• l’année dernière

Chaque jour, Romain Desarbres et ses invités font un point complet sur l'actualité.
Retrouvez "Europe 1 Midi" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Europe 1 Midi, Romain Desarbres.
00:03 Vendredi thème dans Europe 1 Midi, vendredi thème autour de l'éducation, la fin de l'enfant roi.
00:10 Vous voyez ce dont on vous parle sur Europe 1 aujourd'hui, l'enfant roi, l'enfant à qui on cède tout.
00:16 On en parle avec Marie-Estelle Dupont. Bonjour Marie-Estelle Dupont.
00:20 Bonjour Romain.
00:21 Merci beaucoup d'être avec nous, psychologue clinicienne spécialisée en psychopathologie,
00:26 neuropsychologie, psychosomatique et formée en psychologie transgénérationnelle.
00:31 Et j'ajoute, auteur du livre "Comment réussir son divorce".
00:34 Mais bon, là il n'est pas question d'éducation, quoique peut-être.
00:37 Mais merci beaucoup d'être avec nous Marie-Estelle.
00:41 La fin de l'enfant roi, déjà est-ce que vous pourriez nous définir l'enfant roi ?
00:44 Qu'est-ce qu'un enfant roi ?
00:47 Alors il y a eu toute une idéologie suite à mai 68 où il fallait jouir sans entrave et où il était interdit d'interdire.
00:55 Et le problème c'est que le petit homme, quand il arrive sur Terre, il va rencontrer des contraintes.
01:03 Et si on ne lui pose pas des limites et des interdits qui l'aident à se structurer,
01:07 il ne sait pas comment aborder l'autre, il ne sait pas comment aborder la relation, il ne sait pas comment aborder le réel.
01:12 Donc l'enfant roi, c'est l'extrême inverse de l'enfant soumis au père Fouettard.
01:19 Et en fait, entre ces deux extrêmes, évidemment, il y a tout un chemin d'éducation
01:25 où progressivement on présente à l'enfant les règles qui structurent le monde,
01:29 les lois qui structurent le réel, la relation à l'autre et en fait la relation à soi-même aussi.
01:34 Donc je crois que tout l'enjeu de l'éducation, c'est d'apprendre à l'enfant à se respecter,
01:38 à se faire respecter et à respecter l'autre.
01:40 Et les dérives de l'enfant roi, bon d'abord c'est parfois parce qu'on cède à la paresse et à la facilité qu'on a du mal à poser un nom.
01:47 Mais finalement, c'est reculer pour mieux sauter et ça rend l'enfant extrêmement capricieux.
01:52 Capricieux d'abord et avant tout parce qu'il est angoissé, c'est-à-dire qu'un enfant qui pense qu'il peut tout faire
01:58 est un enfant qui forcément va avoir le vertige à un moment donné.
02:01 Et quand on peut tout faire, au bout d'un moment, on est tenté de faire n'importe quoi.
02:05 Donc il y a eu cette idéologie à un moment donné qui a créé beaucoup de dégâts
02:10 avec des enfants qui avaient du mal à se structurer autour des grands interdits.
02:14 Et notamment, on sait bien que ce qui structure la société, c'est l'interdit du meurtre et l'interdit de l'inceste.
02:20 Et ces grands interdits se déclinent à travers tout un tas de limites.
02:24 Voilà, donc apprendre à poser le nom progressivement dès le début de la vie
02:28 à travers des interdits qui sont d'abord des interdits de protection,
02:31 c'est très important et il ne faut pas confondre l'interdit de protection et l'interdit de soumission.
02:37 On ne dit pas non à l'enfant pour le soumettre, on apprend à l'enfant qu'il va devenir adulte
02:42 et que comme papa et maman, il devra respecter certaines règles.
02:46 Et en réalité, ça rassure énormément les enfants et ça les aide à se responsabiliser.
02:50 Et c'est comme ça qu'ils prennent confiance en eux, c'est en apprenant à respecter des règles,
02:54 notamment à travers le jeu.
02:56 Les jeux de société, ce sont des règles et des interdits et ça, ce sont des interdits structurants.
03:00 Est-ce qu'il y a un profil type de parents qui font des enfants rois ?
03:05 Est-ce que ça vient des parents à la base ?
03:08 Qui laissent faire, qui se laissent un peu dépasser ?
