SMART BOURSE - Emission du mardi 23 mai

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Mardi 23 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Vincent Chaigneau (Directeur de la recherche, Generali Investments) , Alain du Brusle (Directeur de la gestion, Claresco) , Hervé Goulletquer (Senior Economic Advisor, Accuracy) et Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)

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00:00 C'est reparti pour Smartbourse, votre double dose quotidienne de marché en direct sur
00:11 Bismarck.
00:12 Chaque jour à la mi-journée, 12h30-13h et en fin d'après-midi, la grande édition
00:16 pendant une heure à partir de 17h, rediffusée à 20h sur Bismarck TV, émission que vous
00:21 retrouvez chaque jour en replay sur Bismarck.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
00:26 Au sommaire de cette édition ce soir, des marchés qui sont toujours dans une logique
00:30 de consolidation, une consolidation d'ailleurs un peu plus appuyée sur le CAC 40 parisien
00:36 aujourd'hui avec des dégagements visibles, significatifs sur le segment du luxe qui est
00:42 évidemment le moteur poids lourd du CAC 40 depuis des mois maintenant et qui se renverse
00:48 contre le marché parisien aujourd'hui.
00:51 On voit des baisses effectivement assez marquées de 4, 5, 6% pour les valeurs stars du luxe
00:56 mondial, LVMH, Hermès et les autres.
00:59 L'ensemble du secteur du luxe détruit aujourd'hui une trentaine de milliards de dollars de capitalisation
01:04 boursière partant de niveaux records en termes de prix.
01:08 Les titres LVMH ou encore Hermès, emblématiques du secteur, étaient sur des niveaux records
01:13 il y a encore quelques heures ou quelques jours à peine.
01:15 Des dégagements qui sont peut-être justifiés par la poursuite de la remontée des taux,
01:20 on le voit sur toute la partie de la courbe américaine notamment.
01:24 On était tombé à 3,80 sur le 2 ans américain il y a quelques semaines au début du mois
01:29 de mai, on se retrouve à 4,40 aujourd'hui et on voit sur les taux longs là aussi une
01:34 légère tension qui peut réapparaître avec un 10 ans allemand à 2,50 et un 10 ans américain
01:39 autour de 3,75 au moment où on se parle, ce qui peut faire souffrir effectivement les
01:43 valorisations des segments dits de croissance.
01:46 Et puis certains analystes qui commencent à prendre leur distance par rapport au secteur
01:50 du luxe, que ce soit chez Morgan Stanley ou chez Deutsche Bank, les analystes de ces deux
01:55 banques d'investissement estiment qu'il faut désormais être plus sélectif sur ce secteur
02:00 du luxe qui pourrait souffrir d'ailleurs peut-être d'une petite dégradation sur le marché américain
02:05 spécifiquement dans un contexte où l'économie américaine et l'économie européenne continuent
02:11 de fonctionner à double régime, un régime presque récessionniste pourrait-on dire pour
02:18 la partie industrielle, manufacturière, on l'a vu encore avec les indices PMI qui ont
02:22 été livrés ce matin pour le mois de mai, les indices PMI manufacturiers au mieux sont
02:28 toujours sous la ligne de flottaison voire continuent de s'enfoncer.
02:32 Quant à la partie service, elle fait mieux que tenir dans certains cas, elle réaccélère
02:38 même, on a pu le voir aux Etats-Unis ou en Allemagne, en Allemagne l'écart entre les
02:43 PMI service et manufacturier atteint un niveau de 15 points ce qui est assez spectaculaire
02:49 et au global le rythme de l'activité dans le secteur privé que ce soit en Europe ou
02:54 aux Etats-Unis reste quand même sur un niveau tout à fait décent avec un PMI composite
03:00 global en zone euro pour le mois de mai à plus de 53 donc au-delà du seuil d'expansion
03:06 d'activité. Nous reviendrons évidemment sur la situation macro du moment, la pause
03:11 de la Fed bien sûr, la question du plafond de la dette qui fixe à court terme l'humeur
03:16 des investisseurs et puis ce sera d'ailleurs l'objet de notre quart d'heure américain
03:20 un peu décalé cette semaine, nous retrouverons ce soir Pierre Ebluga en direct à 17h45,
03:26 notre correspondant américain pour plonger à nouveau dans ce sujet du plafond de la
03:30 dette avec des négociations toujours en cours à Washington.
03:33 Mais d'abord tendance mon ami, les infos clés de marché comme chaque soir pour ouvrir
03:48 l'émission à 17h en direct avec vous Alix Enguyen et des marchés européens qui accusent
03:53 un peu le coup aujourd'hui. Et oui l'indice PMI provisoire pour le mois
03:57 de mai en zone euro publié par l'agence S&P Global a ralenti plus que prévu et il
04:02 est mal digéré, il est tombé à 53,3 du fait pour l'essentiel de la composante manufacturière
04:09 très dégradée, celle des services recule aussi. Autre facteur contribuant à une certaine
04:14 mollesse sur les marchés aujourd'hui, les négociations sur le plafond de la dette
04:19 américaine patinent. Une nouvelle réunion entre démocrate et républicain est prévue
04:23 dans la journée. En attendant, l'inquiétude s'observe sur le rendement des emprunts américains
04:28 à un mois. Il a touché un niveau historique à 5,88%. Sensible aux fluctuations sur les
04:35 taux d'intérêt, Apple recule, Meta Platforms regagne légèrement du terrain.
04:40 Toujours aux Etats-Unis, Tesla a mis en vente sur son site internet au Canada des Modèles
04:46 3 et Modèles Y produits en Chine. Ce sont les premiers véhicules du constructeur en
04:51 provenance de l'usine de Shanghai expédiés vers l'Amérique du Nord.
04:55 Zoom Video Communication plonge après avoir relevé ses prévisions de chiffre d'affaires
05:00 et de bénéfices pour l'ensemble de l'année, malgré un ralentissement de la croissance
05:05 et des dépenses des entreprises. Comme autre facteur déterminant pour les marchés,
05:09 aujourd'hui, on remarque aussi que les tensions entre la Chine, les Etats-Unis et le Japon
05:14 pèsent sur le luxe. Elles prennent notamment forme sur le secteur des semi-conducteurs.
05:18 Les bourses chinoises étaient en baisse ce matin, ce qui a fait reculer d'autres valeurs
05:23 liées à la Chine. A Paris, Hermès recule nettement, LVMH et Kering aussi. A noter également
05:29 que le titre de Vivendi chute. Vincent Bolloré a vendu un peu plus d'un,5 million d'actions
05:35 du groupe via la compagnie de Cornwall selon des déclarations à l'AMF.
05:39 Enfin, un mot des situations spéciales du moment à Paris, notamment avec la suspension
05:44 de l'action Casino à la demande du groupe.
05:47 Oui, il s'était donné jusqu'à 17h pour lancer avec ses créanciers une éventuelle
05:51 procédure de conciliation. Pour rappel, la maison de maire de Casino, Rally, annonçait
05:57 hier soir l'obtention de l'ouverture d'une procédure de conciliation avec ses créanciers
06:02 auprès du tribunal de commerce de Paris. Cela fait suite à une première procédure
06:07 à l'amiable lancée en avril et qui n'a pas abouti.
06:10 Et puis, dans le reste de l'actualité, Patrick Drahi possède désormais un quart de l'opérateur
06:16 anglais BT. Il assure toujours via son véhicule Altice UK qu'une OPA n'est pas d'actualité
06:21 British Telecom vient d'annoncer un vaste plan de suppression d'emplois.
06:26 Tendance mon ami. Chaque soir, le résumé de la séance "Les infos clés du jour sur
06:30 les marchés avec Alix Nguyen" en direct à 17h dans Smartbourse sur Bsmart.
06:34 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
06:47 Vincent Chéniot est avec nous en plateau, le directeur de la recherche de Generali Investments.
06:52 Bonsoir Vincent. Merci d'être là. Merci à Alain Dubruil de nous accompagner également.
06:56 Bonsoir Alain. Bonsoir Grégoire. Vous êtes directeur de la gestion de Claresco.
06:58 Merci à Hervé Goulette qui est d'être avec nous également ce soir. Bonsoir Hervé.
