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00:00 - Nous sommes à présent avec François-Michel Letourneau,
00:02 géographe, directeur de recherche au CNRS,
00:04 spécialiste du Brésil et de l'Amazonie.
00:06 Bonjour, François-Michel Letourneau.
00:08 Merci d'être avec nous sur France 24.
00:10 Il veut revenir pour peser en politique
00:13 et assure ne pas avoir d'ambition de pouvoir.
00:16 Est-ce qu'on peut croire, Jair Bolsonaro,
00:19 qu'il ne compte pas revenir au pouvoir ?
00:21 - On peut voir les choses de deux manières.
00:24 La première, c'est qu'effectivement,
00:26 c'est une rentrée très politique et très polémique.
00:29 Orchestré par son parti.
00:31 Donc, même s'il dit qu'il ne veut pas jouer un rôle,
00:33 il va le jouer.
00:35 Et d'un autre côté, Jair Bolsonaro est un personnage inclassable.
00:38 Sa "fuite" aux Etats-Unis était un peu bizarre.
00:41 On ne sait pas très bien sa stratégie sur le long terme.
00:45 - Quelle place il peut avoir sur la scène politique brésilienne ?
00:49 Notre correspondante le disait, c'est la fin de la lune de miel
00:52 avec Lula après trois mois de pouvoir.
00:55 Est-ce que Jair Bolsonaro estime toujours un espoir,
00:59 incarne toujours un espoir pour l'opposition ?
01:02 - Alors, peut-être un petit peu, oui.
01:04 Et en même temps, pendant le temps où il a été absent,
01:07 d'autres leaders se sont affirmés,
01:09 notamment au gouverneur de l'Etat de São Paulo,
01:12 ou au l'ex-ministre de la Justice et sénateur Sergio Moro.
01:16 Il n'est pas certain que le paysage soit aussi dégagé pour lui
01:19 qu'il l'était au lendemain de sa défaite.
01:22 Donc, il a peut-être laissé passer un espace
01:24 qu'il aurait dû occuper médiatiquement
01:26 en étant au Brésil.
01:28 - Il est aussi dans le collimateur de la justice.
01:30 Pourquoi prendre le risque de revenir, d'être poursuivi ?
01:34 Est-ce qu'il a un sentiment d'impunité, l'ex-président ?
01:37 - Je ne pense pas qu'il ait un sentiment d'impunité,
01:40 d'autant plus que la justice brésilienne a mis en prison
01:43 un ex-président en la personne de Lula.
01:45 Donc, il y a un précédent de ce point de vue-là.
01:48 Je ne suis pas dans le détail de ces décisions,
01:50 mais je me demande dans quelle mesure...
01:52 Est-ce qu'il n'y avait pas un problème
01:54 de prolongation de visa aux Etats-Unis ?
01:57 Il n'avait pas très envie de conserver cette haute encombrante.
02:00 Peut-être qu'il est arrivé au bout des trois mois de visa
02:03 auquel il avait droit et il n'avait pas d'autre part où aller.
02:06 - L'inégibilité ne lui fait pas peur ?
02:08 Il pourrait s'en servir pour se victimiser ?
02:11 - Bien évidemment, il va jouer cette carte à fond.
02:14 Il va falloir voir dans quelle mesure la justice brésilienne,
02:17 qui a montré de solides garanties d'indépendance,
02:20 est capable d'aller jusqu'au bout de sa démarche contre lui.
02:23 Il faut dire aussi que, pour le moment,
02:26 la plupart des instructions contre lui sont préliminaires
02:29 ou à moitié avancées.
02:30 On n'en est pas à des stades de mise en examen
02:32 ou de jugement.
02:33 Il faut être prudent.
02:35 Certaines accusations versées contre lui
02:37 ne seront pas forcément retenues par la suite.
02:40 Il va falloir voir de toutes ces affaires
02:42 lesquelles ont suffisamment de matière pour prospérer.
02:45 - L'élection présidentielle d'octobre dernier,
02:48 face à Lula, a montré à quel point le Brésil était polarisé.
02:51 Est-ce que c'est toujours le cas aujourd'hui,
02:54 alors que Lula est au pouvoir depuis trois mois ?
02:57 - Toujours oui,
02:58 parce que ces choses-là ne se changent pas en deux minutes
03:01 ou même en trois mois.
03:03 En même temps, il n'y a pas eu de révolution,
03:05 de grands mouvements, de "guerre civile"
03:08 qu'on avait pu imaginer à un certain moment.
03:10 Il va falloir voir dans quelle mesure,
03:12 est-ce que le gouvernement Lula commence à avoir des difficultés ?
03:16 Ce qui fera, à mon avis, la différence,
03:18 c'est de savoir s'il réussit à rétablir la situation économique
03:22 ou si la situation continue à être difficile,
03:25 auquel cas la population va probablement se retourner à nouveau
03:28 plutôt du côté de la droite et de Bolsonaro.
03:31 - Bolsonaro devrait gagner environ 18 000 euros par mois
03:34 entre sa retraite de président, le salaire de son parti.
03:37 On imagine que ça va quand même avoir du mal à passer
03:40 auprès d'une population brésilienne
03:42 où une personne sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
03:45 - Oui, mais pas nécessairement,
03:47 parce qu'une partie de l'électorat de Bolsonaro
03:50 vient des évangéliques,
03:51 qui considèrent que le succès matériel
03:53 est tout simplement la marque de la grâce divine sur une personne.
03:57 Une grande partie de l'électorat de Bolsonaro
03:59 n'est pas l'électorat du PT qui cherche plus d'égalité,
04:02 c'est un électorat qui cherche des moyens d'ascension sociale
04:06 mais qui ne remet pas en question le système capitaliste.
04:09 - Merci beaucoup, François-Michel Letourneau,
04:11 d'avoir été notre invité sur France 24
04:14 pour revenir sur ce retour.