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FBI _ le dossier Chaplin - J. Edgar Hoover - Documentaire portrait - AMP

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00:00 Les services secrets américains ont récemment déclassifié un étonnant document.
00:07 Il s'agit d'une enquête de 2000 pages consacrée au cinéaste le plus populaire de son temps, Charlie Chaplin.
00:16 Tout au long de sa carrière, Edgar Hoover, le puissant patron du FBI, a nourri ce dossier,
00:22 persuadé que le cinéaste était un dangereux agitateur communiste.
00:26 Pendant 50 ans, il n'a cessé d'espionner sa vie privée, de le mettre sur écoute,
00:33 de surveiller son entourage, ses relations sexuelles et sentimentales, de scruter ses films.
00:39 Du premier mémo daté de 1922 jusqu'à la dernière note datée de 1978,
00:49 ces pages nous racontent l'histoire de cet impitoyable traque.
00:55 Le duel qui opposa les deux hommes pendant près d'un demi-siècle
00:59 est à l'image des courants idéologiques qui n'ont cessé de déchirer l'Amérique jusqu'à ce jour.
01:05 Comment ce grand pays démocratique en est-il arrivé à bannir Chaplin, ce grand humaniste,
01:11 à bafouer les principes les plus fondamentaux de la liberté d'expression ?
01:16 Pour comprendre ce divorce, il faut remonter aux années 1910,
01:20 lorsque le jeune britannique de 25 ans débarque aux États-Unis avec la troupe de musicale de Fred Carnon.
01:26 Lorsque Chaplin arrive à Los Angeles, Hollywood est en passe de devenir la capitale du 7e art.
01:37 Ce n'est pas encore une industrie, tout juste de petites sociétés de production artisanale.
01:42 L'une d'entre elles, la Keystone, dirigée par Max Ennette,
01:47 l'embauche pour les courts-métrages qu'elle produit à la chaîne.
01:50 Pourtant, dès son troisième film, on ne voit que lui sur l'écran.
01:54 Sa silhouette de vagabond et ses déboires font hurler de rire un public déjà conquis.
02:00 Chaplin a toujours été au bon endroit au bon moment.
02:04 Il est arrivé à Hollywood quand le cinéma commençait à se développer.
02:09 Si on regarde le personnage de Charlot dans ses attributs vestimentaires,
02:13 il a des godasses trop grandes, il a des culottes trouées, mais il a un chapeau melon, il a une canne, il a une rodingote.
02:20 Il a un bas qui est extrêmement modeste, pauvre, et un haut qui est extrêmement noble.
02:25 Il s'est donné une moustache parce qu'il disait qu'avec une moustache, cela lui permettait de le vieillir un peu.
02:30 Les attributs vestimentaux qu'il a choisis contenaient déjà les ingrédients de ce qu'allait constituer
02:36 la personnalité même de ce personnage à la fois humble et digne.
02:40 Charlot est né. Le succès est immédiat.
02:44 Désormais, Chaplin va donner plus de substance à la figure du vagabond.
02:48 Il va voir Max Sennett, le producteur qui l'a embauché, pour lui dire « tes films, ça vaut pas beaucoup, je veux maintenant produire mes propres films ».
03:00 Max Sennett se sent mal de lui dire non et lui donne un coup d'essai.
03:05 Alors qu'il réalisait ses propres films, il voulait de plus en plus d'indépendance.
03:10 Il cherchait toujours plus de liberté pour pouvoir faire les films comme il l'entendait.
03:14 Avec plus de 70 films réalisés pour la Keystone, SNA, Mutual, First National,
03:20 Chaplin se constitue en moins de 4 ans une fortune colossale.
03:24 Dès 1917, il lance la construction de ses propres studios à Los Angeles.
03:30 Il élabore des histoires satiriques qui prennent pour cible ces messieurs en haute forme,
03:36 que l'on en tarte ou bien ces policiers lourds d'eau à qui l'on botte les fesses.
03:40 Le maigre et souffreteux vagabond, symbole des opprimés, se transforme insensiblement en icône.
03:47 Charlot, l'irrévérent, le marginal, le révolté, devient le porte-parole des plus faibles.
03:56 Chaplin se taille, de film en film, une réputation de pamphlétaire.
04:01 Et Charlot va faire de Charlot non seulement un vagabond,
04:07 il va en faire un vagabond travailleur, un vagabond immigrant.
04:12 Il multiplie les représentations du personnage de ce vagabond,
04:16 qui sont toujours des personnages de condition modeste.
04:22 Il y a dans l'écriture chaplinienne, dès les débuts, dès 1915 et 1916,
04:27 une sorte de métaphore de David et Goliath, qui va se poursuivre pendant toute la vie de Charlot.
04:34 Il était vraiment conscient de l'oppression sociale sur les plus faibles.
04:41 Ce qui n'est pas surprenant au regard de son enfance.
04:46 Cette conscience de l'injustice sociale ne l'a jamais quittée.
04:52 Dans "Les migrants", il dénonce les mensonges de la propagande américaine
04:56 en montrant les brutalités des autorités contre les étrangers qui arrivent à New York,
05:00 sous le regard bienveillant de la liberté, éclairant le monde.
05:04 De film en film, les gardiens de la morale perçoivent cette critique de la loi et de l'ordre
05:09 comme une charge subversive contre les valeurs puritaines de cette Amérique,
05:13 qui sort à peine des temps héroïques de la conquête de l'Ouest.
05:18 Alors que près de 4 millions de citoyens américains s'embarquent pour prêter main forte aux Français et aux Anglais,
05:24 on reproche vivement à Chaplin de refuser la citoyenneté américaine.
05:29 Charlie était considéré comme un mauvais citoyen,
05:31 parce que Charlie Chaplin a toujours refusé de demander la nationalité américaine.
05:35 Il disait "Je suis un citoyen du monde, je n'ai pas besoin d'une nationalité supplémentaire
05:40 à celle que le hasard m'a donnée."
05:42 Pourtant, malgré son rejet du discours patriotique,
05:45 il n'hésite pas à soutenir la campagne gouvernementale visant à collecter des fonds, les bonds,
05:50 destinés à soutenir l'effort de guerre.
05:54 Il va plus loin encore dans son engagement,
05:56 en réalisant dans ses propres studios et à ses frais,
05:59 un petit film de propagande destiné à financer l'armement des citoyens.