07:01 Vous êtes conseiller économique d'Accuracy. Un petit mot de la macro avec notamment les
07:08 enquêtes d'activité pour le mois de mai réalisées auprès des directeurs d'achats,
07:12 des enquêtes mensuelles très suivies par les marchés qui permettent peut-être d'y
07:17 voir un peu plus clair, ça n'est pas certain, sur cette dichotomie spectaculaire quand même
07:21 entre le monde des services et le monde de l'industrie ou le monde manufacturier. On
07:25 voit un écart grandissant dans certains pays. C'est 15 points d'écart entre ces indices
07:29 en Allemagne par exemple. L'écart grandit également aux Etats-Unis avec une partie
07:33 service qui fait mieux que tenir, qui réaccélère dans certains cas et une partie manufacturière
07:38 qui au mieux reste sous la ligne de flottaison voire continue de s'enfoncer. Hervé, que
07:45 révèle cette situation à ce stade ? Est-ce qu'on se réjouit de voir les services aussi
07:49 bien tenir ou est-ce qu'on s'inquiète de voir le manufacturier être de manière persistante
07:56 à ces niveaux de faiblesse ?
07:57 Les enquêtes PMI c'était un peu un phare en matière de tempo de la conjoncture, comme
08:04 ça tombait tôt dans le mois. C'était les nouvelles fraîches sur le profil conjoncturel
08:11 et on aimait bien ça. Aujourd'hui, il y a beaucoup de paradoxes dans les chiffres.
08:17 Celui que vous avez noté, c'est l'écart entre service et manufacturier. Si on essaie
08:24 de faire des moyennes, habituellement c'est assez proche. Avoir un ou deux points d'écart
08:28 en moyenne, c'est normal. Lorsqu'il y a des moments d'inflexion cyclique, l'écart
08:34 s'accroît. Mais c'est vrai que 15 points, vous l'avez rappelé, sur l'Allemagne, 12
08:38 sur la zone euro, c'est très bizarre. Qui doit-on croire ? Si on cherche un message
08:45 de nature plus conjoncturel, donc vraiment repérer les mouvements du cycle, le manufacturier
08:51 serait sans doute plus à suivre. Dans ce cas-là, le message est un peu moyen. Je pense
08:57 que ce qui donne du crédit à l'idée que le message du manufacturier est porteur de
09:04 sens, c'est que dans tous les retournements d'activités qu'on a connus ces longues
09:11 dernières décennies, c'était plutôt un choc. Alors, secteur de l'immobilier, secteur
09:16 financier, la santé publique. Et là, on se retrouve avec quelque chose qui, en apparence,
09:22 en oubliant ce qu'il y a derrière, est plus cyclique. On a accélération des prix, on
09:26 a remonté des taux d'intérêt et donc finalement, que l'activité finisse par lâcher. Dans
09:33 ce contexte-là, c'est un peu normal. Donc, le message du manufacturier paraît cohérent
09:38 avec le schéma classique qu'on a en tête. Par contre, du côté des services, c'est
09:43 vrai que ça devrait commencer à flancher aussi et ça ne flanche pas. Alors, il y a
09:48 plusieurs explications. Celle qui rassure le plus, c'est de se dire, bon, finalement,
09:53 les services avaient énormément souffert pendant la crise de la Covid. Il y a encore
10:00 des mécanismes de rattrapage et donc, oui, on a un décalage. C'est un mélange de structurel
10:06 d'un côté, de conjoncturel de l'autre. Il faut l'accepter. Et puis, on peut dire
10:11 aussi deux autres choses plus embêtantes et qui font perdre un peu le sens de ce qui
10:16 se passe. La première, c'est qu'on le sait tous, la qualité des statistiques
10:21 aujourd'hui est moins bonne, simplement parce qu'il y a moins de gens qui répondent.
10:25 Ça se voit un peu partout et c'est un problème. Et donc, on ne sait pas quoi faire.
10:31 Et le deuxième point, et ça, on l'a déjà repéré, c'est que cet indice PMI qu'on
10:36 aime tant sur les marchés, en fait, sa relation avec la croissance économique, que l'on
10:43 qualifie habituellement au travers de l'évolution du produit intérieur, cette relation est
10:47 devenue plus lâche, tout au moins différente sur la période récente de ce qu'on observait
10:52 auparavant. Donc oui, là où on voulait avoir un repérage facile de ce qui se passe, aujourd'hui,
10:58 on ne l'a pas. On se perd un peu en conjecture, mais en n'oubliant pas qu'on est dans un
11:03 monde tout plein d'incertitudes partout. Et finalement, la difficulté à décrypter
11:09 le message envoyé par les PMI, et bien voilà, ça part aussi de cette incertitude.
11:13 Vincent, on peut discuter à l'infini, effectivement, de la fiabilité des enquêtes en 2023, du
11:18 niveau de corrélation entre les données soft et les données dures réalisées. La
11:23 dynamique quand même en faveur des services reste spectaculaire, quel que soit le niveau
11:28 d'activité qu'on a dans l'économie des services, et notamment aux Etats-Unis. Je
11:32 voudrais qu'on mette ça en relation avec la pause signalée par la réserve fédérale
11:37 américaine, quand on voit le niveau d'activité encore dans les services, même une amélioration,
11:42 alors peut-être partant de points très très bas dans l'activité de construction, également.
11:46 Le moral des promoteurs remonte. On voit quand même que la distribution de mortgage n'est
11:50 pas non plus complètement gelée. Il y a encore de l'activité, de la dynamique, y compris
11:54 dans le secteur immobilier et le secteur de la construction aux Etats-Unis. Est-ce que
11:59 la pause est réelle, sérieuse, ou est-ce que c'est une pause fragile pour la réserve
12:03 fédérale américaine ? Oui, ce sont des chiffres assez étonnants,
12:06 cette dichotomie. Alors, je dirais d'abord que les services pèsent plus que le secteur
12:10 manufacturier dans nos économies, mais c'est vrai que le secteur manufacturier est plutôt
12:15 à un certain leadership. C'est-à-dire que quand les entreprises manufacturières sont
12:21 dans des temps difficiles, elles commencent à couper les services et avec le retard,
12:26 on voit un effaiblissement des services. Alors, c'est vrai que le consommateur, lui, tient
12:30 très bien et donc on a ces effets de queue de comète sur l'après-Covid avec l'épargne
12:36 excédentaire qui est dépensée. Donc, ça tient bien, mais quand même, je dirais que
12:42 le message, c'est qu'on a eu une économie qui, cette année jusqu'à présent, a plutôt
12:47 très bien résisté, plutôt mieux que prévu globalement et c'est vrai également pour
12:52 l'Europe. On voit quand même des signes d'affaiblissement. Si vous regardez les indices de surprise économique
12:57 en particulier, aux États-Unis, on revient vers zéro, on était monté sur des niveaux
13:02 assez élevés. En Europe, on est passé en négatif. En Chine, on voit qu'après le
13:08 rebond spectaculaire, post-réouverture de l'économie, ça commence à s'essouffler.
13:13 Donc, le message, quand même, globalement, est celui d'une économie qui commence à
13:19 ralentir et on peut supposer qu'avec le resserrement des conditions de crédit, ce ralentissement
13:26 va se poursuivre. Donc, la question, c'est à quel niveau, à quel degré connaîtra-t-on
13:33 une récession ? Nous pensons qu'on connaîtra une récession modeste, modérée aux États-Unis.
13:40 En Europe, on pourrait y échapper, mais quand même, les risques sont à la baisse. Sur l'immobilier
13:46 américain, c'est vrai que le moral des constructeurs s'est repris, mais on n'a pas fait tout le
13:52 chemin inverse, il reste relativement bas. Les taux immobiliers et les taux mortgage
13:55 sont encore très élevés. Donc, on peut quand même penser que ce secteur va rester sous
13:59 pression et d'ailleurs, c'est un secteur qui, sur le marché des actions, reste à
14:03 la traîne.
14:04 À partir de quel moment le ralentissement économique sera suffisant aux États-Unis
14:11 pour rendre tout le monde confortable avec l'idée que l'inflation reviendra entre
14:15 2 et 3% à horizon visible ? C'est une question de mois ? C'est une question de trimestre
14:21 encore peut-être, Vincent ? Quelle est la capacité de résistance du consommateur,
14:27 de la demande finale privée aux États-Unis qui tient encore à ce stade ?
