Numérique : lutte contre le harcèlement, filtre anti-arnaques… ce que prévoit le gouvernement

  • l’année dernière
Avec Fabrice Epelbouin Creative technologist,entrepreneur, professeur (ex CELSA, ScPo Paris, IAE Poitiers)

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h30 à 14h sur #SudRadio.

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##CA_BALANCE-2023-04-28##
Transcript
00:00 Sud Radio, André Bercoff.
00:03 Bercoff dans tous ses états, ça balance pas mal sur Sud Radio.
00:08 Réguler l'espace numérique est examiné en ce moment même au Conseil d'État.
00:12 Il sera présenté début mai en Conseil des ministres, a annoncé Elisabeth Born avant-hier.
00:17 Nous sommes en compagnie de Fabrice Eppelboin, entrepreneur de Creative Technologies,
00:22 notamment, et professeur à Sciences Po Paris, l'IAE Poitiers ou le CELSA.
00:26 Fabrice Eppelboin, bonjour.
00:28 Bonjour.
00:29 Donc selon ce projet de loi, une personne condamnée pour un délit lié à la haine en ligne
00:33 pourrait être bannie des réseaux sociaux.
00:36 Déjà, la haine en ligne, ça commence où, ça termine où ?
00:39 Est-ce que c'est techniquement réalisable ?
00:41 Non, c'est techniquement totalement irréalisable.
00:44 Il y a deux grandes approches pour imaginer un tel dispositif.
00:47 Bloquer votre adresse IP, ce qui va bloquer, dans le cas d'un foyer,
00:51 tous les gens qui résident dans le même foyer, ou bloquer une adresse e-mail,
00:55 il vous suffira de changer d'adresse e-mail pour ouvrir un nouveau compte instantanément.
00:59 Ça n'a aucune réalité technique, aucune possibilité de se transformer dans une réalité technique un jour.
01:04 Et la haine, ça commence où, ça termine où ?
01:07 Parce qu'est-ce qu'on va bannir, par exemple, des supporters de foot qui vont s'écharper
01:11 sur leur club en se traitant parfois de nom d'oiseau ?
01:14 Qu'est-ce qu'on peut faire sur la haine en ligne ? Parce que ça me paraît assez surréaliste.
01:19 Alors ça aussi, c'est un autre challenge, mais celui-là n'est pas technique, il est juridique.
01:23 Pour juger le caractère haineux de quelque chose, il va falloir un processus judiciaire.
01:29 Et vu le déferlement de haine qu'on a en ce moment en France,
01:33 ça voudrait dire grosso modo qu'on a un tiers de la population française qui se transforme en juge.
01:38 Donc ça n'est pas très réaliste, notre système judiciaire, qui est déjà totalement exsangue,
01:42 et ça depuis de nombreuses années, ne peut pas envisager de juger ce qui est de l'ordre de la haine ou pas.
01:47 Et donc il va falloir déléguer, déléguer à des entités privées, la plupart du temps,
01:51 qui ne sont pas françaises, pour ne pas le nommer, pour l'essentiel américaine.
01:55 C'est-à-dire Twitter, Facebook, etc. ou TikTok, oui.
01:58 Voilà, et donc la haine française va être jugée à l'aune du prisme américain.
02:03 Ce qui pose d'énormes problèmes, parce qu'on a un cultural gap qui est phénoménal dans ce domaine-là aussi.
02:08 Rappelons que le cultural gap le plus considérable qu'on a entre la culture américaine et la culture française,
02:14 c'est le notion de liberté d'expression qui est sacrée dans la Constitution américaine,
02:19 et qui n'existe pas, qui n'est même pas citée dans la Constitution française.
02:22 - Alors, le contrôle d'identité sur Internet, c'est une chimère ?
02:25 - Non, ça peut exister. Typiquement, si vous ouvrez un compte en banque, on va vérifier votre identité.
02:30 C'est un processus qui est coûteux, et donc qui n'est pas à la portée d'acteurs tels que Facebook,
02:35 qui ont un revenu par utilisateur, qui typiquement en Europe oscille aux alentours de 10 euros par an.
02:40 Ils ne peuvent pas se permettre de dépenser autant d'argent dans la vérification de l'identité d'utilisateur.
02:45 Et dans ce cas-là, il faudrait imaginer avoir un recours à un tiers, typiquement l'État français,
02:49 et ça pose une multitude de problèmes de confidentialité de vos activités vis-à-vis de celles de l'État.
02:54 - Même chose pour les fournisseurs d'accès à Internet qui pourraient être mis à contribution, c'est une chimère là ou pas ?
02:59 - Pareil, ça se contourne très facilement.
03:01 Tout ça, on l'a déjà dit il y a 15 ans déjà, à l'époque d'Adopie,
03:05 il vous suffira d'avoir un abonnement à un VPN pour contourner ce type de censure.
03:09 Il n'y a pas de possibilité technique.
03:12 On est vraiment dans le même cas de figure qu'à l'époque d'Adopie,
03:15 qui avait été une grande humiliation pour tout le personnel politique.
03:18 Souvenez-vous le parfait pronostic de Christine Albanel.
03:21 On est exactement dans les mêmes délires de supposition de solutionnisme technologique.
03:27 A l'époque, l'idée c'était de filtrer les sites qui proposaient des contenus copyrightés en téléchargement illégal.
03:34 On est exactement dans le même solutionnisme,
03:37 et ça va être exactement la même grande séquence pour les activistes dans mon genre de grande rigolade