06:04 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
06:09 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
06:14 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
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06:24 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
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12:00 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
12:03 Chaplin a été un des premiers à faire face à la question de la nationalité américaine.
12:06 Dans une Amérique profondément puritaine,
12:09 qui dans l'après-guerre va même vivre la prohibition,
12:12 Charlie a choqué énormément d'Américains bien-pensants.
12:15 Il se moque d'une part de l'Amérique.
12:18 Puisque ça, il les ridiculise.
12:21 Il est à contre-courant de cette société conservatrice.
12:24 Par contre, il est adulé de la part des masses.
12:32 Les masses apprécient, comme dit Charlie Chaplin,
12:35 qu'on vote le derrière des bien-pensants et des gens de pouvoir de cette société.
12:38 La Ligue des familles appelle au boycott de ses films.
12:41 Mais il n'y a pas que Chaplin qui déplie au milieu puritain.
12:44 Il y a toute une partie de la population américaine
12:47 qui est effectivement préoccupée par le contenu des films.
12:50 Donc, il y a évidemment un discours religieux qui poussait à un effort moral,
12:53 si nécessaire, à militer pour une forme de censure des contenus.
12:56 Pour les producteurs d'Hollywood, elle est très dangereuse.
12:59 Elle va diffuser certains films, donc elle aura un coût direct financier.
13:02 Et donc, il y a un enjeu économique très important.
13:05 Il faut trouver le moyen de dire que l'on fait quelque chose
13:08 pour éviter la régulation par les autorités publiques.
13:11 Et ce moyen, c'est de fonder une association,
13:14 qui est l'Association des producteurs d'Hollywood, la MPPDA,
13:17 et de faire adopter par ce MPPDA une sorte de code de bonne conduite.
13:20 Les producteurs nomment à la tête de cette association
13:23 l'avocat et sénateur républicain William Hayes.
13:26 C'est un des très influents du parti américain,
13:29 qui va être désigné à partir de 1922 à la tête de cette toute jeune,
13:32 toute nouvelle association des producteurs et distributeurs de films.
13:35 Il va la présider jusqu'en 1945.
13:38 D'abord, il crée un organe de relations publiques,
13:41 et puis il a une seconde stratégie,
13:44 qui est de commencer à mettre en place des sortes de pré-codes.
13:47 La première mesure prise par ce syndicat de producteurs
13:50 est l'obligation d'un certificat de moralité pour toute personne
13:53 qui est à l'écran.
13:56 Désormais producteur et distributeur de ses propres films,
14:00 Chaplin est devenu totalement indépendant
14:03 et échappe donc aux règles qu'imposent les majors à leurs artistes.
14:06 Il devient d'autant plus dangereux
14:09 qu'il n'a de compte à rendre à personne.
14:12 Il va se mettre à dos les pouvoirs,
14:15 et particulièrement le FBI.
14:18 En août 1922, Hoover confie à son agent spécial Hopkins
14:21 une mission de surveillance de Charlie Chaplin.
14:24 Après enquête, Hopkins adresse son rapport à Hoover.
14:28 C'est le tout premier des nombreux mémos
14:32 consacrés aux relations politiques du cinéaste.
14:35 L'agent spécial rend compte d'une réception donnée par Chaplin
14:38 à son domicile de Los Angeles.
14:41 Elle relève que parmi les invités,
14:44 il y a des sympathisants bolchéviques et des radicaux hollywoodiens.
14:48 Elle insiste sur la présence du leader syndicaliste communiste,
14:51 William Foster.
14:54 Hopkins relate qu'au cours de la soirée,
15:00 Chaplin aurait critiqué Will Hayes et déclaré
15:03 "Nous sommes contre toute forme de censure,
15:06 et en particulier contre celle des presbytériens."
15:09 Il serait même allé jusqu'à afficher une banderole dans ses toilettes
15:12 sur laquelle était inscrite "Welcome Will Hayes".
15:15 Lorsqu'Hoover transmet ce rapport à Will Hayes,
15:18 celui-ci l'informe que le cinéaste ne participe pas aux réunions du MPPDA
15:21 et qu'en plus, il refuse de se soumettre
15:24 aux règles mises en place par les producteurs.
15:27 Il propose une plus étroite collaboration entre le FBI
15:30 et le MPPDA afin de censurer toute propagande séditieuse dans les films.
15:33 Cet échange d'informations entre les deux organismes
15:38 va perdurer jusqu'en 1945.
15:42 (Musique)
15:45 Persécuté par les médias, surveillé par le FBI,
16:03 encadré par le MPPDA, Chaplin est cerné de toutes parts.
16:07 (Musique)
16:10 - En 1927, soumis à nouveau à de la pression extérieure sur le contenu des films,
16:16 il faut adopter un deuxième pré-code de bonne conduite
16:19 qui s'appelle les "Don'ts and be careful",
16:22 donc les "ne pas faire" et les "soyez attentif à"
16:25 qui listent 11 choses à ne pas montrer ou à ne pas faire à l'intérieur des films
16:28 et une trentaine de choses sur lesquelles il faut se montrer prudent.
16:33 Par exemple, il est conseillé de ne pas montrer la nudité
16:36 ni de se moquer de la religion
16:39 ou bien même encore d'encenser le crime et l'adultère.
16:42 - N'ayant pas de moyens de sanction, on s'arrangeait de la règle,
16:46 on la contournait avec la complicité des producteurs d'Hollywood
16:49 et donc on répétait pour faire passer un film,
16:52 c'est "six wheels of sins, one of salvation",
16:55 donc six bobines de péché et une bobine pour sauver le film
16:58 et sauver les âmes, donc sauver le film en même temps.
17:02 - Commencer dans l'insouciance, les années folles se terminent dans le drame.
17:05 New York, jeudi 24 octobre 1929.
17:09 La bourse de Wall Street s'effondre.
17:13 Le pays plonge dans une grave crise économique.
17:16 Plus de 12 millions de personnes, soit un quart de la population active,
17:19 se retrouvent au chômage.
17:22 La crise fait également exploser la pauvreté.
17:25 2 millions d'Américains sont sans abri.
17:29 - La crise économique est tout de suite interprétée par ces gens
17:32 du premier appareil sécuritaire américain comme une crise qui n'est pas seulement économique
17:35 mais qui va se révéler une crise politique.
