante du Figaro à Istanbul et Karine Meaux, responsable des urgences à la Fondation de France évoquent la situation sur place. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mardi-14-mars-2023-8000581

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00:00 Et à 7h48, deux invités au micro de France Inter, la correspondante du Figaro en Turquie,
00:04 bonjour Delphine Minoui, et la responsable des urgences à la Fondation de France, Karine
00:10 Maud, bonjour.
00:11 Cinq semaines après le séisme qui a ravagé une partie de la Turquie et de la Syrie, nous
00:15 tenions à revenir ce matin sur cette tragédie que l'Organisation Mondiale de la Santé
00:20 a qualifiée de « pire désastre naturel dans la région depuis un siècle ». Plus
00:24 de 50 000 morts, plus de 100 000 blessés en Turquie, des centaines de milliers de
00:30 personnes vivant dans des abris de fortune, 3 millions de déplacés.
00:34 Ce soir, France 2 organise à 20h40 un concert à l'Olympia, uni face au séisme qui sera
00:40 présenté par Léa Salamé et Stéphane Bernes avec la Fondation de France.
00:46 France Inter s'associe bien sûr à cet événement, objectif appelé largement au
00:51 don à votre générosité, car les besoins sont immenses, habitation, écoles, hôpitaux,
00:58 tout ou presque ayant été rayés de la carte.
01:01 Karine Maud, vous revenez de Turquie, dites-nous un peu plus d'un mois après le séisme,
01:06 à quoi ressemble la situation sur place ?
01:08 - Effectivement, je suis revenue en fin de semaine dernière d'une visite en Turquie.
01:14 La Fondation de France travaille en Turquie comme en Syrie d'ailleurs avec des associations
01:20 locales, qui sont des citoyens qui se mobilisent pour venir en aide à leur population.
01:24 Comme souvent après de telles catastrophes, les premiers répondants, ce sont ces associations
01:30 locales au plus proche des communautés impactées.
01:33 Alors la semaine dernière, pendant la visite, on a quand même pu observer le travail formidable
01:38 de déblément qui avait déjà été effectué.
01:40 Même s'il reste encore énormément d'immeubles couchés, de travers, etc.
01:47 On ne peut pas s'empêcher de se demander s'il y a encore des personnes sous ces décombres.
01:52 Des villes désertes, des villages déserts, la plupart des personnes s'étant déplacées
01:57 pour essayer de se mettre à l'abri.
01:58 Parce qu'il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui encore, de nombreuses répliques secouent la Turquie.
02:05 - Delphine Minoui, je donnais le chiffre de 52 000 morts pour le bilan humain, Turquie
02:10 et Syrie.
02:11 Vous semble-t-il crédible ou sous-estimée ? En préparant cette émission, vous nous
02:15 disiez qu'il s'établirait plutôt à 100 000 voire 200 000 personnes ?
02:19 - Oui, le bilan actuel soulève pas mal de questions.
02:23 Quand on sait que, ne serait-ce qu'en Turquie, on estime à plus de 200 000 le nombre de
02:28 bâtiments qui ont été détruits ou endommagés, avec un petit calcul, le nombre de morts
02:33 dépasse largement les 50 000.
02:36 Alors est-ce qu'il y a des raisons politiques derrière ? C'est une question, puisqu'on
02:39 sait qu'on est entré en campagne électorale avant le scrutin du 14 mai.
02:42 Il peut y avoir aussi des raisons tout simplement techniques, puisqu'en effet, il y a encore
02:48 des familles qui continuent à identifier ou à localiser leurs proches, ne serait-ce
02:53 que leur propre corps.
02:54 Hier, au 34e jour post-séisme, j'ai eu écho d'un couple de réfugiés syriens qui
03:02 vit dans le sud de la Turquie, qui a enfin pu retrouver son bébé, son nouveau-né
03:06 qui avait été perdu sous les décombres.
03:09 Et puis, quelque chose qui m'a beaucoup marquée quand j'étais sur la zone, notamment
03:13 dans la ville de Karamanmarash, près de l'épicentre du séisme, c'est ce cimetière.
03:17 Ce cimetière qui s'étire à perte de vue.
03:21 Tous ces tombeaux, des tombeaux improvisés, ce sont des lopins de terre avec seulement
03:26 au-dessus des petits cartons sur lesquels sont écrits des numéros.
03:29 Ça nous montre qu'aujourd'hui encore, on est loin d'avoir identifié toutes les
03:34 victimes.
03:35 Il y a un processus d'identification qui est mis en place avec des tests ADN, mais
03:39 c'est pas le tout de faire un test ADN sur un cadavre, mais il faut aussi retrouver
03:43 les membres des familles.
03:44 Beaucoup de gens sont déplacés, deux millions plus même, de déplacés à travers le pays.
