Les 4 vérités - Catherine Colonna

  • l’année dernière
Chroniqueur : Thomas Sotto


Thomas Sotto reçoit Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, dans Les 4 vérités.

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00:00 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Catherine Colonna.
00:04 Merci d'avoir accepté notre invitation, d'autant que vous êtes assez rare dans les médias.
00:08 On sait que le ton est monté entre la France et l'Italie ces derniers temps,
00:11 quand Gérald Darmanin a accusé la première ministre italienne, Giorgia Meloni,
00:15 de mentir à ses électeurs et d'être incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue.
00:20 Est-ce que nous sommes aujourd'hui en crise diplomatique avec nos voisins italiens ?
00:23 Non, certainement pas.
00:25 L'Italie, de fait, est confrontée à une forte pression migratoire qui passe pour l'essentiel par la Méditerranée.
00:31 Nous souhaitons avoir une bonne coopération, voire même une meilleure coopération avec l'Italie,
00:36 parce qu'il faut lutter contre ces flux, prévenir les départs.
00:39 Nous avons en réalité des intérêts communs avec l'Italie pour prévenir les départs,
00:44 pour demander aux pays qui ne surveillent pas suffisamment leurs côtes peut-être de faire davantage.
00:49 Nous pouvons le faire ensemble avec l'Union européenne.
00:52 Il y a une politique européenne migratoire. Je ne sais pas si vous avez vu des images qui étaient diffusées ce week-end dans le 20h de France 2,
00:57 des Grecs qui remettent des migrants sur une barque et qui les remettent en mer.
01:01 Oui, j'ai vu ces images qui évidemment interpellent.
01:03 Mais oui, il y a une politique migratoire européenne qui est en cours d'élaboration.
01:07 Hier encore, j'étais pour ma part à Bruxelles avec notamment mon collègue homologue italien,
01:13 Antonio Tajani, tandis que Gérard Darmanin était lui-même à Bruxelles en réunion
01:20 sur la réforme que nous souhaitons du pacte asile-migration qui doit permettre plus de solidarité entre les Européens.
01:26 Sauf que votre homologue devait venir à Paris et après les déclarations du ministre de l'Intérieur français, il avait tout annulé.
01:30 On en est où là ?
01:31 C'est vrai, c'est vrai.
01:33 Il y a eu un moment de flottement, je dirais, d'étonnement devant les propos qui ont été tenus.
01:38 Nous sommes expliqués depuis.
01:40 Vous avez présenté l'excuse de la France ou pas ?
01:41 Non, certainement pas.
01:43 Nous avons tous des raisons d'espérer une meilleure coopération entre pays européens pour lutter contre les trafics et prévenir les départs.
01:49 Et donc, je me rendrai en Italie après-demain, jeudi, à l'invitation de mon homologue italien.
01:54 Et la première ministre italienne, Alina Dracan, en France, on avait évoqué une date en juin.
01:58 C'est toujours d'actualité ?
01:58 Oui, je pense qu'on cherche des dates, mais c'est encore à voir.
02:03 Elle est une interlocutrice comme une autre, cette première ministre issue de l'extrême droite ?
02:06 Elle est élue par le peuple italien.
02:08 Donc, je n'ai pas de commentaires particuliers à faire sur les opinions de tel ou tel dirigeant d'un pays démocratique, voisin et ami, comme l'Italie.
02:16 Donc, je le dis avec mes mots.
02:18 La situation reste confuse en Ukraine, madame la ministre, autour du champ de ruines qui est devenu la ville de Barmout.
02:23 Selon vos informations, la ville est-elle tombée entre les mains des Russes ? Oui ou non ?
02:29 Je ne peux pas commenter la situation sur le terrain, jour après jour, quartier par quartier.
02:34 Parce que vous ne le savez pas ?
02:35 Nous n'avons pas d'informations privilégiées et nous regardons ce que disent les autorités ukrainielles.
02:40 C'est chez elles que se passe cette guerre.
02:42 L'Ukraine est attaquée, agressée par la Russie.
02:45 Je crois que ce qu'il faut voir, c'est remettre les choses peut-être en perspective.
02:50 Ça fait bientôt 500 jours, 453 ou 454, que la Russie a attaqué l'Ukraine.
02:57 Et en presque 500 jours, c'est un échec pour elle.
03:00 Elle n'a atteint aucun de ses objectifs.
03:02 Kiev n'est pas tombée.
03:04 L'Ukraine ne s'est pas effondrée.
03:06 L'Union européenne a réagi avec force et avec unité.
03:10 Et les forces ukrainiennes s'apprêtent à mener une contre-offensive,
03:14 sans même mentionner le front diplomatique,
03:17 où l'Ukraine peut s'expliquer davantage auprès de grands pays qui ne la comprenaient pas toujours,
03:22 alors que la Russie piétine.
