• l’année dernière
Baptiste Mulliez est tombé dans l'alcool à l'âge de 15 ans. Vont suivre des années de déchéance physique et psychologique. Aidé par sa famille, il est parvenu à devenir abstinent. C'était en 2015, il avait 24 ans. Aujourd'hui, il raconte, pour aider. Il est l'invité de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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Transcription
00:00 9h09, Sonia De Villers, votre invitée.
00:02 Alors, mon invité vient de fêter ses 8 ans.
00:05 8 ans d'abstinence, soit plus de 2 900 jours sans boire d'alcool.
00:10 Bonjour Baptiste Mullier.
00:12 Bonjour Sonia.
00:13 En fait, il a 32 ans.
00:15 C'est dire qu'il a bu beaucoup, mais très jeune.
00:18 Et c'est ça qui m'intéresse dans votre histoire et dans ce témoignage.
00:22 C'est qu'on peut boire très jeune et devenir alcoolique.
00:27 Vous avez aimé le whisky très tôt.
00:30 Vous avez même commencé à boire dès la classe de 3ème.
00:32 C'est bien ça.
00:34 Après, j'estime avoir commencé un peu comme tout le monde, dans la rue avec des
00:37 potes, avant des soirées, mais c'était ce qu'on appelait des "before".
00:41 Qu'est-ce que c'est qu'un "before" ?
00:43 Un "before", ça dépend de la signification de chacun, mais nous c'était se retrouver
00:48 souvent entre mecs, dans la rue, puis dans des apparts, et on pratiquait le binge drinking
00:54 pour avoir les effets le plus vite possible.
00:55 On buvait quoi par exemple ?
00:58 Moi j'ai commencé par du rosé, puis des flasques de vodka, ensuite des bouteilles
01:03 d'alcool fort.
01:04 Qu'on trouve où ?
01:05 Dans des épiceries.
01:06 On avait accès à tout ça, il n'y avait pas de limite d'âge.
01:12 En mi-temps des années 2010, la France découvre le binge drinking.
01:18 Ça donnait ça.
01:19 Boire très vite, une grande quantité d'alcool.
01:22 La mode du binge drinking, l'habitude expresse, est en plein essor.
01:26 Une pratique régulière chez certains adolescents, qui les entraîne parfois jusqu'au coma
01:30 étilique.
01:31 Selon les médecins, ce comportement dangereux a des effets néfastes sur le développement
01:34 du cerveau.
01:35 Et voici ce que montre leur IRM.
01:37 Une grande partie de leurs neurones sont perturbés.
01:40 Plus le binge drinking est important, plus les atteintes du câblage sont importantes.
01:45 Donc il y a une corrélation entre les niveaux de consommation et les atteintes cérébrales.
01:48 Résultat, ils sont moins performants pour des tâches quotidiennes comme la lecture.
01:52 La compréhension ou la mémorisation.
01:54 Contrairement à la dépendance, le binge drinking n'est pas réellement perçu comme une maladie.
01:58 Pourtant les effets sont les mêmes que l'alcoolisme et les séquelles restent à l'âge adulte.
02:03 Et ben voilà.
02:04 C'est très juste.
02:06 C'est très juste ?
02:07 Ouais.
02:08 C'est très juste parce que dès le plus jeune âge, on commence à développer des rituels.
02:13 C'est pas qu'une parenthèse dans la vie et dès qu'on trouve un taf, on se remet
02:17 dans le droit chemin.
02:18 Il y a beaucoup beaucoup de choses qui se jouent dès le plus jeune âge.
02:21 Et moi j'ai développé des mécanismes, des liaisons, qui sont opérées dans mon cerveau.
02:27 Et ensuite j'ai dû reproduire ces schémas inlassablement et de façon de plus en plus
02:32 violente.
02:33 Je recherchais les effets en fait.
02:35 Je m'en fous du goût.
02:36 C'était les effets que je recherchais.
02:37 Et mon parcours avec la pression familiale, la pression scolaire, j'ai eu envie de fuir
02:43 tout ça parce que je ne m'identifiais pas à ça.
02:45 Parce que c'est l'histoire d'un enfant du 16ème arrondissement.
