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Mathieu Bock-Côté sur la «décolonisation» du langage : «C'est une entreprise planifiée, c'est au cœur du projet diversitaire»

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Transcription
00:00 Il y a un constat intéressant à travers cela, commençons par là.
00:04 C'est la reconnaissance de l'importance centrale du poids des mots, du langage dans la formation de la pensée.
00:12 Le caractère essentiel des mots pour apercevoir le monde, concevoir le monde, dire le monde.
00:19 Il y a une réflexion politique à avoir, philosophique à avoir sur la nature du langage.
00:24 Et on le sait, un homme privé de mots est incapable de nommer ce qu'il voit, ce qu'il ressent.
00:28 Et inversement, la maîtrise des mots, la maîtrise du langage permet de nommer le monde dans sa complexité.
00:34 Mais au-delà de ce point de départ d'accord, on bascule tout de suite dans un univers parallèle.
00:38 Vous comprendrez pourquoi.
00:40 Que nous disent des gens, alors c'est organisé, vous avez raison de le dire, par le Parlement européen,
00:44 par son unité, égalité, inclusion et diversité. Un truc comme ça, ça annonce toujours quelque chose d'un peu louche.
00:50 Qui nous explique qu'on doit redéfinir notre rapport au langage pour le purger, pour le nettoyer de ses aspérités,
00:58 de ses scories potentiellement racistes, pour le nettoyer de son contenu inquiétant.
01:05 Et on le dit, je cite, les mots que nous utilisons sont importants, que ce soit lors de réunions formelles
01:11 ou en discutant autour d'un couloir.
01:14 On comprend qu'il s'agit ici de maîtriser la conversation jusque dans les couloirs.
01:20 Ce n'est pas inintéressant.
01:22 Deux conférencières sont invitées pour parler de cet immense problème,
01:27 comment nettoyer le langage de ses scories racistes.
01:31 La première, Rolade Berthier, qui est une des deux conférencières.
01:35 Madame Berthier, qui est une spécialiste, dit-elle, de la langue, une formatrice,
01:41 donc une réflexion sur la langue, et elle se dit, sa mission, c'est de nettoyer la langue de ses scories racistes.
01:47 Et là, le premier exemple qu'elle nous a donné, parce qu'elle a publié le fait sur son blog,
01:51 elle a rendu compte de sa conférence, donc on peut directement savoir ce qu'elle a dit.
01:55 Elle dit, on parle du terme « blacklist », vous savez, en anglais, quand on dit « blacklist »,
01:59 c'est un terme pour dire, c'est les gens qui sont sur cette liste-là, ils sont barrés,
02:03 on n'accepte plus, ils sont interdits, ils sont frappés d'interdits.
02:06 Eh bien, le mot « blacklist » n'est-il pas un mot qui incite au racisme antiloire?
02:10 Parce qu'il porte une connotation négative au mot « black ».
02:14 Donc, il faudrait « blacklister » le mot « blacklist », permettez-moi le mauvais jeu de mots,
02:20 il faudrait en finir avec ce terme pour le remplacer par d'autres termes possibles.
02:25 Je vais dire la version française plutôt que la version anglaise, on devrait dire « bared list »,
02:29 donc liste barrée, « denied list », liste refusée, « blocked list », liste bloquée,
02:35 ou encore liste non autorisée. Autrement dit, il faut bannir l'utilisation potentiellement négative
02:42 du mot « noir » parce qu'il inciterait à la discrimination.
02:46 Dans la même logique, il y a d'autres mots qu'il faut bannir et interdire,
02:50 vous voyez, il y en a beaucoup, il ne faut pas l'oublier.
02:52 « Gyp » ou « gip », qui est la version abrégée de « gypsy », les gitans,
02:57 donc l'utilisation de ce terme encourage une représentation négative des gitans,
03:01 « clac », il doit disparaître. « Chop chop », ça je l'ai appris en anglais,
03:05 « chop chop », ça veut dire en gros « rapidement », « chop chop » faites-le rapidement,
03:09 mais ça peut être entendu de manière négative pour les Chinois ou pour une forme particulière
03:15 d'anglais telle qu'on le parle en Chine. Donc puisque ça peut encourager des préjugés négatifs
03:20 à l'endroit d'une partie de la population chinoise qui utilise une certaine manière de parler
03:24 en anglais, « clac », on fait disparaître le mot « chop chop ».
03:27 « Gourou », « gourou », un terme qu'on utilise assez souvent, c'est un terme dont il faut se méfier aussi.
03:33 Pourquoi? Parce qu'il nous dit, Rolade Berthier, qu'est-ce qu'un « gourou » ?
03:38 C'est un guide ou un chef spirituel, dans les traditions bouddhistes et hindous,
03:41 c'est un terme qui impose le respect. Dès lors, son utilisation moqueuse ou critique,
03:46 pour parler d'un « gourou », par exemple, Jean-Luc Mélenchon sera un « gourou »,
03:50 je fais comme ça, mais il faudra avoir d'autres images en tête,
03:52 eh bien, c'est un terme négatif qu'on ne doit pas utiliser.