17:38 Et là, il va y avoir une directive, vicieuse évidemment, que ça se passe en secret,
17:41 de mettre sous surveillance les catégories subversives dans la population américaine,
17:44 ce qui signifie à la fois les gens d'extrême droite et les communistes.
17:47 - Pour Chaplin, qui commence à écrire le script "Les Lumières de la ville",
17:54 il s'agit avant tout de témoigner des conséquences sociales
17:57 de la crise financière qui vient de frapper durement les classes populaires.
18:00 Avec son histoire de milliardaire qui joue avec la vie d'un clochard,
18:04 rencontré un soir de beuverie,
18:07 il file la métaphore du mépris des classes dominantes pour les pauvres et les sans-grade.
18:10 Mais alors qu'il lance la production de ce film,
18:16 le cinéaste se trouve confronté à un nouveau défi,
18:19 l'avènement du parlant.
18:26 Depuis trois ans, les majeurs se sont lancés dans la production de films sonores.
18:29 Toutes les salles commencent à s'équiper.
18:32 Mais Chaplin n'est pas convaincu par cette nouvelle technologie
18:35 qu'il considère comme un gadget qui disparaîtra bientôt.
18:38 - Et Charlie a toujours dit, je ne peux pas faire parler Charlot.
18:41 Si Charlot parle, je tue Charlot.
18:44 Parce que l'essence même de ce personnage est de communiquer par la gestuelle.
18:47 Donc il a refusé le plus longtemps qu'il a pu, jusqu'en 1936,
18:52 de faire quelque chose qui ne correspondait pas à la réalité.
18:55 De faire quelques films parlants que ce soit.
18:58 - Il justifie son choix en déclarant
19:01 « Je suis un pantomime, et dans ce domaine, je suis unique
19:04 et sans fausse modestie, le maître. »
19:07 « Je suis persuadée qu'avec le sonore,
19:14 je ne réussirai jamais à atteindre l'excellence de mes films muets. »
19:17 - Il a refusé de faire des films parlants au moment où produire un film muet
19:24 était presque une catastrophe économique annoncée.
19:27 - Et pourtant, le succès est au rendez-vous.
19:30 Chaplin a gagné son pari.
19:33 - 1933-1934, de nouveau charge des associations conservatrices,
19:36 en particulier catholiques, qui cette fois-ci vont mener une charge plus nette.
19:39 Ils vont créer une Legion of Decency, donc une Légion de la décence,
19:42 qui va mettre en place une campagne de boycott
19:45 des films d'Hollywood jugés indécents.
19:48 Donc là, les producteurs hollywoodiens sont très inquiets.
19:51 Ils vont mettre à la tête de cette gestion de la censure
19:54 un catholique irlandais qui s'appelle Joe Breen,
19:57 qui est beaucoup moins sensible à la question de la liberté artistique
20:00 que ses prédécesseurs et beaucoup plus préoccupé des questions de décence.
20:03 Et puis ils vont lui donner des instruments de sanction,
20:06 notamment la possibilité d'imposer jusqu'à 25 000 dollars.
20:09 Et donc dans ce contexte économique déjà un peu difficile pour les producteurs d'Hollywood,
20:12 on va se soumettre et donc ça va avoir un impact sur le contenu des films. »
20:15 Ces mesures d'autocensure marquent un vrai tournant dans la production hollywoodienne.
20:18 Dès lors, et pour de longues années,
20:21 les cinéastes américains vont soit se soumettre,
20:24 soit devoir faire preuve d'ingéniosité pour les contourner.
20:27 Pour Chaplin, c'est tout simplement inacceptable.
20:30 En 1933, le président Roosevelt met en œuvre le New Deal,
20:37 un programme de relance et de lutte contre le chômage.
20:40 Chaplin, fervent supporter du président,
20:43 n'hésite pas à se prononcer en faveur de son programme
20:46 sur les antennes de la CBS.
20:49 Son engagement en faveur d'une meilleure justice sociale
20:55 lui inspire le scénario de son nouveau film, « Les temps modernes ».
20:58 « Charlie Chaplin voit arriver dans les villes des hordes de paysans
21:01 et de gens venant des régions
21:04 et qui s'agglutinent en banlieue de ces grandes villes
21:07 pour vivre finalement encore plus pauvrement que ce qu'ils connaissaient
21:10 dans leur propre région rurale auparavant.
21:13 Chaplin a été un des premiers à faire face à cette misère.
21:16 Il fait le film de « Modern Times » après avoir visité l'usine Ford.
21:19 Charlie dénonce le taylorisme, la théorie de la division
21:22 et de la mécanisation du travail.
21:25 Il prend le parti des ouvriers et dénonce l'automatisation,
21:28 dénonce le pouvoir économique
21:31 qui transforme les ouvriers en automates et en robots.
21:42 Les deux femmes, comédienne Paulette Goddard
21:45 pour jouer le rôle féminin principal,
21:48 commencent entre eux une belle histoire d'amour qui durera dix ans.
21:51 Paulette Goddard était une femme très délurée, très forte, très affirmée
21:54 qui a apporté beaucoup de bonheur.
21:57 Dès que Charlie l'a rencontrée, il a compris que ça devait être elle
22:00 qui allait jouer le rôle de la gamine, cette espèce de jeune révoltée,
22:03 une femme forte dans le film « Les temps modernes ».
22:09 Comme la femme goudienne du film,
22:12 Charlie embarque Paulette pour un tour du monde.
22:15 Il se marie secrètement en 1936.
22:18 Le film connaît un énorme succès public
22:21 mais nombre de chroniqueurs écrivent qu'il s'agit d'un film communiste.
22:24 Chaplin se défend.
22:27 Ce n'est ni pour, ni contre le communisme ou le capitalisme.
22:30 Il est assis à Califourchon sur la barrière.
22:33 Il ne l'a pas saisi que dans le contexte
22:36 de montée des idéologies nationalistes, on ne peut rester neutre.
22:39 On est sommé de choisir son camp.
22:42 Il y a une inquiétude politique au plus haut de la hiérarchie de l'État.
22:45 C'est Roosevelt qui va convoquer Hoover, entre autres,
22:48 en s'inquiétant de l'action des militants extrémistes.
22:51 Pour Hoover, l'épicentre de l'agitation est à Hollywood
22:54 mais les producteurs s'en défendent.