02:49 Je l'ai dit.
02:50 Et aussi c'est important de le dire.
02:52 C'est-à-dire qu'on peut vivre dans un milieu très bourgeois, fréquenter des écoles vraiment,
02:58 on ne peut pas faire plus chic et plus élitiste que Saint-Louis-de-Gonzague dans le 16ème
03:03 arrondissement et pourtant on peut être frappé de plein fouet par des pratiques qui mènent
03:08 très très rapidement à l'alcoolisme, à l'addiction, la vraie, et à l'autodestruction
03:14 totale.
03:15 - Oui, ça ne discrimine absolument personne.
03:17 Mais le problème c'est que moi je me suis senti protégé de tout ça.
03:20 Avec un cadre familial qui était là, mes parents étaient présents, j'ai été aimé
03:27 et au final ma sensibilité liée aux addictions était bien là.
03:32 - Alors qu'est-ce qui se passe quand on boit pour la première fois ?
03:36 - Le goût est dégueulasse.
03:38 Le goût est dégueulasse.
03:40 Je me souviens cette première gorgée de rosé, je ne l'ai pas aimée.
03:43 Mais très très vite il y a eu une chaleur dans l'osophage, quelque chose, une sensation
03:47 sublime qui est descendue, et là instantanément l'angoisse a disparu.
03:51 Et c'est sûrement pour ça que j'ai bu, c'est que je suis un introverti, angoissé,
03:57 hypersensible, et ces premières soirées je ne savais pas comment faire, je ne savais
04:01 pas comment être, comment trouver ma place.
04:03 Et donc l'alcool a été ma béquille, ma pilule magique.
04:06 Mais ça s'appelle l'automédication.
04:08 Et je me suis soigné, j'ai soigné des choses que je n'aimais pas chez moi, et je pensais
04:13 que l'alcool allait guérir ça.
04:14 - Vous aviez la trouille avec les filles ?
04:17 - Ah ouais, je ne savais pas comment les approcher, je ne savais pas faire tout ça.
04:23 Je n'ai pas forcément demandé, j'avais peur de demander comment faire, et c'est dans
04:28 cette inconnue, dans cette peur de grandir aussi, je pense que je suis un enfant qui a
04:33 refusé de grandir, j'ai trouvé l'alcool qui m'a fait penser que j'allais être viril,
04:40 que j'allais être un homme, un vrai, et qu'un dur.
04:43 - Et au départ ça marche ?
04:44 - Au départ ça marche, c'est ça qui est dingue, c'est que ça m'a apporté beaucoup
04:47 de choses positives, mais je suis devenu un autre, je suis devenu un super baptiste qui
04:52 a plein de super pouvoirs, qui était drôle, qui savait dépasser les limites, qui dépassait
04:57 les codes, qui était reconnu, et je pensais être aimé dans l'alcool.
05:01 Au final, moi c'est peut-être...
05:03 - Parce qu'au fond c'est ça que vous racontez, c'est que socialement tout ça a été plutôt
05:09 valorisé, plutôt bien perçu, plutôt héroïsé, plutôt glamourisé, d'être celui qui picole
05:15 le plus, celui qui, puisque vous vous qualifiez entre potes, vous parliez de vos descentes,
05:22 et tout ça a été nommé comme des pistes de ski, vous vous étiez une piste noire,
05:26 tout ça a été héroïsé en réalité ?
05:28 - Bien sûr, oui bien sûr, mais c'est aussi parce que je me suis entouré de gros buveurs
05:34 et que du coup ma nouvelle normalité était entourée de buveurs d'alcool et la présence
05:39 de personnes qui refusaient un verre ou qui disaient non me perturbait grandement.
05:43 Je ne voulais pas être à côté de ces gens-là, c'est ce qu'on appelle l'effet miroir, ça
05:47 mettait en lumière ma consommation excessive.
05:50 Et donc je me suis créé un environnement où je ne pouvais pas me poser de questions
05:54 puisque cette normalité était banale, c'était ça.
05:59 - C'est ça, et qu'à 15 ans il y a quand même une pression sociale pour boire ?
