Hydrogène : pour l’effet de mode ou contre l’effet de serre ?

Sud Radio

Parlons Vrai chez Bourdin avec Aurélien Bigo, contributeur à "Polytechnique Insights", spécialiste de l’hydrogène.  Retrouvez Parlons Vrai chez Bourdin du lundi au vendredi de 10h30 à 12h30 sur #SudRadio. --- Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry   ———————————————————————  ▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75yzts   Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/   ———————————————————————   Nous suivre sur les réseaux sociaux   ▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel  ▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/  ▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio  ▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr  ———————————————————————  ☀️ Et pour plus de vidéos Parlons vrai chez Bourdin : https://www.youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQkzX4JBcyhPDl9yzBynYbV  ##MIDI_ACTU-2023-03-14##

Transcript

00:00 - Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30, Jean-Jacques Bourdin.

00:06 - Vous êtes comme moi, vous entendez parler de l'hydrogène comme solution, comme carburant d'avenir.

00:11 L'hydrogène, les véhicules qui circuleront à l'hydrogène, c'est une solution.

00:15 Oui, mais posons-nous les bonnes questions.

00:17 Est-ce que nous roulerons dans des véhicules à hydrogène ?

00:20 L'hydrogène dans les transports tiendra-t-il ses promesses ?

00:24 L'hydrogène est fait de mode ou vraie solution pour les transports ?

00:28 Pour en parler, avec nous Aurélien Bigaud qui est chercheur,

00:32 qui a contribué à la revue éditée par Polytechnique,

00:37 Polytechnique Insight, revue de l'Institut Polytechnique de Paris.

00:40 Bonjour. - Bonjour.

00:42 - Aurélien Bigaud, vous aviez en charge le volet transport, l'hydrogène et les transports.

00:47 Vous travaillez sur la question de l'hydrogène depuis longtemps,

00:50 vous connaissez bien la question.

00:52 Alors, l'hydrogène, est fait de mode ou vraie solution pour les transports ?

00:57 - Un peu des deux. Ce n'est pas une solution magique pour l'ensemble des modes de transport.

01:01 Il y aura des modes sur lesquels il va y avoir une pertinence.

01:04 Mais à court terme, ce qui est important de comprendre,

01:07 c'est que l'hydrogène est essentiellement produit à partir d'énergie fossile.

01:11 À court terme, avec l'hydrogène qu'on a actuellement, c'est fortement émetteur de CO2.

01:15 Donc l'intérêt climatique à court terme n'est pas encore...

01:18 - Il n'existe pas, il n'est pas là, il n'y a pas d'intérêt climatique.

01:20 - C'est ça. Pas à court terme.

01:21 En tout cas, l'objectif c'est de passer à des modes de production de l'hydrogène bas carbone.

01:26 Et pour ça, il y a notamment le procédé qui est le plus mis en avant,

01:29 c'est l'électrolyse de l'eau.

01:30 L'électrolyse de l'eau, c'est on prend de l'électricité,

01:32 on casse les molécules d'eau pour en sortir de l'hydrogène.

01:36 Et là, l'hydrogène peut être utilisé, soit dans l'industrie,

01:40 finalement c'est là qu'il est aujourd'hui le plus utilisé,

01:42 c'est là qu'il va être le plus pertinent d'ailleurs

01:44 dans la transition énergétique des transports.

01:47 Et après en complément, ça peut être utilisé...

01:48 - Oui, mais il va falloir de l'électricité pour cela.

01:51 - Exactement.

01:51 - Pour produire cet hydrogène-là.

01:53 - Et tout à fait, il faut plus d'électricité du coup

01:55 pour faire fonctionner un véhicule à hydrogène

01:57 que pour faire fonctionner un véhicule électrique.

02:00 C'est-à-dire qu'il y a des pertes de rendement

02:02 au fur et à mesure des transformations.

02:04 - Oui, alors cette électricité, comment se la procurer ?

02:07 Il y a plusieurs solutions, le nucléaire, le renouvelable,

02:11 et puis l'énergie fossile.

02:13 - C'est ça, pour l'instant, c'est encore beaucoup aux énergies fossiles

02:16 dans le monde, après en France, déjà largement de l'électricité bas carbone.

02:21 Mais ce qui est sûr, c'est que pour l'instant, déjà,

02:23 l'hydrogène est assez peu produit à partir de l'électricité,

02:26 donc à partir de ce procédé d'électrolyse de l'eau.