22:57 Je vous dis que cette industrie n'a pas de sympathie
23:00 avec le communisme, le fascisme, le nazisme
23:03 ou aucun autre isme que l'américainisme.
23:06 Les communistes à Hollywood, jusqu'au milieu des années 30,
23:09 c'est totalement groupusculaire.
23:12 La bascule, elle se fait véritablement en 1935-1936
23:15 où le nombre de communistes aux États-Unis double
23:18 passant d'à peu près 40 000 à 80 000.
23:21 Hoover use de toute son influence pour que les cinéastes
23:27 participent à la lutte contre ces subversifs.
23:30 Et nous qui pouvons penser clairement,
23:33 devons regarder la picture du désastre qui nous face
23:36 et nous concentrer sur la crusade de l'éducation.
23:39 Il leur commande des films de propagande qui montrent
23:43 comment le FBI, grâce à lui, est devenu une véritable
23:46 machine de guerre en matière de renseignement intérieur.
23:49 Il les incite également à produire des films qui mettent en valeur
23:52 le travail de ses agents fédéraux, tel le film "G-Men"
23:55 avec James Cagney, produit par la Warner en 1935.
23:59 Grâce à son important réseau d'agents,
24:02 Hoover surveille de près les investissements et les profits
24:05 de Chaplin. S'il trouve beaucoup d'argent sur les comptes
24:08 du cinéaste, les enquêteurs du FBI n'y décellent pas
24:11 la moindre trace d'une contribution compromettante
24:14 à la cause communiste.
24:17 Déçu par ces investigations, Hoover remarque avec ironie
24:22 qu'on ne peut concevoir une satire angoissante et bouffonne
24:25 du grand capitalisme industriel tout en s'enrichissant
24:28 sans scrupule, comme un Rockefeller.
24:31 C'est à nouveau l'actualité politique qui va inspirer
24:38 à Chaplin le sujet de son prochain long-métrage,
24:41 "Le dictateur".
24:44 - Il voyait en Europe la montée d'un mouvement
24:47 qui l'effrayait.
24:50 Charlie a toujours été un Européen de coeur.
24:53 Il commence à réfléchir à la configuration d'un scénario
24:56 qu'il va appeler "Production numéro 6",
24:59 qui était le nom du film qui allait devenir "Le dictateur".
25:02 Il consacre deux ans de sa vie à analyser ce qui se passe
25:05 en Europe, aux États-Unis.
25:08 Il écrit un scénario de 300 pages.
25:11 - C'est extraordinaire qu'on y pense.
25:18 L'homme le plus aimé au monde et l'homme le plus détesté
25:21 étaient presque pareils.
25:24 Ils étaient nés à quelques jours d'intervalle
25:27 et avaient pratiquement le même âge, la même taille,
25:30 le même physique. C'était trop tentant.
25:33 Charlie avait une petite moustache,
25:36 alors que celle d'Hitler était plus touffue.
25:39 Mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle a rétrécié
25:42 avec les problèmes politiques, et là, elle ressemblait
25:45 vraiment à celle de Chaplin.
25:48 - En 1939, alors que les troupes allemandes
25:51 déferlent brutalement sur l'Europe, Chaplin commence
25:54 le tournage de son film dans ses studios d'Hollywood.
25:57 - Charlie a décidé seul, à ses frais et à ses risques,
26:00 de faire ce film. Son frère n'était pas d'accord,
26:03 sa famille n'était pas d'accord, Hollywood n'était pas d'accord.
26:06 Le lobby allemand, dans les années 1938-39,
26:09 a fait des pressions énormes auprès d'un gouvernement
26:12 américain qui, à l'époque, était allié de l'Allemagne
26:15 pour pas que Charlie Chaplin fasse ce film.
26:18 Chaplin a reçu des menaces de mort. Il est demeuré
26:21 un homme libre, prêt à prendre tous les risques,
26:24 y compris les risques financiers, pour pousser jusqu'au bout
26:27 la diffusion de ses propres convictions d'un monde
26:30 qui, à ses yeux, devait être beaucoup plus proche
26:33 des droits de la personne, des droits humains,
26:36 de la solidarité, d'une humanité, puis d'un pacifisme
26:39 auquel il a toute sa vie adhéré.
26:42 - Désa sorti à l'automne 1940,
26:45 le film est accueilli avec enthousiasme
26:48 par la presse et le public, mais de nombreuses voix
26:51 s'élèvent contre son discours final.
26:54 Son message pacifiste dérange.
26:57 Le Daily News de New York écrit qu'il braque
27:00 sur le public le doigt du communisme.
27:03 Lorsque le film est présenté au président Roosevelt,
27:06 son seul commentaire est de regretter les tensions
27:09 diplomatiques qu'il soulève avec les pays pro-nazis.
27:12 Roosevelt n'a pas encore déclaré la guerre à l'Allemagne,
27:15 qu'il doit faire face à une opinion publique
27:18 massivement isolationniste. 96% des Américains
27:21 s'opposent à l'entrée en guerre de leur pays.
27:24 - Keep America out of Europe and Europe out of America.
27:27 - L'opinion publique américaine,
27:30 elle met beaucoup de temps à basculer.
27:33 En plus, elle est travaillée par un lobby
27:36 officiellement défavorable à l'intervention en Europe,
27:39 un lobby isolationniste, l'America First Committee.
27:42 C'est un mouvement de masse, il revendique 8 millions de membres
27:45 et qui est porté par une voix qui, médiatiquement, est connue,
27:48 le héros de la traversée de l'Atlantique, Charles Lindbergh.
28:03 Alors que les milieux d'extrême droite manifestent
28:06 leur soutien aux nazis, le président étend la mission du FBI.
28:09 - Roosevelt va demander de surveiller tout un tas de gens différents,
28:12 les nazis du German-American Bund, les isolationnistes,
28:15 et le FBI va prendre de plus en plus de poids,
28:18 et on peut dire qu'à partir de 40-41, aux côtés des militaires
28:21 mais devant les militaires, le FBI occupe la place première
28:24 dans cet appareil de surveillance intérieure.
28:30 Le 7 décembre 1941, l'attaque surprise des Japonais à Pearl Harbor
28:34 va faire basculer le sort de la guerre.
28:37 Au lendemain de cette déclaration, 93% des Américains
28:48 se déclarent maintenant favorables à l'entrée en guerre contre l'Allemagne.
