SMART SPACE - Emission du vendredi 21 avril

  • l’année dernière
Vendredi 21 avril 2023, SMART SPACE reçoit Béatrice Hainaut (chercheuse "Espace", IRSEM) et Charles Beigbeder (PDG, Audacia)
Transcript
00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Au programme de cette émission, l'actualité avec
00:09 cette explosion de la fusée Starship que vous n'avez pas pu rater. On y reviendra en introduction
00:15 de cette émission. On parlera aussi marché avec le tout dernier rapport de reconsulte sur le
00:20 prometteur secteur de la logistique. Et puis deux premières, celle de la Corée du Nord d'abord qui
00:26 annonce le lancement prochain de son tout premier satellite d'espionnage, ce qui n'a pas manqué de
00:31 faire réagir Séoul. Et puis une autre première, celle du Kenya qui a vu décoller cette semaine
00:37 son tout premier satellite d'observation. Ce sera le sujet de notre col actu. En deuxième partie
00:44 d'émission, je vous propose un format grande interview, celle de Charles Begbede, entrepreneur
00:49 fondateur du fonds private equity Audacia. Ensemble, on va parler d'investissement dans
00:55 le new space. Voilà pour le programme. On démarre tout de suite direction le Texas.
01:00 Starship, le plus gros lanceur au monde, a décollé cette semaine depuis la Starbase du Texas.
01:18 Lancement réussi, oui, mais deux minutes plus tard à 40 km d'altitude, avant même d'atteindre
01:25 la frontière de l'espace, rien ne se passe plus comme prévu. Plusieurs de ses 33 moteurs Raptor
01:32 ont explosé ou cessé de fonctionner. Résultat, l'ensemble ne maintient plus tout à fait sa
01:38 trajectoire, enchaîne les loopings avant de finalement exploser complètement en vol,
01:45 presque quatre minutes après le décollage. Des images spectaculaires, mais aussi attendues,
01:51 tant le défi technologique était élevé. Pour rappel, c'est le tout premier vol test pour
01:58 cette fusée qui mesure un total de 120 mètres de haut. Si SpaceX parle d'une réussite, on peut
02:04 s'empêcher de penser que c'est aussi un échec pour l'entreprise qui doit garantir en 2025 le
02:10 transport des astronautes de la mission Artemis III sur la Lune pour le compte de la NASA. Un défi
02:16 de taille pour la plus grosse fusée jamais envoyée dans l'espace, mais l'entreprise est aussi, il faut
02:21 le dire, habituée aux échecs et a toujours su en tirer parti avec par exemple les multiples ratés
02:27 qui ont précédé, rappelez-vous, la réutilisation finalement du lanceur Falcon 9. Alors concernant
02:33 Starship, il faudra attendre plusieurs mois selon Elon Musk avant de voir une deuxième tentative.
02:40 Autre actualité, le cabinet de conseil Euroconsulte publie son deuxième rapport
02:46 sur les marchés de la logistique spatiale. Il traite des besoins croissants en matière de
02:52 flexibilité et prévoit trois trajectoires de marché pour les nouveaux services en orbite.
02:57 Un scénario de base qui chiffre en marché sur 10 ans à 4 milliards de dollars, un scénario
03:03 faible de 3 milliards de dollars et un scénario élevé de 5 milliards de dollars de revenus.
03:09 Euroconsulte souligne l'importance croissante de la durabilité de l'espace, notamment avec
03:15 l'investissement des agences étatiques sur le sujet, le marché des SSA, la surveillance de
03:21 l'environnement spatial, donc le premier bénéficiaire de ce moteur et on estime qu'il
03:26 atteindra 1,8 milliard de dollars de revenus entre 2023 et 2032 dans un scénario de base.
