Face aux néonazis qui défilent dans Paris comme dans l'affaire de l'agression du maire de Saint-Brevin, la Macronie se montre bien tiède face à l'extrême droite. Surtout quand on compare son attitude à l'agressivité qu'elle réserve à la gauche. Dans La Tête dans le flux, notre chroniqueur Cyprien Caddeo décrypte comment la majorité libérale contribue à désarmer l'opinion face au péril brun.
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00:00 Oui, attend, je crois que j'en tiens une bonne là.
00:02 Alors, écoute-moi ça.
00:03 D'après Libération, les députés macronistes,
00:05 ils ont voulu monter un groupe anti-RN à l'Assemblée.
00:08 Donc, ils sont allés au restaurant,
00:10 ils se sont fait une petite réunion secrète.
00:11 Problème ! En partant, ils ont oublié la note de travail sur la table.
00:15 Et devine qui l'a récupérée ?
00:17 Sébastien Chenu, le vice-président RN de l'Assemblée nationale.
00:21 Non mais, pas une opération commando, sérieux, non mais...
00:24 Les mecs sont persuadés d'être des craques.
00:26 C'est des blaireaux, c'est tout, voilà !
00:29 Faut le dire !
00:30 Je commence à en avoir rasé.
00:31 On doit leur enlever leur carte de presse.
00:32 Vous avez des pensées bizarres !
00:33 Sauf que comme t'es un bon emploi, arrêtez de donner des outils.
00:36 Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de la Tête dans le flux.
00:40 Aujourd'hui, on va commencer avec une archive.
00:43 Parce que ouais, moi j'aime bien ça, les archives.
00:45 Je veux enfin avoir un mot pour ceux qui ont voté aujourd'hui pour Mme Le Pen.
00:51 Je les respecte.
00:53 Mais je ferai tout durant les cinq années qui viennent
00:58 pour qu'il n'y ait plus aucune raison de voter pour les extrêmes.
01:04 Ce fut un échec.
01:05 Un bel échec, oui.
01:06 On a tous bien vu que le RN ne s'est pas effondré dans les urnes.
01:09 Bien au contraire, l'extrême droite, c'était 9,4 millions de voix en 2017.
01:13 C'est 11,4 millions de voix en 2022 à la présidentielle.
01:16 Une progression politiquement profitable, Emmanuel Macron,
01:19 puisqu'elle lui a permis une réélection confortable en 2022,
01:22 toujours face à Marine Le Pen.
01:23 Et ça, c'est juste la partie émergée, électorale de l'iceberg.
01:27 Ces dernières semaines, on a quand même eu quelques exemples bien concrets
01:30 de ce que ça veut dire une extrême droite qui se sent puissante en France.
01:33 On va revenir là-dessus, mais ce dont on va parler aujourd'hui,
01:36 c'est pas tant du fait en lui-même que de la réaction du gouvernement par la suite.
01:39 Et comment cela montre qu'en termes de lutte contre l'extrême droite,
01:42 la Macronie a totalement lâché l'affaire.
01:44 Le 6 mai, en plein Paris, ont donc défilé plusieurs centaines de manifestants néonazis,
01:52 pour un cortège annuel organisé en hommage à un de leurs militants décédé en 1994.
01:57 Lors de cet événement finalement très peu couvert,
01:59 les quelques journalistes présents, pour Mediapart par exemple,
02:02 sont menacés et empêchés de faire leur travail.
02:04 A gauche, c'est la polémique, le tollé.
02:06 Qu'est-ce qu'ils faisaient dans les rues de Paris ?
02:08 Pourquoi on interdit des casseroles et pourquoi on autorise ces gens à être dans les rues de Paris ?
02:11 Mais qu'on arrête ! Là, quand est-ce qu'on se réveille face à la montée de l'extrême droite ?
02:15 Le gouvernement, lui, ne réagit pas dans un premier temps.
02:17 Il faut attendre trois jours pour que le préfet de police, Laurent Nunez,
02:21 ministre de Macron, défende le maintien de la manifestation parisienne.
02:25 Cette commémoration d'un militant décédé en 1994,
02:28 s'est toujours déroulée chaque année et n'a jamais entraîné de troubles à l'ordre public.
02:32 C'est pour ça que j'ai pris cette décision de ne pas l'interdire.
02:35 Alors, qu'on se comprenne bien, l'objet ici n'est pas tant de se demander
02:38 s'il fallait interdire ou pas cette manif fasciste.