14:30 Non, la Fed est en une position très difficile, puisqu'on sait que le cycle d'inflation
14:35 est retardé par rapport au cycle de croissance et donc il faut que l'économie ralentisse
14:39 encore davantage pour que l'inflation baisse. Donc, quelle sera la patience de la Fed ? C'est
14:47 sûr qu'il y a des interrogations sur la fin de ce cycle de hausse des taux. Nous, on pense
14:50 que c'est terminé, mais c'est sûr qu'on n'est pas certain de ça. Quand vous regardez
14:57 les enquêtes auprès des consommateurs, par exemple, aussi bien aux États-Unis qu'en
15:01 Europe, les anticipations de long terme sur l'inflation ont augmenté très fortement
15:05 lors de la dernière enquête. C'est le type de choses qui ne va pas rassurer les banques
15:08 centrales. Ce n'est pas le seul indicateur qui le regarde. Il regarde également les
15:14 prévisions des professionnels, les entreprises, les points morts d'inflation sur le marché.
15:19 Donc, il y a vraiment une batterie d'indicateurs. Mais c'est le type d'éléments qui peut
15:23 les inquiéter sur la persistance de cette inflation dans la mesure où elle commence
15:28 plutôt à être ancrée dans les mentalités. La pause de la Fed, telle que signalée lors
15:33 de la précédente réunion par Jérôme Poel, c'est équivalent à la fin des hausses de
15:38 taux ou pas forcément, Alain ? Nous, on pense qu'on est très proche de la fin des hausses
15:43 de taux. Très proche ? Oui, très proche. D'ici l'été, c'est fini. Il n'y aura
15:48 pas de hausses de taux. En revanche, on n'y est pas forcément tout de suite, aujourd'hui.
15:52 Si, si. Pour nous, c'est presque fini. À partir de cet été, terminé. En revanche,
16:00 la contrepartie, c'était peut-être que le début des baisses de taux n'est pas forcément
16:04 pour tout de suite. Par rapport à tout ce qui a été dit, le problème de toutes ces
16:08 enquêtes, c'est quand même beaucoup de sentiments qui sont très influencés par
16:13 une conjoncture qui, en apparence, reste assez bonne. On l'a souligné, il y a des effets
16:17 de rattrapage post-Covid. C'est vrai que dans les services, on n'est pas encore au
16:21 niveau pré-Covid, même dans le tourisme, dans le transport aérien. On s'en rapproche
16:25 à grande vitesse, mais on n'y est pas encore tout à fait. Aux Etats-Unis, les créations
16:29 d'emplois continuent, mais si on regarde de près, elles continuent dans les secteurs
16:31 qui n'ont pas encore rattrapé le Covid. Dans les secteurs qui sont déjà au niveau
16:35 du Covid, ça commence à plafonner un petit peu. Et puis, sur l'inflation, effectivement,
16:40 il y a une inflation qui est embarquée, sous-jacente notamment dans les salaires, qui va mettre
16:44 du temps à s'arrêter. Mais pour autant, aux Etats-Unis, je pense qu'on pourrait
16:48 retrouver des niveaux d'inflation pas loin de 3 dès cet été. Ce qui veut dire que
16:54 si l'inflation se calme, après il y a la question de la croissance, mais si l'inflation
16:58 se calme, ça laisse de la marge côté taux. Et puis, le deuxième point, c'est de dire
17:03 qu'aujourd'hui, tous les entreprises que je rencontre, elles sont encore assez contentes
17:07 à très court terme. Mais le paradoxe, c'est que, oui, j'exécute mon canet de commande,
17:12 par exemple dans la construction, dans les chantiers, c'est plus facile, les livraisons
17:15 sont là, les entreprises sont un petit peu moins débordées qu'avant, donc elles délivrent.
17:20 On a des publications de chiffre d'affaires très bonnes. Beneteau nous fait +50 au premier
17:24 trimestre, c'est aussi parce qu'il y a certains bateaux, on a pu mettre les trucs
17:27 qui manquaient et les livrer. Donc, ça donne une impression de bonne activité, les recettes
17:31 rendent, la TVA est là. Mais les canets de commande, eux, ça se voit plus dans l'industrie
17:35 de service, ils sont moins bons. La dynamique de prise de commande quand même ralentit.
17:38 Forcément chez Beneteau, mais dans la construction, c'est évident. La construction, c'est typiquement
17:43 le secteur où il y a une dichotomie incroyable entre l'activité spot, qui est très bonne,
17:47 et le deuxième semestre qui sera certainement mauvais. Et donc, du coup, dans l'esprit
17:52 des consommateurs, aujourd'hui, c'est encore la fête. La récession, ils ne l'ont pas
17:56 encore vue. Et pourtant, ça va ralentir. Donc, à partir de là, le risque, c'est
18:00 effectivement que le marché aujourd'hui voit déjà que les taux, c'est fini, mais
18:05 que le ralentissement sera-t-il brutal ou non. Là où j'aurais tendance à être malgré
18:10 tout optimiste, c'est que si le ralentissement s'avère un peu plus brutal que prévu, et
18:17 je dirais même, ralentissement, on devrait déjà être en ralentissement et pour l'instant,
18:20 on ne l'est pas. Donc, du coup, le jour où on va commencer à le voir, il y aura peut-être
18:23 une marche un peu plus forte, même si in fine, ce n'est pas un énorme ralentissement.
18:26 Rappelons aujourd'hui que moi, je suis stupéfait de voir qu'au niveau du PIB, en Europe comme
18:31 aux Etats-Unis, on attend à peu près 1% sur l'année. Si c'est ça, ce n'est pas la fin
18:34 du monde, objectivement, mais j'ai du mal à y croire. Alors maintenant, si ça se détériore,
18:39 on a quand même une réserve pour les marchés qui est le pouls de Fed. C'est-à-dire que
18:44 si l'activité se détériore plus rapidement que certains le craignent aujourd'hui, eh
18:49 bien les banques centrales, elles, pourront dégainer comme elles l'ont toujours fait
18:52 et à ce moment-là, quelque part, ça pourrait atténuer la pilule.
18:55 Quel que soit le niveau d'inflation ?
18:56 Je suis assez constructif sur l'inflation, surtout si ça reste…
19:01 Oui, je comprends.
19:02 Enfin, Hervé.
19:03 Moi, si on veut regarder au cœur de la formation des coûts et des prix, il y a ce qu'on appelle
19:11 les coûts salariaux unitaires. Donc, vous prenez l'évolution des salaires, vous retranchez
19:16 celle de la productivité et la bizarrerie du moment, une fois encore, on est face à
19:22 des mécanismes que l'on ne comprend pas bien, mais on observe une panne de la productivité
19:27 du travail et quand vous regardez aujourd'hui la relation entre l'évolution des coûts
19:33 salariaux unitaires et l'évolution du noyau dur des prix à la consommation, vous avez
19:39 enlevé l'énergie, les produits alimentaires, aujourd'hui, vous comprenez très bien ce
19:43 qui se passe sur les noyaux durs qui sont à 6% à peu près de part et d'autre de l'océan.
19:49 Et donc, la question que vous vous posez, c'est si on garde des marchés de l'emploi
19:55 tendus et pour le moment, on a envie de dire qu'ils vont rester tendus et si on continue
20:00 de traîner cette panne de la productivité, vous avez une constitution de coûts salariaux
20:08 unitaires qui n'est pas bonne du tout. Après, le choix c'est soit vous voulez de la désinflation
20:14 et dans ce cas-là, c'est les profits unitaires qui vont prendre cela, c'est-à-dire qui vont
20:21 baisser, soit vous acceptez l'idée que vos coûts salariaux unitaires vont continuer
20:28 à être élevés, que les prix ne vont pas ralentir autant que le marché ne le dit aujourd'hui.
20:35 En fait, avec une productivité faible, si tant est qu'elle reste durablement faible
20:40 et là, je crois qu'on ne sait pas répondre à cette question-là, mais dans ce cas-là,
20:43 vous avez quelque chose qui ressemble de façon un peu furieuse à ce qu'on a appelé il y
20:47 a très longtemps la stagflation, parce que la productivité, c'est une des composantes
20:53 de la croissance avec l'emploi. On dit que l'emploi ralentit, mais un emploi qui ralentit
20:57 pour une productivité patraque, ça ne fait pas beaucoup de croissance. Par contre, ça
21:02 nous fera une inflation qui est toujours forte. Donc, en fait, moi j'ai l'impression qu'aujourd'hui,
21:06 le marché a un regard très cyclique en se disant voilà, on a eu de l'inflation, on
21:12 a des taux d'intérêt qui ont monté, l'activité va baisser, étape suivante, l'inflation
21:17 va ralentir, donc les banques centrales vont être plus sympas.
