Hondelatte Raconte _ L'affaire Marie-Christine Hodeau (récit intégral)

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Hondelatte Raconte _ L'affaire Marie-Christine Hodeau (récit intégral)
Transcript
00:00 Voici une histoire dont je suis certain que vous gardez un souvenir sans doute un peu
00:11 confus.
00:12 C'était en 2009 dans les Saônes, au sud de Paris.
00:15 L'enlèvement et l'assassinat d'une jogueuse qui s'appelait Marie-Christine Odo.
00:20 Et cette histoire a marqué parce qu'elle a alimenté à l'époque le débat sur la
00:24 récidive et que le président de la République, Nicolas Sarkozy s'en est emparé.
00:29 Nous la débrieferons tout à l'heure avec l'avocat qui a porté au procès les intérêts
00:33 de la mère et des frères de la victime, maître Dominique Pollion.
00:38 J'ai écrit cette histoire avec Thomas Oudraert.
00:41 Réalisation Céline Lebrase.
00:42 Cette histoire commence par une scène stupéfiante,
00:57 unique, du jamais vu.
00:58 Le 28 septembre 2009, à 9h12 précisément, le téléphone sonne à la gendarmerie de
01:04 Millilafauré dans les Saônes.
01:06 Un gendarme décroche, c'est son premier jour et il n'est pas prêt d'oublier ce
01:11 premier appel de sa carrière.
01:12 Gendarmerie nationale, bonjour.
01:27 Et là, le gendarme Médusé entend au téléphone le bruit d'un coffre qui s'ouvre.
01:47 D'un coup, et puis plus rien.
01:50 La pression sur les épaules de ce jeune gendarme.
01:53 Il court voir ses supérieurs.
01:55 Il y a eu un enlèvement.
01:57 Une femme qui s'appelle Marie-Christine Oudeau, H-O-D-E-A-U, je pense, mais je n'en suis
02:02 pas sûr, elle vient de m'appeler depuis le coffre d'une voiture où elle était
02:05 enfermée.
02:06 On est tout près de Paris.
02:11 C'est la section de recherche de Paris qui se met sur le coup.
02:13 Immédiatement, deux gendarmes foncent vers Millilafauré.
02:17 Et puis on installe un PC à la gendarmerie du coin.
02:20 Une équipe est mobilisée pour fouiller les bois alentours.
02:23 Des chiens débarquent.
02:25 Et très vite, la garde républicaine à cheval.
02:27 Et finalement, un hélicoptère.
02:30 A la mi-journée, 200 hommes sont sur les traces de Marie-Christine Oudeau.
02:35 Sacrée mobilisation de la gendarmerie.
02:38 En attendant, elle a été identifiée cette femme.
02:50 Ça s'écrit bien avec un H.
02:52 H-O-D-E-A-U.
02:53 Une équipe de gendarmes débarque chez elle.
02:55 Elle vit là avec sa mère.
02:57 Et elle a bien disparu.
02:59 Elle était en train de faire son footing.
03:02 Et elle n'est pas revenue.
03:04 Je commençais à m'inquiéter.
03:06 Une jogueuse qui se fait enlever au cours de son footing.
03:10 C'est un classique des affaires criminelles.
03:12 Très bien, madame.
03:14 Est-ce que vous connaissez le parcours qu'emprunte votre fille quand elle va courir ? Est-ce
03:18 qu'elle a des habitudes ?
03:20 Je crois qu'elle passe toujours par la forêt.
03:25 Elle fait une boucle qui passe par Oncy sur École et puis elle rejoint Milly, la forêt.
03:31 Vous croyez que vous allez la retrouver ?
03:33 On va tout faire pour, madame Oudeau.
03:35 Je vous promets.
03:36 Les gendarmes en profitent pour récupérer quelques effets de la disparue.
03:40 Alors il nous faudrait sa brosse à cheveux, si elle en a une.
03:45 Sa brosse à dents aussi.
03:47 Et puis des vêtements qu'elle aurait portés et qui n'auraient pas été lavés.
03:50 La brosse à dents et la brosse à cheveux, c'est pour récupérer son ADN.
04:00 Et les vêtements, c'est pour son odeur, pour pouvoir les faire renifler à un chien.
04:04 Ah, il nous faudrait une photo aussi.
04:07 42 ans, grande, blonde, sportive, souriante, très jolie.
04:13 Et d'après ce que dit sa mère, célibataire.
04:16 Elle fait quoi dans la vie, votre fille, madame ?
04:19 Elle est assistante maternelle.
04:21 Elle garde des enfants chez elle.
04:24 Et ce matin, avant d'aller courir, vous savez ce qu'elle a fait ?
04:26 Ce qu'elle fait tous les jours, c'est-à-dire déposer les enfants à l'école.
04:34 Vérification faite, on l'a bien vu à l'école.
04:37 Des parents d'élèves ont discuté avec elle.
04:39 Et par ailleurs, la mère a donné son numéro de portable.
04:42 Mais il a été coupé.
04:43 Il n'aimait plus.
04:45 Au PC, à la gendarmerie, on s'est mis à la recherche de la voiture,
04:56 c'est-à-dire la Peugeot 106 dont Marie-Christine Odo a donné l'immatriculation.
05:01 Ou plutôt, un bout de l'immatriculation.
05:04 Bon, elle a dit L, K et M.
05:07 Regarde si ça colle avec une Peugeot 106.
05:10 Négatif.
05:12 Zut, dans la panique, elle a dû...
05:14 Elle n'a pas dû noter les bonnes lettres.
05:16 Essaye en inversant les lettres.
05:18 M, K, L ou L, M, K ou K, L, M.
05:24 C'est bon.
05:25 C'est bon, j'ai quelque chose.
05:26 Une Peugeot 106 avec les lettres K, L, M.
05:30 Bingo !
05:31 Le propriétaire de cette Peugeot 106 est un avocat parisien connu.
