L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Peut-on s'affranchir des droits de l'homme ?»

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Dans son édito du 19/10/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
Transcript
00:00 je dirais que pour être dans son droit, qui consiste à défendre et protéger les Français,
00:05 il est quelquefois, il est peut-être même nécessaire de transgresser le tabou européiste,
00:09 et notamment celui de la Cour européenne des droits de l'homme.
00:12 Alors revenons, parce que la formule revient en boucle ces jours-ci, état de droit, état
00:15 de droit, état de droit, il serait en danger.
00:17 Et je vais me permettre de revenir sur une émission qu'on a déjà évoquée ici, parce
00:20 qu'elle est représentative de l'état d'esprit de ceux qui croient l'état de droit en danger
00:25 aujourd'hui.
00:26 Ça se passait sur la 5 il y a quelques jours.
00:27 Je cite Marie Dozet, qui est une juriste de qualité, je crois la peine de le dire,
00:31 mais avec qui je suis en désaccord complet sur ce qu'elle dira.
00:33 Je la cite.
00:34 « Lorsqu'un ministre de l'intérieur vous dit « on va arrêter de respecter la jurisprudence
00:40 européenne parce que finalement je préfère être condamné par la Cour européenne et
00:45 donc je préfère violer la Convention européenne des droits de l'homme plutôt que d'exposer
00:50 une population à un risque sécuritaire », ça y est, un palier est franchi.
00:54 L'état de droit est malmené par de tels propos.
00:57 Mme Dozet nous dit clairement que de son point de vue, c'est plus important d'assurer
01:03 la continuité de la Cour européenne des droits de l'homme que de défendre la vie
01:07 des Français.
01:08 Dans son esprit, il y a une espèce de bien supérieur qui s'appelle la CEDH, qui s'appuie
01:14 sur la Convention européenne des droits de l'homme, et on est dans l'inviolable
01:18 absolu.
01:19 On n'a pas le droit de toucher à ça.
01:20 La véritable autorité est là et celui qui dit « oui, mais à cause de ça, on ne peut
01:23 pas protéger la sécurité des Français », celui-là serait dans l'erreur.
01:27 On voit l'état d'esprit de ces gens.
01:28 Je me permets de dire, Marie Dozet, pour comprendre la continuité de sa pensée, disait
01:33 il y a quelques mois, au moment de la question du rapatriement des femmes et des enfants
01:37 de djihadistes, elle s'était réjouie que la Cour européenne des droits de l'homme
01:42 condamne la France.
01:43 Pour elle, c'était une bonne nouvelle que la Cour européenne des droits de l'homme
01:46 condamne la France.
01:47 Je cite quelques extraits de son intervention dans le JDD ancien format.
01:52 « C'est un immense soulagement, disait-elle, la décision de la Cour européenne des droits
01:56 de l'homme.
01:57 Le comité, elle poursuivait, la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France
02:03 car celle-ci décide arbitrairement qu'il ne rentre pas.
02:07 Ce que condamne la Cour aujourd'hui, c'est cela, l'arbitraire, le fait du prince, autrement
02:13 dit, elle condamne le fait que la France puisse décider qui entre ou non chez elle, soit
02:16 dit en passant.
02:17 » « Souveraine.
02:18 » « La souveraineté, c'est mal.
02:19 » « Et il est temps que la France respecte ses engagements internationaux et européens,
02:24 qu'elle fasse le choix de l'humanité et de la responsabilité.
02:28 » On comprend que de son point de vue, l'autre camp, c'est celui de l'inhumanité et de
02:31 l'irresponsabilité.
02:32 « La France condamnée par la CDH n'a maintenant plus le choix.
02:37 Elle est acculée.
02:38 Si elle veut vraiment respecter ses terrains, et elle doit le respecter, elle ne peut que
02:43 rapatrier ses enfants à leur mère.
02:44 » On comprend ce qui se dit ici.
02:46 Tous les mots sont importants.
