Mardi 9 mai 2023, SMART TECH reçoit Raphael Costambeys-Kempczynski (Directeur du pôle éducation et IA, Learning Planet Institute) et Benjamin Bejbaum (Cofondateur, Dailymotion et enseignant en data, Albert School)
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00:00 [Musique]
00:02 [Sonnerie de sonnette]
00:04 Comment apprendre, comment enseigner à l'ère de TchadGPT
00:08 avec cette démocratisation de l'accès des outils d'intelligence artificielle
00:13 qui tombent entre chaque main, entre les mains d'élèves, d'étudiants
00:17 qui peuvent les utiliser pour préparer leurs devoirs.
00:19 Ça génère pas mal d'angoisse, pas mal de questions du côté des enseignants
00:23 mais on voit aussi l'incapacité d'interdire ces outils
00:27 et le potentiel de ces nouveaux outils pour travailler différemment les apprentissages.
00:33 On en parle avec Benjamin Bechbaud, cofondateur, ancien directeur général de Dailymotion.
00:37 Bonjour Benjamin.
00:38 Bonjour.
00:39 Vous êtes professeur de Python et d'analyse des données à Sciences Po,
00:42 à l'école supérieure d'ingénieurs Léonard de Vinci
00:45 et à l'Albert School dans le cursus Data.
00:48 Albert School, un petit mot dessus, on avait reçu le fondateur au moment de l'ouverture de son école
00:54 c'est une business school qui a vraiment mis la data au centre de tous ses enseignements.
00:59 En fait il veut casser la frontière, le fondateur d'Albert School,
01:02 entre cet enseignement d'école de commerce et d'école d'ingénieurs.
01:06 Exactement.
01:07 Pour nous former tous finalement à la data dans tous les secteurs d'activité.
01:12 Avec vous pour ce débat, Raphaël Kostambayes-Kiebzinski,
01:16 vous êtes entrepreneur, journaliste et enseignant-chercheur,
01:19 spécialiste des sciences de la culture,
01:22 directeur du pôle éducation EIA au Learning Planet Institute.
01:26 Là aussi un mot sur le Learning Planet Institute qui a mission d'explorer
01:30 mais aussi d'expérimenter de nouvelles manières d'apprendre
01:34 et de travailler ensemble, de coopérer.
01:36 Déjà est-ce que vous avez une idée l'un ou l'autre du niveau d'utilisation de ChatGPT
01:42 à l'école, par les élèves, par les étudiants ?
01:45 Non.
01:46 Les miens...
01:47 Vous l'utilisez à évaluer parce que j'imagine qu'on ne s'en vende pas ?
01:49 Les miens l'utilisent ? Non, non, on en a parlé,
01:51 on n'a pas fait l'autruche, on a essayé de ne pas faire l'autruche en tout cas.
01:54 Donc on en a parlé et on essaie de trouver ensemble les meilleurs moyens de l'utiliser.
01:58 D'accord. Et quand vous dites les miens, c'est quoi ?
02:00 100% de la classe, des classes que vous avez ?
02:02 Moi j'ai animé une masterclass au sein de mon école,
02:04 donc on l'a tous utilisé, on l'a tous regardé,
02:06 j'ai regardé avec eux, on a regardé ensemble comment ça pouvait nous aider.
02:09 Et vous découvrez l'outil ?
02:11 Certains l'ont découvert avant moi,
02:13 il y a un élève notamment qui est venu me le présenter avant le mois de novembre,
02:18 et moi j'ai découvert en novembre.
02:21 De votre côté, vous avez le sentiment que cet outil s'est très vite intégré dans les routines des étudiants ?
02:29 En tout cas, j'ai tendance à l'encourager chez mes étudiants,
02:34 pas forcément en chat GPT en tant que tel,
02:36 mais les outils IA de nouvelle génération qui sont à leur disposition.
02:41 Quelle est la bonne façon de l'utiliser aujourd'hui cet outil d'intelligence artificielle ?