06:02 - Je ne sais pas si je l'ai ressenti fortement parce que j'ai moi-même mis la pression sur
06:08 les autres, j'avais ces atomes crochus, cette vibration, ce magnétisme avec cette drogue,
06:15 appelons ça une drogue parce que ça en est une.
06:19 - Ce qui est intéressant Baptiste Mullet c'est qu'aujourd'hui vous allez au contact des jeunes,
06:25 même des très jeunes, vous parlez à des gamins à partir de la quatrième, où on
06:31 parle d'alcool à haute dose, vous parlez aux lycéens, vous allez dans les grandes écoles,
06:35 vous allez dans les écoles de commerce, vous allez dans les écoles d'ingénieurs, où
06:40 la fête, la soirée, la picole, le bar, l'open bar, tout ça c'est hyper valorisé.
06:46 - C'est vrai et en fait j'interviens pour dire à ces jeunes ce que j'aurais aimé entendre,
06:53 leur dire que, attention, prenez conscience des risques, soyez, buvez consciemment, je
07:00 ne suis pas anti-alcool, l'alcool c'est bien pour les personnes qui savent se contrôler,
07:03 mais pour les personnes qui quand elles commencent ont du mal à s'arrêter, quand ils commencent
07:08 à y avoir des impacts négatifs, prenons conscience des choses.
07:12 Prenons conscience aussi cette question qui est fondamentale, c'est pourquoi tu bois ? Qu'est-ce
07:17 que tu essayes de chercher ? Qu'est-ce que l'alcool t'apporte ? Quelle est la place
07:21 qu'occupe l'alcool dans ta vie ? Ce sont des questions qui doivent être universelles
07:25 chez les buveurs, qu'on soit dépendant ou non.
07:27 - Ce qui est intéressant aussi c'est qu'aujourd'hui vous avez un site, vous racontez votre histoire,
07:33 vous en avez fait un livre, d'avoir trop trinqué "Ma vie s'est arrêtée", qu'on peut se
07:38 procurer sur votre site ou en édition numérique sur Amazon, vous avez un compte Instagram
07:44 qui marche très fort, où justement vous créez du lien et vous pouvez répondre à
07:48 tout un tas de gens qui vous posent des questions, qui vous contactent de manière anonyme.
07:51 Et puis parfois on vous dit "mais t'es pas un vrai alcoolique, t'as arrêté trop tôt".
07:56 - C'est vrai que cette phrase me perturbe beaucoup parce que c'est pas une histoire
08:00 d'âge, vraiment j'insiste, c'est pas une histoire d'âge, c'est une histoire de relation
08:04 avec le produit.
08:05 J'avais une relation ultra malsaine avec l'alcool.
08:07 L'alcool dictait ma vie, dictait ma pensée.
08:11 Quand je passais devant une épicerie, ça allumait un désir de boire.
08:14 Quand j'étais à un biford, je planquais des bouteilles derrière le canap' parce que
08:18 je voulais pas qu'on vole ma dose.
08:19 Je faisais semblant d'aller pisser, en fait j'allais dans le frigo boire des shots de
08:23 vodka pour gagner de l'avance, c'était ça.
08:27 Je voulais ma dose et ça c'est pas une question d'âge.
08:30 - Vous écoutez France Inter, il est 9h17, mon invité s'appelle Baptiste Mullyet et
08:38 il raconte sans phare des histoires de Murge.
08:41 Ça vous a amené dans les très fonds, dans des choses très très trash qu'on va raconter.
08:51 Je veux qu'ils le ressentent, je le garde prisonnier chez moi.
08:57 Les prochains mois seront moches si on va les passer ensemble.
09:00 Ah je suis trop malheureux sans elles et je veux qu'ils le ressentent.
09:06 Je veux le voir, le voir et j'irai jusqu'à en avoir le pull taché de sang, jusqu'à
09:13 la bave et les sanglots.
09:15 Je parlerai comme un italien avec les mains et j'aurai enfin plus aucun secret à dire.
09:22 Sculpture au marteau, peinture au couteau, je me suis jamais senti autant créatif.
09:27 Demain j'irai graver mon deuil sur sa peau et ma balance affichera 10 kilos de moins.