02:47 Engagements internationaux, Cour européenne des droits de l'homme, arbitraire du pouvoir.
02:53 Ce que nous dit finalement Mme Dozé, qui représente bien, je la cite parce qu'elle
02:57 représente bien le Parti droidlemiste, elle nous dit « La sécurité des Français est
03:00 une considération secondaire par rapport à l'exigence des droits de l'homme, telle
03:05 qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme.
03:07 » Et là, on va reconstruire le raisonnement de ces gens qui croient porter l'étendard
03:11 de l'État de droit.
03:12 Ils nous disent « Oui, la France est souveraine, certes, mais tout le reste est là pour neutraliser
03:17 la France.
03:18 » La France est souveraine.
03:19 Elle a aliéné librement sa souveraineté à travers des engagements internationaux.
03:23 Et ça, les engagements internationaux, ils n'ont jamais été validés par référendum.
03:27 Le peuple français ne s'est pas fait demander s'il acceptait les engagements internationaux
03:30 en question.
03:31 Et ce qui est particulier, c'est que ces engagements-là, une fois qu'ils sont pris,
03:34 ils seraient éternels.
03:35 On n'a pas le droit de revenir dessus.
03:37 Ce sont des engagements à jamais.
03:39 Donc, une fois que vous signez un traité...
03:40 Enfin, soyons honnêtes, une fois que des diplomatiques ont traité quelconque quelque
03:44 part, ça engage toute une nation pour un siècle.
03:46 C'est une conception originale de la démocratie.
03:48 C'est une souveraineté limitée par l'ordre des droits de l'homme et par un ordre normatif
03:54 supérieur.
03:55 Les droits de l'homme qui se présentent à nous comme une nouvelle religion, une nouvelle
03:57 révélation en fait.
03:58 Il y a la révolution, la révélation première, et il y a la révélation nouvelle, la révélation
04:03 des droits de l'homme qui transcendent l'ensemble de nos débats politiques, qui transcendent
04:08 la démocratie, qui transcendent les souverainetés.
04:10 Et ces droits de l'homme, tels que révélés de manière religieuse, doivent être pris
04:15 en charge par des institutions, des juges notamment, donc des cours et des juges, qui
04:19 les interprètent.
04:20 Et c'est une interprétation qui transcende les débats politiques nationaux.
04:24 On ajoute une chose, ils les interprètent et dans les faits, ils créent du droit en
04:29 prétendant l'interpréter.
04:30 Nous sommes devant des juges qui, au nom des droits de l'homme, dont ils se veulent les
04:34 interprèter à la manière de théologiens, en viennent à créer du droit contre les
04:39 parlements, contre les politiques, contre les assemblées démocratiques.
04:42 Cet ordre nouveau, pour reprendre un terme qui me semble bien qualifié cela, c'est
04:47 l'ordre de l'état de droit aujourd'hui qu'on nous présente.
04:50 Et si vous voulez vous soustraire à l'ordre de l'état de droit, parce qu'on verra
04:54 qu'à mon avis, ce n'est pas l'état de droit, c'est le gouvernement des juges,
04:56 c'est un régime idéocratique qui consacre le triomphe des cours, qu'est-ce qu'on
05:02 voit à travers ça?
05:03 Si vous vous y opposez, vous êtes accusé de régresser en humanité.
05:07 Gérald Darmanin nous dit « la sécurité des Français exige, exige qu'on se dégage
05:13 de cela ». Donc on peut applaudir.
05:14 On constate qu'il ne le dit qu'à moitié, parce qu'il dit « oui, je vais faire les
05:19 décisions nécessaires, mais je vais payer l'amende néanmoins ». C'est 3000 euros,
05:22 je crois, par personne.
05:23 Et là, on a envie de dire « ne payez pas l'amende, ne payez pas l'amende, Monsieur
05:28 le ministre.
05:29 Si vous voulez vraiment ramener cette cour à son juste niveau, c'est-à-dire au niveau
05:33 du bitume, eh bien ne payez pas l'amende.