02:46 Je vais peut-être préciser quelque chose par rapport à mon titre,
02:50 et ça va amorcer ma réponse.
02:52 Je suis juste directeur du Pôle éducation au Learning Planet Institute,
02:56 pas IA, et d'ailleurs nous on insiste sur la nécessité de combiner
03:03 intelligence naturelle, intelligence collective et intelligence artificielle.
03:08 Et les trois vont ensemble, en tout cas on s'efforce à faire en sorte que les trois soient articulés,
03:13 justement pour essayer de trouver des bons équilibres,
03:16 de garder une distance critique par rapport à ces trois formes d'intelligence.
03:21 Parce que l'intelligence naturelle ou l'intelligence individuelle ou humaine,
03:25 elle peut être augmentée par le collectif,
03:27 mais l'intelligence collective doit être intelligente,
03:30 le collectif parfois dérape,
03:32 donc voilà, ça se mesure également,
03:34 et l'intelligence artificielle doit également être mesurée, critiquée,
03:39 on doit prendre ses distances par rapport à cela.
03:42 Je pense que ce qui est important aujourd'hui,
03:44 j'ai écouté Aurélie Jean sur une émission hier,
03:52 qui disait que les chercheurs sont des éclaireurs et non pas des extincteurs,
03:57 et je pense qu'aujourd'hui ce qui est important pour nous,
04:01 c'est déjà de commencer à mesurer la façon dont l'arrivée de ces nouvelles formes d'intelligence artificielle
04:08 impacte l'éducation,
04:10 et de ne pas attendre quelques temps, quelques années,
04:14 pour ensuite se dire "ah bah mince, que s'était-il passé ?"
04:17 C'est important qu'on commence à le faire aujourd'hui,
04:20 parce que ça nous permettra, peut-être, on l'espère,
04:23 de mieux naviguer ces eaux inconnues,
04:25 qui restent encore un peu inconnues,
04:27 de l'arrivée d'outils comme ChatGPT au grand public.
04:32 Mais quand vous dites tous les deux,
04:33 finalement, vous encouragez les élèves à s'intéresser à ces outils et à les prendre en main,
04:38 quelle est la bonne façon de les utiliser ?
04:40 Comment est-ce qu'on devient un meilleur étudiant avec ce genre d'outils ?
04:44 Mon credo à moi en tant qu'enseignant, c'est de donner envie d'apprendre,
04:47 et de maintenir la curiosité.
04:49 On va dire, il y a une cinquantaine d'années, une centaine d'années,
04:52 les machines étaient complètement à nu,
04:54 et on pouvait regarder sous le capot très facilement,
04:56 on incitait à regarder sous le capot.
04:57 On ne pouvait pas utiliser sans apprendre,
04:59 il fallait comprendre pour utiliser.
05:00 C'est le cas de l'informatique jusqu'à la fin des années 90.
05:03 Aujourd'hui, vous regardez un smartphone, ça ne donne plus du tout envie de le démonter,
05:06 ça fonctionne tout de suite, il n'y a plus besoin de comprendre pour apprendre.
05:08 Donc il n'y a plus d'incitation à la curiosité.
05:10 Cette incitation, elle se fait dans la classe,
05:12 elle se fait humainement par un échange humain,
05:14 et c'est le danger de ChatGPT.
05:16 C'est qu'il vient quelque part, il est tellement fort,
05:19 bon alors aujourd'hui il a des limitations,
05:21 ce n'est pas le sujet de l'émission d'en parler,
05:22 mais aujourd'hui il est encore limité,
05:23 on va dire qu'aujourd'hui c'est un mauvais développeur.
05:26 Si vous êtes un mauvais développeur, oui, il faut avoir très peur de ChatGPT aujourd'hui.
05:29 Mais il reste évidemment une place pour les bons développeurs,
05:32 pour l'inventivité et la créativité,
05:34 et surtout dans l'enseignement,
05:35 pour donner envie d'apprendre et transmettre la curiosité.
