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00:00 7h-9h, les matins de France Culture, Quentin Laffey.
00:06 La question du jour, un air devenu irrespirable, des champs et des forêts ravagés par les
00:11 obus des nappes phréatiques et des rivières contaminées par l'arsenic, le plomb ou le
00:15 mercure issus de la dégradation des munitions.
00:18 La guerre en Ukraine est aussi une catastrophe environnementale.
00:21 Voilà ce que dénonce le ministère de la protection de l'environnement et des ressources
00:25 naturelles ukrainien, aux côtés de parlementaires et d'associations qui tentent de mesurer
00:29 l'ampleur des dégâts.
00:30 L'objectif est de reconnaître un crime d'écocide alors même que celui-ci n'existe pas en
00:35 tant que tel dans le droit international.
00:37 Alors la Russie pourrait-elle un jour être condamnée pour un crime environnemental ? On
00:42 en parle ce matin avec William Bordon, avocat au barreau de Paris.
00:45 Bonjour monsieur.
00:46 Bonjour.
00:47 Est-ce que la notion même d'écocide existe en droit international, même de manière
00:52 informelle je dirais ?
00:53 Elle existe comme une ambition qui est portée par très nombreux juristes, la commission
00:58 d'ordre international, d'ailleurs depuis des années et des années, elle a été remise
01:03 à l'ordre du jour si je puis dire, de façon absolument dramatique, avec le premier écocide
01:07 de masse au Vietnam, avec l'agent dioxyde, c'est-à-dire catastrophe environnementale,
01:15 sanitaire, humanitaire.
01:18 Et ce qui caractérise la notion d'écocide c'est deux choses, c'est le caractère durable,
01:24 massif de la destruction de l'environnement, et son caractère irrémédiable, c'est-à-dire
01:29 qu'on atteint un seuil où il n'y a plus de possibilité de remplacement à l'écocide,
01:33 l'étymologie grecque c'est "abattre la maison", et l'écocide c'est "tuer la maison".
01:40 Et rapidement, un certain nombre d'institutions internationales ont appelé à ce qu'on soit
01:46 inscrit dans le marbre de la loi internationale, la notion d'écocide, pour l'instant vainement,
01:50 on va y arriver, il y a beaucoup de résistance, il y a eu des résolutions du Parlement européen
01:55 en novembre 2002, et évidemment nous avons essayé nous au cabinet de porter la notion
02:01 d'écocide à travers la notion de crime contre l'humanité, pour ahonnir les grands
02:05 chefs amazoniens pour lesquels nous avons déposé une plainte entre les mains du procureur
02:08 dans la compagnie internationale en janvier 2021, elle est à l'examen, c'est la première
02:15 tentative pour faire correspondre la notion d'écocide à la notion de crime contre l'humanité
02:19 de façon très spécifique, s'agissant des destructions à la fois humaines, humanitaires
02:24 et environnementales, commises dans la forêt amazonienne et allant contre des communautés
02:28 qui l'abritent.
02:29 - Alors en Ukraine, la notion a été introduite dans la législation bien avant cette guerre,
02:33 lors du conflit dans le Donbass en 2014, dans le cadre de la guerre présente où les Hambourgons
02:39 face à la Russie, où est-ce qu'on en est ? Est-ce qu'au fond, on peut entamer une procédure
02:43 dans ce cadre et grâce à la notion d'écocide ?
02:45 - Cette guerre en Ukraine est une guerre sur plein d'aspects, c'est évidemment dramatique
02:52 de le dire, on a presque peine à le dire sans précédent, c'est-à-dire qu'on assiste
02:58 à une catastrophe écologique en temps réel sous nos yeux et qui fait que les Ukrainiens
03:03 et le monde entier se posent la question, quelle ère vont-ils respirer, quelle terre
03:06 vont-ils exploiter ?
03:07 - Est-ce qu'on arrive d'ailleurs à mesurer les dégâts aujourd'hui ?
03:10 - Il y a une indexation qui est en train de se faire à partir d'un certain nombre d'outils
03:14 mythologiques qui ont été créés par la communauté internationale, il y a des ONG
03:18 internationales qui sont mises au service du bureau du procureur de Kiev avec lequel
03:21 le cabinet nous sommes en contact depuis maintenant plusieurs mois et donc cette indexation
03:26 est en train de se faire, c'est une classification, une identification de l'ensemble des actes
03:35 constitutifs d'une atteinte très grave à l'environnement, des milliers évidemment,
03:39 c'est en cours, mais en tous les cas la base de données elle sera certainement prête
03:44 d'ici quelques mois, elle s'actualise chaque jour.
03:47 - Et qu'est-ce qu'elles observent ces ONG ? Est-ce que vous avez des exemples ?