05:35 À quelle règle, soit dit en passant, Gérald Darmanin veut-il désobéir?
05:39 Je donne la description, en une opinion, c'est assez clairement dit.
05:42 La règle, ne souffre nulle dérogation, la France ne peut renvoyer dans son pays un étranger
05:49 qui serait soumis à des traitements inhumains ou dégradants, même en cas de danger public
05:54 menaçant la vie de la nation, précise la cour, y compris dans l'hypothèse ou comme
05:58 dans l'espèce, le requérant a eu des liens avec une organisation terroriste.
06:02 Donc, ce que nous dit la Cour européenne des droits de l'homme, c'est oui, bon peut-être
06:05 le type est un terroriste, oui peut-être il est très dangereux, mais si vous le renvoyez
06:08 chez lui et qu'il risque une égratignure, désolé, il faut le garder.
06:12 Donc, on voit bien à travers cela…
06:14 Quitte à ça qu'il pourrisse le pays qu'il accueille.
06:16 Mais bien sûr, parce que c'est secondaire.
06:17 Et de ce point de vue, on peut dire que la Cour européenne des droits de l'homme est
06:19 fondée sur un principe plus important que tout, la préférence étrangère.
06:23 Alors justement, la Cour européenne des droits de l'homme a-t-elle toujours été aussi
06:29 présente dans notre vie politique?
06:31 Parce qu'on a l'impression que là, maintenant, il y a qu'elle qui décide.
06:33 Vous exagérez un peu.
06:34 Vous n'exagérez pas, je crois.
06:35 Dans les faits, elle est là depuis un bon moment, mais elle a pris une importance considérable
06:41 ces dernières décennies.
06:42 Elle s'inscrit dans la dynamique post-deuxième guerre mondiale, avec cette idée justement
06:46 d'une civilisation des droits de l'homme qui doit tout transformer.
06:48 Elle s'inscrit notamment, et ça c'est important, dans la logique européenne aussi.
06:53 Et ça, il faut le dire.
06:54 La logique européenne, telle que l'Europe se construit, on dit qu'on va être capable
06:58 d'intégrer les peuples en misant sur les droits de l'homme.
07:01 Donc on va pouvoir intégrer toujours plus l'Europe par les droits de l'homme.
07:04 Et ça va nous permettre justement, par les droits de l'homme, de relativiser les souverainetés
07:08 nationales qui sont vues comme désuètes.
07:10 Donc les droits de l'homme, dans une logique européiste, ils sont fins et moyens.
07:14 Donc fins, oui, c'est une finalité, des réformes des droits de l'homme.
07:16 Mais ils servent aussi, il faut le comprendre, à déposséder les États.
07:21 Leur fonction, c'est de déposséder le plus possible les souverainetés nationales.
07:25 Alors quand on est dans cette logique, et là on peut raconter ça, la Convention européenne
07:28 des droits de l'homme 1950, la Cour européenne des droits de l'homme 1959, et je note une
07:33 chose qui est très importante, c'est qu'elle ne cesse d'étendre son domaine d'intervention
07:38 et de juridiction.
07:39 On pourrait dire que, parce que dans sa logique, puisque tout se soumet à la logique des droits
07:42 de l'homme finalement, rien ne peut s'y soustraire.
07:45 Eh bien, en dernière instance, elle finit par se mêler de tout.
07:48 Mais on pourrait dire le tournant, c'est les années 90, quand il y a une espèce de
07:52 renaissance de l'Europe européiste, version Maestricht, et bien dans cette dynamique,
07:57 le pouvoir des juges européens va devenir absolument considérable, et le coup d'état
08:02 des juges, le transfert de souveraineté, va s'opérer vraiment à ce moment.
08:06 C'est intéressant, dans les années 90, le tournant, on parlait d'une rap la dernière
08:11 fois, on arrive toujours au même…
08:12 Ce ne sont pas de belles années.
08:13 Alors reprenons, Mathieu Bocote, la question que je vous posais tout à l'heure.