03:35 A l'autre extrémité, le marché de la livraison du dernier kilomètre serait 10 fois plus petit
03:40 et le marché de la prolongation de vie du satellite 2 fois plus petit. Voilà pour ce
03:46 rapport d'Euroconsulte. Autre actualité, la Corée du Nord va lancer son tout premier satellite
03:53 espion. Le leader nord-coréen Kim Jong-un a ordonné le lancement du tout premier satellite
03:59 espion de reconnaissance militaire du pays selon l'agence de presse de l'État. Elle précise que
04:05 la construction vient tout juste d'être achevée dans le pays. Le chef de l'État a visité l'Administration
04:10 nationale du développement spatial, la NADA, réclamant au passage au personnel le déploiement
04:19 de plusieurs satellites de reconnaissance sur différentes orbites. Une date de lancement serait
04:23 déjà prévue mais évidemment nous n'avons pas plus d'indications sur le sujet, ni même dans
04:29 combien de temps à peu près ce lancement devrait être effectué. Mais ce qui est sûr c'est que
04:34 depuis cette annonce, Séoul a réagi. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères
04:40 de la Corée du Sud a appelé la Corée du Nord à ne pas lancer son satellite militaire de reconnaissance.
04:46 "Nous réclamons, je cite, honneur de respecter son obligation internationale et les résolutions du
04:52 Conseil de sécurité des Nations Unies", a déclaré un officiel du ministère. Et puis encore une
04:59 première, le lancement du tout premier satellite kényan a eu lieu cette semaine. Baptisé TAIFA-1
05:06 pour Nation One en Swalie, le premier satellite d'observation du pays a décollé depuis la base
05:12 américaine de Vandenberg en Californie à bord d'une fusée Falcon 9 de SpaceX. Un petit objet
05:19 10 cm sur 10 de largeur, 30 cm de long, fabriqué pour le coup localement. C'est un grand pas pour
05:27 l'agence spatiale kényane. Alors pour comprendre les enjeux d'un tel lancement, nous avons justement
05:32 en ligne Béatrice Hénot, chercheuse spécialisée en l'espace à l'IRSEM, l'institut de recherche
05:38 stratégique de l'école militaire, rattachée au ministère de la Défense. Béatrice Hénot,
05:42 que nous dit ce lancement sur les capacités spatiales du pays ? Alors bonjour à tous,
05:49 alors le Kenya avait déjà envoyé en 2018 un CubeSat, un CubeSat démonstrateur en orbite,
05:56 donc ça lui a permis d'avoir une expérience positive, c'est une expérience positive et ça
06:01 lui a permis d'apprendre. Pour le lancement du 14 avril dernier, il s'agit donc de son premier
06:08 satellite opérationnel d'observation. Donc comme vous l'avez dit, c'est un petit satellite,
06:12 un CubeSat, qui est équipé d'une caméra optique avec des capacités multispectrales. Donc pour
06:18 donner un petit ordre d'idée des performances, on est sur une résolution au sol de 32 m en
06:24 multispectrale et 16 m en temps chromatique. Ce satellite effectivement a été conçu et
06:30 développé par des ingénieurs kényans, on les voit d'ailleurs beaucoup à la télé kényane,
06:35 ces neuf ingénieurs qui ont travaillé pendant deux ans en coopération un petit peu malgré
06:40 tout avec une société bulgare. Alors les missions de ce CubeSat, elles sont de permettre une meilleure
06:46 gestion des ressources naturelles et notamment de l'eau, sachant que le Kenya comme d'autres
06:52 est en proie à de grandes sécheresses depuis quelques années. Ce CubeSat a une durée de vie
06:57 de cinq ans et la base qui réceptionnera les images, elle est en cours de construction aux
07:04 abords de Nairobi, elle a annoncé comme opérationnelle donc cet été. Donc tout cela effectivement est
07:10 géré majoritairement de bout en bout par des kényans et l'ambition du Kenya, elle va au-delà
07:17 puisqu'elle est de créer une constellation de satellites à partir de ce Taïfa-1. D'ailleurs
07:23 l'agence spatiale kéniane qui a été créée récemment en 2017, elle porte cette politique
07:28 spatiale nationale qui est assez ambitieuse car il est même question dans le futur que le Kenya
07:36 réalise lui-même ses lancements de satellites depuis un port spatial qui est à construire,
07:41 sachant en plus que le Kenya bénéficie d'une position géographique qui est plutôt avantageuse