05:38 C'est surtout ça, je pense que c'est l'attitude qu'il faut avoir en tout cas en cours,
05:42 évidemment pas faire l'autruche,
05:44 certaines écoles ont fait l'autruche,
05:45 on dit j'ai peur, je ne comprends pas, j'interdis,
05:47 évidemment qu'il ne faut pas interdire.
05:48 Un codeur qui n'utilise pas de ChatGPT,
05:50 pour moi ce sera comme un financier sans Excel,
05:52 ça ne fonctionne pas.
05:54 Nous travaillons à Sciences Po,
05:56 Sciences Po c'est les premiers à avoir dit ça,
05:57 on interdit ChatGPT.
05:58 Je ne vais pas commenter,
05:59 au début évidemment, moi aussi quand je l'ai vu arriver,
06:02 j'avoue que j'ai été vacillé, c'est un grand mot,
06:05 mais j'ai pris une plaque quand même.
06:07 Ça fait 30 ans que je suis dans la tech,
06:09 c'est peut-être la plus grosse chose qui est arrivée depuis 30 ans.
06:12 Je récite de réfléchir, mais c'est quand même assez énorme.
06:15 La techno de l'IA qui est derrière.
06:17 Il y a eu la démocratisation d'Internet et puis le smartphone.
06:20 Oui, mais tout ça est arrivé assez progressivement,
06:22 je veux dire là du jour au lendemain,
06:24 il y a eu ChatGPT 3.5, avant ChatGPT 3.5,
06:26 ce n'était pas là, on a l'impression de parler avec un humain.
06:29 Vous pouvez passer 10 minutes,
06:31 alors maintenant on sait comment le mettre dans ses retranchements,
06:34 on voit ses limitations, etc.
06:36 Au début c'était un petit peu,
06:38 est-ce qu'il y a quelqu'un au bout,
06:39 est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un au bout du fil ?
06:41 Et donc voilà, moi ma réaction c'est maintenir l'importance de l'homme,
06:46 c'est-à-dire la machine n'a pas d'envie,
06:48 l'homme il a des envies, c'est nourrir ses envies,
06:50 qu'est-ce que j'ai envie de faire, qu'est-ce que j'ai envie d'apprendre,
06:52 qu'est-ce que j'ai envie de réparer,
06:53 et c'est comme ça à mon avis qu'on va se défendre face à ça.
06:56 Oui, parce que Benjamin nous dit,
06:58 on a perdu cet apprentissage de comment fonctionne la machine,
07:03 de l'intérêt pour le fonctionnement derrière les boîtes numériques,
07:07 là à nouveau il faut quand même remettre les mains dans le cambouis,
07:11 donc ça c'est intéressant, ça veut dire aussi de rappeler
07:13 qu'apprendre le numérique ou apprendre avec des outils numériques,
07:17 ce n'est pas une évidence, ce n'est pas si simple.
07:19 Le tinkering, comme on dit en anglais,
07:22 ce bricolage, effectivement c'est quelque chose,
07:28 je me rappelle d'avoir défait les posters radio dans ma jeunesse.
07:31 Je pense que là où il faut effectivement assister,
07:34 c'est qu'apprendre c'est essentiellement un acte social,
07:38 ça demeure extrêmement important,
07:42 et ensuite tu parlais des 50-100 dernières années,
07:46 je pense qu'on peut même remonter à un demi-millénaire,
07:49 parce que je pense qu'à chaque fois des nouvelles technologies
07:52 comme la presse de Gutenberg, la révolution industrielle,
07:55 l'arrivée du web dans les années 90,
07:58 ça bouleverse, ça bouscule l'acte d'enseigner et l'acte d'apprendre.
08:05 Mais à la sortie du Covid, nous avons bien vu que
08:09 distribuer des clés 4G et des ordinateurs portables aux étudiants
08:14 ne suffit pas pour apprendre avec le numérique,
08:17 et sans doute encore moins avec l'intelligence artificielle.
08:20 Et que là-dedans, il faut imbriquer ces questions-là
08:24 dans une méthodologie d'enseignement et une méthodologie d'apprendre,
08:27 c'est extrêmement important.