28:52 Lorsque l'Union soviétique bascule dans le camp allié,
28:55 les communistes américains changent de statut.
28:58 De paria, ils deviennent d'indispensables auxiliaires
29:01 pour mener le combat contre les nazis.
29:03 Pour Roosevelt, il s'agit maintenant de mobiliser tout le pays
29:06 sous la bannière étoilée pour soutenir l'effort de guerre.
29:09 Roosevelt exhorte les cinéastes d'Hollywood
29:23 à mettre leur talent au service de la nation.
29:26 Le président de la République vous a invité à faire votre part dans le travail.
29:30 Nous sommes reconnaissants que votre réponse soit si immédiate et si saine.
29:36 Une véritable coopération se met en place entre le gouvernement,
29:40 l'armée et les professionnels d'Hollywood pour produire des films
29:43 qui exaltent les valeurs patriotiques.
29:46 Comme à l'époque de la Première Guerre,
29:48 Chaplin répond présent à l'appel du président.
29:51 Mais il va plus loin lorsqu'il déclare publiquement
29:54 qu'il veut venir en aide aux armées soviétiques.
29:57 La théorie de Charlie Chaplin, c'est de dire
29:59 que si les Allemands gagnent le front Est, ce n'est pas fini pour l'Europe.
30:02 Il y a tout un tas d'individus, parfois proches du Parti communiste,
30:05 mais parfois tout simplement libéraux, pro-New Deal,
30:08 qui vont s'engager dans la société, dans une série d'associations,
30:11 de groupements, d'événements favorables à l'aide à l'Union soviétique.
30:14 Donc ces gens vont militer pour l'ouverture d'un second front
30:17 pour soulager l'Union soviétique.
30:19 Parmi les figures connues, il y a Charlie Chaplin.
30:21 Le fait que Chaplin milite à l'intérieur de ce mouvement,
30:24 qui est considéré très clairement par le Federal Bureau of Investigation
30:27 comme un front, c'est-à-dire une association qui cache l'appareil communiste,
30:30 ça le classe parmi les potentiels compagnons de route du Parti communiste.
30:34 En mai 1942, le cinéaste reçoit un appel d'un membre du gouvernement
30:44 le priant de bien vouloir remplacer l'ambassadeur des USA à Moscou,
30:48 empêché de prendre la parole lors d'un meeting du comité américain
30:51 pour le secours au front russe à San Francisco.
30:54 Chaplin accepte, mais lorsqu'il prend la parole,
30:57 il surprend les 10 000 personnes présentes
31:00 en commençant son discours par un vibrant camarade.
31:03 C'est exactement ce qu'il fallait dire,
31:06 sauf si l'FBI prend des notes de tout ce que vous disiez.
31:09 Mais le cinéaste aggrave son cas.
31:12 En octobre 1942, il se rend à New York
31:15 en compagnie d'Orson Welles et de Pearl Buck
31:18 pour intervenir en faveur du second front.
31:20 Le meeting, organisé par le Front des artistes pour gagner la guerre,
31:23 une organisation classée très à gauche pour le FBI,
31:26 provoque de virulentes manifestations anticommunistes devant le Carnegie Hall.
31:30 Je dirais que la goutte qui a fait déborder le vase,
31:33 c'est quand Charlie Chaplin décide de prendre position pour le front russe.
31:36 Et vraiment, il s'est mis à dos la totalité du Congrès
31:40 et le président des États-Unis.
31:43 Mais Hoover manque toujours de témoins fiables
31:46 et surtout de pièces à conviction pour le faire comparaître devant les tribunaux.
31:49 L'affaire John Barry tombe à point nommé.
31:53 Un article, daté de juin 1943,
31:56 révèle que la jeune comédienne John Barry est enceinte de six mois.
32:00 Elle accuse Charlie Chaplin d'être le père de son enfant.
32:04 Lorsqu'il découvre cette affaire,
32:06 le chef du FBI charge l'agent spécial Hood de mener l'enquête.
32:11 Hood interroge d'innombrables témoins.
32:14 Deux mois plus tard, il remet à son patron un mémo de 400 pages.
32:18 Tout commence en juin 1941,
32:24 lorsque Chaplin fait la connaissance de John Barry, 23 ans,
32:27 fraîchement arrivé à Los Angeles dans l'espoir d'y trouver un petit rôle.
32:31 Elle rencontre Chaplin, le séduit et obtient un rôle dans son film.
32:39 Moins d'un an plus tard,
32:41 John Barry présente des signes d'instabilité mentale.
32:44 Elle rentre à l'aube complètement ivre, provoque des accidents de voiture.
32:48 Craignant le scandale, Chaplin rompt le contrat.
32:51 Ensuite, les deux amants ne se voient plus pendant cinq mois.
32:55 Mais ce que révèle la suite du mémo de l'agent Hood
32:59 retient plus particulièrement l'attention d'Hoover.
33:02 Lorsqu'en octobre 1942, Chaplin s'est rendu à New York
33:05 pour le meeting de soutien au front russe,
33:07 il aurait payé un billet de train de Los Angeles à New York à John Barry
33:11 dans l'intention d'avoir avec elle des rapports sexuels illicites.
33:14 Hoover saisit immédiatement l'intérêt de cette dernière information.
33:18 Il note en marge du mémo
33:21 « Ne faudrait-il pas éclaircir ce point ?
33:24 S'il y a violation du Man Act, nous devrions agir vigoureusement. »
33:28 Il existe depuis 1910 une loi fédérale qui s'appelle le Man Act
33:31 qui condamne ce qu'on appelait la traite des Blanches.
33:34 Ce Man Act interdisait le transport de femmes inter-étatiques
33:39 dans le but de les réduire à la prostitution,
33:41 de commettre des actes de débauche ou tout autre acte immoral.
33:45 Or cette loi, au bout de quelques mois à peine,
33:48 son usage va être détourné
33:50 et en fait elle va être utilisée dans la lutte contre les comportements indécents.
33:54 Et donc, lorsque Chaplin paye le billet de train à son ex-maîtresse
33:57 pour la faire venir de Los Angeles à New York
34:00 et qui lui fait franchir une ligne inter-étatique
34:02 pour avoir une relation sexuelle hors mariage avec elle,
34:05 il tombe sous le coup du Man Act.