07:46 puisqu'elle est très proche de l'équateur et dans les autres ambitions aussi, il souhaiterait
07:51 fabriquer un centre de fabrication de nanosatellites. Donc on a une réelle montée en puissance
07:57 technologique de l'ensemble du pays. Le pays a sa propre politique spatiale, on comprend dans ce
08:05 que vous nous donnez et des éléments de l'ambition kéniane mais il s'inscrit aussi dans un contexte
08:10 d'union des pays africains. Oui tout à fait, le Kenya s'inscrit d'ailleurs pleinement dans la
08:16 stratégie spatiale de l'union africaine qui date de 2019, la dernière en date. Quelque stratégie,
08:23 elle note dans un premier temps l'importance des données satellitaires pour faire face aux défis
08:27 sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux de l'Afrique. Elle souligne vraiment la plus-value
08:32 des données satellitaires mais elle affirme aussi une ambition, cette stratégie, qui est à terme de
08:37 ne plus externaliser les besoins en termes de services spatiaux mais de développer des capacités
08:41 spatiales africaines. Donc il y a aussi une volonté de coordonner et de mutualiser les acquisitions
08:47 des systèmes spatiaux puisque l'union africaine c'est quand même 55 pays partenaires et l'ambition
08:51 c'est de ne pas créer de redondance et d'essayer de partager les données. Donc en règle générale
08:57 elle veut favoriser les coopérations entre les états africains et d'ailleurs en 2019 également
09:03 les états de l'union africaine ont acté la décision de créer une agence spatiale africaine qui est
09:08 effective depuis janvier 23. Les bâtiments sont en train d'être construits, elle est au Caire en
09:12 Egypte au sein de la "cité de l'espace" égyptienne. Donc on a déjà sur place l'agence spatiale
09:20 égyptienne et on aura aussi une future usine d'assemblage de satellites qui est elle financée
09:26 par la Chine. C'est une vraie question de souveraineté aujourd'hui pour l'Afrique d'être
09:30 capable de développer ses propres infrastructures, vous l'avez dit, ne serait-ce qu'en matière de
09:33 données spatiales ? Oui tout à fait, pour l'union africaine en tout cas la priorité c'est bien
09:40 celle d'abord d'utiliser les données satellitaires parce que comme on l'a dit les données satellitaires
09:44 ça permet d'avoir de multiples informations pour faire face aux multiples défis du continent,
09:48 ça permet d'améliorer le quotidien des gens et de soutenir aussi les économies mais il faut
09:54 souligner quand même que les investissements spatiaux restent très modestes en Afrique. Donc
09:57 la stratégie elle vise aussi à cette prise de conscience collective qui se matérialise d'ailleurs
10:02 par la création de cette agence spatiale. Donc aujourd'hui on peut avoir des achats sur étagère
10:06 pour accueillir de l'expérience notamment dans les domaines de l'observation mais aussi de la
10:11 communication, de la connectivité parce que c'est une autre application qui va être très
10:14 importante pour l'Afrique et ça passe aussi par les coopérations internationales. On a des
10:18 coopérations plutôt classiques, traditionnelles avec l'Europe, la Russie mais de plus en plus
10:22 avec les Etats-Unis et surtout la Chine qui investit énormément en Afrique dans ce domaine
10:28 comme dans d'autres dans le cadre de son initiative des nouvelles routes de la soie. Donc on voit comme
10:33 vous le disiez le Kenya là pour le coup est souverain avec son satellite d'observation
10:38 qui est constitué, qui est réalisé en interne mais les Etats africains ne sont pas tous au même
10:43 niveau technologique. On peut juste citer ceux qui sont peut-être les plus avancés en la matière
10:48 comme l'Egypte, le Nigeria, l'Afrique du Sud même si la liste n'est pas exhaustive. Et puis dernier
10:54 point certains Etats ont des besoins d'ordre plus sécuritaires comme celui de la surveillance des
11:00 frontières ou l'observation des régions sujettes à conflits et dans ce cas effectivement la
11:05 souveraineté en matière de données spatiales devient beaucoup plus évidente. Merci beaucoup
11:10 Béatrice et Donne d'avoir pris le temps de réagir à cette actualité. On reviendra sur le sujet
11:15 prochainement dans Smart Space. On enchaîne avec le Space Talk sur Bismarck.
