L'interview du général Bruno Clermont

  • l’année dernière
Consultant Défense, le Général Bruno Clermont, était l’invité de Romain Desarbres dans #LaMatinale sur CNEWS.

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Transcript
00:00 Le général Bruno Clermont est avec nous ce matin.
00:02 Bonjour mon général.
00:03 Bonjour Romain.
00:04 Merci d'être avec nous.
00:05 Déjà, une première question,
00:07 je voulais que vous nous expliquiez
00:08 ce que vous portiez sur votre veston.
00:10 C'est le Blue Head France.
00:11 C'est le Blue Head France,
00:12 de l'association du Blue Head France,
00:14 qui vient en aide à toutes les victimes des guerres,
00:16 les blessés, les familles, les veuves,
00:18 également les victimes du terrorisme.
00:20 C'est une association qui a été créée
00:22 après la Première Guerre mondiale
00:23 et qui était un peu tombée en désuétude
00:25 dans ses activités
00:26 et qui a été remise au goût du jour
00:28 par le président Hollande en 2012.
00:30 Le 8 mai et le 11 novembre,
00:32 c'est le moment de la collecte des fonds
00:34 pour le Blue Head France.
00:35 On est le 8 mai.
00:37 On est le 8 mai,
00:37 on célèbre la victoire de 39-45,
00:40 la fin de la guerre,
00:41 la paix qui dure depuis 78 ans
00:44 dans l'ouest de l'Europe.
00:45 Est-ce que vous dites qu'on est reparti
00:47 pour 78 ans de paix
00:50 dans l'Europe de l'ouest ?
00:52 C'est difficile de fixer les limites
00:53 de l'Europe de l'ouest.
00:54 En tout cas, on peut constater que,
00:56 en Europe, avec la guerre en Ukraine,
00:58 nous ne sommes plus en paix,
00:59 mais nous sommes rentrés en guerre.
01:01 Et les pays européens redécouvrent
01:03 que l'histoire est tragique.
01:04 Ils redécouvrent ce qu'ils avaient appris
01:06 au siècle dernier, le XXe siècle,
01:08 le siècle de toutes les guerres,
01:09 de guerre mondiale,
01:10 le communisme, le nazisme,
01:12 des massacres de très grande échelle.
01:14 Donc, effectivement,
01:15 le réveil est un peu brutal,
01:16 mais ça nous rappelle
01:17 que l'histoire est tragique
01:19 et que les sacrifices
01:19 des générations précédentes,
01:21 eh bien, on en a bénéficié
01:22 pendant 78 ans, vous l'avez dit,
01:24 mais que rien n'est jamais acquis
01:26 et qu'il faut donc être vigilant
01:27 et se préparer à toutes
01:29 les situations possibles.
01:30 Un tout petit peu d'histoire,
01:31 un petit peu plus contemporaine
01:32 que 39-45, c'est François Mitterrand
01:34 qui a remis au goût du jour
01:36 le 8 mai.
01:37 Oui, c'était un peu compliqué,
01:38 la date du 8 mai,
01:39 mais finalement, depuis 1981,
01:41 le 8 mai est un jour férié
01:43 et c'est le jour où on célèbre
01:44 à la fois la victoire des Alliés
01:45 et surtout la capitulation,
01:47 la capitulation sans condition
01:48 de l'Allemagne, avec une capitulation
01:50 qui a été signée en deux fois.
01:51 Une première fois à Reims, le 8 mai
01:53 et une deuxième fois,
01:54 à la demande de Staline, à Berlin,
01:56 le 8 mai à 23h01,
01:58 qui était en fait 01h01
02:00 pour l'Union soviétique.
02:01 Donc, c'est pour ça que demain,
02:03 la Russie célèbrera notre 8 mai,
02:05 le 9 mai.
02:06 Voilà, et VGE,
02:07 les régis cardestins,
02:09 ne voulaient pas qu'on célèbre le 8 mai.