05:41 Il habite dans le très chic 16e arrondissement
05:44 et a priori, il n'a pas du tout le profil d'un ravisseur de joggers.
05:48 Mais on ne sait jamais.
05:50 Une équipe de gendarmes fonce à son cabinet.
05:54 La stratégie des gendarmes est de poser des questions sans dire pourquoi ils sont là.
05:58 Vous nous confirmez, monsieur,
06:01 que vous êtes bien le propriétaire de cette Peugeot 106 ?
06:04 Ah oui, oui.
06:05 Oui, je vous le confirme.
06:07 Mais pourquoi me posez-vous cette question ?
06:10 Ce véhicule, monsieur, est-ce qu'il est garé en pas de chez vous ?
06:13 Mais pourquoi vous voulez savoir ça, au juste ?
06:16 Monsieur, le véhicule dont vous êtes propriétaire est impliqué dans un fait grave.
06:21 D'accord.
06:22 Eh bien, écoutez, cette voiture est celle de ma résidence secondaire.
06:27 Elle est à Echilleuse, dans le Loiret.
06:31 Donc, elle est dans le Loiret.
06:32 Et elle n'est pas à Paris.
06:34 Vous savez si on vous l'a volée ?
06:36 Ah mais non, j'en sais rien.
06:38 Comment voulez-vous que je sache ?
06:40 Est-ce que quelqu'un d'autre que vous a l'habitude de l'utiliser ?
06:44 Enfin, c'est agaçant, toutes ces questions.
06:45 Oui, oui, de temps en temps.
06:48 Les gardiens qui s'occupent de la maison.
06:50 Et ils s'appellent comment, ces gardiens, monsieur ?
06:53 D'Ackroos.
06:54 C'est le couple D'Ackroos.
06:56 Ça vous va ?
06:56 L'avocat a aussi donné l'adresse de sa résidence secondaire dans le Loiret.
07:07 Elle se situe à 30 kilomètres de Millia Forêt.
07:10 À 10h45, une équipe de gendarmes débarque sur place,
07:14 à la recherche des époux D'Ackroos.
07:18 Waouh !
07:19 Putain de maison !
07:21 Une belle maison de maître, même pourrait-on dire un château.
07:24 L'avocat leur a dit que les D'Ackroos habitent une longère en bord de route.
07:29 En échange de ce logement gratuit, ils assurent l'entretien de la propriété.
07:33 Les gendarmes sonnent.
07:36 Ils toquent.
07:38 Personne.
07:39 Les volets sont fermés.
07:41 Ils ont dû s'absenter.
07:43 Qu'importe, les gendarmes escaladent le portail
07:46 et ils pénètrent dans la propriété.
07:49 Et la surprise, la Peugeot 106 est là, devant eux.
07:54 Un gendarme s'approche.
07:57 Le moteur est encore chaud.
07:59 Il faudrait peut-être voir s'il n'est pas encore dans le coffre.
08:02 Viens, on va péter la vitre arrière.
08:05 Ils parviennent à ouvrir le coffre.
08:07 Vide.
08:09 Ok, on fouille le parc, on traîne pas.
08:11 Mais rien de particulier à noter.
08:14 Pas plus que dans la maison des gardiens que les gendarmes parviennent à ouvrir.
08:18 La même équipe de gendarmes se lance ensuite dans une enquête de voisinage,
08:26 porte à porte.
08:28 Bonjour madame.
08:29 Dites-moi, est-ce que vous connaissez les D'Ackroos ?
08:32 Les gardiens du château.
08:34 Oui bien sûr.
08:36 Vous savez où ils sont ?
08:37 On a besoin de leur parler de manière urgente.
08:40 Madame D'Ackroos, elle travaille à la boulangerie.
08:44 Je peux vous donner son numéro si vous voulez.
08:47 Formidable.
08:48 Les gendarmes appellent immédiatement.
08:50 Madame D'Ackroos ?
08:54 C'est la gendarmerie ici.
08:56 Je crois savoir que vous êtes au travail.
08:58 Est-ce que vous pourriez revenir chez vous ?
09:01 Oui chez vous.
09:03 Il faut absolument qu'on vous parle.
09:05 Et puis on aimerait aussi parler à votre mari.
09:09 Oui, vous pouvez l'appeler et lui dire de venir aussi.
09:13 Entendu, on se retrouve sur place.
09:15 Quand madame D'Ackroos arrive au château,
09:21 il y a des gendarmes partout.
09:23 Autant vous dire que ça lui colle un coup de stress.
09:26 Merci d'être venue madame D'Ackroos.
09:28 Votre mari, vous savez où il est ? Il arrive ?
09:31 Normalement oui.
09:33 Je l'ai eu au téléphone, il m'a dit qu'il venait.
09:35 Je pensais même qu'il serait là avant moi.
09:38 En attendant, quoi qu'il arrive madame,
09:41 vous savez ce qu'il a fait hier soir et ce matin, votre mari ?
09:45 Est-ce qu'il a eu un comportement inhabituel ?
09:48 Est-ce qu'il avait l'air, je sais pas, bizarre, préoccupé ?
09:53 Moi je me doute de pourquoi vous êtes là.
09:56 Je le connais mon mari.
09:58 Je connais son passé.
10:01 Si vous êtes là, c'est qu'il a encore fait quelque chose de grave, n'est-ce pas ?
10:05 La dernière fois que je lui ai pardonné,
10:07 j'ai fait ça pour les enfants, mais...
10:10 s'il a recommencé,
10:12 là je lui pardonnerai pas.
10:15 Je suis prête à vous aider, à coopérer avec vous.
10:17 Salut, tu peux passer un nom au fichier s'il te plaît ?
10:28 Manuel Da Cruz, avec un Z.
10:33 Je pense qu'il a fait de la prison.
10:36 Affirmatif.
10:37 Il a été condamné à 11 ans de réclusion criminelle
10:39 pour des faits de séquestration et de viol d'une jeune femme.
