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Mardi 25 avril 2023, SMART IMPACT reçoit Julien Beauhaire (Codirecteur, Refettorio Paris)

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00:00 ...
00:05 -Bonjour, Julien Boher.
00:07 -Bonjour.
00:08 -Vous êtes le co-directeur du Réfectorio Paris,
00:11 restaurant solidaire, gastronomique et anti-gaspi.
00:14 On va reprendre ces 3 piliers.
00:16 D'abord, on présente un peu.
00:18 Il est situé où ? Ca existe depuis quand ?
00:20 -Le Réfectorio Paris est situé au coeur de Paris,
00:24 dans le quartier de la Madeleine,
00:26 et plus précisément dans l'église de la Madeleine,
00:29 et il existe depuis maintenant 5 ans, depuis mars 2018.
00:32 -C'est quoi, l'idée de départ ? Ca vient d'un chef italien ?
00:35 -Exactement.
00:37 Ca vient de l'idée un peu folle de 2 hommes, en réalité,
00:41 l'artiste JR et le chef italien Massimo Bottura.
00:44 -C'est quoi, leur idée ? C'est le Réfectorio ?
00:47 -Le Réfectorio, c'est un restaurant gastronomique solidaire
00:50 qui est né de cette idée un peu folle...
00:52 Il faut se replacer dans le contexte.
00:55 On est au sortir de la crise migratoire
00:57 qui a fait l'affaire d'Afghanistan.
00:59 L'artiste JR se dit que c'est pas possible,
01:02 il faut faire quelque chose pour ces femmes et ces enfants
01:05 qui fuient leur pays.
01:06 Dans le même temps, il convoque son ami,
01:09 le chef italien Massimo Bottura,
01:11 et lui dit "Avec ton expérience",
01:13 et cette expérience, c'est celle en provenance d'Italie,
01:16 Massimo est souvent sollicité pour organiser des dîners de gala,
01:20 mais en même temps, il se dit "Je veux bien organiser
01:23 "des dîners de gala, avec des mets d'exception,
01:26 "qui dorment et se nourrissent comme ils peuvent
01:29 "des personnes, des hommes, des femmes et des enfants.
01:32 "On jette de la nourriture, et moi, ça, c'est plus possible.
01:35 "Je veux bien organiser des dîners de gala,
01:38 "mais il faut que ça puisse profiter aussi
01:40 "à ces personnes-là et qu'on arrête de gaspiller cette nourriture."
01:44 Il sait que ça a fonctionné en Italie,
01:46 parce qu'a été créé le premier réfectorio,
01:49 et il convoque cet ami italien et lui dit
01:51 "On va essayer de faire quelque chose en France
01:54 "qui est plus adapté à l'Italie."
01:56 -On va reprendre ce principe.
01:58 J'ai eu la chance d'y servir un soir.
02:00 Il y a cette logique de bénévolat.
02:02 Vous accueillez beaucoup de bénévoles tous les soirs,
02:05 soit en cuisine, soit en salle ?
02:07 -C'est ça. C'est l'un des piliers du réfectorio.
02:10 C'est une chance et une force inestimables que l'on a.
02:14 On a entre environ 8 000 bénévoles
02:16 qui sont inscrits sur notre plateforme.
02:18 Donc, on a... Je me répète,
02:20 c'est une chance et une force inestimables,
02:23 parce qu'on peut compter sur elles et sur eux.
02:25 Tous les soirs, en salle, on a 14 bénévoles,
02:28 et en cuisine, 5 bénévoles.
02:30 Il faut imaginer qu'à la sortie de leur travail respectif,
02:33 ils viennent servir en cuisine de 15h à 21h,
02:37 en salle de 17h30, vous le disiez, vous l'avez vu,
02:40 vous l'avez expérimenté, jusqu'à 21h,
02:43 et ils viennent donner de leur temps,
02:45 de leur énergie et de leur générosité.
02:47 -Ce qui est drôle, c'est qu'il y a des consignes.
02:50 Moi, j'ai servi dans un restaurant.
02:52 -Vous dites qu'il faut servir les invités,
02:55 et on va les présenter dans un instant,
02:57 comme dans un resto gastronomique.
02:59 Il faut faire de cette soirée un jour particulier.
03:02 -Exactement. On n'est pas là pour rigoler,
03:04 mais pour garder le sourire.
03:06 C'est une fine limite où...
03:08 Et là, je reprends les mots de mon président fondateur, J.R.
03:12 Il faut que chaque soir soit une fête pour nos invités.
03:15 On va revenir à nos invités, mais il faut faire en sorte
03:18 qu'ils oublient nos problèmes de la journée,
03:21 qu'ils ne se sentent pas en sécurité,
03:23 que les problèmes de la journée de nos invités soient laissés de côté
03:27 et les servir à table dans les meilleures conditions.
03:30 -Qui sont-ils ? Des personnes en difficulté,
03:32 des sans-abri, des personnes démunies ?