02:28 L'Agence internationale de l'énergie nous a indiqué qu'en 2021,

02:31 c'était 0,04% de la production d'hydrogène dans le monde

02:35 qui était faite à partir d'électrolyse de l'eau.

02:37 Donc c'est quelque chose qu'il va falloir développer,

02:39 mais il faut que ce soit à partir d'électricité bas carbone

02:43 pour que cette électrolyse de l'eau ait un intérêt climatique.

02:46 - Enfin, je comprends tout.

02:47 Et enfin, je comprends les réserves exprimées à propos de l'hydrogène,

02:53 de l'utilisation dans le concret, dans le quotidien, de l'hydrogène,

02:58 de l'utilisation dans nos véhicules, de l'utilisation pour un avion,

03:02 pour un train, pour un bateau.

03:04 Si j'ai bien compris, dans l'avenir,

03:09 rouler avec un véhicule léger à l'hydrogène, ce n'est pas la solution.

03:14 - Oui, les véhicules légers, en effet, ce sera plutôt l'électrique qui...

03:17 - Oui, ça sera l'électrique.

03:18 - L'électrique, c'est mieux que l'hydrogène.

03:20 - Les vélos à assistance électrique, les voitures qui seront majoritairement électriques.

03:22 L'hydrogène peut être éventuellement un petit complément

03:26 sur des marchés un peu de niche.

03:27 Par exemple, aujourd'hui, il y a quelques taxis à hydrogène dans Paris.

03:30 Il y aura peut-être des marchés de niche de ce type-là

03:33 pour l'hydrogène pour les voitures,

03:34 mais les voitures de demain seront électriques.

03:37 Après, il faut aussi changer l'usage plus globalement de nos mobilités,

03:41 essayer autant que possible d'aller vers des solutions plus sobres.

03:44 Mais en tout cas, la technologie électrique va dominer

03:46 pour un grand nombre de modes de transport, notamment...

03:49 - La technologie électrique et les carburants de synthèse aussi.

03:54 - Les carburants de synthèse, là où c'est encore plus compliqué...

03:56 - C'est ce que dit l'Allemagne.

03:57 - C'est en effet ce qu'ils disent,

03:59 mais en fait, il faut comprendre que c'est encore plus compliqué que l'hydrogène.

04:01 C'est-à-dire que pour produire des carburants synthétiques,

04:04 il faut combiner de l'hydrogène avec du CO2.

04:08 Donc, c'est comme ça qu'on fabrique les carburants synthétiques.

04:10 Donc, ça veut dire qu'il faut qu'à la base,

04:12 l'électricité qu'on utilise pour fabriquer de l'hydrogène,

04:15 puis qui va servir à la production de ces carburants synthétiques,

04:18 soit vraiment en bas carbone,

04:19 pour que les carburants synthétiques aient un intérêt climatique.

04:23 - Pour les voitures électriques, il faut quand même des batteries.

04:25 - Exactement.

04:26 - Il faut des batteries.

04:27 Et les batteries, ça suppose des produits, des métaux rares,

04:33 ça suppose beaucoup de choses pour une batterie.

04:36 Et en plus, la batterie, le problème, c'est qu'il faut stocker l'électricité,

04:41 donc la batterie, elle est souvent un peu massive,

04:45 ou du moins, elle n'est pas facile à fabriquer.

04:48 Enfin bon, tout ça, c'est...

04:49 - Oui, tout à fait.

04:50 Mais en fait, quels que soient les...

04:52 - Ça va évoluer là aussi ?

04:54 - Oui, il y a des évolutions.

04:55 Alors, il y a déjà eu des évolutions assez fortes sur,

04:57 par exemple, la densité énergétique des batteries.

04:59 Donc, ça veut dire que pour un même nombre de kilos de batterie,

05:03 on a plus d'énergie aujourd'hui que ce qu'on avait par le passé.

05:06 Donc, il y a eu des progrès techniques là-dessus

05:07 qui permettent d'économiser un peu certains métaux aussi, du coup,

05:10 comme la densité est plus forte.

05:12 Et après, les chimies de batterie évoluent beaucoup aussi.

05:15 Par exemple, suivant les métaux qui sont en tension,

05:17 il y a des transformations sur le marché des batteries

05:22 pour les véhicules électriques, par exemple,

05:23 pour utiliser moins de cobalt ou utiliser moins de nickel.

05:26 Ça, ce sont des transformations qu'on a vues beaucoup sur le marché

05:29 ces dernières années pour limiter, justement,

05:31 les questions de dépendance qu'il peut y avoir sur certains de ces métaux.