02:11 Le problème du 8 mai,
02:12 c'est qu'on rappelle quand même
02:13 les tensions, cette guerre impitoyable
02:16 entre la France et l'Allemagne
02:18 et que l'Union européenne
02:20 vise à rétablir, à réinstaurer
02:22 une relation de paix amicale
02:24 avec l'Allemagne.
02:25 Donc, il avait préféré supprimer le 8 mai
02:27 et faire du 9 mai la journée de l'Europe,
02:30 qui est toujours la journée de l'Europe,
02:31 qui est le jour où Robert Schuman
02:33 fait sa déclaration,
02:34 qui va lancer la communauté européenne
02:36 du charbon et de l'acier.
02:37 Donc, c'est une date importante.
02:38 Demain aussi, c'est la journée de l'Europe.
02:41 Il y a la guerre en Ukraine, évidemment.
02:42 Pour l'instant, elle est circonscrite
02:44 à l'intérieur des frontières de l'Ukraine.
02:46 Est-ce qu'il faut craindre qu'elle déborde
02:48 quand on voit que les Russes
02:50 accusent les Ukrainiens
02:51 de leur tirer dessus des drones ?
02:54 On en a parlé la semaine dernière
02:55 avec ce qui s'est passé au-dessus du Kremlin.
02:56 On ne sait pas bien ce qui s'est passé exactement.
02:59 Est-ce que vous craignez qu'elle ne déborde ?
03:00 En fait, elle a déjà débordé.
03:02 Elle a débordé de manière épisodique,
03:04 mais elle a débordé lorsque les Ukrainiens
03:07 ont attaqué des bases aériennes stratégiques russes
03:10 à plus de 400 km de la frontière.
03:11 C'était en décembre et en janvier dernier.
03:13 Mais elle déborde de manière très épisodique.
03:16 Aujourd'hui, elle déborde de manière
03:17 plus systématique parce qu'on est rentré
03:19 dans la première phase
03:20 de la contre-offensive ukrainienne.
03:21 Et cette première phase,
03:22 elle va consister à s'attaquer
03:24 au deuxième échelon de l'armée russe
03:27 qui est déployée en Ukraine.
03:28 Le deuxième échelon, c'est quoi ?
03:29 C'est les postes de commandement.
03:31 Ce sont les dépôts de munitions
03:32 et dépôts de carburant.
03:33 Et c'est indispensable
03:34 de détruire ces capacités
03:36 avant de lancer la contre-offensive.
03:37 Donc, effectivement, il y a à la fois
03:39 des frappes en dehors de l'Ukraine,
03:41 mais souvent à des distances faibles
03:43 des frontières, puisque les Russes
03:45 ont, en raison de la possession
03:47 par les Ukrainiens d'armes
03:49 de portée de plus en plus longue,
03:51 ont dû reculer leur deuxième échelon.
03:53 Et le deuxième échelon
03:54 est maintenant en Russie.
03:56 Les Russes pensaient
03:56 qu'ils s'étaient protégés en Russie,
03:57 mais les Ukrainiens frappent en Russie.
03:59 Pour l'instant, c'est toléré
04:00 par les Américains.
04:00 Ça ne constitue pas une attaque
04:02 ouverte de la Russie.
04:03 Ça s'inscrit toujours
04:04 dans le but de la guerre,
04:05 qui est d'empêcher l'invasion
04:06 de l'Ukraine par la Russie.
04:08 Où en est-on de l'enquête
04:09 concernant cette attaque de drones
04:10 sur le Kremlin ?
04:13 En tout cas, la Russie accuse
04:14 les Ukrainiens d'avoir mené cette attaque.
04:18 Cette attaque est vraiment très troublante.
04:20 Tout est troublant dans cette attaque.
04:23 La probabilité est que ce soit
04:24 une mise en scène des Russes
04:26 de manière à fédérer la nation russe
04:28 juste avant les cérémonies du 9 mai.
04:30 Mais les seuls qui sont en mesure
04:31 de faire une enquête,
04:32 ce sont les Russes et personne d'autre.