03:48 Donc tout ceci prend du temps, ce qui peut expliquer en effet ce chiffre assez restreint.
03:53 - Des centaines de milliers de bâtiments détruits, des centaines de milliers de personnes
03:57 vivant de fait dans des tentes, des gymnases, des conteneurs.
04:00 Le logement, mais aussi les sanitaires, ce sont les premières urgences pour ceux qui
04:04 ont survécu.
04:05 Karine Mo ?
04:06 - Oui, tout à fait.
04:07 La plupart des personnes se trouvent aujourd'hui sous tentes.
04:10 Vous avez mentionné des conteneurs, quelquefois des petites cabanes en bois improvisées par
04:15 des volontaires des associations avec lesquelles on travaille, avec des difficultés quand
04:21 même d'accès à l'électricité, d'accès à l'eau, d'accès aux sanitaires.
04:25 Il va falloir repenser tout cet habitat de façon durable.
04:29 Alors, on est dans une société qui a une culture du risque beaucoup plus forte que
04:34 celle qu'on peut avoir en France.
04:36 Ils ont déjà subi un séisme de ce type en 1999.
04:40 Et on sent vraiment toute l'expérience et la réflexion avec des gens très éduqués,
04:49 très sensibles aux questions de gestion des catastrophes.
04:51 Donc ça c'est un processus qui va démarrer.
04:53 Il faut y aller prudemment.
04:54 Comme je le disais tout à l'heure, il y a encore des répliques, donc on ne peut pas
04:57 se précipiter dans la reconstruction.
04:59 Mais penser des solutions durables pour être certain que les gens dans un an, dans deux
05:05 ans ne soient pas encore sous tente.
05:06 Il a fait très froid, on l'a évoqué jusqu'à il y a deux semaines.
05:09 Là maintenant la cage, exactement, c'est qu'il va bientôt faire très chaud.
05:12 On parle de 7 millions d'enfants touchés par le séisme.
05:16 Que vont devenir ces enfants ? Beaucoup sont orphelins.
05:19 Delphine Minoui ? C'est une grande question également.
05:22 On parle de traumatismes très très profonds.
05:26 J'ai discuté avec des ONG locales qui parlaient d'enfants qui font d'énormes cauchemars,
05:32 qui vomissent, qui s'évanouissent, qui recommencent à faire pipi au lit tout simplement.
05:36 Ça va prendre du temps.
05:38 Il y a encore des enfants qui cherchent leurs parents.
05:41 Il y a toute la question de l'éducation.
05:43 Il faut savoir que la Turquie s'est à peine remise de toute la vague du Covid.
05:48 Ça a été un des pays qui avait le plus fermé en termes d'éducation, d'école.
05:52 Pendant un an et demi, les enfants n'ont pas pu aller en direct dans les écoles.
05:56 Ce sont des traumas qui s'ajoutent à des traumas.
05:59 Ça va prendre beaucoup de temps.
06:00 Soignez le traumatisme, Karine Moos.
06:03 C'est une des urgences pour vous et pour les ONG, les associations que vous soutenez
06:10 à travers la Fondation de France.
06:11 Oui, tout à fait.
06:12 La semaine dernière, j'ai rencontré...
06:13 Vous êtes psychologique ou psychiatrique d'urgence, je ne sais pas comment te dire.
06:16 On parle souvent dans un premier temps d'activités psychosociales qui permettent de remettre
06:22 les personnes, en particulier les enfants, en mouvement, en activité.
06:26 Et à cette occasion, d'identifier ceux qui ont subi les plus forts traumatismes.
06:31 Et là, on rentre dans des accompagnements de plus longue durée de santé mentale, d'accompagnement
06:37 psychologique.
06:38 Valable aussi pour les adultes.
06:39 Valable aussi pour les adultes et valable aussi pour toutes les personnes dont je parlais
06:42 tout à l'heure, ces fameux premiers répondants, les responsables associatifs, les bénévoles
06:46 qui sont dans un état de fatigue et de tension très forte et qu'il ne faut pas oublier.
06:51 Et je le redis, qu'il faut accompagner dans la durée.
06:54 On ne peut pas apporter un soutien psychologique pendant un mois ou deux.
06:58 C'est plusieurs mois.
06:59 Et c'est pour ça qu'à la Fondation de France, on a cette phrase "il est urgent d'agir dans
07:04 la durée".
07:05 Lorsqu'on collecte, on ne collecte pas seulement pour maintenant, on collecte aussi pour les
07:08 mois à venir.
07:09 Car c'est un relèvement qui va prendre beaucoup de temps.
07:11 - Delphine Minoui, qu'en est-il de la situation en Syrie ? A ce micro le 15 février, le médecin
07:16 de guerre Raphaël Pity parlait d'un peuple totalement martyrisé par 10 ans de guerre
07:21 et de la région d'Idlib balayée comme un château de cartes.
