"J'ai été menacé de mort" : un journaliste malien, exilé en France, témoigne

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News
Transcription
00:00 Journée mondiale de la liberté de la presse, France 24 publie avec d'autres médias une lettre ouverte,
00:05 une adresse aux autorités maliennes et burkinabés.
00:08 Ces médias demandent la fin des pressions, des menaces qui pèsent sur leurs journalistes nationaux et étrangers.
00:14 Bonjour Malik Konaté.
00:15 Bonjour.
00:16 Merci d'être en plateau sur France 24.
00:17 Vous êtes journaliste malien.
00:19 Vous avez quitté votre pays il y a de ça huit mois maintenant.
00:22 Oui.
00:22 Pour quelle raison ?
00:23 Alors j'ai quitté le pays il y a presque huit mois de cela, comme vous l'avez si bien dit.
00:29 J'ai quitté le pays le 1er septembre pour aller à Dakar, parce qu'il y a eu pas mal de menaces,
00:35 des intimidations, des appels aux meurtres.
00:37 Et ce qui a fait que j'ai quitté le pays, pour aller se mettre à l'abri,
00:42 pour ne pas être victime des personnes qui veulent atteindre mon image et mon intégrité physique.
00:49 Vous avez été menacé de mort.
00:50 Oui, j'ai été menacé de mort parce qu'il y a des individus qui m'ont appelé au téléphone,
00:53 qui m'ont envoyé des vocaux aussi sur WhatsApp,
00:56 et il y a des gens aussi qui ont fait des vidéos live sur les réseaux sociaux.
00:58 Vous savez, actuellement dans notre pays, il y a un système qu'on appelle "videoman",
01:02 entre guillemets, qu'on appelle les cyberactivistes,
01:05 qui s'adonne aussi souvent à injurer, calomnier et aussi diffamer des journalistes
01:11 qui essayent de faire leur travail, parce que les gens n'arrivent pas à comprendre chez nous,
01:14 entre l'information et la communication.
01:16 La communication officielle ?
01:18 Oui, la communication officielle du gouvernement, c'est de communiquer sur un aspect
01:22 ou de communiquer sur une activité ou un événement.
01:25 Mais les journalistes sont là pour donner une information.
01:27 L'information, ce n'est pas pour dire ce que le gouvernement pense,
01:30 mais c'est de dire ce qui se passe réellement sur le terrain.
01:34 Donc je pense qu'il y a des soutiens forouches des régimes
01:37 qui pensent que nous les journalistes, nous sommes contre les régimes
01:40 où nous sommes les déstabilisateurs, qui sont là pour déstabiliser la transition.
01:43 Parce que moi, je suis journaliste et reporter d'images,
01:45 et je traite avec une agence qui est une agence de fournisseurs d'images,
01:49 des médias, surtout des médias français.
01:50 Et quand on voit ces images-là, à travers que ce soit France 24 ou d'autres médias français,
01:56 on pense que je suis manipulé en quelque sorte par la France.
01:59 Et cet individu pense que je suis payé aussi par l'Occident ou payé par l'Élysée
02:03 pour déstabiliser la transition ou terner l'image du pays.
02:06 – On vous a souvent reproché, notamment ces images tournées pour BFM TV
02:10 qui attestent de la présence de Wagner au Mali,
02:13 et ça vous a apporté beaucoup de problèmes.
02:17 – Tout à fait, ce reportage m'a coûté vraiment beaucoup de choses
02:20 parce que depuis la diffusion de ce reportage, le 31 octobre 2022,
02:25 j'ai été victime de pas mal d'attaques sur les réseaux sociaux
02:28 jusqu'à ce que j'ai été appelé par la brigade d'investigation judiciaire,
02:32 et ensuite aussi j'ai reçu à la maison par ma famille des hommes armés en civil.
02:40 Et ensuite de cela, parce que ces reportages-là,
02:43 je sais que les gens n'ont pas compris, je vais essayer de clarifier un peu.
02:46 Dans ces reportages-là, mes images ont été utilisées,
02:49 et il y a d'autres images qui ont été fournies par l'armée française
02:52 telles que l'image de Gauzy.
02:53 Ce n'est pas mes images, tel que d'autres reportages aussi,
02:56 quand on regarde dans ce reportage-là,
02:57 il y a d'autres intervenants aussi tels que les espèces en la matière,
03:01 mais ce reportage a été tourné, c'est-à-dire initié par Benoît Sarra du BFMTV,
03:06 et non Malik Kounaté.
03:07 Comme vous le savez, en tant que journaliste et reporter d'images,
03:10 et en quelque sorte pigite d'une agence qui fournit des images à des chaînes,
03:16 mes images sont quand même utilisées quelque part.
03:18 Dans ce reportage-là, moi mon rôle c'était vraiment de tourner une séquence
03:22 avec le mouvement Yéra Oulo.
03:24 C'est un mouvement pro-russe et anti-politique française au Mali.
03:28 Donc j'étais juste là pour récolter des informations,
03:31 interviewer quelques leaders de ce mouvement,
03:33 et une fois fini, j'ai envoyé mes images à BFMTV.
03:36 C'est BFMTV qui a vraiment récolté ces images,
03:39 monté le sujet et fait son reportage.
03:42 Et nous, une fois qu'on envoie nos images,
03:44 on n'a plus le droit d'auteur sur ces images,
03:45 parce qu'on envoie avec une section de droit.
03:47 Donc nos images ont été utilisées, même une partie.
03:51 Quand on regarde aussi sur ces reportages,
03:53 il y a une image qui a été utilisée,
03:55 telle que l'image du ministre de la Défense, le ministre Sadio Kamara.
03:58 Son image a été utilisée.