08:30 Donc un focus sans doute à faire sur la littératie,
08:34 c'est quelle littératie pour l'intelligence artificielle,
08:38 et comment enseigner et imbriquer l'enseignement de cette littératie
08:42 dans l'ensemble des formations que nous proposons aujourd'hui.
08:45 C'est-à-dire comprendre les codes de l'IA,
08:48 comprendre la production des intelligences artificielles.
08:51 Il y a enseigner avec l'IA, c'est utiliser les outils
08:54 pour augmenter notre capacité d'apprendre ou d'enseigner,
08:57 et il y a enseigner à l'ère de l'IA.
09:00 Et ça, ça nécessite effectivement un regard critique,
09:03 encore une fois, quelle littératie,
09:06 et comment lutter contre les fractures que cela peut aussi amener.
09:11 - Fractures. Alors vous avez employé le terme d'apprentissage,
09:14 c'est un acte social, le terme social.
09:17 Est-ce qu'il y a un risque de déshumaniser l'apprentissage ?
09:20 - Oui, 100%. C'est le premier recueil de tout le monde.
09:23 Quand on a vu JGPT arriver, le premier recueil auquel on pense,
09:26 c'est Skynet, Terminator, c'est la métaphore de la machine
09:29 qui prend le pouvoir, qui peut nous dépasser, etc.
09:32 Évidemment qu'il faudrait être fou pour ne pas y penser,
09:35 mais avant ça, il y aura peut-être la désinformation,
09:38 qui du jour au lendemain auront ce qu'on appelle une IGI,
09:41 une intelligence générale artificielle, et donc qui pourront,
09:44 s'ils sont intentionnés, prendre le pouvoir avant même que la machine le prenne.
09:47 Mais pour moi, avant tout ça, il y a la perte d'utilité.
09:50 Il y a la perte d'utilité de l'homme, et c'est contre ça qu'il faut se battre.
09:54 - Et la perte d'utilité de l'enseignant ?
09:57 Si on reste dans ce sujet ?
10:00 - Quand c'était les caissières, je veux dire, je ne veux pas avoir...
10:03 Quand c'était les caissières ou les dames qui travaillaient au PH,
10:06 je ne vous inquiétais pas, ça va être génial, etc.
10:08 Aujourd'hui, c'est les avocats, les médecins, les codeurs, tout le monde.
10:11 Oui, là maintenant, il y a beaucoup plus de gens qui sont susceptibles d'être remplacés.
10:15 Je veux dire, pour la loi, par exemple, pour le métier d'avocat,
10:18 aujourd'hui, on n'y est peut-être pas encore,
10:21 mais dans quelques mois, on ne pourra peut-être garder qu'un avocat sur 10,
10:24 peut-être qu'un médecin sur 10, peut-être qu'un développeur sur 10.
10:27 C'est fort probable. Et c'est contre ça, à mon avis,
10:30 c'est là-dessus qu'il faut travailler.
10:33 Ces outils vont peut-être sauver des grands problèmes de l'humanité,
10:36 que ce soit le réchauffement climatique, que ce soit les maladies, que ce soit la pauvreté.
10:39 Donc, il faut garder espoir à les utiliser et réfléchir à comment pas se faire en.
10:44 Oui, mais Benjamin, sur l'enseignant, est-ce qu'on aura besoin d'un enseignant sur 10
10:47 ou au contraire de 10 fois plus d'enseignants pour nous apprendre à les utiliser ?
10:51 Potentiellement, mais ça dépend de ce qu'on appelle par enseignant.
10:53 Pour moi, la vision de l'enseignant, c'est surtout quelque part,
10:56 ce que j'enseigne est peut-être un prétexte au rapport humain.
10:59 Si c'est pris dans ce cas-là, à ce moment-là, non, ça ne remplacera pas les enseignants.