08:18 Avec cette décision, enfin cette annonce de décision, l'état de droit peut être
08:23 en danger.
08:24 Bien sûr que non.
08:25 Soyons sérieux.
08:26 Si par état de droit, nous entendons la défense des libertés publiques et la démocratie
08:30 libérale, eh bien tout ça existait très bien avant l'apparition des cours machin.
08:35 Les cours suprême internationale, européiste, européenne, transnationale, intersidérale,
08:40 tout ça, ça existait très bien avant ça.
08:43 Qu'est-ce qui peut être en danger, cela dit à partir de la déclaration de Gérald
08:47 Darmanin, ce qui peut être en danger, c'est l'ordre européiste qui prétend justement
08:51 se substituer aux états-nations.
08:53 Ça, ça peut être fragilisé.
08:56 Je précise toutefois que Gérald Darmanin nous a dit de ne pas trop… enfin, a dit
09:00 à ses interlocuteurs de ne pas trop s'inquiéter.
09:01 Il dit globalement, on adhère encore à la convention européenne des droits de l'homme
09:06 et là, il fait une petite nuance, cela dit.
09:07 Il prend la peine de nous dire, on peut discuter d'un retrait de la convention européenne
09:13 des droits de l'homme, on peut envisager d'en sortir.
09:16 Mais pour l'instant, tout ce qu'on me demande de faire, c'est une loi.
09:19 Donc, ce qu'on comprend, c'est qu'il dit si jamais j'ai un programme présidentiel
09:22 à mener dans quelques années, la remise en question de l'ordre européiste pourrait
09:25 faire partie de mon discours.
09:27 C'est ce que je décode de son propos.
09:28 Vous me permettrez deux réflexions dernières, cela dit, qui nous dégagent un peu de l'Europe,
09:33 mais pas tellement, sur l'emprise, appelons ça, du juridisme dans la politique française
09:37 contemporaine.
09:38 Je voudrais revenir sur deux moments oubliés, mais importants.
09:40 2010, le discours… oui, je ne me trompe pas de 2010, le discours de Grenoble, de Nicolas
09:45 Sarkozy, qui est un discours qui, globalement, dit, après des événements… il met en
09:49 lien, à ce moment-là, délinquance et immigration.
09:52 Et là, scandale, scandale, la République est en danger, pétain, toujours de retour.
09:56 Quoi qu'il en soit, on lui fait le coup.
09:58 Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il nous dit, globalement, il faut restreindre,
10:01 notamment élargir, pardonnez-moi, les motifs de déchéance de nationalité.
10:05 Il nous dit qu'il faut réduire significativement l'immigration, il faut des mesures spécifiques
10:10 pour casser, justement, dans les familles, les dynamiques familiales qui poussent à
10:14 des comportements, à des incivilités.
10:16 Pour ça, il se réclame en partant de la phrase de Rocard, recitée récemment par
10:21 Emmanuel Macron, « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Pour
10:25 ça, on a accusé Nicolas Sarkozy de verser dans, je cite, le discours antirépublicain,
10:31 le FN, et je l'ai dit, vichy et pétain.
10:34 Donc, c'est un discours qui, du point de vue des considérations actuelles, serait
10:38 plutôt modéré, mais on l'a traité alors comme une forme de basculement dans la crosse,
10:43 de basculement dans les enfers.
10:44 Et plus récemment, en 2015-2016, après les attentats, on a débattu, ne l'oubliez pas,
10:50 de la déchéance de nationalité des terroristes.
10:52 Il ne faut pas oublier que la gauche a trouvé scandaleuse l'idée de déchoir de leur nationalité
10:57 les terroristes qui ont la double nationalité.
11:00 Pour eux, le vrai scandale, ce n'était pas les attentats, pour eux, c'était la
11:03 déchéance de nationalité des terroristes.
11:06 Mais on voit à quel point le juridisme et le droit de l'homisme ont paralysé l'État,
11:11 je crois ont perverti le droit et en dernière instance, ont rendu impuissante la France.
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