02:41 Mais c'est de bien réaliser que l'exécutif n'a rien trouvé à y redire.
02:44 Résultat, Marine Le Pen, Marine Le Pen,
02:47 paraît à côté plus sévère contre les néonazis que le gouvernement.
02:50 En République, on ne manifeste pas masqué et en uniforme.
02:55 Et je considère que ces provocations ne peuvent pas être tolérées.
02:59 Alors qu'elle avait deux de ses potes dans le défilé, Alex Lustaud et Olivier Duguay,
03:02 c'est quand même un tout petit peu abusé.
03:04 Dans le cortège de samedi, figuraient des proches de Marine Le Pen,
03:08 notamment son ami Axel Lustaud, qui était aussi un de ses anciens trésoriers.
03:12 Autre contraste saisissant, le traitement des casserolades.
03:15 Ces comités d'accueil intersyndicaux, certes un peu bruyants, mais bon enfant,
03:19 sont interdits quasiment à chaque déplacement ministériel.
03:22 Et regardez, regardez avec quelle gravité sont qualifiés les casseroles.
03:26 Clairement, le bruit des casseroles, c'est la colère qu'on fait bouillir
03:30 et c'est la démocratie qui s'évapore.
03:32 Quand on ne veut vous couvrir pour vous empêcher de parler,
03:37 quand on veut vous priver de dialogue, de discussion et d'échange et de débat,
03:41 quand on veut empêcher son contradicteur de s'exprimer,
03:44 quand on veut empêcher des ministres de se déplacer sur le territoire de la République,
03:47 quand on fait usage de menaces contre des élus de la République,
03:50 voire qu'on a recours à la violence, c'est pas de la démocratie qu'on défend.
03:54 À écouter Olivier Véran, porte-parole du gouvernement,
03:57 les casserolades, c'est-à-dire concrètement ça,
03:59 voilà, des petits vieux qui tapent sur les casseroles,
04:02 et ben c'est quasiment la dictature quoi.
04:03 À côté, les fascistes, les vrais, ah ben ça va, ils n'embêtent personne,
04:06 regardez ces cortèges bien alignés, là c'est tout propre.
04:08 Sauf que l'extrême droite ne fait pas qu'agiter des croix celtiques, elle agit aussi.
04:12 La façade de sa maison noircie par les flammes,
04:15 et devant, deux voitures appartenant à sa famille,
04:19 calcinées, garées sur un tas de cendres.
04:21 Le 10 mai, le maire d'Yver-Droite de Saint-Brévin, en Loire-Atlantique,
04:24 a démissionné suite à l'incendie criminel qui a menacé sa vie et celle de sa famille.
04:28 Son tort, avoir soutenu le déplacement d'un centre d'accueil de migrants près d'une école.
04:32 L'extrême droite a fait de cette commune un front symbolique,
04:35 et a harcelé pendant des mois l'élu,
04:37 jusqu'à cette tentative d'intimidation qui aurait pu virer au meurtre.
04:40 C'est une attaque d'extrême droite contre un élu.
04:42 Voilà, c'est pas difficile à dire en fait, "extrême droite".
04:45 Bah pour les macronistes, c'est pas aussi simple.
04:47 Écoutez, ça montre qu'il y a une montée de l'extrémisme dans notre pays,
04:52 et évidemment il faut qu'on soit très très vigilant sur ce sujet.
04:55 La question de la protection de nos élus, c'est la question aussi de l'habitude
04:59 qui a été prise à cette forme de violence, ces insultes, ces menaces,
05:04 que malheureusement la quasi-totalité des élus de la République reçoivent.
05:08 La Macronie fait preuve de beaucoup de pudeur,
05:10 pour ne pas dire "extrême droite",
05:12 au risque de nier la spécificité de ce courant politique,
05:14 historiquement lié à la notion de coup de force et de violence.
05:18 Le tout en se dédouanant de toute responsabilité,
05:20 alors que l'État a laissé tomber ce maire,
05:22 notamment en lui refusant la protection policière.
05:24 Cela fait des mois que nous alertons sur des manifestations d'extrême droite
05:30 contre les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile,
05:34 et malheureusement l'État n'a pas été au rendez-vous démocratique républicain.
05:39 Aujourd'hui, la situation est un échec, un échec grave pour la République.