03:13 Alors, il peut y avoir des profils très variés.
03:15 Parfois, ça repose sur un manque de confiance en soi des parents.
03:18 Si on est honnête, le parent, c'est quand même le métier le plus difficile du monde
03:24 et c'est celui pour lequel il y a le moins de formation.
03:26 On apprend sur le tas et nos enfants viennent au monde aussi avec une personnalité.
03:33 Il y a des enfants à qui il est plus difficile de poser des limites que d'autres.
03:36 Parfois, le parent est désemparé parce que l'aîné était très facile
03:40 et puis le second va être plus rebelle, va beaucoup plus questionner,
03:44 va beaucoup plus provoquer.
03:46 Donc, il va falloir apprendre à répéter, répéter, répéter
03:49 jusqu'à ce que l'interdit soit intériorisé.
03:51 Il y a des parents qui, tout simplement, manquent de confiance en eux.
03:54 L'enfant est instinctif, il le sent très bien.
03:57 Il sent quand est-ce qu'il peut.
03:59 Il sent que, par exemple, avec maman, ce n'est pas la peine d'essayer,
04:01 mais que papa va peut-être céder.
04:03 Il va voir du côté de papa pour obtenir ce qu'il n'a pas eu avec maman ou l'inverse.
04:07 Il y a parfois un manque de confiance en soi des parents,
04:10 un manque de connaissance en psychologie, en fait,
04:13 avec des sortes de, comment dire, de malentendus
04:18 où on pense qu'on va traumatiser l'enfant en lui disant non
04:20 ou en lui posant une limite.
04:22 Alors qu'en fait, si on distingue bien la fermeté et la violence,
04:27 il ne s'agit évidemment pas d'humilier l'enfant.
04:29 Il ne faut jamais humilier un enfant et certainement pas devant les autres.
04:32 Il ne faut jamais rabaisser un enfant,
04:34 mais il faut lui signifier qu'on a un amour pour son être qui est inconditionnel
04:39 et que c'est en vertu de cet amour inconditionnel
04:41 que par conséquent, en figure d'autorité,
04:44 on peut critiquer ce qu'il dit ou ce qu'il fait.
04:47 Tu as le droit de tout penser, mais tu n'as pas le droit de tout faire
04:49 et tu n'as pas le droit de tout dire.
04:51 Et quand tu veux dire quelque chose de négatif, il y a une manière de le dire
04:54 de sorte que l'autre ne soit pas blessé,
04:57 de sorte que tu ne perdes pas tes copains, etc.
05:00 Donc avec les tout-petits, c'est déjà leur apprendre à demander
05:03 et ne pas taper ou arracher un jouet des mains de l'autre.
05:09 Parce que l'enfant ne sait pas. L'enfant est un embryon social.
05:13 C'est-à-dire que quand il arrive, il a une appétence pour le lien
05:15 puisque l'être humain a besoin de lien pour sa survie.
05:18 Mais il ne sait pas qu'il faut demander.
05:20 Donc on lui apprend à verbaliser sa demande.
05:23 On lui apprend à différer son désir.
05:26 Et cet interdit n'est pas traumatique.
05:27 Il n'est pas violent dès lors qu'on respecte les besoins de l'enfant
05:31 et qu'on lui apprend à différencier ses besoins,
05:34 qui ne sont pas négociables, et ses désirs.
05:37 Là, tu as besoin de dormir, donc tu vas faire un temps calme.
05:39 Ça n'est pas négociable.
05:41 Et tu as envie de jouer, mais tu vas jouer un peu plus tard.
05:43 Quand tu auras dormi, on pourra faire ça.
05:46 Et le fait de lui expliquer, de lui répéter.
05:49 Et s'il ne respecte pas l'interdit de poser une sanction
05:53 qui est adaptée, évidemment, à son âge et encore une fois,
05:56 qui n'est pas violente.
05:57 Il ne s'agit pas de l'humilier ou de lui donner des coups.
06:02 L'enfant l'intègre et l'enfant s'apaise.
06:04 C'est-à-dire qu'on a confondu parfois l'amour et la permissivité.
06:08 Mais aimer quelqu'un, ce n'est pas l'autoriser à faire n'importe quoi.
06:12 On sait très bien que quand un ami est ivre,
06:15 on ne le laisse pas prendre sa voiture.