04:34 Et je n'ai pas l'impression
04:35 que les Russes ont envie
04:36 de faire une enquête sur ce sujet.
04:37 Est-ce que les grandes capitales le savent ?
04:38 Washington, Paris avec les Adélites ?
04:41 Difficile à savoir.
04:42 Ça s'est passé la nuit.
04:44 Très peu d'informations sur ce sujet.
04:47 Chaque fois qu'il se passe des choses
04:48 au-delà de la frontière,
04:49 une espèce de chape de plomb
04:50 qui empêche l'analyse de ces événements.
04:55 Donc, je pense que peut-être
04:56 dans très longtemps, on saura
04:58 qui est à l'origine
04:59 et pour quelles raisons,
05:00 officiellement, cette attaque
05:01 sur le Kremlin s'est produite.
05:03 La situation sur le terrain,
05:05 elle est annoncée depuis des mois,
05:06 mais la contre-offensive
05:08 ukrainienne se fait attendre.
05:10 Est-ce qu'il y a des signes
05:11 qui montrent que cette opération
05:13 va être rapidement lancée ?
05:15 La question de rapidement,
05:16 elle est importante.
05:16 Qu'elle va être lancée ?
05:17 Oui, c'est répété à la fois par l'OTAN,
05:20 à la fois par les Ukrainiens.
05:22 Les signes ont commencé.
05:23 Je les ai évoqués.
05:24 Ce sont les attaques
05:26 dans la profondeur
05:27 sur le fameux deuxième échelon.
05:28 C'est d'abord affaiblir la logistique
05:29 avant de lancer l'offensive.
05:31 Mais pour le moment,
05:32 cette contre-offensive
05:33 est extrêmement importante.
05:35 Les Ukrainiens n'auront
05:36 sans doute droit
05:37 qu'à une seule contre-offensive.
05:39 Il faut absolument qu'ils la réussissent
05:41 et pour la réussir,
05:42 ils ont besoin de s'assurer
05:43 que les brigades de manœuvre
05:45 ont les chars, les munitions,
05:46 la logistique prête de manière
05:48 à pouvoir mener une contre-offensive
05:49 décisive et pas s'enliser
05:52 une deuxième fois sur la ligne de front,
05:53 tel que ce conflit en a pris l'aspect
05:56 depuis déjà plusieurs mois.
05:58 Je voulais vous soumettre
05:59 ce qu'a dit le ministre ukrainien
06:01 de la Défense dans le Washington Post.
06:04 Les attentes autour de notre campagne
06:06 de contre-offensive
06:07 sont surestimées dans le monde.
06:09 C'est le ministre ukrainien qui dit
06:11 qu'on surestime les capacités
06:13 de l'armée ukrainienne.
06:15 On peut le croire.
06:16 C'est une stratégie de communication.
06:17 C'est une stratégie militaire bien connue.
06:19 Qu'en pensez-vous ?
06:20 C'est compliqué d'analyser à nouveau
06:21 parce que le ministre dit ça.
06:22 Et puis d'autres responsables ukrainiens
06:24 disent le contraire,
06:25 que la contre-offensive va être décisive
06:27 et qu'il n'y a pas de raison
06:29 qu'elle ne soit pas réussie.
06:31 Je pense que ces signaux mitigés
06:33 doivent appeler l'attention de tout le monde
06:34 sur le fait que ce n'est pas
06:35 aussi simple que ça.
06:36 Que le rapport de force
06:37 sur 1800 kilomètres de front
06:39 entre les forces ukrainiennes
06:41 et les forces russes
06:41 n'est pas aussi simple que ça à analyser.
06:43 On ne connaît pas véritablement
06:44 l'ordre de bataille côté ukrainien
06:46 et l'ordre de bataille côté russe.
06:47 Donc à nouveau,
06:48 c'est effectivement la date
06:51 du lancement de cette contre-offensive
06:52 et la capacité des Ukrainiens
06:53 à s'assurer du fait
06:54 que leur brigade de manœuvre,
06:56 c'est-à-dire à peu près
06:56 entre 50 et 5000 hommes,
06:58 sont prêts à lancer une offensive
06:59 qui percera le front russe
07:01 de manière à regagner du territoire.