21:20 – Schéma classique.
21:21 – Ce qu'on ne va pas avoir du côté de l'activité, on l'aura dans l'actualisation
21:26 de la croissance avec des taux d'intérêt plus bas, et finalement, je m'en sors. Mais
21:31 peut-être que ça ne sera pas comme ça et qu'on s'en sortira plus difficilement.
21:35 – Non, pour moi, il y a quand même encore une dissonance dans le marché, c'est-à-dire
21:39 que le marché de taux anticipe des baisses assez rapides de taux de la Fed, quand le
21:45 marché d'action lui anticipe qu'on a plutôt vu le point bas sur les earnings et
21:50 donc qu'on n'aura pas de ralentissement sévère. Ces anticipations, ce consensus
21:55 sur les earnings nous dit que 1) on n'a pas de récession sévère du tout et ou 2)
22:03 les entreprises gardent une capacité à fixer les prix. Et donc c'est le fameux "gridflation",
22:10 c'est-à-dire que les entreprises ont utilisé cet environnement inflationniste pour monter
22:14 les prix et protéger leurs marges, voire gonfler leurs marges. Donc pour moi, il y
22:20 a une dissonance entre cette baisse rapide de la Fed qui impliquerait soit un fort ralentissement,
22:25 soit une baisse brutale de l'inflation et de l'autre côté, des anticipations sur
22:29 les earnings qui sont relativement optimistes. Donc il y a quand même une dissonance. Les
22:34 marchés d'action au total se portent plutôt bien, même si on a une correction aujourd'hui.
22:39 C'est vrai que les marchés d'action ont été soutenus par une période trimestrielle
22:44 avec des résultats qui ont été excellentes, avec des résultats nettement supérieurs
22:48 aux anticipations. Donc ça, ça a soutenu le marché. Mais pour moi, on a quand même
22:52 une forme de dissonance qui devra être résolue et a priori par une correction à la baisse
22:59 des actions.
23:00 Même si au sein de ce marché d'action et de ces indices d'action, là aussi, il
23:04 y a deux mondes. C'est-à-dire qu'il y a le S&P 005 et le S&P 495. Il y a les GAFAM,
23:12 les Megacap et des indices Small Cap qui sont encore largement 20% en dessous de leur sommet
23:17 précédent. Il y a toute une partie de la cote qui est déjà noyée, j'allais dire,
23:22 dans l'idée de la récession. Alors on ne le voit pas parce que dans les indices, les
23:26 plus gros poids, luxe, tech américaine emportent tout en mode rouleau compresseur. Mais dès
23:32 qu'on regarde, il n'y a pas besoin de regarder très finement non plus les choses, on voit
23:35 bien qu'il y a toute une partie du marché qui intègre déjà, alors peut-être comme
23:39 le marché obligataire, des temps beaucoup plus difficiles.
23:41 Absolument.
23:42 Ce n'est pas le monde des bisounours le marché d'action non plus.
23:45 C'est vrai. La profondeur dans le rallye des actions cette année est très limitée,
23:51 notamment vous le mentionnez aux Etats-Unis. Si vous regardez le S&P, on doit être en
23:54 hausse d'environ 9% depuis le début de l'année.
23:56 Et coups de pondérés, c'est très négatif.
24:00 Non, on est très marginalement positif. Mais il y a un écart très important effectivement
24:05 de 8-9 points. Donc, ça dit bien que ces gains des actions ont été très concentrés.
24:12 Si vous regardez les marchés européens depuis 3 mois, disons depuis début mars, donc avant
24:17 la crise des SVB, c'est vrai que les secteurs cycliques sont plutôt à la traîne.
24:19 Ressources basiques, immobiliers bien entendu, mais également les banques, l'énergie,
24:26 tout ça ce sont les sous-performeurs et ce sont des secteurs plutôt cycliques.
24:29 Donc, il y a quand même sous la surface des inquiétudes sur le cycle. Mais il n'empêche
24:34 que dans son ensemble, il me semble quand même qu'il y a une certaine dissonance entre
24:39 les littos et les actions.
24:40 Mais ça veut dire que si les marchés actions doivent quand même corriger un peu, comme
24:43 vous dites, ça passe par une baisse de ces méga-cap, de ces blue chip américaines qu'on
24:48 connaît tous ou du luxe à Paris qui d'ailleurs baisse aujourd'hui de manière un peu significative.
24:53 C'est ces boîtes-là, ces compartiments-là qui doivent baisser.
24:55 On peut penser que l'euphorie sur ces secteurs, notamment sur le luxe, sur la tech qui est
25:01 sensible au taux, je me prononcerais moins vite.
25:05 Mais il y a aussi probablement de la place pour que le cyclique baisse davantage. C'est-à-dire
25:10 qu'elles ont souffert mais en relatif. Mais il y a probablement encore de la place pour
25:17 que les inquiétudes cycliques augmentent.
25:19 Comment vous regardez ce marché actions à deux vitesses ? Alors le fait du jour, c'est
25:23 effectivement la baisse du luxe partant du niveau de pré-record. On ne va pas s'alarmer
25:28 pour LVMH et Hermès aujourd'hui.
25:30 Ce qui est du luxe, c'est qu'il y a des prises de profit de temps en temps. Là, on a eu une
25:33 hausse incroyable même si les multiples en absolu ne sont pas indécents. Hermès, si,
25:39 mais ça l'a toujours été. LVMH, on est à 25-26 fois les résultats.
25:42 Oui, mais ils sont moins élevés que les précédents records de l'action.
25:45 On ne peut pas dire aujourd'hui que LVMH soit particulièrement cher.
25:49 Maintenant, comme on l'a souligné, c'est vrai que la cote, il y a beaucoup d'écarts.
25:53 Il y a des sociétés, pour être très grossier, de qualité. Tech, luxe, où on sait que ça
25:58 avance quoi qu'il arrive et qui sont à 25 fois les résultats. Et vous avez des sociétés
26:02 plus cycliques, plus incertaines, qui n'ont pas forcément du pricing power, qui si ça
26:08 ralentit vont devoir baisser leur prix pour tenir leur volume, etc. et qui sont à 10
26:12 fois les résultats. Et puis dans le monde des small mid-cap, on a des boîtes de grande
26:16 qualité qui sont à 10 fois les résultats parce qu'il n'y a pas de flux, pas de volume,
26:19 pas de ceci, pas ça. Donc les valorisations du marché en tant que telle, 13 fois les
26:24 résultats de 2023 en Europe, 18 fois aux États-Unis, en soi c'est une forme de protection
26:28 parce qu'on n'est pas dans une bulle, au moins en termes de multiples. Maintenant,
26:33 en termes de valorisation ou de dynamique, c'est vrai que le luxe, on pourrait avoir
26:38 un petit ralentissement d'activité qui pourrait peser sur les cours de bourse. Mais fondamentalement,
26:43 ça reste un secteur de croissance où il y a du pricing power. Et le schéma où on
26:48 a une économie qui ralentit avec des taux d'intérêt qui se "calment", ça devrait
26:54 favoriser les valeurs, soit les valeurs dites de croissance ou qui ont la capacité de garder
26:59 leur marge, dont les résultats ne souffriront pas trop, et qui bénéficieront, boursièrement
27:03 parlant, d'une hausse des multiples. Donc la tech, oui, le luxe, oui. Après, il y a
27:08 des grandes tendances qui ne vont pas forcément changer, qu'il y ait une récession ou pas,
27:11 c'est cette tendance à la premiumisation des comportements qu'on voit avec le luxe.