09:33 Increvable colère, je suis pas désolé, il est mort le solaire.
09:38 Mon Dieu qu'elle me manque, tout s'éteint des crescendos.
09:44 Ma terre s'arrêtera bientôt et c'est la faute de quelqu'un d'autre.
09:50 Oh mon Dieu qu'elle me manque, tout s'éteint des crescendos.
09:56 Bientôt plus rien à perdre, je vais m'occuper de ce quelqu'un d'autre.
10:03 Oh je veux qu'ils le ressentent, je recherche le bruit comme une drogue.
10:09 Dans le silence ma mémoire joue les pires mélodies.
10:11 J'essaye d'éjecter le disque, mais ça reparaît, mes mots là font des étincelles.
10:19 Je déraillais la seule qui pourrait m'aider, c'est elle.
10:22 Quelle ironie, ah ouais quelle ironie.
10:27 Ok si je suis resté à fixer les aiguilles jusqu'à la fin de la nuit.
10:34 C'était pas pour voir si l'horloge marchait.
10:37 Plus je m'interviewe, moins je sais qui je suis.
10:39 Juste cette fille là, c'est tout ce que je demande.
10:43 Je ne saurais que faire du reste du monde, je l'ai désirée perdument.
10:48 Et maintenant je me sens tellement perdu, mon dieu qu'elle me manque.
10:53 Tout s'éteint des crescendo.
10:57 Ma terre s'arrêtera bientôt, et c'est la faute de quelqu'un d'autre.
11:02 Oh mon dieu qu'elle me manque, tout s'éteint des crescendo.
11:09 Bientôt plus rien à perdre, je vais m'occuper de ce quelqu'un d'autre.
11:14 Mon dieu qu'elle me manque, tout s'éteint des crescendo.
11:20 Oh ma terre s'arrêtera bientôt, c'est sûr c'est la faute de quelqu'un d'autre.
11:25 Oh mon dieu qu'elle me manque, tout s'éteint des crescendo.
11:32 J'ai bientôt plus rien à perdre, je vais m'occuper de ce quelqu'un d'autre.
11:37 M'occuper de ce quelqu'un d'autre.
11:39 L'homme pâle, des crescendo, magnifique.
11:42 A la réalisation, Lucie Lemarchand.
11:44 A la programmation, Grégoire Nicolet et Redouane Tellat.
11:47 A la documentation, Elisabeth Rouvé.
11:50 Merci les amis pour cette belle semaine de radio.
11:52 Baptiste Mullier qui laboure les collèges, les lycées, les écoles, les grandes écoles
12:04 pour raconter qu'on peut devenir alcoolique très vite, très jeune,
12:07 qu'on peut ingurgiter des doses énormes d'alcool.
12:12 En étant qu'un môme.
12:13 Et que ça produit des ravages tout de suite.
12:16 On n'a pas besoin d'être un alcoolique chronique,
12:18 de se réveiller à 40, à 50, à 60 ans en disant "je peux pas décrocher".
12:22 En réalité ça produit des ravages très vite.
12:24 Vous me disiez pendant le disque, Baptiste, que vous revenez là de Nancy.
12:30 Vous avez rendu visite à des étudiants en école.
12:33 Comment on appelle une école supérieure ?
12:37 - Leur terme pour appeler ceux qui ne boivent pas, ce sont les tristous.
12:40 - Les tristous ? - Les tristous, ils sont exclus.
12:44 - Ceux qui ne savent pas faire la fête ? - Ceux qui ne savent pas faire la fête.
12:47 Moi je vous garantis aujourd'hui que mes meilleures soirées se passent sans alcool
12:50 parce que je me souviens et parce que je découvre que c'est possible de vivre sans et c'est magnifique.
12:59 - Quand on arrête de boire, on vous avait prévenu, Baptiste Mullier,
13:05 que vous alliez compenser avec du sucre, beaucoup de sucre.
13:08 - Ah ouais, j'ai des pulsions de sucre assez monstrueuses.
13:13 Alors il fallait que je me venge sur du coca ou des choses très sucrées, du chocolat, etc.