03:24 Et à l'ONU, en particulier, l'Assemblée générale,
03:26 elle ne parvient absolument pas à avoir du soutien sur ces positions.
03:30 Comment vous définissez les rapports entre la France et la Russie aujourd'hui ?
03:33 C'est une ennemi ? C'est une adversaire ?
03:35 C'est encore un partenaire ? C'est quoi la Russie ?
03:37 La Russie, en tant que pays, est un grand pays de notre continent que nous respectons,
03:42 mais dont nous aimerions qu'il ait un autre comportement.
03:44 Donc il faut distinguer le pays de sa politique actuelle.
03:48 Et on se parle encore avec les Russes, madame la ministre ?
03:50 Nous nous parlons parfois à différents niveaux, y compris à niveau ministériel,
03:52 même si nous le faisons rarement.
03:54 Nous avons une ambassade là-bas, nous avons des contacts de toute nature.
03:57 Mais nous sommes profondément en désaccord avec une agression menée par la Russie
04:02 contre un pays souverain qui viole tous les principes fondamentaux du droit international
04:07 et tous les principes qui fondent la vie entre les nations.
04:09 Voilà pourquoi nous devons aider l'Ukraine à se défendre.
04:12 C'est aussi simple que ça.
04:13 Aider l'Ukraine à se défendre, le week-end dernier, lors du G7 au Japon,
04:16 le président américain Joe Biden a été très clair.
04:17 Il a ouvert la porte à une livraison d'avions de combat américains, des F-16 aux Ukrainiens.
04:21 Est-ce que cette avancée côté américain et de nature a poussé la France à revoir sa position,
04:26 qui pour l'instant voulait se cantonner à la formation de pilote ?
04:28 Est-ce que ça change quelque chose pour nous ?
04:30 La France, le président de la République, lorsqu'il a reçu le président Zelensky dimanche dernier,
04:34 le 14 mai je crois, a été la première à dire publiquement qu'elle envisageait
04:40 la formation de base de pilote ukrainien, ce qui leur permettra,
04:45 en poursuivant leur entraînement ailleurs sans doute,
04:48 d'être en capacité de piloter des avions de dernière station.
04:52 Ça la formation, c'est très clair.
04:53 Formation de base, qui peut ensuite être poursuivie peut-être ailleurs
04:59 par une formation finale.
05:00 Et vous savez que les Ukrainiens souhaitent des F-16 et la France ne possède pas d'F-16.
05:05 Mais si les Ukrainiens demandaient des Rafales, ils auraient des Rafales ?
05:08 Je crois que ça n'a pas de sens au regard de leur demande.
05:12 Ils souhaitent constituer progressivement et avec désormais un nid et l'obstacle des États-Unis,
05:18 au fait que d'autres pays qui possèderaient des F-16 puissent les mettre à disposition,
05:22 éventuellement, le moment venu de l'Ukraine.
05:24 Vous avez dit la semaine dernière qu'un émissaire chinois était attendu à Paris cette semaine.
05:28 Est-ce qu'il est là ? Est-ce qu'il est arrivé ? Quand est-ce qu'il viendra ?
05:30 Il est là et il sera reçu aujourd'hui au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
05:34 par le directeur politique, qui est l'un des directeurs importants de mon ministère.
05:38 Sa mission, c'est de trouver un règlement politique au conflit.
05:43 Est-ce qu'il vous paraît possible, réaliste, envisageable à court terme,
05:46 ce règlement politique de cette guerre ?
05:48 Je crois que tout effort qui contribue à rechercher la paix est une paix fondée
05:55 sur les principes fondamentaux de la charte des Nations unies est bon à entendre.
06:01 Encore faut-il que ce soit ce type de négociation et ce type de paix qui soit cherché,
06:06 c'est-à-dire le respect de l'intégrité territoriale des États,
06:09 de leur indépendance, de leur souveraineté.
06:11 Alors la Chine, oui, rappelle très souvent son attachement à ces principes.
06:16 Il faut voir si elle souhaite les faire progresser de façon à prendre en compte
06:19 les intérêts légitimes d'un pays souverain et agressif.
06:22 Et si la Chine veut mettre un peu de pression sur la Russie pour des réchanges ?
06:25 Nous allons le voir. Elle fait une tournée diplomatique, comme d'autres,
06:29 et comme le président Zelensky, lui-même, est allé faire une tournée diplomatique
06:32 pour exposer sa position et plaider en faveur de son propre plan de paix,
06:37 parce que l'Ukraine a présenté un plan de paix.
06:39 Vous êtes aussi la ministre de l'Europe, Catherine Colonna.
