• il y a 2 ans
Alexandre Lourié, directeur général en charge de l’international, Groupe SOS

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00:00 [Musique]
00:15 Bonjour à tous, je suis Alexandre Laurier, je dirige l'international et le conseil au groupe SOS.
00:20 Personne ne sait ce que c'est, donc j'expliquerai ce que c'est tout à l'heure, le groupe SOS.
00:24 J'ai une relation ambigüe avec le concept de responsabilité des entreprises,
00:31 parce que je le trouve un peu anachronique, il faut être transparent,
00:35 parce que c'est un pléonasme à mes yeux.
00:39 C'est très facile de penser ça quand on bosse au groupe SOS, je vous expliquerai pourquoi,
00:43 mais c'est un pléonasme parce que toute entreprise a un impact sur le monde qui l'entoure,
00:49 et le fait de considérer que c'est une chose nouvelle à étudier ou à prendre en charge me semble un peu une anomalie.
00:56 Toute organisation, quelle qu'elle soit, a un impact vis-à-vis de ses clients, de ses usagers,
01:02 par son produit, son service, de ses salariés, de ses fournisseurs, du territoire sur lequel elle opère,
01:08 des ressources qu'elle utilise, des ressources qu'elle renvoie,
01:12 et donc par définition, toute entreprise a une responsabilité.
01:16 Donc on peut se poser la question de si elle est efficace ou efficiente
01:21 dans sa manière d'être positive ou négative dans l'expression de sa responsabilité.
01:27 Ça c'est une deuxième question, mais je considère que c'est un pléonasme
01:30 parce qu'on ne peut pas dissocier la responsabilité qu'a une organisation sur ses équipes,
01:37 sur ses clients ou sur ses fournisseurs, de son activité propre.
01:41 Pour reprendre une métaphore que j'aime bien, ce n'est pas la cerise sur le gâteau,
01:45 c'est le gâteau tout entier en fait, la responsabilité d'une entreprise.
01:48 Et ce qui relève de l'anomalie ou de la nouveauté, c'est plutôt d'avoir décorrélé à ce point-là
01:52 la performance financière, des performances sociales et environnementales des organisations.
01:58 Maintenant que j'ai dit ça, il y a eu beaucoup de progrès qui ont été faits,
02:04 et moi j'ai observé trois mutations dans la manière qu'ont les organisations de se sentir responsables.
02:11 Le premier progrès déjà c'est de se dire que les entreprises ont une responsabilité,
02:15 et donc on s'est mis à inventer des départements RSE,
02:18 ou mettre dans les fiches de poste, dans les KPI de collaborateurs, la question de la RSE.
02:24 Et souvent on a collé ça dans le département communication,
02:27 parfois dans le département affaires publiques, parfois dans le bras philanthropique,
02:32 quand il y a une fondation qui est associée à l'entreprise.
02:35 Et donc c'était déjà une grande victoire, à savoir, les entreprises ont une responsabilité,
02:41 il y a quelqu'un qui s'en occupe dans l'organisation, c'est déjà pas mal.
02:44 La deuxième mutation qui est en cours en ce moment, je ne sais pas si vous l'observez aussi,
02:49 c'est que ça n'est plus l'affaire du DIRCOM et que ça devient de plus en plus l'affaire du DAF.
02:53 Il y en a peut-être parmi vous, ici je vois des têtes qui acquiescent.
02:58 C'est en plus l'affaire du DAF, la responsabilité des entreprises.
03:01 Il y a deux raisons qui l'expliquent, je pense.
03:03 La première, c'est que les DAF, ils aiment les chiffres et que la responsabilité,
03:08 déjà une fois qu'on l'a identifié, on veut la quantifier, une fois qu'on l'a quantifié,
03:12 on veut l'améliorer et souvent ça se transforme en chiffres.