07:04 Ça reste le but.
07:04 Le but, c'est de regagner du territoire.
07:06 Les Ukrainiens ont perdu
07:07 entre 16 et 20 % du territoire
07:09 depuis le début de la guerre.
07:10 Et pour ça, c'est inacceptable
07:12 pour les Ukrainiens.
07:12 Donc cette contre-offensive
07:14 vise à regagner du territoire.
07:15 Donc la retardée, c'est aussi attendre
07:16 que la météo s'améliore,
07:17 parce qu'actuellement,
07:19 on est toujours en période de dégel
07:20 et les pistes sont difficilement praticables.
07:22 Donc un certain nombre de conditions
07:23 ne sont pas encore remplies,
07:24 mais elles peuvent être lancées
07:25 insensément.
07:26 Il n'y aura que des militaires
07:28 ukrainiens qui vont la mener.
07:30 Aucun militaire étranger.
07:32 On a parlé de pilotes formés en France.
07:36 Alors, il y a des brigades internationales.
07:37 Il peut y avoir des pilotes
07:39 avec des doubles nationalités,
07:40 mais qui sont ukrainiens.
07:42 En ce qui concerne la formation
07:43 de pilotes en France, à ma connaissance,
07:44 il n'y a pas de formation
07:45 de pilotes en France
07:46 pour piloter des avions de chasse.
07:48 Il y a éventuellement
07:49 la formation de pilotes en France
07:50 pour des missions comme apprendre
07:52 les techniques d'appui aérien
07:53 ou apprendre les techniques d'évasion
07:56 en cas de déjection.
07:57 Mais c'est tout ce que je sais
07:59 de la formation des pilotes ukrainiens
08:00 en France.
08:01 On n'est pas passé au stade
08:02 de livrer des Mirage 2000 à l'Ukraine.
08:05 Pas plus qu'on est passé au stade
08:06 pour le moment de livrer des F-16
08:08 à l'Ukraine.
08:09 Ni des pilotes ?
08:10 Ni des pilotes.
08:11 Alors sur la question des pilotes,
08:12 je reviens à la question
08:13 des brigades internationales,
08:14 la question de la double nationalité.
08:16 Il est possible que dans l'armée
08:17 ukrainienne, parmi les pilotes
08:18 ukrainiens, il y ait par exemple
08:19 des pilotes qui soient à la fois
08:20 ukrainien et polonais et qui
08:22 et qui étant polonais et ukrainien,
08:24 aient décidé de piloter des MiG-29
08:26 pour l'armée ukrainienne.
08:26 Mais je n'ai pas d'informations
08:27 particulières sur le sujet.
08:28 Par contre, ce dont j'ai la conviction,
08:31 c'est que la prudence
08:32 des Occidentaux est totale.
08:34 L'engagement de forces
08:37 de l'OTAN sous uniforme ukrainien
08:39 me paraît
08:39 très improbable
08:42 compte tenu des enjeux de ce conflit.
08:45 Il y a de plus en plus d'attaques
08:46 de drones.
08:46 Ça, c'est un tournant dans le conflit
08:48 ou pas ?
08:49 Alors, l'arrivée des drones est
08:50 effectivement un tournant majeur
08:51 dans ce conflit.
08:52 Il y a deux éléments technologiques
08:53 de ce conflit qui est un conflit
08:55 plutôt à l'ancienne, un conflit
08:56 terrestre, une espèce de guerre,
08:58 de position d'artillerie et de chars.
09:00 C'est l'utilisation des satellites
09:01 Starlink pour
09:03 permettre d'avoir une communication
09:05 efficace du côté des Ukrainiens.
09:07 Et c'est l'arrivée massive des drones,
09:08 une arrivée massive qu'on avait
09:09 déjà sentie dans la guerre
09:11 du Haut-Karabakh, entre l'Arménie
09:13 et l'Azerbaïdjan.