04:00 Cette image a été utilisée principalement
04:02 le lendemain du coup d'État au ministre de la Défense.
04:05 Mais les gens pensent que tout ce qui a été dit dans ce reportage-là,
04:08 c'est Malik Konaté en quelque sorte qui a tourné.
04:10 Et c'est Malik Konaté qui est là pour terner l'image de l'armée
04:13 ou déstabiliser la transition.
04:15 Je vais déstabiliser la transition comment ?
04:17 Les personnes qui ont été interviewées,
04:19 ils ont donné les raccords et ils ont donné les raccords
04:21 pour que je puisse être sur le lien et tourner ces images-là.
04:24 Moi, je pense qu'aujourd'hui,
04:26 notre métier n'est pas compris par certains de nos concitoyens.
04:29 Raison pour laquelle nous sommes victimes,
04:31 parce qu'avec l'avènement des réseaux sociaux et des influenceurs
04:34 qui n'arrêtent pas du tout à nous vilipender sur les réseaux sociaux,
04:37 injurer jusqu'à ce que nous menacions des morts
04:39 et jusqu'à ce qu'on allait attaquer un journaliste dans son bureau.
04:42 Parce que j'ai été attaqué dans mon bureau le mois de juin 2022.
04:46 – Physiquement ?
04:47 – Non, ils ont caissé quand même mon véhicule,
04:49 ils ont brisé le vitre et ils sont partis.
04:52 J'ai essayé de porter plainte,
04:53 à chaque fois que je porte plainte, il n'y a pas de suite.
04:55 Mais une fois que quelqu'un porte plainte contre l'individu de Mali Konate
04:58 ou quelqu'un d'autre ou un autre journaliste,
05:00 quelque part, je ne peux pas dire qu'il est opposable,
05:04 mais qu'il est critique par rapport à la transition,
05:07 tout de suite, on t'envoie quelqu'un pour ça.
05:09 Maintenant, je vais encore préciser,
05:11 aujourd'hui, il n'y a aucun journaliste malien qui est en prison actuellement.
05:15 Et les journalistes ne sont pas séquestrés en quelque part,
05:18 mais quand même, il y a une menace qui est là.
05:20 Et cette menace-là, c'est aux autorités vraiment de protéger ces journalistes-là,
05:23 parce que les journalistes, quand même,
05:25 doivent être protégés en quelque part par rapport à…
05:28 – Justement, Malik, j'imagine que vous êtes encore en contact
05:31 avec des confrères qui sont restés au Mali.
05:33 Et comment est-ce qu'ils font pour informer de manière libre
05:36 et transparente leurs concitoyens ?
05:37 – Aujourd'hui, actuellement, il y a deux choses,
05:39 soit de s'autocensurer et suivre la ligne,
05:43 ou de se faire vilpander sous les réseaux sociaux.
05:46 – Donc, on retranscrit le discours officiel dans le lien.
05:47 – Exactement.
05:48 Soit de s'autocensurer, de rester calme,
05:53 ou le contraire, quand on essaie de faire notre travail,
05:56 vous allez être vilpandés sous les réseaux sociaux.
05:58 Donc, j'ai vraiment de la peine de mes confrères qui sont actuellement au pays.
06:01 Comme je l'ai dit, il n'y a aucun journaliste actuellement en prison
06:03 qui a été pris pour le meurtre en prison.
06:05 Mais de toutes les façons, il y a quand même une menace qui est là.
06:07 Les gens ont peur de s'exprimer, parce que tout simplement,
06:09 une fois qu'ils s'expriment, ou une fois qu'ils essayent de faire un reportage
06:12 sur un sujet bien déterminé, ils sont vilpandés par les réseaux sociaux
06:15 ou essayent d'être menacés aussi par ces militants.
06:18 – Vous diriez que le sort des journalistes s'est dégradé
06:21 depuis l'arrivée de l'agent, ou la situation était déjà très compliquée avant ?
06:25 – Depuis l'arrivée du coup d'État, jusqu'à maintenant,
06:29 je peux dire que la situation s'est dégradée,
06:31 parce qu'actuellement, comme je l'ai dit,
06:33 on assiste à une sorte de haine envers les journalistes,
06:39 parce qu'ils pensent que les journalistes doivent toujours communiquer
06:41 au lieu de donner une information.
06:43 Je veux bien préciser aussi, les journalistes ne sont pas là
06:46 pour être contre ou pour, mais les journalistes sont là pour rencontrer les faits
06:49 et aussi donner une information, et aussi les communiquer officiellement.
06:53 Comme je l'ai dit, souvent, on a tendance à voir,
06:56 une fois si on demande par exemple l'acquisition des équipements militaires,
07:00 si on demande quelles sont les clauses du contrat,
07:02 et quelles sont les contrats de passage sur les marchés,
07:06 comment ils sont passés, et ils ont été achetés par combien de Français, etc.
07:10 On nous pose la question, ce n'est pas notre droit.
07:12 Alors que le rôle d'un journaliste, c'est vraiment d'enquêter sur ces choses-là,
07:16 et informer le grand public.
07:17 Moi, je pense qu'aujourd'hui, on doit laisser les journalistes travailler,
07:19 parce que les journalistes ne sont pas là contre ou pour,
07:21 mais on est là pour réinformer le peuple.
07:23 – Vous espérez bien sûr rentrer au Mali ?
07:25 – Oui, je compte bientôt retourner au pays,
07:26 une fois que la situation se stabilise,
07:28 et une fois que les autorités prennent les dispositions nécessaires pour ma sécurité,
07:31 parce que j'ai quitté le pays, en tout cas,
07:32 parce que ma sécurité n'était pas du tout en bon état, assurée.
07:37 Merci beaucoup Malik Konaté pour votre point de vue et témoignage à apporter ici.

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