27:15 Et puis la tech, c'est aussi un moment où on a mis du temps à mettre en place tout
27:19 ce qu'on appelle l'infrastructure cloud, l'IA, etc. Et là, on arrive à une phase
27:24 où tout ce qui est intelligence artificielle va commencer à avoir des effets peut-être
27:28 plus tangibles sur la performance des entreprises. Et c'est aussi avec ce genre de choses que
27:32 les questions de productivité pourraient s'améliorer, alors peut-être en détruisant
27:37 des emplois. Mais sur votre point sur la productivité, qu'est-ce qu'on a ? On a du mal à trouver
27:41 des gens pour travailler en ce moment. Donc il faut aller les chercher. On va chercher
27:45 des gens peut-être moins en forme, plus âgés, moins motivés, parce qu'il faut quand même
27:49 les faire travailler. Donc ce n'est pas illogique que quand le marché de l'emploi est très
27:53 tendu, on est moins regardant sur la énième personne qu'on recrute et donc sa motivation,
27:58 sa capacité à travailler, elle peut démissionner du jour au lendemain. On comprend bien pourquoi
28:02 dans une économie un petit peu sous tension, la productivité marginale du travail est
28:06 moins bonne. C'est un peu logique. Donc si les choses se calment, la France historiquement
28:11 a été connue pour avoir une bonne productivité du travail puisqu'on a des charges sociales
28:15 extrêmement élevées. Donc tout le monde s'en plaint, mais au moins la productivité
28:18 du travail en France est bonne parce que le travail est très cher et pour cause. Donc
28:21 la productivité du travail, c'est quelque chose qui peut s'améliorer si l'activité
28:24 ralentit. Et puis il y a toutes ces nouvelles technologies qui vont arriver. Alors certains
28:28 le voient comme un drame social parce que ça va libérer des bras, créer du chômage,
28:32 mais en même temps libérer des bras, ça peut aussi permettre de faire d'autres choses.
28:34 Donc technologie, oui. Les secteurs de croissance ou défensive, je pense, devraient s'en tirer.
28:40 En revanche, oui, les secteurs plus cycliques qui n'ont pas de pricing power ou alors
28:43 il va falloir baisser les prix pour garder les volumes, par exemple l'automobile.
28:47 Ça peut encore baisser. Je ne sais pas le PFC Lantis, il est à quoi ? 3 ? Ça peut
28:52 encore direilter plus que ça ? Le PE peut-être pas, mais en tout cas l'activité
28:56 ou les baisses de prix, les marges, oui, peuvent être sous pression dans des secteurs
28:58 comme celui-là, oui. Bon, la dynamique de marché, qu'est-ce
29:02 que ça vous inspire ? C'est vrai qu'il y a dans les marchés globaux des messages
29:05 assez différents, les messages des marchés actions, les messages de la courbe des taux,
29:10 les matières premières aussi. On note quand même la surperformance des métaux précieux
29:13 par rapport à l'énergie, par rapport aux métaux industriels. Alors ça peut corriger
29:16 un peu sur quelques jours, effectivement, là on voit le pétrole qui repart un peu
29:20 aujourd'hui, mais en tout cas force est de constater qu'il y a des messages qui ne sont
29:24 pas très macro-positifs sur certains marchés. Moi j'aurais envie de dire, les marchés,
29:29 c'est vrai qu'on peut dire que les niveaux de taux d'intérêt ont un peu baissé, les
29:35 grands indices actions ont bien performé depuis le début de l'année, c'est bien. Mais quand
29:41 on entre dans plus de détails, on a quand même notre inversion de la courbe des taux,
29:45 elle est encore là, et donc c'est quand même un message. Du côté des actions, on
29:50 a parlé des "equal weighted index", on voit bien tout de même qu'ils nous envoient
29:55 un message de fragilité, et il faut savoir l'entendre. Et puis quand on voit le profil
30:00 des "steel value" contre les "steel growth", on voit bien que la préférence donnée aux
30:07 "steel growth" par rapport aux "steel value", quand on est en train de flirter avec la récession,
30:13 ça s'estompe. Donc moi je trouve qu'il y a quand même des messages aujourd'hui, du
30:16 côté du marché des capitaux. Alors là encore, c'est comme du côté de la conjoncture,
30:21 les messages tirent un peu à Hu et à Dia, mais il y a des messages qu'il faut suivre
30:26 aussi, parce que moi, une fois que j'ai dit tout ça, ces éléments techniques qui me
30:31 font dire "tiens, il y a des petits drapeaux que l'on agite et qu'il faut entendre,
30:36 ou qu'il faut regarder plutôt", mais en fait, moi ce qui me gêne le plus, c'est
30:40 les anticipations de marché, dire sur la croissance économique, en gros ce qu'on
30:45 nous dit c'est "croissance zéro entre maintenant et la fin de l'année", zéro
30:49 au moins aux Etats-Unis, zéro plus, mais en fait, dans un environnement compliqué,
30:55 pas qu'au niveau économique, au niveau géopolitique, voire dans un certain nombre
30:59 de pays importants, au niveau de la politique intérieure, comme c'est fragile, ça peut
31:04 basculer, et donc faisons attention qu'on n'ait pas des révisions, ce que Vincent
31:09 disait sur les indices de surprise, montre bien qu'on peut avoir des révisions, donc
31:14 la croissance on n'est pas sûr, l'inflation, je pense qu'il y a un optimisme trop fort
31:19 sur un ralentissement à venir vite, sur le calendrier de ce ralentissement, moi je dirais
31:25 ça sera plus lent que ce qu'on dit, et l'atterrissage se fera à quel niveau, on
31:30 n'en a aucune idée, on dit autour de 3, un peu par...
31:33 - Parce que ça rassure ! - Voilà, mais en fait on sait pas bien, donc
31:37 tout ce qu'on dit derrière sur les banques centrales, en disant "ouf, ça y est", bon
31:41 alors on voit bien, qu'est-ce qui influence l'autre ? Ce sont les marchés qui influencent
31:45 les banquiers centraux, les banquiers centraux qui influencent les marchés, il y a un peu
31:49 de part et d'autre, mais tout ça ne me semble pas très assuré, moi je ne parierais pas
31:54 sur le fait qu'on est tout proche du plafond des taux courts avec ce que je dis sur les
32:00 prix, donc il me semble que sur les anticipations, il y a une capacité à être surpris, et
32:05 je serais, envie de dire, négativement surpris, je mêle cela avec des petits indicateurs
32:11 qui rendent un peu prudents sur le comportement des marchés, tout ça mis ensemble, je serais
32:17 plutôt d'accord sur l'idée que sur les actions, ça baisserait devant, que ça ne m'étonnerait
32:22 pas trop.
32:23 - Après on reste quand même dans un espèce d'entre-deux, on a discuté, et on voit bien
32:28 les positions un peu différentes, celui qui a envie de rester constructif, il trouve des
32:32 éléments encore pour se rassurer et rester constructif, et profiter encore du voyage
32:37 sur les marchés, celui qui a envie de se focaliser sur la destination qui sera à un
32:41 moment un épisode récessif, il a là aussi tous les arguments pour se focaliser sur ce
32:46 point-là spécifiquement.
32:48 Comment on gère ça dans les portefeuilles ou dans les stratégies d'investissement,
32:51 Vincent, s'il faut être pragmatique quand même ?
32:53 - Je dois dire que les investisseurs globalement ont été surpris par la bonne performance
32:59 des actions cette année, notamment les gestions actives.
33:03 On s'aperçoit que beaucoup de gérants sont restés sous-pondérés, plutôt négatifs,
33:09 trop négatifs, mais en face de ça, on a eu un mouvement d'achat de la part des fonds
33:14 systématiques.
33:15 Donc là on a une dichotomie très claire dans les comportements, avec un comportement défensif
33:22 sur les gestions actives, et par contre des achats venant des fonds systématiques qui
33:27 s'expliquent en partie par le fait que la volatilité action est très basse par rapport
33:35 à la volatilité taux.
33:36 La volatilité taux est très active et notamment sur tout ce qui est fonds de risk parity,
33:42 cette faible volatilité relative sur les actions pousse à des achats d'actions et
33:47 ça a contribué à cette performance quand même meilleure qu'attendue sur les actions
33:53 cette année.
33:54 Alors est-ce que ça, ça va se retourner ?
33:56 C'est possible, je pense.
33:59 Notamment, paradoxalement, si on venait à avoir des bonnes nouvelles sur le plafond
34:04 de la dette aux Etats-Unis, on aurait passé, je dirais, une étape importante, un facteur
34:10 d'incertitude très important qui pourrait faire baisser la volatilité sur les taux
34:17 et de ce fait inciter ces fonds systématiques à rebalancer leurs obligations.