07:24 La situation des Syriens est-elle pire encore que celle des Turcs ? Sont-ils livrés à
07:29 eux-mêmes ?
07:30 - Largement pire, ça a été, pour eux, ça a été l'apocalypse.
07:35 C'est-à-dire qu'ils avaient déjà vécu, ils pensaient déjà avoir vécu le pire.
07:38 Ils ont passé presque 12 ans de guerre dans la région d'Idlib qui est la seule dernière
07:43 poche de résistance au régime de Bachar Al-Assad.
07:46 Des bombardements au baril d'explosifs, des populations qui étaient déjà déplacées.
07:50 Il faut savoir que sur les 4 millions d'habitants à Idlib, la moitié viennent de zones qui
07:56 ont été reprises par le régime.
07:57 Alep, Homs, la route à Oriental dans la banlieue de Damas.
08:01 Et ces gens-là étaient déjà à genoux.
08:04 Il y avait déjà des hôpitaux pour la plupart qui avaient été bombardés.
08:08 Donc quand ils ont été réveillés en pleine nuit, il faut rappeler que ça s'est passé
08:11 en pleine nuit le double séisme, et bien ces gens ont perdu tout ce qui leur restait.
08:17 C'est-à-dire des petites maisons, des petits abris de fortune, même les tentes se sont
08:21 écroulées.
08:22 Il faisait entre -10 et -15 degrés.
08:25 Il y a beaucoup de gens qui sont morts de froid.
08:26 Pas morts à cause du tremblement de terre, mais tout simplement morts de froid.
08:29 Et aujourd'hui, nous le disent tous, ils se sentent abandonnés.
08:32 On sait la lenteur des secours.
08:34 Ça a mis plus d'une semaine à arriver.
08:36 Et ne serait-ce qu'hier, donc il y a eu enfin une enquête onusienne qui a avoué avoir
08:42 échoué dans l'aide d'urgence à ces populations-là.
08:46 - Sur la Syrie, quelles sont vos informations ?
08:50 Carine Maux, c'est plus difficile, plus compliqué d'y intervenir qu'en Turquie, évidemment.
08:55 - Alors c'est plus compliqué.
08:57 L'avantage à la Fondation de France, c'est comme on travaille avec des associations locales.
09:02 On avait déjà un réseau d'associations locales avec lesquelles on travaillait notamment
09:07 depuis fin 2019, début 2020, suite à des déplacements de populations qui avaient eu
09:11 lieu dans le nord-ouest de la Syrie.
09:13 Donc on a tout de suite pu se tourner vers ces associations qui sont sur le terrain.
09:18 Elles sont ancrées dans leur communauté.
09:20 Certaines gèrent des hôpitaux, certaines développent des activités socio-économiques
09:25 pour les femmes et donc sont en capacité de réagir tout de suite.
09:28 Ceci dit, vous avez raison, l'accès au territoire, avec un S syrien, impacté, est beaucoup plus
09:36 compliqué.
09:37 L'accès physique, l'accès matériel et même la question des transferts de fonds
09:40 demeurent toujours une difficulté.
09:42 Les associations sont très inventives pour trouver des solutions.
09:45 - Une dernière question Delphine Minoui, c'est Oran Pamouk, le prix Nobel de littérature
09:50 turque, qui disait au lendemain du séisme qu'il n'avait jamais vu son peuple, notre
09:55 peuple, aussi en colère.
09:56 Est-ce le cas ?
09:57 Est-ce que c'est admissible ?
09:58 - C'est incroyable.
09:59 Cette colère, elle explose de partout, jusque dans les stades de football qui sont devenus
10:04 la caisse de résonance des critiques, où les gens appellent à la démission d'Erdogan.
10:08 Il y a eu cette scène très symbolique récemment où des supporters de foot s'étaient passé
10:13 le mot.
10:14 Ils avaient apporté des peluches qu'ils ont balancées sur la pelouse en signe de solidarité
10:18 à l'égard des orphelins et des enfants des victimes.
10:21 Cette colère, elle va se jouer dans les urnes, c'est évident, le 14 mai prochain.
10:26 Il y a une opposition certes divisée mais qui a commencé à s'organiser contre le
10:30 président Erdogan qui est candidat à sa réélection, même si ça reste un grand
10:34 animal politique et donc rien n'est gagné d'avance.
10:38 - Merci à toutes les deux, Delphine Minoui, Karine Maud.
10:41 Je vous rappelle donc le grand concert de solidarité ce soir sur France 2 à partir
10:45 de 20h40 et sur France Inter à 21h côté club de Laurent Goumard.
10:51 La Fondation de France recueillera vos dons pour apporter aide et soutien aux victimes
10:56 du séisme, elle compte sur vous.

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