11:19 L'investissement, la science et l'espace sont en point commun. C'est Charles Beigbeder,
11:28 notre invité aujourd'hui. Nous allons faire toute une grande interview avec lui pour faire le tour
11:34 du sujet de l'investissement spatial porté notamment avec le Fonds d'investissement Expansion.
11:40 Bonjour Charles Beigbeder. Bonjour Cécilia, merci de m'inviter. Bienvenue sur le plateau de Smart
11:45 Space. Alors vous êtes passionné de science et d'espace, vous avez un diplôme d'ingénieur et
11:50 vous avez même travaillé dans le secteur spatial un temps avant de finalement, je vous cite,
11:54 trahir vos idéaux de jeunesse pour devenir banquier d'affaires et entrepreneur comme
11:59 vous l'avez dit à nos confrères du magazine Entreprendre. Finalement ce parcours d'entrepreneur
12:04 vous a quand même ramené à vos amours de jeunesse. Heureusement, en effet j'ai toujours
12:08 été passionné de haute technologie. Je voulais être astronaute puis astrophysicien et puis voilà
12:15 la vie professionnelle a fait que j'ai été dans d'autres voies. J'ai pu épanouir ma soif de
12:21 curiosité quand même. J'ai créé plusieurs entreprises dans la finance, dans l'énergie
12:26 et là maintenant c'est l'investissement mais c'est l'investissement dans la deep tech. Et
12:31 on a, Audacia est devenu progressivement une sorte de spécialiste du financement de la deep tech
12:37 en Europe, dans le monde même. Donc il y a les technologies quantiques avec les fonds cantonation
12:43 et il y a le new space, le spatial avec Expansion. Alors l'idée pour vous c'est quoi ? C'est d'être
12:49 un trait d'union entre la science, le start-up, les investisseurs. On parle aussi de vulgarisation.
12:57 Vous avez annoncé récemment le prix Baurien qui est le premier prix en fait de littérature de
13:03 vulgarisation scientifique. Donc il y a une vraie nécessité peut-être pour vous d'être un trait
13:07 d'union entre tous ces univers ? Le fonds de capital risque, les fonds de capital risque, le Venture
13:12 Capital a un rôle absolument clé dans l'écosystème. Parce que bon d'abord en Europe on est bon au
13:19 niveau académique, on a des grands centres de recherche qui sont parmi les plus pointus au
13:24 monde dans toute une série de disciplines. On a aussi des grands groupes industriels qui sont des
13:29 champions mondiaux. Mais lorsqu'il y a des mutations, des révolutions technologiques, il y a un acteur
13:36 qui est très important, c'est l'entrepreneur, le scientifique qui part de son labo et qui crée
13:40 une entreprise. Et donc ça c'est un vrai phénomène de société. D'ailleurs l'entreprenariat c'était
13:46 il y a 30 ans, les jeunes voulaient être fonctionnaires, maintenant ils veulent être
13:49 entrepreneurs. Très bien, mais il ne faut pas que les entreprises qu'ils créent restent toutes
13:54 petites. Il faut leur donner les moyens de devenir des leaders technologiques de demain. Dans la guerre
13:59 mondiale, je dis souvent ça, dans la guerre mondiale des hautes technologies, l'Europe n'a pas gagné
14:05 toutes les premières batailles, mais on n'est pas condamné à toutes les pertes. Et pour ça il y a
14:08 besoin justement de grandes sociétés de capital risque pour accompagner les entrepreneurs au-delà
14:13 de l'amorçage, dans la phase de décollage et dans la phase de conquête de marché pour devenir les
14:18 grands leaders mondiaux de demain. Alors c'est ce que vous proposez avec le fonds Expansion qui
14:23 est un fonds qui a été dévoilé l'année dernière, d'ailleurs sur le plateau de Smartspace, un petit peu
14:29 par inadvertance, si on veut dire le leurre sur nid, avec François Chopin, qui est le fondateur et le
14:35 dirigeant de Starburst. Alors quand vous avez dévoilé ce fonds, la promesse c'était 300 millions.