11:03 Pour ceux qui ne sont pas là pour prendre du plaisir,
11:07 qui ne sont pas là pour excéder, mais qui sont là juste pour gagner de l'argent le plus vite possible,
11:11 oui, à ce moment-là, peut-être qu'il n'y a plus besoin.
11:13 Ça dépend de ce qu'on cherche.
11:15 Dans le rapport de l'UNESCO sur l'intégré consensus de Beijing,
11:22 un des points qui est souligné, c'est la nécessité d'avoir une approche systémique
11:26 sur le bouleversement de l'arrivée des IA sur la cartographie des emplois.
11:31 Ce qui est intéressant, c'est que ce rapport sort en mai 2019,
11:35 avant l'arrivée de Chad GPT, avant le Covid.
11:38 Et voilà, mai 2019, on est presque quatre ans plus tard, d'ailleurs.
11:43 Et voilà, on revient à cette question, être éclaireur et non pas extracteur, anticiper.
11:50 Parce que quatre ans plus tard, on commence à avoir ces discussions qui ont déjà été pointées.
11:53 Et vous pensez qu'il y a un risque d'avoir moins d'enseignants demain,
11:57 moins besoin d'enseignants demain ?
11:59 Non.
12:00 Pour moi, le risque, il existe.
12:03 Si on va vers, on ne pense qu'à la recherche du profit instantané,
12:08 oui, il y a un risque.
12:10 Il y a un risque parce qu'effectivement, ce sera moins cher d'apprendre avec Chad GPT.
12:13 Aujourd'hui, il est limité, dans un an, il le sera beaucoup moins.
12:16 Il pourra tester le code qu'il produit, il pourra aller sur Internet.
12:19 Je veux dire, beaucoup de gens seront extrêmement tentés chez eux de se dire
12:23 je vais me faire deux ans de formation de Chad GPT.
12:25 Oui.
12:26 Je pense qu'il y a deux questions.
12:29 Est-ce qu'il y aura moins d'enseignants ?
12:31 Est-ce qu'il y a besoin de moins d'enseignants ?
12:33 Oui, tout à fait.
12:35 Est-ce qu'il y aura moins d'enseignants ?
12:37 Peut-être, effectivement, il y a sans doute un risque.
12:39 Mais peut-être qu'on a, au contraire, besoin d'autant plus d'enseignants.
12:42 Mais ça, il faut prendre conscience.
12:44 Pour nous accompagner sur ces nouveaux apprentissages.
12:46 Il faut inciter à cette prise de conscience.
12:47 J'invite à écouter l'interview de Sam Altman, qui est le fondateur d'OpenAI et de Chad GPT.
12:51 Il a fait une interview fluff qui dure plus d'une heure par l'Express In Man, qui est fantastique.
12:55 C'est peut-être le mec qui a le plus peur.
12:58 Il y a beaucoup de gens qui disent "c'est génial, c'est fantastique", etc.
13:01 Lui, il montre, il dit qu'il a des petites craintes, mais il explique clairement tous les écueils possibles.
13:07 Et il dit clairement que cette perte d'utilité, on n'en parle pas assez.
13:10 Et c'est le fondateur de Chad GPT.
13:12 Oui.
13:13 Mais il appelle aussi à des règles éthiques.
13:16 Exactement.
13:17 Il dit "je ne veux pas être seul à gérer ça, c'est trop potentiellement".
13:20 Ça ne les empêche pas d'avancer.
13:21 Mais bien sûr qu'il faut avancer.
13:22 C'est pour ça, mais de la même façon, c'est pour ça que l'éducation nationale, les enseignants, les élèves,
13:28 il n'y a pas moyen de se mettre des œillères.
13:31 Ce sont des outils qui commencent à entrer dans notre quotidien.
13:36 Ça ne va faire que s'accélérer.
13:37 Mais soyons rigoureux par rapport à l'utilisation de ces nouvelles intelligences artificielles.
13:44 Et soyons rigoureux aussi par rapport à l'évolution de notre métier.
13:47 Qu'est-ce que vous pouvez donner comme conseil aux enseignants par rapport à cette transformation ?