10:44 Renseignement pris, Manuel Da Cruz a 47 ans.
10:48 Il est sorti de prison il y a un an.
10:50 Il a travaillé quelque temps, mais il vient d'être licencié.
10:53 Il ne lui reste plus que ce statut de gardien au matouffer au château.
10:58 Sa femme dit que c'est un père de famille autoritaire.
11:02 Lui, il fonctionne un peu à l'ancienne.
11:04 C'est le patriarche, vous voyez ?
11:06 Sa femme a dit qu'il allait arriver.
11:19 Alors les gendarmes l'attendent.
11:21 Mais d'après vous, est-ce qu'il va venir ?
11:23 Si c'est lui, est-ce qu'il va venir se jeter dans la gueule du loup ?
11:26 Et puis s'il vient, en voyant tous ces gendarmes, il va se caleter en courant.
11:31 Donc pas la peine de l'attendre.
11:32 Marie-Christine a disparu.
11:34 L'urgence maintenant, c'est de la retrouver vite et si possible vivante.
11:39 Alors qu'est-ce qu'on sait sur ce Manuel Da Cruz ?
11:42 D'après ce fichier, il aurait une BMW.
11:45 Dis, tu peux prévenir le dispositif aérien ?
11:48 Le suspect a une BMW.
11:56 Les gendarmes se rencardent ensuite sur son passé de violeur.
11:59 Les faits remontent à 2001, il y a donc 8 ans.
12:03 À cette époque, il avait un peu moins de 40 ans
12:06 et d'après ce qu'on dit, il était porté sur la bouteille.
12:10 Bon, voilà ce que j'ai pu réunir.
12:14 Un jour, une jeune femme, une voisine de 13 ans, se présente chez lui.
12:18 Elle s'appelle Morgane.
12:20 Et donc elle lui propose ses services pour faire du ménage ou toutes sortes de tâches ménagères.
12:25 Bref, lui, il est un peu aviné.
12:27 Il la fait monter de force dans sa voiture.
12:29 Il l'emmène au fond des bois et il la viole.
12:33 Alors, on a les déclarations de la gamine à l'époque.
12:35 Elle a raconté qu'elle a eu l'impression qu'il voulait la tuer
12:39 et qu'il a fallu qu'elle lui parle longtemps pour le raisonner et obtenir qu'il la relâche.
12:45 Et là, elle dit qu'il s'est calmé et qu'il l'a libéré.
12:48 Donc, il a été interpellé.
12:49 Il a été jugé devant la cour d'assises d'Orléans pour viol.
12:53 Il a été condamné à 11 ans de réclusion criminelle.
12:55 Il en a fait 6 et demi et donc il est sorti il y a un an.
12:58 Voilà tout ce que j'ai pu obtenir sur cette affaire.
13:03 Écoute, c'est très intéressant ça.
13:05 Et en même temps, c'est assez rassurant.
13:08 Il a libéré sa victime à l'époque, donc ce n'est pas un tueur.
13:12 Et donc, à cette heure-ci, il paraît clair à 99% qu'il a violé Marie-Christine Odo.
13:18 Il ne faut pas se faire d'illusions.
13:20 Mais il n'est pas certain qu'il l'ait tuée.
13:22 Ça nous laisse un peu d'espoir.
13:23 Mais finalement, Manuel Dacruz finit par rentrer au village au volant de sa BMW.
13:37 Et il est immédiatement interpellé.
13:40 Vous étiez où, monsieur ?
13:42 Je suis allé faire le plat à Indécence à Pitiviers.
13:45 C'est moins cher là-bas.
13:47 D'accord, à part ça, ce matin, vous avez fait quoi, monsieur ?
13:50 Je suis rentré chez moi.
13:52 Je jouais à la Plestiché.
13:55 Et puis, je suis allé chercher une planche aussi.
13:57 Bien, monsieur, je vous informe qu'à dater de cet instant,
14:00 vous êtes placé en garde à vue
14:02 dans le cadre d'une enquête préliminaire pour enlèvement et séquestration.
14:06 On va vous emmener pour interrogatoire à la brigade de Milliers-la-Forêt.
14:10 Allez, c'est parti !
14:17 Et voilà Manuel Dacruz face aux gendarmes qui vont le cuisiner.
14:22 Il faut faire vite.
14:23 Il y a urgence.
14:24 Si Marie-Christine est encore vivante, il faut la localiser et vite.
14:29 Mais d'entrée, les gendarmes voient bien qu'il ne va pas craquer tout de suite.
14:33 Il a le visage fermé, le regard sombre.
14:37 On sent de la violence en lui.
14:39 Il n'a pas du tout la tronche d'un homme prêt à collaborer.
14:44 Bien, monsieur, nous allons commencer par effectuer des prélèvements
14:47 d'ADN, empreinte digitale.
14:50 Et puis vous prenez aussi de l'ADN qu'il pourrait avoir sur ses mains, porte-empoilage.
14:55 Si on retrouve l'ADN de Marie-Christine sur ses mains, il est cuit.
15:06 En revanche, pour l'instant, il n'y a pas grand chose contre lui, si ce n'est la voiture, la 106.
15:11 Sauf qu'on ne l'a pas arrêté au volant de cette voiture.
15:14 Il pourra toujours dire que quelqu'un d'autre l'a volée.
15:18 Bien, monsieur, je vais être très clair avec vous.
15:20 Nous sommes à la recherche d'une femme qui s'appelle Marie-Christine Oudeau,
15:24 qui a disparu ce matin en faisant son jogging.
15:27 Est-ce que ça vous dit quelque chose ?
15:30 Oh non, non, rien du tout.
15:33 Nous avons des raisons de penser qu'elle a été enlevée
15:36 avec la Peugeot 106 de votre patron, le propriétaire du château.
15:41 Voiture que nous avons retrouvée moteur chaud, garée devant le château.