03:16 Et donc ceux qui sont en charge de la performance financière
03:19 deviennent de plus en plus en charge de la performance extra financière
03:23 et donc comptables d'une comptabilité qui n'est pas que financière
03:27 mais qui se mesure en tonnes de CO2 émises, en nombre de salariés,
03:31 en contrat d'insertion, tout type d'indicateurs sociaux et environnementaux.
03:35 La deuxième raison pour laquelle les DAF s'y collent,
03:38 c'est que ça implique par nature des tonnes d'arbitrage financier.
03:44 Une fois qu'on a quantifié, on a fait son bilan carbone,
03:47 on a quantifié le nombre de tonnes de CO2 qu'on émet par notre production,
03:51 la question d'après c'est qu'est-ce qu'on fait ?
03:53 On le compense et on le réduit.
03:55 Quand on le compense, on se dit ok quel est le prix de la tonne de carbone ?
03:59 Je ne sais pas si beaucoup parmi vous ont fait cet exercice là
04:02 mais puisqu'il n'y a pas forcément de règles ou de lois contraignantes en la matière,
04:07 le DAF qui est en charge de sa performance extra financière,
04:10 donc de ses émissions de CO2, il est obligé de se dire ok,
04:13 j'ai un nombre de tonnes mais combien d'euros ça coûte à la planète
04:17 d'émettre ces tonnes de CO2 ?
04:19 Donc combien d'euros je dois internaliser dans ma structure de coût
04:22 pour confier à des structures, des projets de reforestation,
04:25 pour séquestrer le carbone que j'émets et surtout pour moi en interne,
04:28 essayer d'être plus sobre et de réduire mes émissions.
04:31 Donc deux bonnes raisons pour lesquelles les DAF s'occupent de plus en plus de RSE
04:36 et c'est une bonne chose.
04:38 La troisième mutation que j'observe et j'ai l'impression qu'elle met un peu plus de temps
04:43 à se mettre en place, c'est que si ce n'est plus l'affaire des DIRCOM ou des DAF,
04:47 ça devient l'affaire des DG.
04:50 Ça devient l'affaire des DG parce que si on considère que la responsabilité
04:55 des entreprises c'est un pléonasme, alors on ne peut plus décorréler
04:58 la performance sociale et environnementale de la performance financière.
05:02 Et donc dans les arbitrages de stratégie de l'entreprise,
05:05 la maximisation de la performance sociale et écologique est prise en compte.
05:09 Et je suis très à l'aise de le dire parce qu'au groupe SOS,
05:12 ça fait 40 ans que la responsabilité c'est l'affaire des DG.
05:16 Le groupe SOS, par définition, a la responsabilité dans sa raison d'être.
05:23 On est né il y a 40 ans pour prendre la responsabilité du fragile,
05:29 pour prendre une formule d'un philosophe.
05:32 La responsabilité du fragile dans les années 80, c'était inventer des dispositifs
05:36 pour des personnes souffrant d'addiction, puis deveiller à SIDA.
05:40 Et petit à petit, ce petit groupe associatif s'est mis à développer
05:45 des dispositifs de lutte contre toutes les exclusions.
05:48 Donc dans le champ du handicap, des seniors avec des maisons de retraite solidaires,
05:53 dans le champ de la petite enfance avec aussi bien des crèches inclusives
05:56 que des centres de protection judiciaire de la jeunesse
05:59 ou d'aide sociale à l'enfance.
06:01 Et puis en fait, au bout d'un moment, beaucoup plus largement
06:04 que dans le champ médico-social ou associatif, par exemple,
06:07 un traiteur de luxe, pas très loin d'ici, sur les Champs-Elysées,
06:11 au pavillon Elysée, personne ne le sait, mais c'est une entreprise d'insertion
06:14 du groupe SOS.
06:16 Donc c'est les plus beaux événements que vous pouvez organiser,
06:19 mais en fait, dans le laboratoire du traiteur, c'est des centaines d'emplois
06:23 en insertion pour les personnes qui étaient le plus éloignées de l'emploi,
06:26 qui retrouvent un job, une formation et un accompagnement
06:29 vers le marché du travail classique.