06:16 De la même manière, quand on aime son enfant,
06:18 on lui pose des interdits pour le protéger du danger.
06:21 Ce danger peut être un danger physique,
06:23 mais ça peut être un danger relationnel.
06:25 Si tu tapes ton copain systématiquement
06:27 quand tu ne veux pas jouer à la même chose que lui,
06:29 tu vas perdre ton copain.
06:30 Et l'enfant le comprend très bien.
06:32 Il faut vraiment se dire qu'un enfant n'est pas débile
06:35 et que l'enfant comprend qu'on lui explique les choses.
06:37 Et que quand ça fait trois fois qu'il vous provoque
06:39 et qu'il répète la même bêtise, il a besoin d'être contenu.
06:42 Il a besoin qu'on aille dans une pièce isolée avec lui
06:45 et qu'on lui dise "maintenant, tu te calmes".
06:47 Et ensuite, on retourne avec les autres.
06:49 Ce qui est important, c'est de ne jamais basculer dans l'humiliation,
06:51 de ne jamais attaquer son être,
06:52 de ne jamais lui dire "tu es nul", "tu es sale", etc.
06:56 Parce que là, on attaque sa confiance en lui.
06:58 Et si on attaque sa confiance en lui,
07:00 il sera tenté de faire encore plus n'importe quoi
07:02 parce qu'il se vivra comme quelqu'un de mauvais
07:04 et il s'identifiera à l'idée qu'il est mauvais.
07:06 - Monique nous appelle au 3921.
07:10 Marie-Estelle Dupont, restez bien avec nous, évidemment.
07:13 Monique nous appelle de la Nièvre.
07:14 Bonjour Monique.
07:15 - Oui, bonjour monsieur.
07:17 - Vous étiez enseignante en collège
07:19 et les deux dernières décennies, ces vingt dernières années,
07:22 vous nous dites que vous avez vu la montée en puissance des enfants rois.
07:25 - Oui, tout à fait.
07:28 Et quand j'ai entendu ce matin qu'un de vos thèmes d'émission
07:31 serait sur l'enfant roi, j'ai sauté sur mon téléphone.
07:35 - Vous avez très bien fait.
07:36 - Alors, j'étais donc en collège,
07:39 j'ai pris ma retraite en 2000
07:42 et j'ai à l'âge de 60 ans,
07:45 donc ce qui me fait 83 ans.
07:47 Alors donc, dans ces deux décennies précédentes, 2000,
07:51 j'ai commencé à recevoir des mamans,
07:54 des mamans surtout,
07:56 qui me trouvaient trop sévère,
07:57 chose qui ne s'était jamais produite jusque-là.
08:01 Nous avions dans les classes des élèves enfants rois
08:04 qui n'acceptaient pas les frustrations
08:08 et qui pensaient pouvoir se dispenser de travailler.
08:12 Dans le carnet de liaison,
08:14 nous trouvions, de la part des parents,
08:17 je ne veux pas que mon enfant fasse sa punition.
08:21 Alors, ce n'était pas tous les jours,
08:23 mais c'était assez souvent.
08:25 Ils refusaient donc les punitions
08:28 qu'on pouvait donner aux enfants.
08:30 Autant vous dire que les professeurs,
08:33 avec les professeurs, mes collègues,
08:35 nous faisions la démarche auprès du conseiller d'éducation
08:38 pour que la punition se fasse.
08:41 De mon point de vue, j'irais jusqu'à dire
08:44 que cette situation peut expliquer,
08:47 en partie bien sûr,
08:49 certains désordres de rue,
08:52 en particulier ceux qui ont précédé ceux de maintenant.
08:56 Parce que, si vous voulez,
08:59 je pense qu'on est allé trop loin
09:03 dans le fait que ces enfants...
09:06 Il était compliqué de travailler avec eux.
09:10 J'ai bien entendu ce que disait la personne avec vous.
09:14 Marie-Estelle Dupont.
09:16 Si vous voulez, un enseignant...
09:18 Moi, j'étais prof de maths,
09:20 j'avais un élève de 4 heures par semaine.
09:23 Il est compliqué pour un enseignant
09:25 de pratiquer ce que préconise...
09:29 - Je parlais des parents, je ne parlais pas des enseignants.