15:46 Est-ce que ça vous parle, ça ?
15:48 Je ne comprends rien à ce que vous me dites.
15:50 Je n'ai rien à voir avec tout ça, moi.
15:53 D'après ce que nous dit le propriétaire de la voiture, monsieur,
15:56 les clés de la 106 étaient accrochées dans le château.
16:02 Et pour y accéder, il fallait avoir les clés du château et le code de l'alarme.
16:07 Il nous dit qu'en dehors de lui, de vous et de votre femme,
16:11 personne n'a les clés et personne n'a le code.
16:15 Alors nous écartons votre femme pour des raisons que nous n'avons pas à vous expliquer.
16:19 Il ne nous reste plus que vous, monsieur.
16:22 Alors je vous repose la question.
16:24 Avez-vous, oui ou non, emprunté ce matin la Peugeot 106 de votre patron ?
16:29 Oh non, moi je n'ai rien à voir avec tout ça.
16:34 Nous avons, monsieur, le témoignage d'un habitant du village.
16:38 Il dit que ce matin à 8h, il vous a vu au volant de cette Peugeot 106.
16:44 Il dit même qu'il a été surpris parce que vous ne la conduisiez jamais.
16:48 Et que par ailleurs, il est assez rare que vous partiez de chez vous aussitôt.
16:52 Alors je vous repose la question, monsieur.
16:55 Avez-vous emprunté cette voiture ?
17:03 Ça ne le déstabilise pas du tout.
17:06 Il répète qu'il n'a rien à voir avec tout ça.
17:08 Que tous ces gens l'accusent à tort parce qu'ils sont jaloux de lui.
17:12 Et les heures passent.
17:14 Et la nuit arrive.
17:16 Et le jour se lève.
17:18 Il n'a pas bougé d'un iota.
17:21 On en est à la 47ème heure de sa garde à vue.
17:24 Il ne reste plus qu'une heure pour le faire craquer.
17:28 Sinon, s'il n'y a pas assez d'éléments contre lui, il faudra le relâcher.
17:32 C'est à ce moment-là que tombent les résultats des analyses ADN
17:37 effectuées par le labo.
17:39 C'est bon les gars ! Il est cuit !
17:48 Sur sa main gauche, le labo a détecté son propre ADN normal,
17:53 mais aussi celui de Marie-Christine Odo.
18:01 Il ne reste plus qu'une heure de garde à vue.
18:05 Bien Monsieur,
18:06 nous avons identifié l'ADN de la jeune femme qui a été enlevée sur votre main gauche.
18:11 Comment l'expliquez-vous ?
18:13 Je ne comprends pas ce que vous me dites.
18:15 Vous ne comprenez pas ?
18:17 L'ADN de Marie-Christine Odo est sur votre main gauche. Pourquoi ?
18:21 Mais en face,
18:22 ils n'ont qu'une bourrique qui s'entête à nier les évidences.
18:25 Il ne craquera pas pendant sa garde à vue.
18:29 Bien Monsieur, votre garde à vue est terminée, vous allez être déféré devant le procureur de la République.
18:34 Je vous le dis Monsieur, il y a un moment où il va falloir parler.
18:38 Il y a un moment où il va falloir que vous parliez.
18:41 Quelle frustration !
18:43 Ça fait deux jours que Marie-Christine Odo a été enlevée,
18:47 elle est peut-être encore vivante.
18:49 Et si elle est vivante, il faut la retrouver, vite !
18:56 Manuel Dacrouze est déféré devant le procureur
18:59 et ensuite il est présenté au juge d'instruction
19:02 puisqu'une information vient d'être ouverte.
19:04 Et là, miracle !
19:08 Euh...
19:10 C'est moi qui l'ai enlevée cette fille.
19:13 C'est moi qui l'ai enlevée.
19:14 Elle est vivante ou morte ?
19:22 Pas de réponse à cette question.
19:24 Le juge lui présente alors une carte,
19:26 il veut bien indiquer où elle est.
19:29 Elle est ici là.
19:31 Et elle est dans ce bois.
19:33 A Boissy-aux-Cailles.
19:35 Le juge informe immédiatement les gendarmes.
19:38 Elle serait dans un bois à Boissy-aux-Cailles.
19:42 Oui, oui, en Seine-et-Marne.
19:44 Le bois en question n'est pas bien grand,
19:46 il fait 100 mètres sur 300.
19:49 Les gendarmes se mettent à fouiller avec des chiens,
19:51 c'est pas facile.
19:52 Il y a des ronces partout et la nuit est en train de tomber.
19:55 Et soudain...
19:57 C'est bon, je l'ai !
20:00 Elle est vivante ?
20:02 Négatif, elle est décédée.
20:04 Le corps n'est qu'à 200 mètres de la route.
20:12 Il est posé dans une cavité naturelle.
20:14 Il est nu, recouvert de branchages.
20:17 Voilà !
20:19 Ils ne sont pas arrivés à sauver Marie-Christine,
20:21 c'est rageant.
20:23 Et c'est Manuel Dacrouze qui l'a tué, évidemment.
20:26 Dans la foulée, arrivent les gars de la scientifique,
20:34 avec un équipement tout beau, tout neuf.
20:36 Un bus baptisé "Lab unique".
20:39 Il permet d'effectuer les premières constatations
20:41 sur le corps de la victime dans une tente montée sur place.
20:46 Ce qui limite évidemment la contamination du corps
20:48 pendant son transport.
20:50 Bien messieurs, voilà ce qui résulte des premières constatations.
20:55 Elle a été étranglée.
20:57 Est-ce qu'elle a été violée, docteur ?
20:59 Oui, sans doute, avec les réserves d'usage.
21:01 Il faudra le confirmer à l'autopsie, mais oui,
21:05 elle a été violée, c'est probable.
21:07 Aussitôt, l'interrogatoire de Dacrouze
21:10 reprend dans le bureau du juge.