03:57 Donc, celui-là aussi, on doit le congédier.
04:00 L'économie vaudou, alors ça, c'est un terme qui est très américain,
04:02 c'est un terme utilisé en d'autres temps, « Vaudou Economics » par George Bush,
04:06 qui parlait finalement d'une économie pas très sérieuse,
04:09 d'une économie qui était plus spéculative que réelle.
04:11 Sachant que le vaudou est un culte pratiqué, notamment à Haïti, c'est un terme discriminatoire.
04:15 Un autre terme qu'on doit bannir, et là, on se rapproche de mes deux préférés.
04:19 Un immigrant, je précise, un immigrant est un être humain.
04:23 Un être humain ne peut être illégal.
04:25 Pourquoi ne pas utiliser « individu, famille, personne sans papier »
04:29 plutôt qu'un immigrant illégal ?
04:33 - Alors, qu'est-ce qu'il faut mettre, du coup ?
04:35 - Personne sans papier. De ce point de vue, les Français sont avancés.
04:38 Mais il y a la notion d'immigrant illégal, vous savez, on a tous ce débat-là quand on dit
04:41 « immigrant irrégulier » plutôt qu'illégal,
04:43 parce qu'il faut bannir la possibilité mentale d'une immigration illégale.
04:47 Et aussi, étranger.
04:49 Étranger, on doit le laisser de côté, parce que ça laisse croire qu'on est devant
04:52 quelqu'un qui n'appartient pas au pays.
04:54 On doit dire « personne née à l'étranger ».
04:57 Alors, avec cela, vous aurez compris qu'on nettoie le langage,
05:00 on décide de le toiletter pour éviter que des termes que certains peuvent connoter négativement,
05:07 que ces termes puissent le polluer.
05:09 Il y a eu une deuxième conférence, je l'évoque rapidement, sur la décolonisation du langage.
05:13 Le titre de la conférence était « L'interaction historique du colonialisme, du racisme et de la langue ».
05:17 Et on aura compris qu'il faut décoloniser la langue pour abolir le racisme structurel en Occident.
05:23 Vous voyez l'imaginaire de cette conférence, financée, pilotée par le Parlement européen.
05:27 À force de déconstruction, on verra dans la deuxième partie que ça laisse la place à beaucoup de fake news,
05:33 on en parlera dans un instant.
05:35 Ce n'est pas la première fois, quand même, Mathieu Bocote,
05:37 que les institutions européennes veulent modifier le langage.
05:40 Et vous avez tout à fait raison de le dire. Deux références récentes, parce qu'il y en aurait d'autres.
05:44 Décembre 2021. « Clear writing for Europe 2021 ».
05:50 Alors là, c'est un appel...
05:51 En français, ça veut dire quoi ?
05:52 Euh, mon dieu, en gros, c'est un appel à l'écriture inclusive.
05:55 Je traduis très concrètement. Dans cette rencontre qui était financée par la Commission européenne,
06:00 le Parlement européen, le Secrétariat général du Conseil de l'Union européenne
06:05 et toute une série d'autres instances très officielles.
06:07 On n'est pas ici avec la collection des abrutis de je ne sais quel département lointain oublié au pôle Nord.
06:14 On est ici avec des gens qui font un travail très institutionnel.
06:18 L'objectif, sensibiliser à l'importance et à l'importance aux avantages d'une rédaction claire
06:24 et souligner la nécessité d'un langage clair et inclusif.
06:28 Alors, qu'est-ce qu'on doit mettre dans l'inclusif ?
06:31 Il faut, par exemple, bannir les références genrées.
06:35 Vous savez, le « il », « elle », « lui », tout ça.
06:39 Il faudrait, dans la mesure du possible, bannir les références genrées dans la langue,
06:43 dans les différentes langues européennes d'ailleurs,
06:45 pour être capable d'accoucher d'une langue qui serait neutralisée sur le plan du genre.
06:50 Parce que la référence au genre serait, référait à une forme de sexisme grammatical dissimulé dans la langue.
06:56 Dans le même esprit, alors là, il y avait aussi un petit moment sur la question du mot « black ».
07:00 Alors, j'y reviens, je n'y peux rien.
07:02 « Black sheep », mouton noir, on devrait plutôt dire « renega ».
07:06 « Black ball », on devrait plutôt dire « ostracisé ».
07:10 « Black box », vous savez, une « black box », eh bien, on devrait dire « une boîte avec un contenant inconnu ».
07:17 « Black Friday », le vendredi après le « Thanksgiving », et ainsi de suite.
07:22 Donc, vous aurez compris l'idée.
07:24 Il faut bieffer autant que possible et le plus possible la référence aux mots noirs dans le langage.
07:31 Et aussi, bon, quelques autres références sur la question du genre, je l'ai évoquée.
07:35 Plutôt que « housewife », donc « femme à la maison », il faudrait dire « homemaker ».
07:39 « Celle qui construit la... » « Celle, celui, ciel, je ne sais pas trop, qui construit la maison. »
07:43 « Mankind », on devrait dire « humankind ».