34:22 Donc ça c'est un point à suivre.
34:24 L'autre implication un petit peu paradoxale d'un accord sur le plafond de la dette, c'est
34:29 qu'une fois que le département du Trésor américain est en position pour émettre de
34:34 la dette de nouveau, son compte, c'est un peu technique, mais son compte de cash à
34:39 la fête va gonfler et ça va impliquer que la liquidité sort du marché pour se trouver
34:46 bloquée à la fête.
34:48 C'est un choc négatif de liquidité et on sait que ces chocs de liquidité ont un impact
34:54 important sur les actifs risqués.
34:56 Donc je pense que paradoxalement, une bonne nouvelle sur le plafond de la dette pourrait
35:04 être un signal de "voilà, il faut vendre la bonne nouvelle parce que de toute façon
35:08 elle était plus ou moins anticipée, je ne crois pas que le marché s'attend à une
35:12 catastrophe, soit positionné pour une catastrophe".
35:15 Donc même si on a un accord, paradoxalement, ça pourrait générer une correction sur
35:21 les actions.
35:22 Oui, le CDS américain, non, ce n'est pas le marché, c'est un aspect du marché, c'est
35:27 ça que vous voulez dire Vincent ?
35:28 Le CDS américain ou les T-bills de court terme, il faut savoir qu'il y a certains
35:32 acteurs qui sont obligés de se couvrir par rapport à ce risque et donc ça fait gonfler
35:37 ce CDS, mais on n'observe pas ce pessimisme globalement sur le marché.
35:42 C'est vrai que le CDS est plus élevé qu'il n'était en 2011, lors de la crise sévère
35:47 sur le plafond de la dette et le rating américain, mais sur l'ensemble du marché, je ne crois
35:52 pas du tout que le marché soit positionné pour un scénario négatif.
35:55 Sur l'aspect liquidité, ce que vous disiez est important parce qu'effectivement, une
35:59 fois que le plafond de la dette aura été relevé, la Fed va pouvoir réémettre pour
36:04 des milliards et des dizaines de milliards de bons du Trésor, Vincent, et vous dites
36:10 que tout le paradoxe, c'est que cet argent va conduire à un drain de liquidité, à
36:14 un assèchement de la liquidité de marché.
36:16 Oui, parce que le Trésor américain va se retrouver avec tout ce cash qui ne sera pas
36:19 immédiatement prêt à être dépensé et donc il va être parqué à la Fed, ce qui
36:25 implique un retrait de liquidité du marché.
36:27 Il y a un autre choc de liquidité qui se profile, c'est le TLT euro, le remboursement
36:31 des TLT euro en Europe auprès de la BCE, donc les banques qui ont beaucoup emprunté
36:35 auprès de la BCE font face à un remboursement très important fin juin, le 28 juin, et ça,
36:41 ça impliquera également une forte baisse du bilan de la BCE et donc également un choc
36:46 négatif de liquidité.
36:47 Et la BCE à ce stade n'a pas jugé opportun encore en tout cas d'annoncer ou de mettre
36:52 en place des mesures peut-être de liquidité spécifique pour les banques à nouveau ? Ce
36:57 n'est pas le sujet aujourd'hui.
36:58 Elle a des outils le cas échéant, mais au contraire, la BCE a annoncé qu'elle se tenait
37:03 à son plan, à savoir qu'à partir du mois de juillet, il n'y aura plus de réinvestissement
37:09 sur les papiers qui arrivent à maturité et donc aujourd'hui, ça a un impact négatif
37:17 d'environ 15 milliards par mois sur le bilan de la BCE.
37:19 À partir de juillet, on sera plutôt à 30 milliards, donc il y aura un effet supplémentaire
37:24 de choc négatif sur la liquidité.
37:26 Hervé, plafond de la dette, vous en avez vu des plafonds de la dette, des négociations
37:30 et des dramas autour du plafond, on en a tous vécu quelques-uns, mais est-ce que cette
37:34 fois, c'est différent ou pas ? Hervé, qu'est-ce qu'il y a de différent dans un monde qui
37:42 est multipolarisé aujourd'hui où le dollar, certes, n'a pas d'alternative face à lui,
37:48 mais peut être de plus en plus décrié, soulevé de plus en plus de défiance vis-à-vis
37:54 de certaines zones économiques dans le monde aujourd'hui ?
37:57 Si on reste dans l'espace américain, ce qui change, c'est l'environnement politique
38:04 qui est antagoniste comme jamais.
38:07 Il y a des séries qui essaient de suivre l'antagonisme américain, elles valent ce
38:13 qu'elles valent, mais en fait, aujourd'hui, l'antagonisme américain serait au plus haut
38:17 depuis la décennie qui a suivi la guerre de sécession.
38:20 Quand on parle d'un climat de guerre civile aux Etats-Unis, ce n'est pas innocent.
38:27 La référence historique, c'est la sécession américaine.
38:29 Il y a quand même un dysfonctionnement de la démocratie américaine qui est grave.
38:35 Donc, à ce titre-là, trouver des compromis, c'est simplement plus compliqué.
38:40 Alors, le plafond de la dette, tout au moins le shutdown, c'est-à-dire l'incapacité
38:47 du Trésor à financer ses activités, en fait, ça peut être juridique ou financier.
38:54 C'est juridique, les lois budgétaires n'ont pas été votées, et dans ce cas-là, on n'a
38:59 pas les moyens de donner de l'argent aux différents départements.
39:03 Et donc, ça s'arrête.
39:05 On ferme les administrations.
39:06 Ça, c'était très fréquent sous les mandats Obama, parce que les lois de dépense budgétaires
39:12 n'étaient pas votées.
39:13 C'est quelque chose que l'on connaît.
39:14 Après, il y a l'aspect financier, c'est-à-dire, il y a un plafond de la dette et puis on
39:19 ne s'accorde pas sur l'augmentation du plafond de la dette.
39:22 Ça ne s'est jamais produit.
39:23 On a toujours trouvé le moyen d'augmenter le plafond de la dette avant qu'on ne puisse
39:28 plus mettre d'argent sur la table.
39:30 Donc, on est en train de vivre à la fois un moment où on se dit, il y a déjà eu des
39:35 shutdowns, on connaît, et puis si jamais on va au blocage parce qu'on n'a pas augmenté
39:40 le plafond de la dette, ça, ça sera nouveau.
39:42 Et je pense que ce caractère original fait écho à l'antagonisme que l'on connaît
39:49 aujourd'hui.
39:50 Donc, je pense qu'il n'y a peut-être pas la prise de conscience sur le marché que
39:54 l'on vit un moment un peu exceptionnel, mais en fait, il est bien un peu exceptionnel.
39:59 Par le passé, on n'a pas connu ça.
40:01 Donc, c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a plutôt un certain calme sur le marché, mais
40:06 je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas un contresens.
40:10 On parle de shutdown, mais en fait, ça ne serait pas un shutdown, ça serait vraiment
40:15 une incapacité à honorer ses factures.
40:19 Et ça, c'est quand même quelque chose qui est embêtant dans un contexte international
40:24 où tout de même, depuis les administrations, Obama et Trump, il y a quand même un rôle
40:31 des États-Unis sur la scène mondiale qui est vu comme moins habile, qu'il n'a pu
40:38 l'être par le passé.
40:39 Alors, il n'y a pas à dramatiser.
40:40 Le plus probable, c'est qu'on s'entende.
40:43 Alors, on va s'entendre, à mon avis, sur le minimum, c'est-à-dire qu'on va avoir
40:47 un relèvement qui permettra de faire repartir l'activité pour quelques mois.
40:53 Mais je pense que la question de fond demeure parce que, pour finir, en gros, pour remettre
40:58 de l'ordre dans les comptes publics, les démocrates disent qu'il faut augmenter les
41:02 impôts.
41:03 Ils demandent 3 500 milliards d'augmentation d'impôts à l'horizon dix ans.
41:07 Ce à quoi les Républicains répondent.
41:09 Mais non, il faut réduire les dépenses de 5 000 milliards.
41:11 Ça s'appelle de l'antagonisme.
41:14 Oui, et si la vérité était au milieu ?
41:16 Au milieu, c'est le but, c'est le sujet du compromis.
41:20 Bon, ça vous intéresse ou pas le plafond de la dette, Alain ?