21:13 Bien messieurs,
21:15 nous avons retrouvé le cadavre de Marie-Christine Odo
21:17 sur vos indications.
21:19 C'est vous qui l'avez enlevée et tuée ?
21:23 Oui.
21:25 Oui, c'est moi.
21:27 Violée ? Vous l'avez violée ?
21:29 Pas de réponse sur ce sujet.
21:31 Mais pour le reste, il assume.
21:33 Le juge le met en examen pour enlèvement
21:36 et séquestration suivie de meurtre.
21:38 Et les explications viennent après.
21:41 Ça m'attend là, je te prends bien.
21:44 J'ai pris ma voiture
21:47 et je suis allé à Millier-la-Forêt.
21:49 Je me suis garé.
21:51 Et puis j'ai attendu.
21:53 Et puis j'ai vu passer cette femme.
21:55 J'ai eu comme une pulsion.
21:59 Je l'ai suivie avec ma voiture.
22:02 Et puis je me suis garé dans un petit chemin.
22:05 J'avais un couteau, je l'ai sorti.
22:09 Je l'ai forcé à monter dans le coffre.
22:11 Et j'ai repris la route.
22:14 Mme Odo a appelé la gendarmerie sur son portable.
22:18 Vous avez entendu son appel ?
22:21 Ouais ?
22:22 Ouais, je l'ai entendu alors j'ai arrêté la voiture,
22:24 je suis descendu.
22:26 J'ai ouvert le coffre et puis je lui...
22:29 Je lui ai donné un coup de poing quoi.
22:31 Bien sûr, j'ai balancé son téléphone.
22:34 Et ensuite, monsieur ?
22:36 Bon, ensuite je suis allé jusqu'au bois.
22:38 Je l'ai fait descendre.
22:41 Puis je l'ai forcé à s'enfoncer dans le bois.
22:44 Et puis à un moment je l'ai attaché.
22:46 Avec quoi vous l'avez attaché ?
22:48 Avec des fils électriques.
22:51 Et là vous l'avez violé ?
22:53 Euh...
22:55 Ouais.
22:56 Et tué dans la foulée ?
22:58 Non.
23:00 Non, je l'ai laissé attacher.
23:02 Et puis je suis rentré chez moi.
23:04 Je savais qu'elle avait donné la marque de la voiture
23:06 et l'immatriculation.
23:09 Et donc je suis rentré chez moi pour changer de voiture,
23:12 pour prendre ma mère quoi.
23:14 Et vous êtes revenu dans le bois pour la tuer ?
23:17 Non, non, non.
23:19 À ce moment-là, je voulais pas la tuer.
23:22 Et puis quand je suis arrivé dans le bois,
23:23 elle était parvenue à se détacher, elle était plus là.
23:27 Alors je me suis dit, elle doit être quelque part,
23:28 sur le bord de la route, quelque part, pour chercher des secours.
23:32 Et donc j'ai commencé à rouler avec ma voiture autour du bois.
23:37 Et puis là je l'ai vue, elle marchait sur le bord de la route.
23:40 Et forcément, elle s'est pas méfiée puisque j'avais changé de voiture.
23:43 Alors je l'ai dépassée,
23:45 je l'ai attendue dans un coin,
23:48 et c'est là que j'ai décidé de la tuer.
23:50 Elle m'avait vue.
23:51 Elle avait vu les deux voitures.
23:53 J'étais coincé.
23:55 Et comment l'avez-vous tuée ?
23:58 Moi je l'ai tranglé.
24:00 Comment ?
24:01 Avec le t-shirt qu'elle portait.
24:04 En l'écoutant.
24:06 On se met à la place de Marie-Christine, bien sûr.
24:09 Elle a eu une mort effroyable.
24:12 Effroyable.
24:13 Les obsèques de Marie-Christine Odo
24:21 ont lieu neuf jours après le meurtre,
24:22 en l'église Notre-Dame de la Somption de Milliers-la-Forêt.
24:25 L'église est pleine à craquer.
24:28 Et le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux est là.
24:31 Frères et sœurs,
24:33 nous sommes là pour Marie-Christine.
24:34 Nous ne sommes pas
24:36 ni dans un tribunal pour juger,
24:38 ni dans un hôpital pour soigner,
24:40 ni au Parlement pour définir une politique.
24:43 Cette cérémonie est celle du cœur,
24:45 de la fraternité.
24:47 Et à la fin de la messe,
24:49 le ministre fait une déclaration.
24:51 Je suis venu exprimer au nom du président de la République,
24:54 au nom du gouvernement tout entier,
24:57 l'émotion qui est la nôtre.
25:00 Et partager
25:02 la douleur
25:03 avec la famille.
25:04 Et dans la foulée,
25:06 il critique vertement les juges d'application des peines.
25:10 Car Manuel Ribeiro d'Acrous
25:12 est un récidiviste qu'on a laissé ressortir,
25:14 avant la fin de sa peine.
25:17 Et cette histoire tombe à pic
25:18 pour illustrer les réformes
25:20 que Nicolas Sarkozy veut engager
25:22 contre la récidive.
25:23 Finalement,
25:30 le juge a décidé de changer le motif de mise en examen de Manuel d'Acrous.
25:34 Jusqu'ici, on parlait de meurtre.
25:36 Désormais, il veut qu'on parle d'assassinat.
25:39 Il pense qu'il a prémédité son geste.
25:42 Depuis sa cellule,
25:49 Manuel d'Acrous écrit des lettres d'excuses à sa famille.
25:52 Lettres dans lesquelles il parle de se suicider.
25:54 Et il passe à l'acte, fin novembre.
25:56 Il avale des médicaments dans sa cellule.
25:59 Il est sauvé de justesse.
26:01 On va pouvoir le juger.
26:02 Le procès de Manuel Ribeiro d'Acrous
26:12 s'ouvre deux ans plus tard, en novembre 2011,
26:16 devant la cour d'assises d'Evry.