07:46 « Fireman », un pompier. « Firefighter », et ainsi de suite.
07:49 Donc, on comprend. Il s'agit d'une entreprise planifiée.
07:53 On n'est plus dans, comme je dis, le colloque improvisé par je ne sais quel département oublié au Dakota.
07:58 Pas ça du Nord ou du Dakota, mais globalement, c'est la même chose.
08:01 - Au Parlement européen.
08:02 - Au Parlement européen. La Commission européenne, qui nous dit qu'on doit réformer le langage.
08:06 Ce qu'avait aussi proposé, madame, on en a déjà parlé ici, Helena Daly,
08:09 qui est responsable des questions d'égalité et d'inclusion et de diversité à l'Union européenne,
08:14 qui avait dit qu'on devait bannir, notamment, la référence à Noël.
08:17 On ne devait plus dire, par exemple, que le feu était la plus grande invention de l'homme,
08:20 mais le feu est la plus grande invention de l'humanité.
08:23 Elle nous demandait de bieffer les références au christianisme, notamment à Noël.
08:27 De changer les noms, rappelez-vous, c'était sa proposition,
08:30 pour pas qu'il ne soit trop marqué de manière chrétienne.
08:33 Donc, on ne peut plus dire Marie et Jean sont un couple international,
08:36 mais Malika et Julius sont un couple international.
08:39 Il fallait bieffer les prénoms à connotation chrétienne.
08:42 Les références au colonialisme, ça, c'était ma préférée.
08:44 Le jour lointain où on colonisera Mars.
08:47 Ah ben non, on ne peut plus dire ça, on ne colonisera pas Mars,
08:49 on va envoyer des humains sur Mars.
08:51 Comme ça, il n'y aura pas de référence positive au colonialisme.
08:55 Il y a deux réflexions qu'on peut faire à partir de là.
08:57 La première, c'est qu'on est une entreprise planifiée.
09:00 Il faut dire les choses, la modification du langage,
09:03 l'idéologisation du langage, la politisation du langage,
09:07 la manipulation du langage, c'est aujourd'hui au cœur du projet diversitaire.
09:12 Et ensuite, c'est une prise de pouvoir, car qui n'utilise pas ce langage
09:16 est condamné à évoluer au marge de la société.
09:19 Vous nous le rappelez souvent, Georges Orwell,
09:21 le grand écrivain anglais à consacrer de nombreux...
09:24 Je vois pas que vous avez déjà ouvert le livre.
09:26 À devoir consacrer de nombreux passages.
09:28 C'est votre bible ou quoi?
09:29 Presque.
09:30 De son livre 1984, à la manipulation du langage,
09:34 en quoi peut-il nous éclairer sur la situation présente?
09:38 Alors, vous me permettrez, je vais vous citer juste deux ou trois petits passages
09:40 qui montrent comment Orwell a tout vu ce dont on parle aujourd'hui.
09:43 Qu'est-ce qui se passe quand on modifie le langage?
09:45 Comme ça, on brouille le sens des mots, on brouille le rapport au réel,
09:48 les mots ne veulent plus rien dire, on ne sait plus ce qu'on peut dire,
09:50 on a plein d'empêchements mentaux.
09:52 Et finalement, il y a une forme de confiscation qui s'exerce sur le langage
09:56 par des idéologues qui décident d'en biffer certaines parties.
09:59 Donc, une confiscation du langage par des idéologues.
10:02 1984, Georges Orwell.
10:03 Je vous lis que trois petits passages qui sont bouleversants.
10:06 Celui qui parle, c'est celui qui est responsable du nouveau dictionnaire
10:09 de la novlangue et qui a pour mission, notamment,
10:11 de biffer justement des mots du vocabulaire.
10:14 Je cite.
10:15 «Vous croyez, n'est-ce pas, que notre travail principal est d'inventer des mots nouveaux?
10:19 Pas du tout. Nous détruisons chaque jour des mots, des vingtaines de mots,
10:23 des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu'à l'os. »
10:27 Il dit aussi, ça c'est formidable, «c'est une belle chose la destruction des mots.»
10:32 Et là, il explique comment les 150 mots pour dire bon, bien, tout ça,
10:35 on va les biffer, on va les tenir seulement sur trois.
10:38 Bon, imbon, très bon. C'est complètement délirant.
10:41 Et là, je me dis, on va biffer les mots, c'est beau détruire les mots.
10:44 Et là, «ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre
10:48 les limites de la pensée? À la fin, nous rendrons littéralement impossible
10:53 le crime par la pensée, car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer.
10:57 Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience
11:01 de plus en plus restreint.»
11:03 Je m'excuse, mais c'est ce qu'on vit aujourd'hui.
11:05 La novlangue s'impose à nous.
11:07 Les mots disparaissent, il y a des mots qu'on n'a pas le droit de prononcer.
11:09 Si on les prononce publiquement, on se fait traiter d'extrême droite.
11:12 C'est ça?
11:14 Sous-titrage ST' 501
11:16 [SILENCE]

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