34:08 En récupérant la note de l'hôtel Astoria,
34:12 Hoover détient enfin une pièce à conviction
34:15 qui pourrait amener un tribunal à le condamner pour « turpitude morale ».
34:19 Outrepassant largement ses fonctions,
34:22 le chef du FBI, Post John Barry, a porté plainte contre Chaplin.
34:26 Il va même jusqu'à payer deux avocats pour assurer la défense de la plaignante.
34:31 Lorsque Chaplin se rend au tribunal, le 10 février 1944,
34:36 les paparazzi se bousculent pour assister au procès.
34:40 L'avocat demande au jury s'il lui paraît vraisemblable
34:43 que son client ait fait parcourir 4 500 km à John Barry
34:47 dans le but d'avoir des relations intimes avec elle,
34:50 alors qu'elle lui aurait donné son corps n'importe où, n'importe quand.
34:54 Chaplin est finalement acquitté pour ce chef d'inculpation.
34:57 Mais il n'en a pas fini pour autant avec John Barry.
35:00 Un second procès s'ouvre huit mois plus tard.
35:03 Il est accusé cette fois d'être le père biologique de l'enfant
35:07 que John a mis au monde 14 mois plus tôt.
35:10 Les tests sanguins ordonnés par le tribunal prouvent de manière irréfutable
35:14 qu'il ne peut pas être le père.
35:17 Et l'avocat de Chaplin démontre que Miss Barry avait un autre amant
35:21 à la date où l'enfant fut conçu.
35:24 Malgré les dénégations de Chaplin et sa déclaration sous serment
35:27 qu'il n'y a eu aucun rapport intime entre eux depuis deux ans,
35:31 le tribunal autorise l'enfant à porter son nom
35:34 et le condamne à lui verser une pension alimentaire jusqu'à sa majorité.
35:38 Charlie accepte d'autant plus mal ce verdict
35:41 qu'il avait rencontré celle qui allait devenir la femme de sa vie
35:44 avant même que John Barry soit enceinte de cet enfant.
35:47 En effet, c'est en juin 1943 qu'il avait épousé Una.
35:51 La jeune femme lui apportera un soutien indéfectible
35:54 pendant ces longues années de procédure judiciaire
35:57 et restera à ses côtés jusqu'à sa mort.
36:00 Alors qu'il se débat avec la justice,
36:03 Chaplin se lance dans l'écriture de ce qui va devenir
36:06 la plus noire de ses comédies.
36:08 Le script, qui à ses débuts s'intitule Production n°7,
36:11 deviendra L'Andru, puis Barbe Bleue,
36:14 et enfin Monsieur Verdoux.
36:17 Moustache soignée, costume sur mesure, élégant et courtois,
36:21 Monsieur Verdoux se révèle être un tueur en série
36:24 qui finit sur la guillotine.
36:27 Chaplin règle ses comptes en dénonçant les tribunaux américains
36:30 qui viennent de le condamner.
36:33 Il fait dire à Verdoux, "Si l'on tue une seule personne,
36:36 on est un assassin.
36:39 Si l'on en tue des millions, on est un héros."
36:42 Avec le retour de la paix,
36:45 les alliés d'hier deviennent d'irréductibles ennemis.
36:48 Une guerre froide s'installe entre les deux superpuissances.
36:51 Elle fait rage entre les États-Unis et l'URSS.
36:57 Ce nouveau conflit plonge l'Amérique dans une crise
37:00 d'espionnites aigües.
37:03 Une terrible chasse aux sorcières est lancée.
37:06 Le maccartisme. On voit des espions soviétiques partout.
37:09 Les Rouges, les communistes, dénoncés comme ennemis de l'intérieur,
37:12 sont traqués, débusqués, traduits en justice.
37:15 Les méthodes sont brutales, expéditives.
37:18 Elles touchent tous les milieux,
37:21 mais tout particulièrement celui du cinéma.
37:24 La présentation de M. Verdoux à la presse tourne au fiasco.
37:36 Huées, sifflées, salles envahies par des opposants à Chaplin.
37:39 Au lieu de l'interroger sur le film,
37:42 les journalistes s'acharnent contre lui.
37:45 "Êtes-vous communiste ?" Une fois de plus, Chaplin s'en défend.
37:48 "Je ne suis pas communiste."
37:51 "Pourquoi refusez-vous de prendre la nationalité américaine ?"
37:54 C'est précisément sur cette question que le très conservateur sénateur
37:57 John Rankin intervient devant la Chambre des représentants.
38:00 Chaplin porte préjudice
38:03 au fondement moraux de l'Amérique.
38:06 Dès lors, nous devons le tenir à l'écart des écrans
38:09 aux yeux de notre jeunesse.
38:12 Rankin exige du procureur général
38:18 d'instituer une procédure d'expulsion de Chaplin.
38:21 En juillet 1947, le cinéaste apprend par la presse
38:24 qu'il est appelé à comparaître comme témoin devant la HUAC,
38:27 la Commission parlementaire sur les activités anti-américaines.
38:36 "Un American", on est vraiment dans l'idée
38:39 qu'on n'est pas contre le gouvernement des États-Unis,
38:42 mais qu'on est non américain, qu'on est un mauvais américain,
38:45 que d'une certaine façon, le vert est dans le fruit
38:48 et que c'est l'essence même de la nation américaine
38:51 qui est mise en cause par un certain nombre d'individus.
38:54 La mission de cette commission d'enquête
38:57 est de faire la lumière sur les activités subversives des cinéastes d'Hollywood.
39:00 À l'automne 1947,
39:03 Chaplin procède à l'audition d'un certain nombre d'entre eux.
39:06 Il faut bien avoir à l'esprit que les gens qui siègent dans ces commissions-là,
39:18 ils font carrière, et donc plus il y a de presse, plus c'est intéressant pour eux.
39:21 Et donc s'attaquer à Hollywood, c'est s'attaquer à quelque chose
39:24 de tellement médiatique que ça va tourner les lumières
39:27 en direction de cette commission d'enquête.
39:30 Chaplin fait savoir à la commission qu'il a bien l'intention de répondre à sa convocation,
39:33 mais qu'il s'y rendra déguisé en charlot
39:36 et fera ses pantomimes durant l'interrogatoire.
39:39 La commission, bien inspirée, lui répond que son audition
39:42 n'est plus jugée nécessaire et qu'il doit considérer l'affaire comme close.