13:20 Mais j'essayais de ne pas culpabiliser parce que au moins je n'altérais pas mon comportement
13:25 dans un produit psychotrope et au moins je n'avais pas la culpabilité ou les regrets du lendemain.
13:30 Et voilà, j'avançais jour par jour, ça a été dur.
13:33 - Et le rapport au liquide ?
13:35 - Ah ouais, je bois beaucoup. J'ai besoin de remplir quelque chose comme un vide intérieur.
13:41 Alors j'essaye de le remplir par des choses plus saines et ça se soigne par le lien, vraiment j'insiste.
13:47 L'addiction se soigne par le lien. J'essaye d'avoir des liens thérapeutiques
13:50 ou de redécouvrir des liens maternels avec ma maman, avec mes frères, mes amis.
13:57 - Parce qu'on se sent très très seul ?
13:59 - C'est horrible la solitude, ça tue tout autant que l'addiction.
14:02 Alors j'ai été entouré, mais moi je me sentais seul et je buvais en cachette et je mentais
14:08 et puis je voulais pas que les autres me confrontent avec des phrases, des reproches
14:13 que moi je considérais comme des agressions.
14:16 Donc plutôt que de me confronter à la réalité, le déni a fait que je me suis isolé et je buvais en cachette.
14:23 - Et comme vous avez grandi dans une famille très structurée, pleine de valeurs,
14:30 et que vous racontez dans ce petit livre que vous auto-éditez,
14:35 qui s'intitule "D'avoir trop trinqué, ma vie s'est arrêtée",
14:38 comme vous racontez, vous racontez le rapport que vous avez eu avec votre père.
14:44 Et en fait, vous avez eu un père qui était vraiment ce qu'on appelle un surmoi en psychanalyse, c'était la loi.
14:52 - Exactement. Alors je l'ai beaucoup bossé en thérapie.
14:55 D'ailleurs je précise que ce livre, "D'avoir trop trinqué, ma vie s'est arrêtée",
14:58 que j'ai co-écrit avec Judith Lossmann, est une littérothérapie.
15:02 Une thérapie par l'écriture. C'est un cadre thérapeutique qui m'a aidé à me confronter à mes mots.
15:08 Judith m'a aiguillé, m'a éclairé dans mon introspection.
15:12 Et c'est là que j'ai découvert toute ma relation, que j'avais occultée avec mon papa,
15:17 des choses qui ont pu jouer dans mon alcoolisme, parce que je ne savais pas comment le rendre fier.
15:24 Papa, c'était lui qui prenait toute la place. Je pensais à tort, parce que j'ai appris plus tard que c'était faux,
15:29 mais que j'étais valorisé uniquement que par mes notes, que par mon bulletin.
15:33 Et moi, je voulais exister, être libre, je voulais extérioriser des choses,
15:38 mais ça n'entrait pas en résonance avec ses idéaux.
15:42 Et donc aussi à cause de ça, j'ai bu pour fuir cette pression.
15:46 - Et il est mort brutalement d'une crise cardiaque. Il avait 45 ans, à peine 45 ans.
15:52 Et en fait, sa mort, c'est comme une forme de... Vous vous désinhibez.
15:56 C'est comme s'il n'y avait plus d'interdit, comme si l'interdit n'était plus incarné.
16:00 - Je réalise bien sûr que sa mort... Alors, mon esprit alcoolique a vécu sa mort comme une libération,
16:07 parce que enfin je pouvais boire quand je veux, rentrer à l'heure que je veux.
16:11 Ça a été l'ouverture des vannes, mais c'est vrai que j'ai surtout bu pour anesthésier ma souffrance,
16:16 pour m'empêcher de faire mon deuil. Ça a été une anesthésie totale et l'alcool m'apportait ça.
16:22 - Vous avez vu "Drunk", ce film, succès phénoménal, César, Oscar, primé dans le monde entier.
16:28 * Extrait de "Drunk" *
16:29 - Études de consommation quotidienne d'alcool en maintenant un taux d'alcoolémie de 0,5 g/L,
16:35 afin de pouvoir observer les répercussions psychologiques et psychorhétoriques que cela peut provoquer.