14:39 Oui, alors on est sur le chemin vers les 300 millions, rassurez-vous. Là on est aux alentours
14:48 de 100 millions, donc c'est très bien. On a déjà commencé à déployer une partie de ces capitaux,
14:52 on est dans un portefeuille de 11 entreprises déjà, donc 9 dans le New Space et 2 en New Aero,
14:58 et elles grandissent vite et c'est la raison pour laquelle on est heureux que ces 100 millions
15:04 soient presque là. On est en train de finaliser les négociations avec les grands institutionnels
15:09 privés et publics, mais certains sont déjà là et les autres sont en train de finaliser ces accords,
15:15 et donc le fonds sera doté de beaucoup plus de capitaux que l'année dernière désormais,
15:22 et on va pouvoir donc continuer à accompagner d'autres très belles startups, par exemple
15:26 Latitude ou HyperSpace dans le lancement de fusées. On a tous vu évidemment le lancement de la fusée
15:34 d'Elon Musk hier. On l'a vu. La fuséologie, Elon il dit "rocketry", mais la fuséologie en français
15:43 c'est la science des fusées, c'est une science qui progresse chaque jour. Il y a parfois des
15:51 difficultés, il y a parfois des étapes qu'il faut franchir, mais nous avons en Europe, bien sûr Ariane,
15:58 mais nous avons aussi toute une série d'entrepreneurs privés qui se lancent dans la bataille et qui
16:02 sont très bons, dont Latitude par exemple, je le recite, et donc on les accompagne avec plaisir.
16:09 On va revenir sur ce choix des marchés à acquérir dans le cadre du fonds Expansion et à porter dans
16:16 le New Space. Un an du fonds Expansion, quelle leçon on retient, quel bilan on fait de cette
16:24 expérience de financement dans le spatial qui a quand même énormément de difficultés ?
16:29 C'est toute la tech qui a un peu souffert de la hausse des taux d'intérêt et des troubles sur
16:36 les marchés financiers bien sûr, mais la deep tech ça n'a jamais été facile. Même en 2021 qui était
16:43 une année absolument incroyable pour la tech, la low tech, la deep tech, on avait toujours du mal à
16:48 convaincre les investisseurs, ça prend du temps, mais je crois qu'ils prennent de plus en plus
16:52 conscience qu'il y a donc des énormes défis qui se posent à la planète, bien sûr le défi climatique,
16:57 les défis des inégalités, les défis énergétiques, et qu'il y a des révolutions technologiques qui
17:04 permettent d'adresser ces défis et aller chercher de la valeur plus profondément en allant dénicher
17:12 dans nos meilleurs labos de recherche fondamentale des découvertes qui ont été faites par des
17:17 scientifiques et qui méritent maintenant de passer au stade applicatif, au stade industriel, et ça,
17:22 ça permet de créer des valeurs surtout quand on est au tout début, parce que nous notre stratégie
17:26 c'est d'investir en pré-amorçage et amorçage juste après que la boîte a été créée par les
17:31 entrepreneurs, on se substitue pas au fondateur mais on va les accompagner sur toute la phase
17:36 de création de valeur importante des premiers jours, des premières années, et puis après jusqu'à
17:42 ce qu'on appelle dans notre jargon la série A, la série B, et au-delà. Mais alors comment on
17:46 pallie ce grand obstacle dans le secteur spatial qui est le temps, c'est-à-dire que la question
17:52 de la rentabilité du retour sur investissement dans ce secteur peut-être plus qu'ailleurs,
17:57 elle est difficile à appréhender pour les investisseurs qui ont besoin quand même de...