09:31 Les enseignants ne sont pas là pour éduquer les enfants.
09:33 - Je parle des enseignants,
09:34 parce qu'on aurait bien aimé pouvoir faire quelque chose.
09:37 Mais ça nous paraissait impossible.
09:40 - Vous ne pouvez pas remplacer les parents, bien sûr.
09:43 - Parce que pour qu'un élève soit bien en classe,
09:47 il faut qu'il y ait un accord, parents et professeurs.
09:51 - Parents, professeurs.
09:52 Monique ?
09:53 - Bien sûr, c'est très important ce que dit Monique.
09:55 - Oui, et j'aimerais revenir sur un point
09:57 de ce que nous a dit Monique,
09:58 avec vous Marie-Estelle Dupont,
10:00 psychologue clinicienne notamment.
10:03 Est-ce que les enfants rois font plus facilement des délinquants ?
10:07 Alors, tous ne deviennent pas,
10:08 mais c'est ce que dit en clair Monique.
10:10 - C'est-à-dire que le rôle des parents,
10:15 c'est d'apprendre à l'enfant à gérer son impulsivité.
10:17 Et si les parents n'ont pas fait ce travail d'éducation en amont,
10:20 c'est impossible pour l'enseignant de faire son travail d'instruction.
10:23 Parce que si les parents, en tant que figure d'autorité,
10:26 disqualifient l'autorité du professeur,
10:30 c'est exactement comme quand deux parents au sein du foyer
10:32 ne sont pas d'accord.
10:33 Donc si l'enfant voit une incohérence
10:34 entre deux figures d'autorité,
10:36 il va s'engouffrer dans la brèche.
10:38 C'est obligatoire.
10:40 Donc si les parents n'ont pas un discours très clair
10:42 vis-à-vis de l'enfant à la maison en disant
10:44 "Quand tu es dans l'enceinte de l'école,
10:46 la figure d'autorité c'est le professeur.
10:48 Donc si j'apprends que tu as manqué de respect à ton professeur,
10:51 non seulement tu auras la sanction du professeur,
10:53 mais je te sanctionnerai à la maison."
10:55 C'est ça le discours que le parent doit tenir.
10:57 C'est-à-dire que l'enfant doit sentir qu'il n'y a pas une feuille
11:00 de papier à cigarette entre la parole d'autorité
11:03 qui est posée à la maison et la parole du professeur.
11:05 Après que le parent aille discuter avec la maîtresse en disant
11:08 "Vous savez, mon enfant a tel trouble
11:09 où en ce moment à la maison c'est comme ça,
11:11 donc peut-être qu'il est plus turbulent à l'école
11:13 parce qu'il y a des soucis à la maison."
11:15 - Mais ça ne doit pas arriver aux oreilles de l'enfant.
11:17 - Mais d'abord, ça ne doit pas arriver aux oreilles de l'enfant.
11:20 Et ensuite, il faut que les parents préparent l'enfant
11:22 à recevoir les consignes du professeur.
11:24 Bien évidemment, sinon on met les professeurs
11:26 dans la situation où s'est trouvé Monique.
11:28 Et ça explique en partie, je suis d'accord avec elle,
11:29 l'augmentation de la violence et des passages à l'acte.
11:32 Parce que des enfants qui sont laissés devant la télé
11:34 parce que la télé remplace la baby-sitter,
11:36 c'est des enfants qui ne sauront pas gérer leur impulsivité.
11:39 C'est des enfants qui vont passer à l'acte
11:41 et donc qui ne seront pas prêts,
11:42 qui ne seront pas dans les bonnes conditions cognitives
11:44 pour recevoir les apprentissages à l'école.
11:46 - Merci beaucoup Estelle Dupont, c'est passionnant.
11:49 Merci beaucoup Monique qui nous a appelés de la Nièvre.
11:52 Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne,
11:55 spécialiste en psychopathologie et auteure du livre
11:58 sur un autre sujet, quoique ça reste le sujet de la famille,
12:00 "Comment réussir son divorce".
12:03 12h57, tiens, les rendez-vous européens.
12:05 Clap avec Laurie Chollet-Wah, le samedi de 17h à 18h demain.
12:10 Olivier Marchal pour son film "Pour l'honneur"
12:13 qui sera en salle le 3 mai.

Recommandations