03:50 - Voilà, ce qu'elles observent c'est d'abord une destruction massive du patrimoine forestier,
03:56 il faut se rappeler que l'Ukraine abrite 35% de la biodiversité européenne, c'est absolument
04:01 considérable, des zones humides qui ont été protégées par l'UNESCO etc.
04:05 Il y a aussi l'infiltration dans les naves phréatiques et les eaux de tous les métaux
04:11 lourds, les produits toxiques qui viennent à fois des mines, des résidus des munitions
04:17 et des requêtes utilisées et puis enfin il y a tout ce qui est libéré par la destruction
04:24 des industries, c'est-à-dire que quand on attaque une industrie chimique ou une industrie
04:30 lourde, évidemment ça fait s'évaporer toute une série de produits qui viennent s'infiltrer
04:38 dans la chaîne alimentaire, dans la chaîne humaine et c'est ça l'écocide, c'est une
04:43 espèce de poison qui de façon lente, comme ça, vient abîmer, endommager la chaîne
04:55 alimentaire et l'ensemble des ressources naturelles.
04:57 - Comment est-ce qu'on évalue, William Bourdon, le coût financier, le coût même général
05:02 de ces dégâts ?
05:03 - Alors c'est compliqué parce qu'en même temps l'Ukraine a besoin de faire pression
05:08 sur la communauté internationale et de sensibiliser la communauté internationale donc il est difficile
05:11 d'évaluer leur propre évaluation.
05:12 Il y a une évaluation qui a été faite qui se chiffre à environ 350 milliards de dollars,
05:18 c'est évidemment vertigineux mais vous avez raison de souligner ce point.
05:23 Ce n'est pas simplement la question de la répression, on va en parler dans un instant,
05:27 mais également de déterminer les modalités de réparation.
05:30 Il y a toujours eu, après un conflit, quelles que soient les modalités de sortie du conflit,
05:36 la détermination à la charge de l'agresseur d'un quantum des modalités de réhabilitation
05:44 résultant des destructions opérées.
05:46 Ça sera certainement à l'agenda à un moment donné des discussions post-guerre, à supposer
05:51 que ces discussions puissent intervenir rapidement.
05:52 - Par quel truchement la procédure pourrait aboutir ?
05:55 Par où faudrait-il qu'on passe justement du point de vue du droit international ?
05:59 - Les juristes peuvent avoir un peu d'imagination, ils peuvent être un peu prophétiques.
06:04 Il y a un article dans le protocole additionnel numéro 1 des conventions d'août 1949,
06:09 les quatre conventions sur le crime de guerre, qui de façon très précise dit, prescrit
06:14 que la destruction de l'environnement peut faire partie des crimes de guerre.
06:18 Ensuite, il y a une disposition dans le code pénal ukrainien, qui est relativement moderne,
06:24 qui réprime pas de façon suffisamment précise, pas de façon suffisamment rigoureuse le crime
06:30 d'Ecosse, délayant de nous en rencontrer des parlementaires avec lesquels nous réfléchissons
06:33 sur comment améliorer l'incrimination de ce crime.
06:37 Et puis enfin, il y a le crime de guerre lui-même qui est réprimé, qui fait partie des quatre
06:43 grands crimes prévus dans le statut de Rome, qui est le statut de la coopération internationale.
06:47 Et la question est sur la table, nous y réfléchissons avec d'autres, à un moment donné de faire
06:53 un signalement au bureau de M. Karim Kaddou, le procureur de la coopération internationale,
06:57 pour élargir son enquête à un crime de guerre qui serait le crime de guerre qui serait constitutif,
07:04 qui serait constitué par l'écocide de masse commis par les Russes du fait de l'agression
07:09 en Ukraine.
07:10 - Vous qui êtes directement impliqué William Bourdon dans ce dossier, en quelques mots,
07:14 est-ce que vous croyez qu'un jour la Russie pourrait être condamnée pour écocide ?
07:20 - Alors l'utopie est une vérité prématurée, comme disait René Cassin, donc c'est pas
07:24 parce que les choses apparaissent très difficiles qu'il ne faut pas les faire, sinon on ne
07:26 ferait pas grand-chose.
07:27 Oui, il y a une volonté politique des Ukrainiens, de la société civile ukrainienne, de mettre
07:34 à l'agenda d'éventuelles négociations la réparation des dégâts de masse irrémédiables
07:43 commis par les Russes sur la terre ukrainienne et qui sont de nature à intoxiquer la vie
07:50 des Ukrainiens pour des générations et générations.
07:53 C'est aussi la responsabilité de la communauté internationale de leur apporter les moyens
07:58 et les outils pour imposer aux Russes la reconnaissance de cette redevabilité et de cette dette
08:05 qu'ils ont vis-à-vis du peuple ukrainien.
08:06 - Merci beaucoup William Bourdon et on suivra ce dossier évidemment dans les mois, dans
08:09 les années qui viennent.
08:10 L'utopie n'a pas de limite.

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