06:32 C'est le cas de Cinéma Solidaire, c'est le cas du chantier de dépollution,
06:36 et en fait, petit à petit, le groupe SOS s'est mis à avoir
06:39 un impact de plus en plus systémique, notamment dans 40 pays,
06:43 un travail d'ONG d'accompagnement, et par du conseil
06:47 et une activité de think tank par l'Impact Tank en France.
06:53 Tu voulais intervenir ? Non ?
06:55 - Je voulais te rappeler que tu as un timer.
06:58 - Ah oui, ok.
07:00 - Et tu allais arriver à tes conseils, à tes trois règles.
07:04 - Exactement.
07:06 Mais super, parce que je bosse au groupe SOS, parce qu'en tant que DG,
07:10 je suis comptable de la responsabilité de mon entreprise par nature,
07:14 par définition, parce que je n'ai pas d'actionnaire,
07:16 parce que ma maison mère est associative,
07:18 donc 100% de mes profits sont réinvestis,
07:20 mon indicateur de performance, c'est ma responsabilité,
07:22 c'est l'impact que j'ai pour les autres et la planète.
07:25 Il y a trois leviers que j'identifie.
07:27 Après, ce ne sont pas des règles, je ne donne de règles à personne,
07:30 tout le monde fait sa vie, en tout cas, moi, ça me rend plus heureux,
07:32 ça me rend mes équipes plus heureuses,
07:34 de réfléchir à maximiser l'impact social et environnemental.
07:38 La première piste que vous pouvez creuser, c'est le dividende sociétal.
07:43 Il y a quelques semaines, il y a eu les annonces de la Maïf,
07:46 du Crédit Mutuel, il y a quelques mois, il y a eu l'annonce de Patagonia,
07:49 c'était la une de tous les magazines,
07:51 le fondateur qui cède la totalité du capital
07:54 à une fondation de protection de l'environnement,
07:56 mais en fait, il y a plein de boîtes qui le font.
08:00 Rolex est détenu à 100% par une fondation.
08:05 Donc, par définition, 100% des dividendes de Rolex
08:09 sont réinvestis par une fondation qui, en plus, est très très précise,
08:14 c'est l'action sociale dans le canton de Genève.
08:18 Alors, je peux vous dire qu'ils ont des super services associatifs.
08:25 Et c'est le cas de Velux, de Bosch, de Playmobil,
08:29 enfin, c'est pas un concept très ancien.
08:31 Et c'est très vertueux, mais ça pose une limite.
08:34 C'est-à-dire qu'une fois qu'on a généré des profits,
08:36 qu'est-ce qu'on en fait ? On distribue des dividendes.
08:38 Et là, on se dit, on va les distribuer aux bonnes œuvres
08:41 ou dans le cas du dividende salarial, aux équipes.
08:44 Mais il y a un deuxième axe pour reprendre les trois à creuser,
08:47 c'est avant même de générer du profit,
08:50 de se demander comment distribuer des dividendes,
08:52 comment j'opère ma boîte ?
08:54 Parce que si on redistribue à une asso pour séquestrer du carbone,
08:58 mais qu'on émet trois fois plus de carbone
09:00 dans nos process de production,
09:01 il y a peut-être un petit pépin et une question à se poser.
09:04 Et donc, revenu moins dépense égale profit,
09:09 il faut creuser donc son compte de résultat
09:11 et regarder peut-être qu'il y a des externalités
09:13 qu'on n'a pas internalisées.
09:15 Parfois, c'est obligatoire.
09:16 Il y a des lois de pollueurs-payeurs.
09:18 Vous fabriquez des emballages,
09:20 vous devez internaliser le coût futur du recyclage
09:23 en payant une taxe qui sera redistribuée
09:25 à ceux qui vont recycler.
09:26 C'est le cas pour les habits aussi.