41:22 Non ?
41:23 Non.
41:24 Les Américains sont pragmatiques.
41:25 Ils n'accepteront jamais d'être en défaut, ils aident du reste du monde.
41:29 C'est une question de crédibilité.
41:30 Donc, je pense que le business et le réalisme, contrairement peut-être à certains pays en
41:34 Europe, l'emporteront.
41:35 Mais c'est normal.
41:37 Effectivement, beaucoup demandent ou appellent la classe politique américaine.
41:43 Faites sauter définitivement une bonne fois pour toutes cette question du plafond de la
41:47 dette.
41:48 Bon, ça permet de se plonger un peu dans le débat politique des finances publiques régulièrement.
41:53 On en parle quand même de la question de la dette et du déficit en Europe.
41:56 Il n'y a pas ce plafond.
41:57 Mais il y a un cadre budgétaire, il y a des contraintes.
42:00 On est en pleine discussion sur ces sujets là quand même, non ?
42:02 Oui, mais après, il y a une question de crédibilité.
42:04 C'est la première souche de dette mondiale.
42:06 S'ils n'honorent pas leur crédit, c'est inenvisageable par rapport au système.
42:11 Ils le savent très bien.
42:12 Même sans aller jusqu'à un événement de crédit au sens financier du terme, si l'administration
42:17 américaine ou si le trésor américain n'est même plus capable d'honorer certaines de
42:21 ses factures domestiques, ce serait une tâche sur la signature américaine ?
42:25 Non, ça ils l'ont déjà fait.
42:26 S'ils ne payent pas leurs fonctionnaires, ce n'est pas nouveau.
42:28 Enfin, ils l'ont déjà fait.
42:29 Le second, c'est que celui qui détient la dette, il soit payé.
42:32 Alors si, sinon, c'est un vrai événement de crédit.
42:34 Une boîte qui honore ses créances, si elle ne paye pas ses fournisseurs, on ne citera
42:40 personne.
42:41 Non, non, c'est des choses qui existent.
42:43 Ce qui compte, c'est que les bons holders soient honorés.
42:45 Et ça, je pense qu'ils savent très bien qu'ils ne peuvent pas se permettre de ne pas
42:47 le faire.
42:48 Il y a une hiérarchie quand même dans le défaut entre ne pas rembourser un bills monétaire
42:53 à un mois et ne pas rembourser de la dette plus long terme.
42:58 Ce n'est pas la même histoire ? Ou au final, pour l'image du dollar et de la signature
43:02 américaine, ce serait le même ?
43:04 Non, dans le cas extrême, ils mettraient en place des priorités.
43:09 Je pense que la priorité serait de payer la dette courte et longue avant de payer certains
43:15 créanciers ou employés.
43:17 C'est inimaginable qu'ils ne paient pas.
43:22 C'est pour ça d'ailleurs que le marché ne l'imagine pas vraiment.
43:26 On suivra ça entre le 1er, le 2, le 8 juin.
43:30 C'est dans cette zone-là que les choses joueront ou seront peut-être résolues d'ici
43:36 là.
43:37 On va en reparler dans un instant dans le dernier quart d'heure de Smart Bourse qui
43:40 sera notre quart d'heure américain ce soir.
43:42 Merci beaucoup à vous trois d'avoir été les invités de Planète Marché.
43:44 Vincent Chaignot, le directeur de la recherche de Generali Investments.
43:47 Au côté d'Hervé Goulettequer, conseiller économique d'Accuracy et d'Alain Dubrulle,
43:52 le directeur de la gestion de Claresco.
43:53 Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
44:07 Nous retrouvons ce soir notre correspondant américain.
44:10 Petit décalage pour ce quart d'heure américain.
44:13 Mais le sujet reste évidemment le même, celui du plafond de la dette avec des négociations
44:18 toujours en cours à Washington.
44:20 Et notre correspondant américain que nous retrouvons en visioconférence.
44:23 Bonsoir Pierre-Yves.
44:24 Merci beaucoup d'être avec nous.
44:26 On a un peu chauffé le terrain, préparé la place avec les invités juste avant sur
44:30 la question du plafond de la dette.
44:32 Ce qui est intéressant aussi de regarder, un des angles d'attaque intéressants Pierre-Yves,
44:37 c'est de regarder quelles sont les alternatives possibles qui permettraient de contourner
44:41 peut-être à un moment cette histoire et cet horizon du plafond de la dette aux Etats-Unis
44:47 dans un contexte peut-être un peu différent avec un calendrier très resserré, une classe
44:52 politique hyper polarisée, etc.
44:55 C'est vrai que du coup réapparaissent des idées un peu alternatives qui permettraient
44:59 peut-être d'enjamber ou de contourner ce problème du plafond de la dette.
45:03 Qu'est-ce qu'on peut dire de ces solutions alternatives dont on parle régulièrement
45:06 dans le débat Pierre-Yves ?
45:08 Alors Greg, jusqu'à présent ces solutions ont été écartées.
45:14 Bill Clinton avait conseillé à Barack Obama en 2013 d'invoquer le 14e amendement.
45:22 Barack Obama avait refusé de le faire.
45:26 On parle beaucoup du 14e amendement à nouveau.
45:28 Nous allons en parler ensemble maintenant.
45:30 Une lettre a été envoyée par une cinquantaine d'élus démocrates de la Chambre, une bonne
45:38 douzaine également de démocrates côté Sénat.
45:42 Et ils ont eu le courage.
45:44 Le président Biden a invoqué le 14e amendement qui dit quoi ?
45:47 Il a été adopté après la guerre de sécession en 1865 et il dit « la validité de la dette
45:59 fédérale des États-Unis ne sera pas remise en question ».
46:02 Alors la théorie derrière le recours à cet article serait de dire « il s'agit
46:10 de payer les dettes de l'oncle Sam telles qu'elles correspondent à des dépenses
46:18 qui ont été votées par le Congrès ».
46:20 Et que dans ces conditions-là, le plafond de la dette devient caduque car il est plus
46:26 important de respecter la Constitution et de passer outre une loi sur le plafond de
46:32 la dette qui n'a pas de sens et qui probablement serait même anticonstitutionnelle.
46:37 Le plafond de la dette a été instauré au moment où les États-Unis entraient dans
46:41 la première guerre mondiale et avaient besoin de lever des capitaux pour financer la guerre.
46:47 Et plutôt que pour le Trésor d'aller régulièrement voir le Congrès en lui disant « nous allons
46:53 émettre des obligations pour X millions à l'époque, il fallait un vote du Congrès
46:58 », le Congrès a dit « on va gagner du temps, on va simplifier les choses, on va
47:02 fixer un plafond et comme ça vous viendrez non pas tous les trois mois mais tous les
47:07 dix ans ». Le problème c'est que la dette publique américaine s'est envolée et
47:12 que cet exercice de relèvement du plafond de la dette est maintenant devenu incontournable.
47:16 Pour autant, il ne relève pas de la Constitution, il relève d'une loi et si on peut effectivement
47:22 invalider la constitutionnalité du plafond de la dette, à ce moment-là tous nos problèmes
47:28 seraient résolus.
47:29 Eh bien non, malheureusement ils ne seraient pas résolus.
47:32 Ils seraient résolus peut-être à très très court terme parce qu'on pourrait dire
47:35 effectivement que Joe Biden ordonne au Trésor d'émettre du papier à nouveau au-delà
47:42 du stock légal qui aujourd'hui est de 31 milliards 400 millions.
47:47 Est-ce que le marché va accepter ce nouveau papier américain ? Sachant qu'un point
47:53 d'interrogation va se poser sur la constitutionnalité, sur la légalité de ce papier.
47:58 Évidemment, une prime sera demandée par les investisseurs pour accepter ce papier
48:03 le temps que la constitutionnalité de la question soit tranchée.
48:06 Qui va saisir la Cour suprême ? Personne ne sait d'ailleurs qui a intérêt pour
48:10 agir dans cette affaire, il y a une grosse incertitude là-dessus.
48:14 Combien de temps la Cour suprême va-t-elle prendre avant de trancher cette question fondamentale
48:20 ? Probablement trop longtemps.
48:21 Trop longtemps parce qu'il faut continuer à négocier.
48:26 On ne peut pas attendre que la Cour suprême tranche pendant un mois, même une semaine.