06:41 Si on laisse tomber deux secondes le langage diplomatique,
06:42 diriez-vous qu'à coup sûr, l'Ukraine sera d'ici quelques années membre de l'Union européenne ?
06:47 Oui. Il lui appartient de mener, vous savez, des réformes fondamentales.
06:52 C'est un pays qui vient d'un autre système, qui a beaucoup progressé,
06:56 mais il a maintenant une perspective européenne.
06:58 À quelle échéance ? On peut déjà le dire ?
06:59 Non, c'est impossible à dire.
07:01 Deux ans, cinq ans, dix ans plus tard ?
07:02 Non, c'est impossible à dire. Je ne sais pas répondre à cette question.
07:04 Je pense qu'il n'y a pas de réponse préétablie.
07:06 Il y a une perspective d'adhésion qui est claire.
07:09 L'acceptation d'une candidature qui a été reçue par les États membres de l'Union européenne.
07:13 Le soutien de la France ?
07:14 Le soutien de la France était 27, unanime, il y a bientôt un an.
07:18 Et maintenant, un chemin qui est engagé, qui doit être suivi,
07:21 dans lequel nous aiderons l'Ukraine à progresser,
07:23 de façon à ce qu'elle puisse, le moment venu, nous rejoindre, quand elle sera prête.
07:28 Dans l'actualité encore, il y a à l'Iran, Catherine Cottenay,
07:30 quelques jours on se réjouissait de la libération de deux otages français détenus en Iran,
07:33 Benjamin Brière et Bernard Félan.
07:34 Quelle a été la contrepartie de leur libération ?
07:37 Ils n'en ont pas eu.
07:38 On n'a pas payé, rien ?
07:40 Je les ai vus hier.
07:41 Ils sont encore en traitement suivi à l'hôpital.
07:45 Ils étaient extrêmement faibles.
07:47 Ils vont bien, ils ont pu sortir, ils font des allers-retours.
07:49 Donc je les ai reçus, puisqu'ils passaient à mon ministère.
07:53 Il n'y a pas eu de contrepartie.
07:55 Je tiens à le dire, nous avons plaidé beaucoup, à différents niveaux,
07:58 auprès des autorités ukrainiennes, compte tenu de leur état de santé.
08:01 Iranienne.
08:02 Iranienne, pardon, désolé de ça.
08:04 Leur état de santé était extrêmement dégradé.
08:07 Ils étaient l'un et l'autre malades.
08:09 Ils ont heureusement été libérés.
08:12 Ils sont sortis de cette épreuve.
08:13 Benjamin Brière, vous savez, a passé trois ans dans les geôles iraniennes.
08:18 Ça n'est pas acceptable.
08:19 Et nous avons encore quatre Français qui sont détenus.
08:22 Cécile Collère, Jacques Parry, Louis Arnaud.
08:25 Et le quatrième, on ne sait pas qui c'est.
08:26 Dont l'identité n'est pas rendue publique à la demande de sa famille.
08:28 C'est un agent ?
08:29 Non, à la demande de sa famille.
08:31 Nous respectons tout à fait l'avis privé des uns et des autres.
08:34 Nous cherchons à les protéger et nous voulons les sortir de la situation
08:37 dans laquelle ils sont.
08:38 Nous demandons leur libération sans condition.
08:41 Est-ce que vous avez la garantie qu'ils sont bien traités aujourd'hui, ces quatre ?
08:44 Il y a trop peu de visites consulaires, mais il y en a.
08:48 Et donc, dans les choses importantes que nous demandons
08:51 et que nous pressons l'Iran de faire,
08:53 c'est d'accepter de plus fréquents contacts avec l'ambassade,
08:58 notre consulat, avec leur famille aussi.
09:00 Tout ceci n'est pas acceptable.
09:02 Il y a aussi le cas de la chercheuse franco-iranienne Fariba Abdelka.
09:05 Elle a été libérée le 10 février,
09:06 mais elle n'a pas le droit de quitter le territoire iranien.
09:09 Là encore, les discussions continuent
09:11 ou la France se satisfait de cette situation ?
09:12 Non, les discussions continuent.
09:14 Notre ambassadeur me disait hier que nous l'aidons à obtenir
09:19 des documents d'identité iranien qui seraient la première étape
09:23 pour qu'elle puisse quitter le territoire.
09:24 Elle n'a pas de passeport aujourd'hui.
09:26 Elle doit pouvoir bénéficier d'un passeport iranien.
09:28 Et donc, nous y travaillons.
09:29 Nous y travaillons activement.
09:31 Hier encore, j'étais avec notre ambassadeur en train de m'en occuper.
09:35 On a beaucoup parlé du G7 par rapport à l'Ukraine.