03:35 Comment vous passez par des associations ?
03:37 Comment ça se passe ?
03:38 -On passe par 360 associations,
03:41 les plus grandes, de la place de Paris
03:43 et d'Ile-de-France, en règle générale.
03:46 Nous ne sommes pas, nous, travailleurs sociaux,
03:49 mais nous sommes l'association capable d'orienter ces personnes-là.
03:52 C'est pour ça qu'on passe par ces associations
03:55 qui font un travail extraordinaire.
03:57 Nous sommes l'écrin qui va recevoir ces personnes,
04:00 qui sont des femmes, des enfants et des hommes.
04:03 On reçoit 75 invités en moyenne par soir.
04:05 On les appelle chez nous des invités,
04:07 ce ne sont pas des bénéficiaires, ce ne sont pas des clients,
04:11 ce sont des invités.
04:12 On est le seul lieu de distribution solidaire de repas,
04:15 certes à vocation gastronomique,
04:18 mais on est 45 % de femmes. -C'est important de le dire.
04:21 -C'est très important.
04:22 Ca veut dire qu'on est un lieu, en bon français,
04:25 un "safe place", un lieu sûr où les femmes et les enfants
04:28 peuvent être, et évidemment les hommes,
04:30 reçus, servis à table et avoir un dîner gastronomique
04:34 dans des conditions sûres.
04:35 Et ces femmes, ces hommes et ces enfants
04:38 ont comme particularité, comme très commun,
04:41 d'être en situation de précarité et d'exclusion sociale.
04:44 Ca recouvre différentes formes.
04:46 Vous avez des étudiants, des retraités,
04:48 des populations réfugiées,
04:50 vous avez des travailleurs pauvres,
04:52 on en a beaucoup,
04:53 vous avez des migrants,
04:55 vous avez un nombre de personnes...
04:58 Ca recouvre toutes les formes de population,
05:01 toutes les formes de pauvreté.
05:03 Certes, il y a la question de l'argent,
05:06 mais il y a aussi l'isolement.
05:07 Un retraité peut avoir des minima sociaux,
05:10 un étudiant peut continuer à étudier,
05:14 mais il est seul, elle est seule.
05:16 L'exclusion, c'est aussi la solitude.
05:18 Il vient au restaurant, chez nous,
05:20 aussi pour croiser un alter ego,
05:22 pour croiser un sourire, croiser un bonjour.
05:25 -Je voudrais qu'on parle de l'aspect anti-gaspi,
05:28 parce que la nourriture,
05:30 je parlais dans les titres de la banque alimentaire,
05:33 c'est l'une des solutions.
05:35 D'où elle vient ?
05:36 -La nourriture, en aucun cas, elle est achetée.
05:39 Elle provient des surplus et des invendus alimentaires.
05:42 Elle provient des banques alimentaires,
05:45 comme la BAPIF, qui fait un travail extraordinaire.
05:48 Elle provient de grossisses alimentaires,
05:50 d'épiceries fines, qui nous reversent les invendus
05:53 et les surplus.
05:54 Elle provient, et je veux le saluer,
05:57 parce qu'ils font un travail fantastique
05:59 et dans un climat qui est un peu anxiogène,
06:02 un peu pessimiste, à l'heure actuelle,
06:04 il faut saluer l'élan de générosité
06:06 de petits producteurs et productrices
06:08 qui nous réservent une partie de leur production
06:11 et qui se disent que ils produisent pour gagner leur vie,
06:15 et je considère qu'il y a une partie de ma production
06:18 que je peux allouer à la philanthropie,
06:20 à la générosité.
06:21 -Sur des agriculteurs, des agricultrices ?
06:24 -C'est exactement ça.
06:25 Des fermes, la ferme du Perche,
06:27 des producteurs de micro-pouces,
06:30 des producteurs d'huile d'olive,
06:32 qui vont allouer une partie de cette production
06:35 pour le réfectorium en se disant qu'il faut que ça serve.
06:38 Et ça, il faut le saluer.
06:39 On a aussi des chefs invités.
06:41 C'est l'un des piliers du réfectorium.
06:44 -Le gastronomique. -Ils viennent avec leurs produits.
06:47 -Ils viennent parfois avec leurs produits,
06:49 mais il y a un sacré défi pour les chefs.
06:52 La nourriture, par définition,
06:54 elle varie en fonction de ce que les banques alimentaires
06:58 peuvent vous proposer.
06:59 Donc ça peut être des chefs étoilés, multi-étoilés,
07:02 qui viennent, c'est ça ? -Exactement.
07:05 C'est comme le dimanche soir, quand on ouvre son frigo.
07:08 On n'est pas étoilés, mais... -Je me mets pas fourneau.
07:11 -On ouvre son frigo et on se rend compte qu'il nous reste
07:14 un yaourt, une feuille de salade et un camembert.