26:18 Et comme l'affaire a été très médiatisée
26:21 et que les politiques en ont fait leur chou gras,
26:23 il y a foule sur les bancs de la presse.
26:25 Plus de 50 journalistes.
26:28 Ce procès est marqué par deux moments très forts.
26:31 D'abord, le président fait écouter l'enregistrement de l'appel
26:36 passé par Marie-Christine Odo depuis le coffre de la voiture.
26:40 Un enregistrement sonore que les gendarmes
26:43 ont calé sur les images de la reconstitution.
26:46 Allô ?
26:47 Allô, on est en train de m'enlever.
26:50 Je m'appelle Marie-Christine Odo.
26:53 Et un homme avec un couteau m'a mis de force dans le coffre de sa voiture.
26:57 C'est une Peugeot 106.
26:59 C'est bouleversant.
27:01 C'est déchirant.
27:03 Et puis on fait venir à la barre la première victime de Dacroze.
27:07 Morgane.
27:08 Et dix ans après, elle raconte le calvaire qui lui a fait vivre.
27:13 J'étais vierge à l'époque.
27:17 J'avais 13 ans.
27:21 Ça a été très dur pour moi de me reconstruire.
27:25 D'autant plus que je savais qu'il allait recommencer.
27:29 Je savais qu'il allait recommencer.
27:33 Que voulez-vous que plaît de l'avocat de Dacroze après ça ?
27:36 Il fait ce qu'il peut.
27:37 Il fait le métier.
27:39 Monsieur Dacroze
27:42 réagit davantage à des pulsions qu'il ne réfléchit.
27:46 Il serait peut-être plus inquiétant s'il était plus intelligent.
27:50 Le verdict traduit évidemment la volonté de faire barrage à la récidive.
28:03 Manuel Ribeiro Dacroze est condamné à la peine la plus lourde prévue par le Code pénal.
28:08 Perpétuité assortie de 22 ans de sûreté.
28:12 [Musique]
28:19 Et je suis donc avec vous maître Dominique Pollion pour débriefer cette histoire.
28:23 Vous étiez avocat de la partie civile dans ce procès et vous représentiez les intérêts
28:28 de la maman et des deux frères de Marie-Christine Odo.
28:33 Peut-être qu'avant de commenter ce récit, on pourrait dire deux mots sur
28:38 le sort qui s'est acharné sur cette famille Odo dans les années qui ont suivi.
28:42 Parce que la maman de Marie-Christine est morte très peu de temps, c'est ça après ?
28:45 Elle s'est laissée mourir ?
28:47 Oui vous avez raison monsieur Onglet.
28:49 Effectivement ce procès n'a pas fait une victime, en l'occurrence Marie-Christine Odo,
28:54 mais également indirectement sa mère puisque
28:57 celle-ci m'avait dit, avait dit à ses enfants, à ses deux frères,
29:02 j'attends le procès de ma fille et après je n'ai qu'un seul souci, c'est la rejoindre.
29:07 Et malheureusement elle a mis à exécution son souhait puisqu'elle est décédée le 6 janvier 2012,
29:14 alors que l'arrêt de la caudacie c'était du 8 novembre 2011.
29:17 Elle a été rejoindre sa fille effectivement.
29:19 Mais elle ne s'est pas suicidée on est d'accord ?
29:21 Elle ne s'est pas suicidée, elle s'est purement et simplement laissée mourir.
29:24 Elle suivait un traitement qui n'en a plus pris.
29:26 Et c'est pas tout, puisque le frère de Marie-Christine est mort lui aussi quelques temps plus tard.
29:31 Alors effectivement ce décès n'est pas un lien direct avec le procès,
29:36 mais monsieur Pascal Odeau que j'assistais dans le cadre du procès pénal,
29:40 effectivement qui était un pompier émérite sur la région de Méhila-Fauré,
29:45 est décédé donc en intervention.
29:48 D'ailleurs la caserne de Méhila-Fauré porte son nom aujourd'hui,
29:51 mais effectivement c'est une famille qui a été tragiquement frappée par le sort.
29:57 Alors un commentaire sur le verdict, il prend donc perpétuité avec 22 ans de sûreté,
30:02 c'est le maximum actuellement prévu par le code pénal,
30:06 et j'entends déjà les gens qui disent à l'autre bout,
30:10 il faudrait la perpétuité réelle pour ce type-là.
30:13 Qu'est-ce que vous en pensez ?
30:14 Pour moi la décision qui a été rendue était d'adapter ce plan strictement pénal pour la famille.
30:21 Bien évidemment ce n'était pas suffisant.
30:24 D'ailleurs la famille Odeau avait eu un mot un petit peu maladroit,
30:27 mais qui a été dit sous le nom de l'émotion.
30:30 "Le jour où il sortira, nous serons là."
30:33 "Nous serons là pour l'accueillir."
30:35 Et même si effectivement la peine maximale a été prononcée,
30:39 en l'occurrence la perpétuité, avec 22 ans de sortie,
30:42 il a été incarcéré, il avait 49 ans, il ressortirait à 71 ans, 72 ans,
30:49 mais il y a également une chose que nous avons obtenue lors du procès,
30:52 c'est-à-dire un suivi socio-judiciaire de 10 années,
30:56 ce qui veut dire que même effectivement si M. Dacrouze a été amené à sortir,
31:01 il y a quand même un suivi socio-judiciaire qui doit automatiquement se mettre en place pendant une période de 10 années.
31:07 Ils vous diront, les mêmes personnes qui disent que "sûreté de 22 ans c'est pas assez",
31:11 ils vous diront que le suivi socio-judiciaire c'est un truc un peu bidon,
31:15 qui n'est jamais véritablement et sérieusement appliqué.
31:19 C'est un grand débat d'ailleurs qui a eu lieu durant le procès de la cour d'assise,
31:23 puisqu'on a fait de ce procès le procès de la récidive.