18:02 Ecoutez, non c'est comme dans tous les secteurs, il faut... donc quand on a un entrepreneur qui
18:09 nous propose quelque chose, d'abord on analyse le marché, donc il faut... comme on est dans la
18:13 deep tech et qu'il y a des risques donc élevés, il faut qu'il y ait un marché très important,
18:17 donc ça c'est la première chose. Si évidemment l'entrepreneur nous propose un marché qui est un
18:23 peu riquiqui, une niche, on va dire "bah non, ça ne pourra pas... on pourra jamais atteindre la
18:28 rentabilité qui permet de compenser cette prise de risque". En revanche donc déjà, des grands
18:32 marchés, et là c'est le cas, dans le New Space on parle en centaines de milliards de dollars,
18:37 voire au-delà, sur un horizon de dix ans. Donc le marché il est en général là, après bien sûr la
18:44 qualité des entrepreneurs, la technologie, et puis ensuite les discussions de valorisation
18:50 évidemment, mais ça c'est... d'ailleurs le contexte s'est amélioré côté investisseurs,
18:55 c'est ce que nous sommes, mais ce n'était pas non plus un vrai sujet. Donc on trouve toujours
18:59 un accord lorsqu'il y a volonté de faire et entre les fondateurs et le capital risque.
19:05 Alors les marchés les plus prometteurs, vous avez cité par exemple les lanceurs,
19:10 qui sont coûteux quand même à financer ?
19:12 Ah oui, un lanceur c'est plusieurs centaines de millions au minimum, mais il y a aussi toutes les nouvelles technologies ont tellement progressé que ça abaisse les coûts,
19:24 et puis il y a aussi une espèce de progrès dans la connaissance de la fuséologie,
19:31 et donc on peut faire maintenant des lanceurs pour 100 millions, 200 millions, donc qui s'étalent sur 5, 7 ans, et faire un micro lanceur par exemple,
19:42 alors on parle même de nano lanceurs, micro lanceurs, mini lanceurs, et puis les grands lanceurs,
19:46 bon par exemple l'Attitude, Hyperspace, dans lequel on a investi, se positionne sur le micro lanceur,
19:53 une propulsion hybride aussi, on est dans la disruption technologique,
19:56 et l'impression 3D des moteurs, incroyable, avec la société luxembourgeoise Saturn Technologies,
20:03 et donc ça, ça permet à des entreprises d'imaginer de pouvoir produire des moteurs à la chaîne, en fabrication additive,
20:12 et ensuite le moment venu, de produire plusieurs lanceurs par semaine, et les lancer,
20:19 et ça va permettre de lancer des petits satellites, lorsque une constellation qui comprend des centaines de satellites,
20:28 il y en a un qui tombe en panne, on ne va pas demander à Ariane ou à Falcon d'envoyer 60 satellites,
20:36 on va envoyer juste un satellite, et là c'est un marché extrêmement intéressant sur lequel évoluent ces entreprises.
20:42 La logistique aussi, on en parlait en introduction, le cabinet Euroconsulte a reprojeté, a redonné des projections sur ce marché là,
20:50 d'ici 10 ans, on a des scénarios de revenus avoisinant les 5 milliards de dollars.