07:17 Il faut composer un menu avec ça pour une ou plusieurs personnes.
07:21 C'est ça tous les jours.
07:23 Quand je dis "nous", c'est l'équipe en cuisine,
07:26 Blandine Paris, Marine Beleg et notre comique plongeurie,
07:29 Brahim Adialo. Il faut composer un menu
07:31 avec ce qu'il y a dans le frigo
07:33 et en fonction des dates limites de consommation, les DLC,
07:37 et il faut arriver à...
07:41 Avec les codes de la gastronomie,
07:43 à présenter, à muse-bouche,
07:44 entre plat-dessert et miniardise.
07:47 C'est un grand défi pour les chefs invités.
07:49 Ils sont très souvent étoilés, voire multi-étoilés,
07:52 éco-certifiés.
07:53 Leur très commun, c'est d'avoir cette appétence
07:56 pour la solidarité, de considérer la gastronomie
07:59 comme un élément de partage. On n'a jamais eu,
08:02 de chefs qui ne considèrent pas la gastronomie
08:04 comme un élément de partage.
08:06 Quand ils arrivent devant le frigo,
08:08 ils se disent "Waouh, c'est un stress".
08:10 La veille, ils sont en train souvent
08:13 d'envoyer des SMS à notre chef résidente
08:15 pour lui dire "Je peux avoir l'état du frigo,
08:18 "il faut que j'arrive à composer."
08:20 -Il faut que j'arrive à inventer et à préparer
08:22 pour 70 ou 75 invités en moyenne.
08:24 -75 invités en moyenne.
08:26 Il y a aussi une dimension artistique et culturelle
08:29 dans votre association,
08:31 ce qui est assez logique avec un artiste comme JR,
08:35 qui a participé à sa création.
08:37 La salle de restaurant a été redécorée.
08:40 Est-ce que vous pouvez nous parler de cette dimension ?
08:43 -Bien sûr. C'est un des piliers très importants du réfectorio.
08:46 Il y a eu deux temps.
08:48 Il y a eu un premier temps où le réfectorio Paris
08:51 s'est construit comme un restaurant à vocation gastronomique
08:54 dans un paysage de distribution solidaire de repas.
08:57 Ca a été une véritable révolution.
09:00 Puis le réfectorio, je dirais depuis un an et demi,
09:03 s'est construit comme un restaurant gastronomique solidaire
09:07 dans une offre culturelle et artistique.
09:09 C'est sous l'impulsion d'un de nos fondateurs, l'artiste JR.
09:13 Mais lorsque vous pénétrez dans la crypte de la Madeleine,
09:17 qui est déjà un monument historique,
09:19 vous pénétrez sous les arches
09:21 de deux architectes, Rami Fischer et Nicolas Delon,
09:24 vous pénétrez sous les nuages de l'artiste JR,
09:27 vous avez les oeuvres de Prune Nourie,
09:29 et ne serait-ce que le service à table.
09:31 A vocation gastronomique,
09:33 vous n'êtes pas asservi, selon l'expression consacrée,
09:37 au cul du camion ou sous une soupe populaire.
09:39 Vous êtes vraiment servi à table.
09:41 On épouse les codes esthétiques de la gastronomie.
09:44 Notre devise, c'est le beau et le bon.
09:47 L'esthétique, l'art, c'est très important pour nous.
09:50 -Je voudrais terminer...
09:52 Il y a aussi des visites de musées, etc.,
09:54 mais je voudrais qu'on dise un mot
09:56 des bonnes fées, des entreprises partenaires.
09:59 Il y a Voyageurs du monde, mais il y en a d'autres.
10:02 C'est important de les citer. -Tout à fait.
10:04 Ce sont des entreprises qui nous permettent aussi
10:07 d'inviter ces hommes, ces femmes et ces enfants
10:10 dans les sorties culturelles.
10:12 On a plusieurs fondations, 5 ou 6, qui nous accompagnent.
10:15 Vous les avez citées, Voyageurs du monde,
10:18 à travers un solide bâtisseur.
10:20 On a la Fondation Carrefour,
10:22 on a Salesforce, qui nous accompagne depuis le début,
10:25 qui est un partenaire de poids et qu'il faut saluer,
10:28 et on a la Fondation Matmut.
10:30 Elles sont présentes sur notre site web.
10:32 Sans elles et sans eux et sans cette générosité,
10:35 on ne pourra pas exister.
10:37 -Sur votre site web, refettorio.fr...
10:39 -Refettorio.com.
10:41 -Refettorio.com.
10:43 On peut s'inscrire aussi, si vous voulez faire partie
10:46 des bénévoles qui, en cuisine ou en salle,
10:48 participent à la belle aventure du réfettorio.
10:51 Merci, Julien Bouer, d'être venu nous raconter ça au réfettorio.
10:55 On passe à notre débat mobilité décarbonée.
10:57 au programme.

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