13:53 De ne pas avoir peur de l'outil et se demander finalement si ce type d'outil permet d'automatiser un certain nombre de nos tâches d'enseignant.
14:03 Peut-être que cela nous libère du temps pour se concentrer sur ce qui n'est pas automatisable.
14:10 Et donc peut-être que cela nous donne plus de temps à développer ce qu'on appelle les compétences métacognitives.
14:17 On parle aussi de l'esprit critique, mais on peut parler d'agentivité, ce qu'on appelle en anglais "agency".
14:24 C'est les Canadiens qui nous offrent la traduction française d'agentivité.
14:28 Donc développer ces capacités à agir sur le système plutôt que de subir.
14:32 Et de développer aussi une autre compétence métacognitive dont on parle souvent aujourd'hui, c'est la question de la résilience.
14:38 Mais tout cela dans la co-construction de nouveaux savoirs, ce qui est stimulant, c'est cela.
14:44 Souvent on peut dire que les systèmes éducatifs traditionnels sont un peu tournés vers les connaissances du passé.
14:52 Ce que nous savons déjà et on va explorer et apprendre ces connaissances du passé.
14:59 Et par cet apprentissage, on va développer l'esprit critique.
15:02 Aujourd'hui, peut-être qu'il faut co-construire de nouveaux savoirs avec ces approches pluriels, pluridisciplinaires,
15:09 comme propose Harvard School, ce qui est tout à fait très intéressant,
15:13 pour co-construire les nouveaux savoirs dont nous avons besoin,
15:17 non pas uniquement pour faire face à l'arrivée de Chad GPT, mais pour soigner notre planète, tout simplement.
15:25 Et imaginer un avenir au-delà du réchauffement climatique et d'autres.
15:31 Est-ce que tous ces savoirs du passé pourraient être plus automatisés ou délégués au logiciel ?
15:38 Je ne sais pas, je te laisse peut-être...
15:41 Non, j'allais donner un exemple très concret.
15:43 C'est la Khan Academy qui utilise la technologie de Chad GPT pour développer un tuteur d'intelligence artificielle qui s'appelle le Khan Migo.
15:58 On rentre dans un développement d'apprentissage adaptif, très intéressant,
16:04 qui essaie d'individualiser au maximum le parcours de l'apprentissage, au niveau de l'apprenant, au niveau individuel.
16:12 Quelque chose que nous ne pouvons pas faire en tant qu'enseignant devant une classe de 20, 30 ou 40 étudiants,
16:19 mais que l'intelligence artificielle peut offrir.
16:23 Et donc là, nous rentrons dans un rôle de médiateur.
16:27 Il y a des expérimentations très intéressantes.
16:30 Il y a un professeur aux Etats-Unis qui s'appelle Hauman, qui travaille sur la dissertation et qui finalement dit...
16:38 Effectivement, aujourd'hui, les étudiants peuvent demander à Chad GPT de sortir une dissertation.
16:42 Donc on va demander à Chad GPT de sortir une dissertation.
16:45 Et je vais demander à mes étudiants de disserter sur cette qualité directionnelle de Chad GPT,
16:52 sur les arguments qui sont présentés, comment ils sont présentés, etc.
16:55 Et donc là, on est à nouveau dans le développement de l'esprit critique.
16:58 Et on s'appuie sur ces technologies-là pour une avancée positive.
17:03 La réponse qu'on essaie d'apporter à l'Albert School, c'est curiosité, plaisir, collaboration.
17:10 En tout cas, c'est la réponse que moi, j'essaie d'apporter.
17:12 C'est ce qui va très bien et l'école Albert offre un écran parfait pour cet esprit-là.
17:16 Curiosité, plaisir, c'est-à-dire qu'on n'est pas là que pour trouver les outils.
17:20 On est là aussi pour prendre du plaisir dans ce qu'on fait.
17:22 Et donc inciter à la curiosité.
17:24 Et les élèves aiment ça et ça se sent.