39:45 Si Chaplin réussit à échapper aux auditions de l'HUAC,
39:48 ce n'est pas le cas pour d'autres
39:51 qui sont convoqués en octobre 1947.
39:54 Alors ils hésitent longtemps sur les gens qui vont convoquer.
39:57 Des gens dont le dossier est suffisamment "chargé".
40:00 Et puis finalement, ils décident de s'en tenir à la liste de dix individus
40:03 qu'ils pensent être le plus indéniablement subversif
40:06 et lié au Parti communiste et donc convoquent les fameux Hollywood Ten.
40:09 Un comité de soutien composé entre autres d'Hommefrey Bogart
40:12 et de Lauren Bacall prend la défense de leurs amis inculpés.
40:15 Les studios vont faire comprendre, en particulier à Hommefrey Bogart,
40:18 qu'il faut vite rentrer à Hollywood et arrêter de soutenir
40:21 les Hollywood Ten s'ils ne veulent pas que sa carrière se termine trop rapidement.
40:24 De son côté, Chaplin défie à nouveau la commission
40:27 en prenant la défense de son ami compositeur juif, Hans Eisler.
40:30 L'artiste est accusé d'être le Karl Marx de la musique.
40:33 Mais ses protestations sont vaines.
40:49 Eisler est expulsé.
40:52 Il est déclaré d'avoir soutenu un communiste.
40:55 Le 30 octobre, le président de la commission déclare que les auditions sont closes.
40:58 Les cinéastes qui ont refusé de répondre à la commission
41:01 sont inculpés d'outrage au Sénat et condamnés à de la prison ferme.
41:04 Ce même jour, 58 hauts dirigeants des studios d'Hollywood
41:10 s'est réunis à New York pour adopter une position commune
41:13 et se mettent d'accord sur un texte stipulant que désormais,
41:16 plus personne ne sera employé par les studios
41:19 et déclaré sous serment qu'il n'est pas communiste.
41:22 Des listes noires circulent.
41:38 Les proscrits n'ont d'autre choix que de renier haut et fort leur engagement
41:41 et, pour prouver leur bonne foi, de donner des noms.
41:46 Chaplin échappe aux foudres de l'HUAC
41:49 et aux mesures discriminatoires du syndicat des producteurs.
41:52 Il n'échappe pas aux accusations de l'Association des anciens combattants catholiques
41:55 qui exigent une enquête sur le soutien de Chaplin à Hans Eisler
41:58 et surtout à son frère Gerhardt.
42:01 Ainsi, lorsqu'au printemps 1948, il demande le renouvellement de son visa
42:06 afin de préparer le tournage de son prochain film à Londres,
42:09 il reçoit la visite d'une commission d'enquête des services de l'immigration.
42:12 Pendant quatre heures, on l'interroge sur ses origines raciales,
42:15 ses activités sexuelles,
42:18 ses raisons de ne jamais avoir demandé la citoyenneté américaine
42:21 ou d'avoir soutenu les soviétiques pendant la guerre.
42:24 Chaplin se défend.
42:27 « J'ai soutenu la Russie car je crois que sans elle, les nazis seraient là.
42:30 Je ne suis pas un subversif.
42:33 Je suis un démocrate progressiste, pas un socialiste.
42:36 Je suis un patriote de l'humanité.
42:39 Un citoyen du monde.
42:42 J'ai toujours adoré ce pays. »
42:45 A l'issue de l'interrogatoire,
42:48 on lui promet que son visa de retour lui sera accordé.
42:51 Mais alors qu'il s'apprête à partir,
42:54 le fisc exige qu'il dépose dans une banque la caution de 2 millions de dollars.
42:57 Il renonce alors à son voyage
43:00 et décide de tourner les feux de la rampe dans ses studios de Los Angeles.
43:03 Une décision paradoxale
43:06 car la tragédie sentimentale qu'il s'apprête à réaliser
43:09 se déroule dans les quartiers populaires du Londres de son enfance.
43:12 Après un long casting et de nombreux essais,
43:15 Chaplin fait venir Claire Bloom,
43:18 une comédienne de théâtre anglaise,
43:21 pour jouer le rôle féminin principal.
43:24 « J'étais complètement inconnue.
43:27 Pas en Angleterre où j'étais une petite star montante du théâtre,
43:30 mais à Hollywood.
43:33 J'étais très nerveuse à l'idée de le rencontrer.
43:36 Et j'ai vu cet homme dans un pull bleu comme ses yeux qui m'a dit
43:39 « Dieu merci, vous êtes bien arrivée, je m'inquiétais pour votre vol. »
43:42 C'est comme ça que je l'ai rencontrée
43:45 et je l'ai aussitôt adorée. »
43:48 « Quand j'ai quitté les États-Unis,
44:02 j'étais très triste de laisser Charlie,
44:05 qui ne réalisait pas qu'il était devenu comme un père pour moi,
44:08 et Una que j'aimais tendrement, comme une sœur.
44:11 Ils m'ont promis qu'ils viendraient en Angleterre
44:14 et que je les reverrai bientôt. »
44:17 Aussitôt le film terminé,
44:24 Chaplin décide de quitter les États-Unis pour organiser son avant-première à Londres.
44:27 Le vendredi 17 septembre 1952,
44:30 le Queen Elizabeth quitte les États-Unis avec Chaplin,
44:33 Una et leurs quatre enfants.
44:36 Le navire est en mer depuis deux jours,
44:39 lorsque la radio de bord reçoit la terrible nouvelle.
44:42 Le ministre de la Justice vient d'annuler le visa de retour de Chaplin
44:45 et d'ordonner au service de l'immigration de l'arrêter,
44:48 au cas où il tenterait de revenir en Amérique.
44:51 L'administration justifie la mesure en évoquant une loi
44:54 qui autorise le refoulement d'étrangers sur la base de la moralité,
44:57 de la folie, de la propagande
45:00 ou de l'appartenance au Parti communiste.
45:03 Cette décision de justice avait été préparée de longue date
45:06 grâce aux enquêtes transmises par Hoover.
45:09 « Ils n'avaient rien fait d'illégal.
45:14 Ils n'avaient pas le droit d'agir comme ils l'ont fait. »
45:17 Chaplin, abasourdi,
45:20 est bien décidé à faire face à ses accusateurs.