05:34 - Alors, pour en revenir à l'hydrogène,

05:35 objectif 2028 en France, 20 000 à 50 000 VL,

05:39 véhicules légers roulant à l'hydrogène,

05:42 800 à 2 000 véhicules lourds.

05:44 En fait, c'est mieux pour les véhicules lourds, pourquoi ?

05:47 - Alors, en fait, l'hydrogène, ça va être plutôt à utiliser

05:50 en complément de l'électrique sur les transports.

05:52 Donc, c'est-à-dire que quand l'électrique est pertinent,

05:54 c'est ça qu'il faut prioriser parce qu'il y a besoin de moins d'électricité

05:57 pour faire rouler le véhicule électrique que le véhicule hydrogène.

06:00 Le coût est beaucoup moins important aussi

06:03 pour les véhicules électriques que pour l'hydrogène,

06:06 à la fois le coût du véhicule et le coût de l'énergie.

06:08 Et du coup, c'est finalement sur les segments de véhicules

06:11 ou les modes de transport sur lesquels l'électrique est le plus difficile

06:13 que l'hydrogène va pouvoir venir un peu en complément

06:16 quand le volume de batterie à emporter serait trop important,

06:18 par exemple sur des poids lourds, sur de la longue distance potentiellement,

06:21 l'hydrogène pourrait venir en complément pour certaines

06:24 petites lignes, comme on les appelle ferroviaires,

06:27 éventuellement pour le... Voilà, c'est ça.

06:29 - Mais en Allemagne, il y a déjà des trains à hydrogène qui circulent.

06:32 - Exactement, c'est déjà quelque chose qu'on sait faire.

06:34 - En 2025 en France, je crois.

06:36 - Oui, il y a des projets en effet, certaines régions qui ont investi

06:39 aussi sur les trains à hydrogène, donc il peut avoir cette pertinence.

06:43 - Mais petite ligne, vous dites petite ligne, pourquoi petite ligne ?

06:45 - En tout cas dans les... - Pas de TGV ou pas de...

06:47 - C'est ça, il n'y a aucun intérêt sur ce type de ligne.

06:50 Quand il y a une densité de, disons, de flux de transport,

06:53 de trains, etc., qui est suffisante, l'électrique est vraiment le plus pertinent.

06:56 Quand on peut électrifier les lignes, c'est vraiment ce qu'il y a de plus efficace

06:59 d'un point de vue énergétique, ce qu'il y a de plus efficace

07:01 d'un point de vue des émissions de CO2.

07:03 Donc ça va être finalement sur des segments où les lignes ne sont pas électrifiées.

07:07 Aujourd'hui, il y a quasiment la moitié du réseau qui n'est pas électrifié.

07:11 Ce sont des parties de réseau sur lesquelles il y a moins de trains qui circulent.

07:15 Et à ce moment-là, ça peut valoir le coup si, disons,

07:19 le coût financier de l'investissement dans l'électrification est trop important.

07:23 Mais d'avoir plutôt de l'hydrogène.

07:25 - Ça permettrait peut-être de rouvrir certaines lignes, des trains à hydrogène

07:27 et de faire circuler plus de trains sur des lignes où il y a peu de trains qui circulent.

07:31 - Oui, après, c'est en tout cas une technologie qui aujourd'hui est plus chère que le pétrole.

07:37 Donc ça veut dire que si on a une difficulté à ouvrir certaines lignes

07:39 parce que le coût est important, l'hydrogène ne va pas forcément améliorer cette chose-là.

07:44 - Et l'avion ?

07:45 - Et sur l'avion, c'est disons quelque part un peu un pari qui mérite d'être tenté.

07:49 Il y a peu d'options technologiques sur l'avion qui sont prêtes aujourd'hui.

07:53 Pour autant, les contraintes de l'hydrogène, c'est notamment qu'il prend beaucoup de place.

07:58 Il faut des gros volumes pour...

08:00 - Comment il est stocké ? C'est un gaz ?

08:02 - C'est un gaz et en effet, pour...

08:03 - C'est un gaz liquide ou c'est un gaz...

08:05 - Eh bien, on peut le liquéfier, donc en le refroidissant à des températures très négatives.

08:11 Et c'est une des contraintes pour le transport aérien, justement,

08:14 qui est que ce gaz soit refroidi à des températures très basses.

08:19 Et du coup, c'est ça qui fait une des contraintes pour le transport aérien.