20:55 On a deux entreprises dans ce secteur, Space Cargo et The Exploration Company, donc en effet c'est la logistique en orbite,
21:02 il y a plein de projets fous de fabrication en orbite aussi, le micro gravity manufacturing,
21:11 le transport d'un point A à un point B en orbite, sur l'orbite basse, les transferts d'orbite,
21:17 donc tout ce marché de la logistique en effet est absolument incroyable.
21:22 Quelle a été la plus grosse difficulté que vous allez rencontrer aujourd'hui,
21:28 et quelle va être votre projection peut-être pour les années à venir, d'ici 2025 par exemple pour Expansion ?
21:34 La difficulté c'est, comme je le dis, c'est la deep tech, il faut convaincre,
21:40 donc il y a en Europe des investisseurs institutionnels qui sont prêts à prendre ce risque,
21:47 ils ne sont pas encore assez nombreux, il faut aussi plus de fonds de deep tech de taille significative,
21:52 c'est tout le projet Expansion, donc on y est, on y est presque, mais il faudra déjà réfléchir à la phase d'après,
22:00 parce que d'ailleurs c'est Alain Godard, l'ancien directeur général du FEI,
22:04 qui a lancé un fonds européen de souveraineté numérique doté de près de 3,8 milliards pour commencer,
22:09 et lui il prendra des tickets de 200-300 millions dans des fonds qui viseront le milliard d'euros,
22:16 donc ça évidemment, ça nous stimule, nous pour 2025-2026, on pense déjà à Expansion 2,
22:23 qui aura peut-être une taille de cet ordre, de 1 milliard d'euros,
22:27 pour pouvoir continuer à accompagner nos meilleurs entrepreneurs au-delà de la série B, donc en série C, série D,
22:33 parce que si on fait tout ça, dès que l'entreprise commence à être un peu successful,
22:38 se fasse racheter par des Américains ou des Asiatiques...
22:41 C'est le grand risque aujourd'hui, comment on fait pour garder nos talents ?
22:46 Il faut ces fonds de deep tech de grande taille, qui dépassent le milliard d'euros,
22:51 surtout qu'on est sur des technologies de souveraineté...
22:54 Quel est le rôle de l'État ?
22:57 Justement, ces entreprises bénéficient de l'écosystème...
23:00 Vous avez cité Hyperspace qui fait partie par exemple de France 2030.
23:03 Donc France 2030, des dispositifs européens qui se mobilisent pour permettre à ces entreprises d'éclore,
23:10 donc c'est très bien, il y a aussi des commandes,
23:13 donc des donneurs d'ordre européens qui vont faire confiance à ces nouvelles entreprises,
23:18 mais évidemment la contrepartie, c'est que lorsque, à un moment, il faudra éventuellement que ces entreprises soient consolidées,
23:25 et se cèdent, elles ne pourront pas se céder impunément en dehors d'Europe.
23:32 Donc en tout cas, il faudra organiser une concertation avec les grands acteurs européens,
23:39 les acteurs publics évidemment, l'État devra donner son feu vert
23:46 s'il s'agit de se céder à des Américains.
23:49 Mais, pour éviter cela, si jamais ça pose un problème,
23:53 si on a des grands fonds de deep tech européens, on n'a pas de problème,
23:56 et on peut à ce moment-là rester indépendant en étant très rentable,
24:02 et devenir un leader européen du New Space.
24:06 Alors je voulais parler avec vous de la règle du retour de budget,
24:08 parce que c'est le sujet dont on parle beaucoup en ce moment,
24:11 pointée du doigt à la fois par les agences, dont l'agence spatiale française,
24:15 par des grands industriels, comme Ariane Group, par des start-up aussi.
24:19 Cette règle du retour de budget, qui est donc, pour vous redonner le principe à tous,
24:24 l'idée de redistribuer l'argent qui est investi dans l'agence spatiale européenne.
24:29 Quel est votre point de vue avec ce point de vue d'investisseur que vous pouvez avoir ?
24:35 Est-ce que vous pensez, comme beaucoup d'acteurs, que c'est un frein à la prospérité,
24:39 à la concurrence européenne saine, qui pourrait donner un secteur plus favorable
24:44 pour les start-up et le New Space ?