16:43 Nous étudierons également l'éventuelle augmentation des performances sociales et professionnelles.
16:47 * Extrait de "Drunk" *
16:50 - Roh, cette musique... - Pourquoi ?
16:53 - Elle me rappelle cette dernière scène où la personne principale recommence à boire.
17:03 Et cette scène a été mal... En tout cas pour moi, a été mal perçue.
17:08 - Il y a beaucoup de gens qui ont vu ce film et qui ont dit "voilà, encore une forme de glamourisation de l'alcool".
17:15 - C'est vrai, alors, moi, beaucoup de personnes pensent ça.
17:19 Moi je l'ai vécu différemment quand je vois son sourire de la faim, ses yeux.
17:25 Moi je vois que de la tristesse en fait, il remet un masque.
17:28 Il n'y a que de la souffrance, il n'y a que de la solitude, il est tout seul.
17:31 C'est ce que j'ai vu, mais après libre à chacun d'avoir sa propre interprétation.
17:36 Pour moi l'alcool c'est un lien social qui finit par isoler.
17:40 Pour ceux bien sûr qui ont une relation malsaine à l'alcool, c'est pas...
17:44 - Et ce rapport au sommeil quand on est au très fond de l'addiction, dans votre récit, il est extrêmement intéressant.
17:50 - J'arrivais pas à dormir sans boire, il me fallait mon petit coup de batte.
17:54 Et puis évidemment qu'on dort mal quand on boit et qu'on se réveille dans le dur et la gueule de bois.
17:59 Et c'est infernal et on regrette et on a fait des conneries.
18:03 On s'est mis en danger, surtout on s'est mis grandement en danger.
18:06 - Mais c'est ça, c'est-à-dire reculer le moment où il va falloir lâcher prise,
18:13 où il va falloir baisser les armes, baisser le bouclier, se laisser aller au sommeil.
18:18 Et on sent que l'angoisse est si forte que ce moment-là, on peut pas le laisser approcher.
18:24 Donc au fond, le sommeil, on le repousse, on le repousse, on le repousse sans cesse.
18:27 - C'est-à-dire cette terreur de l'endormissement qui est quelque chose probablement de très enfantin.
18:34 - Ça parle à beaucoup de gens, je pense. - Et ça nous ramène tous à l'enfance.
18:36 - Ouais, j'avais si peur de me retrouver avec moi-même, que je buvais à nouveau
18:42 ou que je repoussais l'heure de m'endormir parce que je ne m'aimais pas
18:46 et je voulais pas être confronté à toutes ces choses.
18:49 Quand les contours de ma vie réapparaissaient, quand cette sobriété qui durait très peu réapparaissait,
18:56 c'était intolérable pour moi.
18:59 - Donc c'est repousser le plus tard possible le moment de l'endormissement
19:02 et comme il finit par arriver, c'est dormir toute la journée.
19:06 Et ça aussi c'est l'isolement.
19:08 C'est que quand on commence à dormir toute la journée, quand les autres vivent,
19:11 on vit plus rien avec eux.
19:12 - C'est très vrai. Moi je me réveillais rarement. Enfin je me réveillais l'après-midi.
19:17 L'alcool a bousillé ma scolarité, j'étais déscolarisé, je végétais dans mon lit,
19:22 je bouffais des médocs, des Xanax, des somnifères, je mélangeais tout ça à l'alcool.
19:26 C'était morbide, vraiment morbide.
19:29 - Voilà, on peut boire très jeune et trinquer très jeune.
19:34 Merci Baptiste pour ce témoignage.
19:36 - Je suis hyper touché. Je suis même...
19:40 Qui l'eut cru être assis sur cette chaise de France Inter ?
19:45 Je suis très très touché Sonia, merci beaucoup.
19:47 - 2 900 jours sans boire, d'avoir trop trinqué.
19:52 Ma vie s'est arrêtée et vous voyez, elle a fini par recommencer.
19:55 Merci Baptiste Mullier et si vous avez envie de lui parler, Instagram c'est un bon moyen
19:59 de prendre contact avec lui.
20:00 - Merci à tous les deux. Merci Sonia Gilles.

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