09:38 Il y a aussi un autre événement diplomatique majeur ces derniers jours.
09:40 Le week-end dernier, c'est le sommet de la Ligue arabe à Jeddah,
09:42 en Arabie saoudite, avec le retour dans le jeu diplomatique de Bachar el-Assad.
09:46 Que vous inspire cette image ?
09:48 Est-ce que ça vous a choqué de le revoir
09:49 dans le concert international, le président syrien ?
09:53 Je crois surtout qu'il faut se souvenir de qui est Bachar el-Assad.
09:59 C'est un dirigeant qui a été depuis plus de 10 ans l'ennemi de son peuple.
10:04 Je vous rappelais qu'il y a eu des centaines de milliers de morts en Syrie.
10:08 600 000 morts depuis 2011 en Syrie.
10:09 Il a gazé une partie de son peuple.
10:11 L'utilisation d'armes chimiques.
10:13 Et donc, tant qu'il ne change pas,
10:16 tant qu'il ne prend pas des engagements de réconciliation,
10:20 de lutte contre le terrorisme, de lutte contre la drogue aussi,
10:25 tant qu'il ne change pas, qu'il ne prend pas ses engagements
10:28 et qu'il ne respecte pas ses engagements,
10:30 il n'y a pas de raison de changer d'attitude à son endroit.
10:32 Donc, il ne peut pas redevenir aujourd'hui un interlocuteur pour la France ?
10:36 Je pense que c'est à lui de changer.
10:38 Ce n'est pas à la France de changer son attitude.
10:40 C'est une erreur de la Ligue arabe de le remettre comme ça ?
10:42 C'est un choix.
10:43 C'est un choix.
10:44 Il y a eu des discussions.
10:46 Tout ce n'était pas unanime pour cette réintégration.
10:49 De fait, il a participé à la réunion de la Ligue arabe,
10:52 soit, mais ce n'est pas notre opposition.
10:54 En tout cas, la levée des sanctions européennes n'est pas d'actualité ?
10:56 Non, certainement pas.
10:57 Encore une fois, il lui appartient de changer
10:59 et de démontrer qu'il oeuvre désormais la conciliation au sein de son pays,
11:03 il a de bonnes relations avec les pays voisins.
11:04 Changer, c'est une chose, mais il y a aussi ce qu'il a commis comme acte.
11:07 Est-ce que vous souhaitez qu'il soit jugé un jour ?
11:09 Je pense que la lutte contre les crimes,
11:11 la lutte contre l'impunité fait partie des valeurs de la diplomatie française.
11:15 Et je rappelle chaque fois que j'ai à m'exprimer sur la question syrienne,
11:20 je rappelle que dans nos priorités, il y a cette lutte contre l'impunité.
11:25 Dernier sujet, c'est la série des terroristes.
11:27 Il y a quelques jours, à New York, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur,
11:30 s'est inquiété d'une reprise de la menace islamiste en Europe.
11:33 Est-ce que ça veut dire que dans le monde, Daesh, l'État islamique,
11:36 est en train de reconstituer ses sources, ses forces ?
11:38 Parmi les sujets de préoccupation dans le dossier syrien,
11:41 il y a pour nous le fait que la lutte contre Daesh n'est pas terminée
11:46 et que nous devons d'ailleurs aider, protéger nos alliés kurdes
11:51 qui ont été efficaces dans cette lutte contre Daesh.
11:53 Donc des points ont été marqués, des coups sévères ont été portés à Daesh,
11:57 mais ça n'est pas terminé. En effet, il faut être extrêmement vigilant.
12:00 Est-ce qu'il faut s'inquiéter par exemple d'une menace extérieure
12:02 pour les Jeux olympiques à Paris l'an prochain ?
12:04 D'une façon générale, la menace terroriste existe.
12:06 Je ne ferai aucune révélation en rappelant qu'elle existe.
12:08 On dit souvent qu'elle est maintenant endogène.
12:10 Elle a plusieurs formes, en effet.
12:12 Elle peut se manifester selon les moments d'une façon différente.
12:16 Donc nous sommes extrêmement vigilants sur l'ensemble de ces fronts et il le faut.
12:20 Donc la menace extérieure existe encore ?
12:22 Elle existe, oui.
12:23 Elle ressemble à celle qu'on a connue en 2015 ?
12:24 Pas forcément, non.
12:26 On l'a vu dans différents pays, différentes formes d'actions,
12:30 mais toutes requièrent une très grande vigilance.
12:33 Merci beaucoup Catherine.
12:34 Le Mise intérieure est là pour ça, et actif.
12:37 Merci beaucoup Catherine Colana, d'être venue dans les 4V.
12:38 Merci à vous et bonne journée.

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