09:14 Et là, effectivement, c'est massif,
09:15 l'arrivée des drones massive, de
09:16 tout type de drones.
09:18 Mais il se trouve que c'est
09:18 également massif du côté russe et
09:20 que les Russes ont été capables,
09:21 en quelques mois également,
09:23 de rattraper le retard qu'ils avaient
09:24 dans ce domaine-là.
09:25 Et les Russes et les Ukrainiens
09:27 utilisent largement les drones pour
09:28 faire trois choses.
09:29 Recueillir du renseignement tactique,
09:31 guider les tirs d'artillerie et
09:33 enfin frapper avec
09:34 des drones qui sont armés ou des
09:36 munitions rôdeuses, des munitions
09:37 téléopérées qui sont un certain type
09:39 de drones également.
09:40 À Bakhmout, ce sont les mercenaires
09:42 de Wagner qui
09:45 mènent l'offensive, qui mènent le
09:47 combat.
09:48 Les mercenaires de Wagner qui ont
09:49 finalement décidé de rester parce
09:51 qu'ils ont obtenu de Moscou des
09:52 munitions. Il y a eu cet appel
09:54 de Pérevchkin, le patron de Wagner,
09:56 qui réclamait des munitions.
09:57 Pourquoi est-ce que c'est Wagner qui
09:58 mène l'offensive ?
09:59 Les Russes n'ont pas assez
10:01 de militaires, ce sont des
10:02 mercenaires Wagner.
10:03 Le choix a été fait, je pense,
10:05 par l'état-major russe, d'envoyer
10:07 Wagner, donc Prigojin, qui est
10:10 un proche de Poutine, qui était
10:11 capable de lever une armée de 40
10:12 000 hommes, qui n'a pas grand chose
10:14 à perdre, qui sont pour la plupart
10:15 des gens sortis de prison et
10:17 qui ont obtenu leur libération en
10:18 allant combattre.
10:19 Et effectivement, c'est Wagner qui
10:21 mène le combat à Bakhmout.
10:23 Et ce combat est
10:25 extrêmement sanglant et terrible
10:26 pour Wagner, dont la moitié des
10:28 troupes ont été décimées en quelques
10:29 mois.
10:30 Demain, donc, c'est le 9 mai,
10:32 le jour choisi par
10:34 les Russes pour célébrer la
10:36 victoire du communisme,
10:38 en tout cas, contre
10:40 le nazisme.
10:41 Vladimir Poutine n'aura pas de
10:42 victoire ukrainienne à mettre en
10:43 avant demain.
10:45 Écoutez, il a essayé d'avoir
10:46 Bakhmout comme victoire.
10:48 Il y a encore quelques heures pour
10:49 y arriver, mais Bakhmout n'est pas
10:50 tombé officiellement, donc il n'aura
10:52 pas grand chose à mettre sous le
10:53 dent.
10:54 L'offensive russe, qui est lancée
10:55 depuis plusieurs mois, a en fait
10:58 récupéré très peu de terrain par
11:00 rapport à ce qu'ils avaient obtenu
11:02 à l'été dernier.
11:02 Donc, c'est une offensive qui s'est
11:03 enlisée dans la bataille de
11:04 Bakhmout.
11:05 Les Ukrainiens ont géré la
11:07 bataille de Bakhmout intelligemment
11:09 en acceptant d'avoir beaucoup de
11:10 pertes à Bakhmout et des pertes
11:12 qui ne sont pas forcément leurs
11:13 meilleures unités, de manière à
11:14 obliger aussi les Russes à avoir
11:16 des pertes et ne pas pouvoir
11:17 revendiquer cette ville symbolique
11:19 pour les cérémonies de demain, du
11:21 9 mai.
11:21 Donc, on ne peut pas dire que
11:23 c'est une victoire des Russes.
11:24 C'est une défaite des Russes dans
11:26 leur incapacité d'atteindre cet
11:27 objectif qui, pourtant, ne semblait
11:30 pas excessivement difficile à
11:31 atteindre.