31:26 Oui, effectivement on peut le considérer comme le procès de la récidive,
31:29 mais c'est avant tout le procès du manque de moyens pour effectivement les professionnels,
31:36 les psychiatres, les psychologues, puisque dans le cas de la première condamnation de M. Dacrouze,
31:42 aucun suivi réel n'avait eu lieu pendant et après sa sortie de prison.
31:47 Donc il faut dire les choses telles qu'elles se passent actuellement,
31:50 en prison, qui serait le lieu idéal pour soigner les gens,
31:54 on ne les soigne pas les délinquants sexuels, et lorsqu'ils sortent, on ne les suit pas.
31:59 C'est ça la réalité.
32:01 On ne les soigne pas, on ne les suit pas,
32:04 et d'ailleurs j'en veux pour preuve les déclarations qu'avait fait M. l'expert Coutenceau,
32:09 qui était venu déposer à la barre de la cour d'assise d'Evry,
32:12 je lui avais posé bien évidemment cette question,
32:15 et il avait admis lui-même, avec beaucoup de franchise,
32:18 qu'il n'y avait pas de réel suivi pour les personnes condamnées au sein des maisons d'arrêt.
32:23 En prison, il faut le dire, ces gens-là sont en cellule, ils vont en promenade,
32:29 à aucun moment on ne les oblige à suivre une thérapie,
32:33 et quand bien même voudrait-il en suivre une, pour ces peines-là ils sont en centre de détention,
32:37 ils n'auront aucune occasion de suivre une thérapie.
32:40 En tout cas, très peu.
32:42 Pendant leur incarcération, et malheureusement souvent après leur incarcération,
32:47 lors de leur sortie. C'est encore pire, effectivement.
32:51 Alors le procès, comment est-ce qu'il se comporte au procès ?
32:55 Lui depuis le début, il dit "je n'avais pas l'intention de la tuer,
33:00 je l'avais attachée dans la forêt, je suis allé changer de voiture,
33:04 et ce n'est que parce qu'elle s'était échappée que je l'ai tuée".
33:09 - Monsieur Dacrouze, durant ce procès, a été fidèle à lui-même,
33:12 vous avez rappelé l'instruction, et son attitude devant le juge d'instruction,
33:17 il n'a pas craqué, il a été extrêmement peu loquace durant ce procès,
33:22 très renfermé sur lui-même, et avec très peu d'empathie,
33:27 pour ne pas dire pas du tout, durant le procès,
33:29 n'exprimant strictement aucun regret devant la cour d'assises des vrais.
33:33 - Aucun regret, aucune honte, aucun mot pour la famille que vous représentez vous ?
33:39 - Aucun mot. Aucun mot durant les quelques jours du procès.
33:43 - Alors le verdict retient le meurtre avec préméditation, donc l'assassinat,
33:49 qu'est-ce qui détermine la préméditation dans cette affaire ?
33:51 Parce qu'on a donc un type qui dit qu'il ressent une pulsion,
33:55 qui enlève cette fille, qui va la violer et l'attacher,
33:59 qui dit qu'il ne la tue que parce qu'entre temps elle s'est échappée
34:03 et qu'il a réussi à la rattraper,
34:04 et que maintenant elle sait quelles sont les deux marques de ces deux voitures,
34:08 elle est où la préméditation là ?
34:10 - La notion de préméditation n'est pas toujours une chose facile sur le plan juridique à établir,
34:14 ceci étant, vu les éléments du dossier,
34:18 la notion de pulsion qu'il a déclarée n'était pas à mon avis matérialisée.
34:24 Je pense effectivement que M. Dacrouze a parfaitement,
34:28 je vais mettre un truc gris, mais repéré sa proie,
34:30 M. Dacrouze n'ayant pas agi comme il l'avait déclaré sous la pulsion,
34:34 mais qu'il avait parfaitement prémédité ses actes.
34:37 - C'est-à-dire que ce matin-là, il va donc à Millier-la-Forêt,
34:41 lui dit qu'il voit passer cette fille,
34:42 vous pensez qu'à partir de ce moment-là il a décidé de la tuer ?
34:45 - Effectivement, c'est ce qui ressort clairement du dossier.
34:48 - Alors même qu'il n'a jamais tué à fond, c'est un homme qui a donc plus de 40 ans,
34:52 c'est ça qui est assez étonnant parce que ce genre de type est en général
34:56 un type qui va passer plusieurs fois à l'acte, à l'action, pendant plusieurs années.
35:01 Là il a violé une mineure, il ne l'a pas tuée,
35:04 et des années plus tard, il viole une majeure, une dame plutôt mature, et il la tue.
35:11 Il y a un truc qui ne colle pas dans le profil du bonhomme.
35:13 - Je l'entends, M. Onglate, ceci étant,
35:18 j'avais pris le soin de faire citer Morgane Vallée lors du procès,
35:22 c'est elle qui est venue déposer à la barre,
35:25 et lors de cette déposition, elle a dit, d'ailleurs elle a écrit,
35:28 puisqu'elle a fait un ouvrage à cet effet,
35:31 il recommencerait, elle avait déjà compris, elle de son côté,
35:34 par rapport au fait qu'elle avait vécu en 2002,
35:37 que c'était un homme qui recommencerait.
35:38 C'était donc intrinsèque à sa personnalité.
35:41 - On peut donc imaginer que peut-être entre Morgane et Marie-Christine,
35:46 il y ait eu d'autres victimes. On en a cherché, à votre connaissance ?
35:49 - Alors, non seulement on en a cherché,
35:52 mais il semblerait que dans le cadre d'affaires non résolues,
35:58 telles qu'on les appelle, M. Dacrouze puisse être concerné
36:02 par une ou deux autres affaires.
36:04 Une enquête préliminaire est en cours à cette époque.
36:07 - Alors parlons maintenant de la récupération politique de ce drame.