24:46 Bon déjà, un petit commentaire quand même,
24:48 c'est que comme la France représente à peu près la moitié du secteur spatial européen,
24:53 ce n'est pas trop un problème pour les start-up françaises.
24:56 Alors nous, nous investissons pas simplement en France, évidemment,
24:58 on a des partenaires suédois, j'ai oublié de le dire,
25:01 donc ça c'était un des grands acquis de l'année 2022,
25:04 on a noué un partenariat avec Starburst, et avec RIM Capital,
25:08 RIM ça veut dire Espace en suédois,
25:10 et donc on investit en Scandinavie, on investit en Pologne, en Allemagne, mais...
25:14 Il y a des ports spatiaux ?
25:16 Après, c'est vrai que pour l'ESA,
25:18 ce qui a été mentionné en effet par le High Level Advisory Group,
25:23 c'est que ce principe d'égalité parfaite,
25:27 des retours vers les pays qui contribuent au budget de l'ESA,
25:33 c'est complexe, ça peut ralentir les initiatives.
25:38 Vous n'en voyez pas les conséquences aujourd'hui ?
25:40 Nous, en tant qu'investisseurs, ça n'est pas trop un problème,
25:42 encore une fois, puisque les grands pays spatiaux dans lesquels on investit
25:48 ont un écosystème très riche, et donc ça n'est pas trop un problème.
25:53 Alors on peut dire un mot sur ce trait d'union entre la science et l'investissement,
25:58 vous avez Cantonation qui est un succès,
26:00 qui porte aussi la Deep Tech et précisément le quantique,
26:03 est-ce qu'il y a une jonction entre Expansion et Cantonation,
26:06 entre le spatial et le quantique, que vous exploitez déjà ?
26:09 Absolument, et aussi le nucléaire de nouvelle génération,
26:12 sur lequel on travaille, on est en train de constituer une équipe
26:15 pour un fonds dédié au nucléaire de quatrième génération,
26:18 de fission, voire de fusion,
26:21 et donc moi je pense que toutes ces hautes technologies,
26:23 toutes ces grandes révolutions technologiques
26:25 vont permettre peut-être d'inventer des choses complètement extraordinaires,
26:30 par exemple, là, on a vu hier SpaceX,
26:33 on est sur la propulsion chimique classique,
26:35 il y a eu un moment, un programme aux Etats-Unis,
26:39 qui s'est arrêté à la fin du programme Apollo,
26:41 mais un programme de propulsion nucléaire,
26:43 et ils arrivaient à des poussées tout à fait comparables
26:46 aux plus grandes propulsions chimiques.
26:49 Donc, vous voyez qu'entre le nucléaire et le spatial,
26:52 il peut y avoir des convergences, d'ailleurs la NASA a lancé un programme sur ce sujet,
26:56 le quantique va permettre d'inventer de nouveaux matériaux,
27:00 de simuler la nature, puisque la nature est quantique,
27:03 et donc d'inventer de nouveaux matériaux,
27:04 ces nouveaux matériaux, peut-être qu'on ne pourra les fabriquer qu'en microgravité,
27:10 en orbite basse spatiale,
27:13 donc vous voyez qu'il y a des convergences,
27:15 et des idées d'entreprises complètement extraordinaires à créer,
27:19 et nous on est là pour les accompagner.
27:21 Merci beaucoup Charles Beck-Bédé,
27:23 alors c'est une très bonne introduction pour le sujet de la semaine prochaine,
27:26 qui sera le nucléaire dans le secteur spatial,
27:28 vous avez bien à nous suivre sur Smartspace.
27:31 Merci à tous de nous avoir suivis,
27:33 on se retrouve donc dès la semaine prochaine sur Bsmart et bsmart.fr,
27:38 en attendant de passer un bon week-end !
27:40 [Musique]

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