11:33 Je voulais vous entendre également
11:33 sur l'armée en France.
11:35 Le budget de l'armée, 413
11:38 milliards, ça va être voté,
11:40 413 milliards d'ici à 2030.
11:43 C'est un budget suffisant pour
11:45 protéger le pays ?
11:46 D'abord, c'est un budget
11:47 considérable.
11:48 Il faut reconnaître que depuis
11:49 l'arrivée du président Macron,
11:50 on a arrêté l'hémorragie.
11:52 Vous savez que le budget des
11:53 armées, il est descendu jusqu'à
11:54 27 millions d'euros, c'est-à-dire
11:56 un peu plus de 1 % du PIB.
11:57 Pas 27 millions.
11:58 27 milliards.
11:59 Oui, 27 milliards d'euros, soit
12:01 à peine un peu plus d'un % du
12:03 PIB.
12:03 Donc, on a un retard considérable
12:06 à rattraper et ce budget correspond
12:08 à un effort important.
12:09 Mais ce budget de 413 milliards,
12:10 en fait, il faut le regarder comme
12:11 une tranche de budget.
12:12 C'était 27 milliards par an.
12:14 Alors, c'était 27 milliards par
12:15 an.
12:15 Là, c'est 413 sur 5 ans.
12:17 À la fin des années 90, on passe
12:19 plutôt dans une enveloppe de 45
12:20 à 50 milliards par an dans les
12:22 années qui viennent.
12:23 C'est effectivement considérable,
12:24 mais ce n'est pas suffisant.
12:26 Ce n'est pas suffisant pour
12:26 plusieurs raisons.
12:28 Une raison, c'est que tout le
12:28 retard accumulé en investissement
12:30 pendant toutes ces années que
12:31 j'ai évoquées, depuis les
12:32 dividendes de la paix de 91 à
12:33 2017, est considérable.
12:35 On a perdu une grande quantité
12:36 de chars, une grande quantité
12:37 d'avions, une grande quantité de
12:39 capacités qui nous manquent
12:40 aujourd'hui.
12:41 La deuxième raison, c'est que la
12:42 guerre est devenue de plus en
12:43 plus technologique et de plus en
12:44 plus chère.
12:45 Faire la guerre aujourd'hui, ça
12:47 nécessite de maîtriser des
12:48 espaces nouveaux, l'espace, le
12:50 cyber, la guerre de
12:51 l'information.
12:52 Donc, il faut des investissements
12:53 massifs. Et puis, enfin, le
12:54 dernier point, c'est qu'il se
12:55 trouve qu'on arrive à un moment
12:57 important.
12:57 Il faut renouveler notre
12:59 dissuasion nucléaire, toutes nos
13:01 composantes, la composante
13:02 océanique et la composante
13:03 aérienne. Et ça nécessite un
13:04 investissement majeur à un
13:05 horizon qui est bien au-delà de
13:06 l'ALP, puisque là, on se situe
13:08 entre 2035 et 2040.
13:09 Ça fait en gros 50 milliards qui
13:11 sont hypothéqués pour la
13:13 pérennité de notre dissuasion,
13:14 qui ne sont pas utilisables pour
13:15 faire la guerre tout de suite.
13:17 En général, avec ce budget,
13:19 une question très concrète, on
13:20 peut affronter une guerre de
13:21 haute intensité en France ou pas ?
13:24 Le choix de ce budget n'est pas
13:25 d'avoir une armée.
13:27 Ce n'est pas d'augmenter le
13:28 volume de nos armées, d'avoir une
13:30 armée de masse, d'avoir plus de
13:31 rafales, plus de chars, plus de
13:32 canons.
13:33 Parce qu'au moment du début de la
13:34 guerre en Ukraine, on a dit que la
13:35 France ne pouvait pas mener une
13:36 guerre de haute intensité.
13:37 On tiendrait quelques jours et
13:38 puis on se ferait envahir.
13:40 Alors, vous avez raison.