09:28 Il y a plein d'entreprises d'insertion comme Le Relais
09:30 qui récupèrent les habits que vous n'utilisez pas,
09:32 notamment parce que dans le prix de vente
09:36 se retrouve cette taxe qui a été internalisée
09:39 dans la structure de coût.
09:40 Donc, on a essayé par la loi
09:42 de faire apparaître dans les coûts de l'entreprise
09:46 le coût auparavant qui n'était pas en euros,
09:49 mais qui était un coût en CO2 pour la planète,
09:53 en pollution, en impact sur la biodiversité,
09:55 en impact sur un territoire, etc.
09:57 Le troisième sujet qui me semble un peu plus important
10:02 et peut-être qui a un effet,
10:04 parce qu'il a un effet démultiplicateur pour vous,
10:06 c'est de passer par vos collaborateurs.
10:10 Dans l'opinion d'ailleurs,
10:12 il y avait un sondage au DOXA
10:14 qui expliquait qu'un quart de vos salariés
10:16 sont prêts à démissionner pour rejoindre
10:18 une entreprise plus alignée avec leurs valeurs.
10:20 On peut se dire, bon, ils sont prêts,
10:22 mais ils le font pas.
10:23 En tout cas, je peux vous dire qu'au groupe SOS,
10:25 chaque semaine, on reçoit des centaines de CV
10:27 de personnes qui ont envie de rejoindre
10:29 une aventure un peu plus sociale et solidaire.
10:32 Et c'est parfois une erreur de leur part,
10:35 parce que dans le même sondage,
10:37 on apprend que la moitié de vos salariés
10:39 ne savent même pas quelles sont vos actions
10:41 en matière de RSE.
10:43 Donc, ils ne sont pas contents,
10:44 mais en fait, c'est une raison d'asymétrie d'informations
10:47 plus que de mauvaise performance.
10:49 Donc, le fait d'inclure vos salariés
10:51 le plus possible dans vos projets de RSE,
10:54 c'est important, parce que comme je l'ai dit,
10:56 la responsabilité de l'entreprise,
10:57 c'est pas la cerise sur le gâteau, c'est le gâteau.
10:59 Donc, c'est l'affaire de tout le monde.
11:00 Tout le monde prend sa part du gâteau.
11:02 Et à chaque échelon de l'entreprise,
11:04 chacun a le pouvoir de travailler son impact
11:07 et de prendre sa part à la responsabilité
11:11 de l'entreprise.
11:12 Donc, moi, c'est ce à quoi j'appelle aujourd'hui.
11:15 Merci beaucoup, Alexandre.
11:16 J'avais juste peut-être une dernière...
11:19 On doit tous agir personnellement ?
11:22 Oui.
11:23 On a tous une part de gâteau dans la main.
11:26 Et si on prend l'exemple individuel,
11:30 donc c'est le cas dans votre entreprise,
11:32 mais vous, individuellement, par exemple,
11:33 parmi vous, qui a déjà fait son petit bilan carbone personnel ?
11:37 On est une bonne salle, vous avez vu le sujet.
11:41 Pas mal. C'est quoi ?
11:42 50 %, 60 %?
11:44 Facile, oui.
11:45 Qu'est-ce que ça nous apprend ?
11:47 Déjà, on a identifié une externalité qu'on a sur le monde.
11:51 Deux, on la quantifie.
11:53 Et si on ne fait pas ces deux étapes,
11:55 on ne peut certainement pas progresser.
11:57 Donc, il faut se demander s'il faut séquestrer ce carbone,
12:00 le réduire, le compenser.
12:01 Et donc, peut-être mon petit conseil,
12:03 ce serait pour les 40 % qui n'ont pas levé la main,
12:05 ça prend cinq minutes sur Internet,
12:07 vous faites votre bilan carbone,
12:08 et là, vous prendrez mesure de la responsabilité
12:11 qu'il a à votre échelle individuelle,
12:12 comme c'est le cas pour les entreprises.
12:15 Merci beaucoup, Alexandre.
12:17 Merci.
12:18 [Applaudissements]
12:19 [Musique]

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