36:13 Comment est-ce que vos clients vivent ça ?
36:16 Ils approuvent la récupération par le président de la République, Nicolas Sarkozy,
36:20 et le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux ?
36:23 - Non, ils n'ont pas approuvé effectivement cette récupération.
36:27 Certes, ils ont été reçus à l'Elysée par le président de la République,
36:33 ceci étant, ils n'avaient pas le recul nécessaire.
36:35 C'était l'émotion qui parlait, bien évidemment, à ce moment-là.
36:38 Mais ils n'ont pas apprécié effectivement que M. Hortefeux se déplace à Milly-la-Forêt.
36:45 - Pour les obsèques, vous me le dites ?
36:46 - Pour les obsèques, effectivement. C'était, comme l'a dit le prêtre à l'époque,
36:51 une cérémonie presque intime.
36:54 En tout cas, la famille était concernée, et la ville de Milly-la-Forêt était également,
36:59 et faisait corps avec la famille Odo,
37:01 car c'était une jeune femme qui était très appréciée dans le milieu associatif de Milly-la-Forêt.
37:05 - Vous êtes en train de me dire qu'ils ne savent pas, avant les obsèques,
37:09 que Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, sera là ?
37:12 - Ils n'ont pas été prévenus. Personne n'a été prévenu.
37:14 - Nom de Dieu ! Et c'est énorme, ça !
37:16 - Oui, effectivement. Ça a été très peu apprécié.
37:20 D'ailleurs, monsieur le ministre n'est pas resté très longtemps, une fois la cérémonie terminée.
37:24 - Oui, il a senti qu'il n'était pas vraiment à sa place.
37:27 - Je pense, effectivement.
37:28 - En même temps, le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, pose un vrai sujet.
37:33 On a dit tout à l'heure que ce sujet n'avait pas trouvé d'ailleurs de solution en l'état.
37:38 Mais la récidive des délinquants sexuels est un vrai sujet.
37:42 - La récidive des délinquants sexuels est un vrai sujet.
37:46 Comme je vous l'ai indiqué, le suivi des délinquants sexuels, également,
37:50 à la fois lorsqu'ils sont incarcérés, mais également une fois qu'ils sont libérés.
37:56 Car dans ce dossier, un autre débat est apparu,
37:59 à savoir, effectivement, la libération anticipée de monsieur Dacrouze,
38:03 puisqu'il a fait, en tout et pour tout, six ans et demi de prison sur les onze ans
38:09 auxquels il avait été condamné par la Cour d'assises du Loiret.
38:13 Quand j'ai pris connaissance des éléments qui avaient été appréhendés par le juge des applications des peines
38:20 pour envisager sa libération, pour le libérer,
38:23 et quand je vois que ce magistrat n'a pas fait attention et a autorisé monsieur Dacrouze
38:30 à revenir habiter dans le village de sa victime, Morgane Vallée,
38:36 qu'elle croisait, qu'elle a de nouveau recroisé,
38:39 c'est une chose épouvantable.
38:41 Épouvantable.
38:43 Et en même temps, est-ce que l'exécution complète de la peine de onze ans,
38:47 à l'issue de laquelle il serait sorti, sortit sèche ?
38:51 Est-ce que ça aurait changé quelque chose à sa dangerosité ?
38:55 Si le suivi avait été effectif durant son incarceration,
38:59 peut-être, tout au moins, j'ose le croire.
39:02 Mais vous savez, c'était en 2009, le procès de la Cour d'assises.
39:05 C'était en 2011 que l'arrêt a été rendu.
39:08 2009 était le jour des faits.
39:10 Mais vous savez, très sincèrement entre nous,
39:12 la situation s'est pas foncièrement améliorée aujourd'hui.
39:15 On est d'accord ?
39:16 On est en fait en accord.
39:17 C'est-à-dire que derrière les annonces politiques, il n'y a pas vraiment eu quelque chose ?
39:20 Non, parce que nous sommes toujours confrontés à un problème de moyens.
39:24 Problème de moyens au niveau des magistrats,
39:26 problème de moyens au niveau des intervenants,
39:29 et problème de moyens au niveau du suivi des condamnés.
39:32 Par le service d'approbation.
39:34 Bien évidemment.
39:35 Qui est débordé.
39:38 Les services d'approbation,
39:40 les personnes qui suivent effectivement ces personnes,
39:43 ont un nombre très important de dossiers à suivre,
39:46 et ce suivi n'est pas effectif.
39:48 Merci beaucoup Maître Dominique Pollion d'avoir débriefé cette histoire avec nous.
39:53 Demain à 6h, un podcast pour vous, spécialement l'histoire du jour,
39:57 vous est donné, offerte, cadeau,
40:00 avec une avance de 8h par rapport à sa diffusion sur l'antenne d'Europe 1.
40:05 Et ce faisant, vous aurez remarqué que nous n'avons pas perdu un seul auditeur sur Europe 1 à cette heure-là,
40:10 et c'est un des plaisirs de cette aventure du podcast,
40:12 que de pouvoir conquérir un nouveau public,
40:15 un peu plus jeune, un peu plus technologique,
40:18 un peu plus souple, et qui ne peut pas être disponible surtout à 2h de l'après-midi.
40:21 Il y a des tas de gens qui bossent à cette heure-là.
40:23 Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur europe1.fr
40:29 Attendez !
40:33 Ne partez pas !
40:34 J'ai une dernière chose à vous dire.
40:36 Je vous ai déjà raconté ici la disparition d'Estelle Mouzain en 2003, à Guermantes.
40:43 Au-dessus de cette affaire, plein d'ombres de Michel Fourniret.
40:47 C'est ce que raconte le nouveau podcast "L'ombre",
40:51 une contre-enquête sur l'affaire Estelle Mouzain,
40:54 produite par Europe 1 Studio.
40:56 Vous pouvez l'écouter sur Spotify.
40:59 A très vite !

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