13:42 On n'était pas en mesure de
13:43 tenir une guerre d'intensité pour
13:44 deux raisons.
13:44 D'abord, parce qu'on n'avait pas
13:45 assez de munitions et il y avait
13:46 des trous capacitaires importants.
13:47 On a évoqué les drones, on peut
13:48 évoquer la défense solaire, on
13:50 peut évoquer l'artillerie longue
13:51 portée.
13:53 Mais également, on n'avait pas
13:55 assez de quantité de tout ça.
13:57 Donc là, le but de l'ALP, ce
13:59 n'est pas d'augmenter le volume
14:01 de nos capacités, c'est de les
14:02 rendre cohérentes, c'est-à-dire
14:03 d'être capables de faire la guerre
14:04 avec tout ce qu'on a.
14:05 Donc oui, effectivement, en 2030,
14:08 à la fin de l'ALPM, alors que la
14:09 loi de programmation militaire est
14:12 le cours de 2024.
14:13 En 2030, on sera en mesure d'avoir
14:15 une armée capable de faire la
14:16 guerre de haute intensité pour une
14:18 durée raisonnable, plusieurs
14:20 semaines, voire plusieurs mois,
14:22 mais pas avant 2030.
14:23 Entre 2024 et 2030, on ne sera
14:24 toujours pas capable.
14:25 On aura des moyens.
14:26 Est-ce qu'on aura des militaires ?
14:27 Je fais référence à cette étude
14:30 qui montre qu'il y a beaucoup de
14:31 militaires qui quittent l'armée
14:33 avant la fin de leur contrat et
14:36 beaucoup qui ne renouvellent pas
14:37 leur contrat.
14:38 L'armée a des difficultés à
14:39 recruter.
14:40 Vous avez raison d'évoquer ce
14:41 sujet.
14:43 Une capacité militaire, ça ne
14:44 fonctionne que si vous avez les
14:46 ressources humaines pour les
14:46 mettre en œuvre, la doctrine pour
14:48 les entraîner, les munitions pour
14:49 s'entraîner.
14:50 Et aujourd'hui, notre armée
14:51 française, c'est la plus petite
14:52 de l'histoire de France.
14:53 Notre armée française, c'est
14:54 207 000 militaires.
14:56 On est 21e dans le rang des
14:58 armées en taille, donc une armée
15:00 de taille réduite.
15:01 Et pourtant, comme toutes les
15:03 armées occidentales, on a du mal à
15:04 recruter parce que le marché de
15:06 l'emploi est compétitif, parce
15:07 que les salaires sont faibles.
15:09 Un militaire du rang engagé, il
15:10 touche à peine le SMIG.
15:12 Un sous-officier qui a deux ans
15:14 d'études, qui a bac +2 et un an
15:16 de formation, il touche aussi à
15:17 peine plus que le SMIG.
15:19 Donc, les salaires sont faibles.
15:21 Les militaires, en fait, restent
15:23 lorsqu'ils ont des capacités
15:25 d'entraînement suffisantes, des
15:26 conditions de vie suffisantes.
15:27 Et toutes les armées occidentales
15:29 sont touchées par ce phénomène
15:30 qui est aussi le phénomène de la
15:31 génération Y, qui a tendance à
15:33 zapper et à ne pas s'installer.
15:34 Par contre, tous les militaires,
15:35 tous les jeunes qui sont passés
15:36 par l'armée, 3, 4, 5 ou 10 ans,
15:39 ils n'ont pas de mal à trouver un
15:40 travail par la suite parce qu'ils
15:41 ont acquis un certain nombre de
15:42 valeurs aujourd'hui qui sont
15:44 indispensables au monde du travail.
15:45 Général Bruno Clermont avec nous
15:47 ce matin. Merci, mon général.
15:49 Et bon 8 mai.
15:50 Merci.
15:51 Également, bon 8 mai à nos
15:52 militaires.
15:53 Merci d'être venu sur le plateau
15:55 de la matinale.
15:56 La matinale qui continue tout de
15:57 suite.
15:58 [Musique]
16:01 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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