05:44 La réaction de la majorité est donc bien timide face à un élu menacé de mort,
05:48 surtout si on se prête à nouveau au jeu de la comparaison.
05:50 Voilà, en contraste, le tombereau médiatique que rencontre Jean-Luc Mélenchon
05:53 par ce qu'il a dit le 1er mai, "Abas la Mauvaise République !"
05:56 Abas la Mauvaise République !
05:58 Moi, quand j'entends un leader de premier plan
06:00 haranguer ses militants en mettant dans la même phrase "Abas",
06:03 et puis "La République", ça me met particulièrement mal à l'aise.
06:07 Monsieur Mélenchon, qui lui appelle quasiment à la sédition.
06:10 Chacun le sait bien, pour Jean-Luc Mélenchon, la seule bonne République, c'est lui.
06:15 Moi, je ne partage pas du tout ce que dit Mélenchon quand il parle de Mauvaise République.
06:18 Déjà, tout le monde avait bien compris que c'était un slogan
06:20 contre la 5ème République et pas un appel à la sédition.
06:23 Et surtout, c'est quoi ces réactions totalement disproportionnées ?
06:25 Des réactions outragées qu'on n'a pas entendues à nouveau le 14 mai,
06:28 quand c'était cette fois l'Action Française, royaliste,
06:31 qui criait "Abas la République" tout court.
06:33 "Abas les gouverneurs, abas la République !"
06:36 Allez écouter, le péril immédiat, c'est la France Insoumise,
06:39 et donc la gauche en général, puisque pour eux,
06:41 Elfie = Muppés = gauche.
06:42 À cette tentative de tout mettre dans un même sac,
06:44 de prétendre que toutes les oppositions au macronisme
06:46 voudraient menaces équivalentes,
06:48 de nous expliquer que, finalement, Mélenchon, ce serait pire que Le Pen,
06:51 et bien, répondons ceci.
06:52 Est-ce que vous pouvez nous dire, concrètement,
06:54 qui, dans l'environnement de la France Insoumise,
06:56 projette des attentats contre des personnes ?
06:58 Qui, à la FI, a voulu attaquer des rues de culte,
07:00 comme la mosquée de Bayonne, par l'extrême droite ?
07:02 Qui a voulu tuer des élus ?
07:03 Qui, à gauche, a infiltré la police et l'armée,
07:06 et donc a axé facilement à des armes à feu
07:08 pour nourrir ses sombres projets ?
07:09 Absolument personne !
07:10 La peur d'une soi-disant menace d'extrême gauche est agitée,
07:13 tandis que celle de l'extrême droite est euphémisée,
07:15 diluée dans une menace confuse d'ordre général.
07:18 On a bien compris la manœuvre,
07:19 s'arroger le monopole de la fréquentabilité,
07:21 et choisir son adversaire, repoussoir le moment venu.
07:24 Mais la chose n'est pas que stratégique.
07:26 Je suis prêt à parier que Mélenchon contre Le Pen,
07:30 le front d'une part, version faible,
07:33 le front républicain n'est pas du tout garanti en faveur de Mélenchon,
07:36 version forte, il se pourrait qu'un front républicain
07:39 se reconstitue, mais contre Mélenchon.
07:41 En dernière instance, les options politiques,
07:43 et surtout économiques, défendues par Marine Le Pen,
07:46 inquiètent moins la Macronie et son électorat,
07:48 la bourgeoisie, les patrons, disons-le clairement,
07:50 que celles défendues par la gauche.
07:52 C'est aussi simple que ça.
07:53 Et quand on aime un peu l'histoire,
07:54 on sait bien pour qui a penché le patronat,
07:56 quand il a eu à choisir entre Hitler ou le Front Populaire.
07:59 Le capital sait parfaitement qu'avec Marine Le Pen,
08:01 rien ne change.
08:03 Tout est ok pour lui.
08:04 Il n'y aura pas le moindre problème.
08:06 Avec Mélenchon,
08:08 bon, je veux dire, c'est pas le grand soir,
08:11 mais dans la tête d'un capitaliste,
08:14 si, si, c'est déjà quasiment le grand soir.
08:18 Voilà, c'est la fin de cet épisode,
08:20 merci de l'avoir suivi.
08:21 N'hésitez pas à nous faire vos retours,
08:23 à liker, à commenter et à vous abonner à la chaîne.
08:25 Nous, on se dit à très vite.
08:27 Allez, salut !
08:28 ♪ ♪