17:27 Et surtout, collaborer. Que eux collaborent entre eux.
17:29 Et qu'il y ait une vraie collaboration entre le prof et l'élève.
17:31 Qu'il ne soit pas une approche que top-down où je vais faire ingurgiter du savoir à des gens.
17:36 Non, ça ne marche plus, ça.
17:38 Ça offre un environnement de pédagogie par projet aussi, par exemple.
17:41 Je voulais quand même vous interroger sur la manière dont on va pouvoir évaluer les élèves dans leurs apprentissages.
17:49 Il va falloir changer aussi les méthodes de notation, de qualification d'un bon apprentissage.
17:55 Comment est-ce qu'on peut faire évoluer ces méthodes ?
17:57 Moi, je fais du PCM papier sans ordinateur et sans téléphone.
18:00 Je sais que ça paraît très...
18:02 Oui, mais là, vous restez sur la méthode de notation classique.
18:05 Pour moi, la note, elle est importante.
18:07 Aki, nonaki.
18:08 La note, elle est importante.
18:09 Ce qui est important pour moi, c'est que tout le monde apprenne.
18:11 Au fur et à mesure de l'année, je vais aider tout le monde.
18:13 Ceux qui avancent plus vite, ceux qui avancent moins vite, etc.
18:15 C'est ça qui est important.
18:16 À la fin, il faut donner une note pour voir si tout le monde a bien travaillé, bien appris.
18:22 Pour moi, le PCM papier, il est parfait.
18:24 Il permet de savoir si l'élève comprend ce qui se passe.
18:27 Ça nous permet de donner une note.
18:28 Et à côté de ça, évidemment, on fait des choses comme on fait des analyses de données.
18:34 À l'oral, où l'élève vient, il va se présenter, il va parler.
18:36 Et les détecteurs anti-ChatGPT, c'est utile ?
18:40 Moi, dans mon domaine, non.
18:41 Ça, c'est intéressant quand on fait de la dissertation ou quand on fait de l'écrit.
18:45 Quand on fait du code, non, c'est moins...
18:47 Votre avis là-dessus sur les méthodes d'évaluation des élèves ?
18:50 Il y a plein de façons d'évaluer de façon différente.
18:52 Donc, ce qui vient en tête, c'est la note.
18:55 C'est l'évaluation distributive.
18:57 On connaît très bien ces courbes où il y a un gros paquet qui ont 10,
19:00 et puis voilà, peu qui ont 20 et très peu qui ont zéro.
19:02 Mais il y a beaucoup d'autres façons d'évaluer.
19:05 Il y a les agréments de narratives, où on rédige avec les étudiants
19:09 des rapports sur leur parcours d'apprentissage,
19:12 les compétences acquises, comment les compétences ont été acquises, etc.
19:15 Et puis, même dans une logique distributive, la note classique,
19:20 il y a plein de collègues qui pratiquent du "open book examinations",
19:25 où on dit "Vous venez avec tout le matériel dont vous avez besoin,
19:29 il n'y a pas de problème".
19:31 Il n'y a pas de triche possible, finalement,
19:33 parce que le sujet lui-même amène ses réflexions.
19:36 - Que fait-on à partir de tout ce matériel ?
19:38 - Ça dépend des domaines.
19:40 - Ça dépend des domaines.
19:41 - Mais comment est-ce que vous allez qualifier un bon apprentissage
19:45 à l'ère de l'IA ?
19:46 Qu'est-ce qu'un bon apprentissage ?
19:48 - Pour moi, c'est s'il a apprendu le plaisir, si je le vois en classe,
19:52 si quand je donne un sujet d'exercice, ça démarre bien,
19:56 et que je comprends qu'il est en train d'apprendre,
19:59 et que ça va bien se passer.
20:01 Je pense qu'il faut accepter la pluralité de la situation,
20:04 que ce soit au niveau de l'évaluation,
20:06 qu'une pluralité de modes d'évaluation sont possibles,
20:09 et qu'on peut combiner à l'infini, et c'est ça qui est intéressant.