03:42 et de mise en abîme de l'ignorance de l'électronisme des élites.
03:47 Il n'y a pas de possibilité technique pour résoudre le problème,
03:50 qui est un vrai problème, l'accès au porno par les mineurs.
03:54 C'est un vrai problème, il y a besoin d'y réfléchir,
03:56 il y a besoin de trouver des solutions sociétales,
03:59 mais malheureusement, il n'y a pas de solution technique.
04:02 - Fabrice Eppelbois, vous avez parlé du porno,
04:04 une autre mesure contenue dans le projet de loi Vis-à-Donner.
04:06 Je cite "Plus de pouvoir à l'ARCOM",
04:08 c'est l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
04:11 pour bloquer les sites X pour les mineurs.
04:14 On dirait que ce n'est pas trop tôt, mais est-ce que c'est réaliste ?
04:18 - Alors, la bonne nouvelle c'est que l'ARCOM est dirigée par quelqu'un de compétent,
04:22 qui elle sait à quel point cette idée de solutionnisme technique est idiote.
04:27 En dehors de ça, on est encore une fois exactement dans la même problématique
04:31 de l'époque ad hopi où il s'agit de couper la connexion, de filtrer les choses.
04:35 Ça va demander tout un dispositif technique qui est totalement, totalement irréaliste.
04:40 - Alors, il y a quand même, je cite, "de nouveaux moyens"
04:44 pour lutter contre la désinformation,
04:46 notamment pour préciser le cadre qui permettrait de bloquer la diffusion d'un média dans certains cas.
04:52 Est-ce que là, ça ne pose franchement pas question sur la liberté d'expression ?
04:56 - La liberté d'expression est très relative en France,
04:59 elle n'est pas garantie, ce n'est pas un droit constitutionnel.
05:02 - Ce qui est le cas aux Etats-Unis.
05:04 - Ce qui est le cas aux Etats-Unis, même si c'est sérieusement revenu en question aux Etats-Unis,
05:08 mais en tout cas c'est dans la constitution américaine.
05:10 En France, on est dans une zone beaucoup plus grise,
05:13 donc il est tout à fait envisageable que l'État décide d'interdire certains canaux, certains médias.
05:19 Il l'a déjà fait avec RT, même si ça s'est passé au niveau européen.
05:22 On pourrait tout à fait imaginer demain multiplier ces interdictions.
05:26 Là encore, ça se contourne très facilement.
05:29 Rappelons quand même qu'Internet a été, avant d'être un problème dans le monde occidental,
05:33 un outil de libération pour tout un tas d'autres pays,
05:36 et que le savoir-faire est extrêmement répandu, et ce depuis un bon bout de temps.
05:39 - Mais excusez-moi, lutter contre la désinformation quand c'est dans un projet de loi,
05:44 est-ce qu'on ne se dirige pas un peu vers un minivers, le ministère de la vérité,
05:48 comme en parlait George Orwell, dans 1984 ?
05:52 Parce que par exemple, on pourra vous empêcher de sortir un scandale
05:55 qui concernerait des gouvernants, ou un député, ou un sénateur,
05:58 ça pose quand même beaucoup de questions, non ?
06:00 - C'est des haltas. On a déjà des lois qui, dans les 6 mois qui précèdent une élection,
06:05 permettent de bloquer un média, fusse-t-il, médiapart, révélé en scandale.
06:09 Ces lois n'ont pas été appliquées pour l'instant,
06:11 parce qu'on imagine que l'effet serait cataclysmique,
06:14 on aurait ce qu'on appelle un effet strésante.
06:16 La volonté par le gouvernement de censurer un média,
06:19 ce n'est pas tant plus appétant aux yeux des électeurs,
06:22 donc le résultat serait probablement catastrophique.
06:25 Mais malgré tout, on est en train de mettre en place un cadre législatif
06:28 qui, demain, permettra de faire ça à une échelle massive.
06:31 Reste à voir qui sera au pouvoir le jour où ça sera utilisé à une échelle massive.
06:35 L'architecture juridique est en place et se renforcera en ce moment même.
06:39 - Dernière question, Fabrice Epelboin,
06:41 les débats à l'Assemblée nationale, en particulier sur la réforme des retraites, ont été houleux.
06:45 Est-ce qu'on peut imaginer des débats houleux sur ce projet de loi en cours ?
06:49 - Non, en aucun cas.
06:50 D'abord parce qu'on a, encore une fois, l'expérience d'Adopie,
06:53 que les débats étaient ridicules, pas houleux, c'est très différent.
06:56 - Mais la composition de l'Assemblée a changé entre temps aussi.
07:00 - Pas tant que ça. En termes de compétences techniques, pas tant que ça.
07:03 On compte sur les doigts de la main, les gens qui, au sein de l'Assemblée nationale,
07:06 sont capables de comprendre les enjeux techniques derrière toutes ces questions.
07:09 Les autres ont des présupposés, des croyances, qui reposent essentiellement sur du sable.
07:15 Ils ne comprennent pas l'objet technique qu'ils doivent légiférer,
07:18 c'est le cas pour la plupart des objets techniques,
07:20 et donc ils vont faire appel à la technologie pour trouver une solution au miracle.
07:23 Malheureusement, la technologie, ça ne marche pas comme ça.
07:25 - Merci beaucoup Fabrice Eppelboin, entrepreneur notamment de Creative Technologies,
07:29 professeur au CELSA Sciences Po Paris et à l'IAE Poitiers.

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