08:23 C'est qu'il faut revoir la forme des avions parce que les réservoirs sont beaucoup plus gros, etc.

08:27 - Inflammables.

08:28 - Et ce sera plutôt sur des cours moyens courriers qui peuvent être utilisés pour l'aérien.

08:33 Mais bon, ce n'est pas avant 2035 dans ce qui est annoncé,

08:35 donc ce n'est pas suffisant à court terme, en tout cas pour décarboner le transport aérien.

08:39 Il y a besoin aussi de...

08:40 - C'est un gaz inflammable ?

08:42 - Oui, alors il y a aussi des contraintes en termes d'usage,

08:46 notamment sur le stockage, sur les fuites possibles qu'il peut y avoir de ce gaz.

08:50 Donc ça, ça fait partie des défis techniques aussi qui existent pour l'hydrogène.

08:54 Et notamment, il faudra autant que possible produire l'hydrogène bas carbone le plus près possible

08:59 des lieux de consommation, notamment parce qu'il prend beaucoup de place.

09:02 Si on a besoin de beaucoup de camions pour le transporter sur d'autres lieux,

09:05 là on perd d'un point de vue énergétique aussi.

09:07 - Alors c'est très intéressant, ça permet de remettre les choses en place.

09:11 Parce que tout le monde pense que tout le monde parle d'hydrogène, hydrogène, hydrogène,

09:14 mais finalement l'hydrogène, ce n'est peut-être pas vraiment la solution pour les transports,

09:18 la solution de demain, c'est une solution complémentaire.

09:21 - Voilà, c'est ça, complémentaire. Il ne faut pas le voir comme la solution magique,

09:25 parce que ça ne l'est pas. Pour autant, il ne faut pas non plus tout balayer

09:28 d'un revers de la main sur cette technologie-là.

09:30 Il y aura besoin d'un complément de différentes technologies pour sortir du pétrole.

09:33 Et puis, comme je le disais, de sobriété aussi dans les usages.

09:36 Avant tout aussi réduire les consommations d'énergie, si on veut, autant que possible,

09:39 que cette énergie après soit à partir d'énergie bas carbone.

09:42 - Aurélien Bigaud, c'est très intéressant parce que j'ai lu tout ça dans votre revue,

09:47 dans cette revue à laquelle vous participez, qui est une revue formidable,

09:51 qui est, je crois, en vente, enfin pas en vente, elle est en accès libre.

09:55 - Oui, c'est ça, accès libre sur Internet, Polytechnique Insight.

09:58 Donc c'est une revue qui traite un peu des grands enjeux, des grands sujets scientifiques

10:02 de notre époque, donc énergie, climat, santé, technologie, etc.

10:06 Et donc là, il y a eu notamment un dossier spécifique sur l'hydrogène,

10:09 sur lequel moi j'ai contribué sur les transports. - C'est passionnant, je peux vous dire que c'est absolument passionnant.

10:12 Moi qui ne connaissais rien à l'hydrogène, je ne dis pas que je connais l'hydrogène maintenant,

10:16 mais au moins je peux mesurer les limites de l'hydrogène.

10:20 - Tout le monde vous en parle, j'imagine, tout le monde en parle, l'hydrogène.

10:24 - Oui, c'est ça, l'hydrogène, c'est dans les grands sujets.

10:26 - On cherche des solutions alternatives aux énergies fossiles, évidemment,

10:29 donc on se dit l'hydrogène, l'hydrogène, mais vous remettez les choses en place.

10:34 Elle paraît tous les combien, cette revue ?

10:38 - Alors il y a des articles assez réguliers sur Internet,

10:41 et puis des newsletters aussi auxquels on peut s'abonner chaque semaine,

10:44 et puis après des dossiers thématiques, comme celui-là, il y a eu un deuxième dossier thématique

10:48 sur ce thème de l'hydrogène, de la revue 3,14,

10:52 pour faire référence au nombre pi aussi, qui traite l'hydrogène,

10:57 à la fois ses modes de production, dans quel type d'usage ça va être utile

11:01 pour la transition énergétique de manière générale.

11:03 - 3,14 pour Polytechnique, c'est normal, c'est bon, d'accord.

11:07 Bon, merci Aurélien Bigaud d'être venu nous voir.

11:09 - De rien.

11:10 - Et encore une fois, je vous le recommande, parce que c'est passionnant.

11:13 - Bien, merci de nous avoir accompagnés depuis 10h30, c'est l'heure de Philippe David.

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