20:12 Et pour l'apprentissage, je rejoins cette notion de plaisir.
20:15 L'idée, aujourd'hui, c'est de créer ce qu'on appelle, nous,
20:18 au Learning Planet Institute, une société apprenante,
20:21 où on anime cette passion, mais pour qu'elle dure toute la vie.
20:26 Et ce qui est important, c'est qu'une fois ayant quitté
20:29 le système éducatif, on continue à vouloir apprendre.
20:32 - D'avoir envie d'apprendre. - Oui, mais ça devient
20:34 de plus en plus exigeant, parce que, je ne sais pas pour
20:37 vous provoquer de dire ça, mais les élèves peuvent aussi se dire
20:40 "Bon, ces apprentissages-là, finalement, moi, j'en ai pas besoin,
20:43 puisque j'ai une machine, un logiciel, qui peut me les restituer
20:46 quand j'en ai besoin". Donc, qu'est-ce qui reste intéressant
20:50 à apprendre, et donc à enseigner, à l'école ?
20:53 - Aujourd'hui, dans le code, c'est pas encore le cas.
20:55 C'est-à-dire que, pour l'instant, le GPT ne peut pas remplacer mes étudiants.
20:58 Parce que, même s'il apporte beaucoup de pistes intéressantes,
21:01 et il est parfois impressionnant de lui citer,
21:04 il dit quand même beaucoup de bêtises avec un aplomb déconcertant.
21:07 - Tout vérifié. - Mais vraiment, un aplomb déconcertant.
21:09 C'est-à-dire qu'il vous parle bien, puis vous dit "Non, mais c'est comme ça",
21:12 il dit "Une grosse allerie", vous lui dites "Tu t'es trompé",
21:14 il dit "Ah oui, pardon", et il ressort une grosse allerie.
21:16 Donc, pour l'instant, on n'y est pas encore.
21:18 Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais on n'y est pas encore.
21:20 - Raphaël, sur comment vous voyez l'enseignement dans le futur,
21:24 pas aujourd'hui, mais comment ça va évoluer,
21:26 cette redéfinition de l'enseignement ?
21:29 - Alors, je vais les dire dans mes mots, j'ai tendance à dire qu'il faut accepter
21:32 que l'enseignement sera quelque chose de non linéaire,
21:35 et qu'on est aujourd'hui dans cette navigation des eaux troubles ou inconnues,
21:41 et que nous avons à avoir une posture d'accompagnement
21:45 dans la co-construction de nouveaux savoirs avec nos étudiants,
21:48 et plus être dans la posture de la voix du maître,
21:53 de la voix de la maîtresse, qui sait tout,
21:56 et que Tchad GPT peut être un bon ami,
22:01 à partir du moment où on a soi-même les connaissances nécessaires
22:05 pour évaluer la qualité des réponses qui sont données.
22:07 C'est là où je rejoins Benjamin.
22:09 La qualité des réponses qui sont données.
22:11 Si on ne maîtrise pas les connaissances nécessaires,
22:14 pour analyser la qualité de ces réponses...
22:17 - C'est là la difficulté, comment vérifier que l'étudiant a les connaissances nécessaires
22:21 pour juger les résultats.
22:23 - Il faut les transmettre, et d'ailleurs ça peut devenir un sujet d'examen,
22:26 c'est-à-dire, demande à Tchad GPT de faire ça, où est-ce qu'il se trompe, débugle-le.
22:29 - On revient à cette capacité d'analyser les réponses qui sont données.
22:32 - On peut peut-être commencer par là, comme premier conseil aux enseignants.
22:35 Merci beaucoup à tous les deux, Benjamin Bejbaum, enseignant en data chez Albert School,
22:38 Raphaël Kostambay-Kiebzinski, du Pôle éducation au Learning Planet Institute.
22:43 On se retrouve juste après la pause, on va parler de notre nouvelle relation au travail,
22:47 avec là aussi cette transformation numérique qui est venue s'immiscer.