45:23 Pour lui, il est inenvisageable d'être interdit de séjour dans ce pays
45:26 où il a établi son domicile durant ces 40 dernières années
45:29 et auquel il a apporté tant d'amour et d'éclats.
45:32 « Charlie était assis sur une chaise,
45:35 complètement sonné.
45:38 C'était ses studios, sa maison,
45:41 les gens merveilleux qui travaillaient pour lui au studio,
45:44 dans la maison, pendant toutes ces années.
45:47 On lui avait tout pris, y compris son argent, ses biens. »
45:52 Londres lui réserve un accueil digne de la star mondiale qu'il est devenu.
45:56 Les Britanniques ont toujours adoré Chaplin.
46:00 Lors de l'avant-première, le film reçoit un accueil triomphal.
46:21 « Quand nous sommes sortis en descendant l'escalier,
46:24 on a vu que tout le monde nous attendait.
46:27 Personne n'était parti et ils ont commencé à nous applaudir.
46:30 C'est alors que j'ai passé mes bras autour de son cou.
46:33 Je ne l'avais jamais touché auparavant.
46:36 C'était un moment très émouvant et merveilleux. »
46:39 Honneur suprême, il est reçu par la famille royale.
46:45 Paris et Rome le reçoivent avec la même ferveur.
46:51 Résolue à l'idée qu'il ne pourra jamais revenir en Amérique,
46:54 Chaplin demande à sa femme Una d'y retourner à sa place pour liquider leurs biens.
46:58 « Una n'était pas beaucoup plus âgée que moi, elle devait avoir 25 ans.
47:04 Elle est repartie seule. Il ne faut pas oublier qu'elle était américaine.
47:07 Elle avait un passeport américain.
47:10 Elle a fermé la maison, les studios.
47:13 Elle a dit au revoir au personnel, retiré l'argent de la banque, les papiers, que sais-je.
47:17 Et elle est revenue. »
47:20 En janvier 1953, la famille Chaplin s'installe au Manoir de Bans, en Suisse,
47:26 dans une magnifique propriété surplombant le lac Léman.
47:29 « Il en avait un peu roll ball des années de difficultés,
47:34 de procès, de marquartisme, d'ostracisme qu'il venait de vivre.
47:37 Il avait envie de trouver un endroit calme
47:40 où il retrouverait la sécurité et aussi la paix dont il avait besoin
47:44 pour continuer à produire. »
47:47 Ils continuent leur vie, et une vie triomphante en ce qui concerne Charlie.
47:51 Et ils ont eu quatre autres enfants.
47:54 En 1953, Una, par solidarité,
47:59 renonce définitivement à sa nationalité américaine.
48:02 Mais Charlie n'a pas fini de régler ses comptes avec ceux qui l'ont banni.
48:05 « Il entretenait une véritable haine envers l'Amérique
48:10 à cause de ce qu'il lui avait fait et qu'il faisait subir à d'autres. »
48:14 En 1954, il écrit, produit et réalise son avant-dernier film,
48:18 « Un roi à New York ».
48:21 Son fils, Michael, y joue le rôle d'un garçon
48:24 dont les parents sont traqués par le FBI.
48:27 Cette satire parodie, bien évidemment,
48:30 s'est démêlée avec son ennemi juré, Edgar Hoover.
48:33 La sortie du film aux États-Unis
48:37 réveille l'éternel affrontement entre conservateurs et libéraux.
48:40 Des manifestations de boycott sont organisées
48:43 devant la plupart des salles où il est projeté.
48:46 Chaplin a quitté l'Amérique depuis 20 ans,
48:49 mais Hoover continue à s'acharner contre lui.
48:52 Des notes attestent qu'il interroge les services secrets anglais
48:55 sur les éventuelles origines juives du cinéaste,
48:58 qu'il classe les rapports fournis par les services secrets suisses
49:01 sur ses rencontres, ses visiteurs,
49:04 ses activités jusqu'au début des années 70.
49:08 Mais avec les années Vietnam, l'opinion publique bascule.
49:11 Des voix s'élèvent pour réclamer le retour de Chaplin.
49:14 Le New York Times de juillet 1962 s'indigne.
49:17 "Nous ne pensons pas que la République serait en danger
49:20 si l'administration levait le bannissement imposé en 1952."
49:23 En 1971, l'ambassadeur des États-Unis à Berne
49:27 informe le procureur général que Chaplin est invité
49:30 par une université américaine et recommande aux autorités
49:33 de lever l'interdiction de séjour de Chaplin.
49:37 L'étoile du patron du FBI a commencé à palir.
49:40 Critiqué dès les années 60 pour sa lutte obsessionnelle
49:43 contre le communisme, il est accusé d'abus d'autorité
49:46 sur ses propres agents, de chantage sur les personnalités politiques,
49:49 d'être corrompu par la mafia.
49:52 Il termine sa carrière sur le scandale causé
49:55 par la révélation de ses méthodes illégales de surveillance.
49:58 Le retour triomphal de Chaplin aux États-Unis
50:02 est une ultime revanche de l'artiste sur ouvrage.
50:05 Il est reçu par le maire de New York,
50:08 qui lui remet les clés de la ville.
50:12 Il est ovationné à Hollywood pendant de longues minutes,
50:15 lors de la cérémonie de la mort de Chaplin.
50:18 Chaplin a été élu président de la République
50:21 et a été élu président de la République
50:24 pendant plus de deux ans.
50:27 Chaplin a été élu président de la République
50:30 pendant plus de deux ans.
50:33 Chaplin a été élu président de la République
50:36 pendant plus de deux ans.
50:39 Chaplin a été élu président de la République
50:42 pendant plus de deux ans.
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50:48 pendant plus de deux ans.
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51:00 pendant plus de deux ans.
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51:06 pendant plus de deux ans.
51:09 Chaplin a été élu président de la République
51:12 pendant plus de deux ans.
51:15 Chaplin a été élu président de la République
51:18 pendant plus de deux ans.
51:21 Chaplin a été élu président de la République
51:24 pendant plus de deux ans.
51:27 Chaplin a été élu président de la République
51:30 pendant plus de deux ans.
51:33 Chaplin s'en va pour toujours, un soir de Noël 1977,
51:36 emportant avec lui son charlot vagabond,
51:39 incarnation de l'homme opprimé,
51:42 mais digne et libre.
51:45 ...
52:08 ...

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