48:31 Et que se passera-t-il si la Cour suprême est saisie de cette affaire ?
48:36 Immédiatement au Congrès, on va dire c'est un coup d'État.
48:39 C'est un coup d'État du président Biden qui passe outre la volonté du Congrès.
48:43 Donc loin de forcer un compromis bipartite, recourir à cet amendement constitutionnel
48:51 en tant que solution pour contourner et invalider une fois pour toutes le plafond de la dette
48:56 va aggraver la guerre civile qui fait rage à Washington et ne résoudra rien.
49:01 Alors il est intéressant de voir que l'argument du 14e amendement peut se retourner contre
49:10 ceux qui prétendent que c'est la solution.
49:13 Pourquoi ? Parce qu'on peut très bien imaginer, et nos invités ont évoqué cette
49:20 possibilité, que mettons le 1er juin ou le 2 juin, le Trésor dise "Ah, je ne peux
49:25 pas payer toutes mes factures.
49:27 Alors je vais payer certaines de mes factures."
49:32 Et la Constitution m'oblige, 14e amendement, à payer d'abord la dette publique fédérale.
49:43 C'est-à-dire qu'il va falloir d'abord donner l'argent aux Chinois plutôt que
49:48 le donner aux anciens combattants, aux veuves et aux orphelins pour financer les programmes
49:52 de santé américains.
49:53 Vous imaginez la catastrophe politique pour la Maison-Blanche et pour le Trésor américain
49:59 d'être obligé de payer les intérêts des méchants banquiers et des méchants chinois,
50:05 puisque les Chinois sont accusés de tous les maux, plutôt que de donner l'argent
50:09 public à ceux qui le méritent, les retraités américains.
50:11 Donc on rentre non seulement d'un point de vue constitutionnel mais d'un point
50:15 de vue politique, dans une stratégie de priorisation, qui devient insoluble.
50:25 Il faut absolument trouver un compromis et éviter de remettre en question ce système
50:31 absurde peut-être, mais qui existe en tout cas pour le moment.
50:35 Et je pense que Joe Biden regrette beaucoup que le relèvement du plafond de la dette
50:41 n'ait pas pu être fait au moment de ce qu'on appelle la "lame duck session",
50:44 c'est-à-dire par le Congrès qui reste en session après les élections législatives
50:50 de novembre et jusqu'à Noël.
50:52 En gros, à ce moment-là, les démocrates avaient plus de levier pour le faire, ça
50:56 n'a pas pu être fait.
50:57 Dans les alternatives, il y a cette histoire de la pièce de platine qui revient aussi
51:02 régulièrement, Pierre-Yves ?
51:04 Alors ça c'est le gros gag.
51:06 Je crois que personne ne prend vraiment ça au sérieux.
51:09 Il faut savoir qu'à chaque fois, je ne prétends pas être un constitutionnaliste,
51:14 mais à chaque fois qu'on a demandé à la Cour suprême si on pouvait faire rentrer
51:19 un éléphant dans un trou de souris, ce qui est l'expression même de la jurisprudence
51:23 de la Cour suprême, la Cour suprême a dit non.
51:26 On ne peut pas utiliser une argusie technique qui permettrait effectivement au Trésor
51:33 de créer une pièce en platine, de décider qu'elle vaut 10 000 milliards et de forcer
51:38 la Réserve fédérale à l'acheter pour tout d'un coup avoir 10 000 milliards avec
51:41 lesquels on pourrait jouer.
51:42 C'est peut-être légalement imaginable, mais il est très vraisemblable que la constitutionnalité
51:49 de ce système soit invalidée par la Cour suprême.
51:54 Il faudra trouver une autre méthode, peut-être, peut-être demander à la Réserve fédérale
51:59 tout simplement d'acheter les obligations du Trésor qui vont tomber en défaut.
52:04 Attention, on n'est pas en situation de cross-default, c'est-à-dire que si le 1er
52:08 juin, un détenteur d'une obligation du Trésor américain ne voit pas son intérêt
52:13 payé, ça ne veut pas dire que tous les autres détenteurs d'autres obligations de maturité
52:17 différentes vont se trouver aussi en défaut.
52:19 Non, mais la tâche serait quand même bien présente de ce point de vue-là.
52:24 Donc, il faut bien s'en remettre à la négociation, désormais, à nouveau, toujours, Pierre.
52:30 D'ailleurs, c'est intéressant parce que la structure de la négociation, on parle
52:33 beaucoup de la polarisation de la vie politique américaine, démocrate, républicain, à
52:39 couteau tiré, bien sûr, mais cette polarisation, elle existe au sein même des deux partis,
52:45 démocrate et républicain.
52:46 Ça donne un jeu de négociation à plusieurs bandes, c'est le principe.
52:50 Et on n'est pas étonné de voir ça dans le schéma politique américain, mais ça
52:55 prend une dimension encore plus importante, là, en 2023, avec cette question du plafond
53:00 de la dette.
53:01 En fait, les républicains négocient avec leurs interlocuteurs à la Maison-Blanche,
53:08 mais ils savent en filigrane qu'ils ne peuvent accepter les termes d'un compromis qui sera
53:17 lui-même validé par la droite populiste du parti républicain.
53:20 D'où l'intérêt de renverser la table de temps en temps, de dire "ça ne va pas
53:27 du tout, les négociations ne profitent pas", parce que quand, in fine, on aboutira à un
53:31 compromis, on pourra dire "vous vous souvenez, il a fallu que je me mette en colère tout
53:37 rouge et que je renverse la table pour qu'on m'en arrive là, suivez-moi, je n'aurais
53:40 pas pu faire mieux".
53:41 Il y a un équilibre subtil à trouver entre la menace de quitter la salle et l'importance
53:50 de rester dans la salle pour continuer de négocier, parce que les négociateurs républicains
53:56 ne contrôlent pas, il n'y a pas de discipline de parti.
54:00 C'est un petit peu, dans une moindre mesure, le même chose du côté démocrate.
54:04 Joe Biden a une grande latitude pour faire des concessions, mais il sait que certains
54:09 à gauche de son parti, parmi les élus à gauche, tant à la Chambre du Sénat, sont
54:15 déjà mécontents, parce qu'il est revenu de fait sur une de ses grandes promesses qui
54:21 était de ne jamais négocier avec le pistolet sur la tente, de ne jamais négocier de réduction
54:27 ou de gel des dépenses publiques et de recul ou de réduction des dépenses sociales avec
54:32 la menace du défaut du Trésor dessus.
54:34 Il avait dit "je ne le ferai jamais", il l'a dit encore il y a 15 jours, et pourtant
54:37 de facto c'est ce qu'il fait.
54:39 Et la gauche est très mécontente qu'il se soit trouvé dans cette situation-là, en
54:43 tout cas elle affiche de l'aide.
54:44 - Une fois qu'on a dit ça, Pierre-Emmanuel, est-ce qu'il y a une raison que un compromis
54:48 ou le compromis puisse être trouvé avant la dernière seconde, la dernière minute
54:53 de la 11ème heure de la date fatidique ?
54:56 - Moi je suis un petit peu déçu de voir qu'il n'y a pas de forte personnalité à la Maison-Blanche
55:06 pour négocier face à M. Kevin McCarthy.
55:10 Les proches collaborateurs de Joe Biden et Joe Biden lui-même sont face à Kevin McCarthy
55:16 et j'aurais préféré pour la Maison-Blanche et pour l'administration Biden qu'on ait
55:23 une figure très forte et politiquement très expérimentée dans les négociations avec
55:26 le Capitole occupant le poste de secrétaire au Trésor.
55:31 Janet Yellen n'est pas dans la négociation.
55:33 Et Janet Yellen est une économiste très respectée mais elle n'est pas dans l'équation.
55:37 Et je pense que si on avait un James Baker par exemple ou l'équivalent démocrate d'un
55:45 James Baker ou d'un Hank Olson qui était le républicain pendant la crise de 2008,
55:51 on n'en serait probablement pas là.
55:54 Et je pense que c'est un handicap pour l'équipe de Joe Biden.
56:00 - Il manque une personne clé effectivement côté Maison-Blanche pour assumer et assurer
56:07 le déroulé de ces négociations qui se poursuivent.
56:10 J'imagine qu'il y a des sessions de rencontres qui sont encore prévues là aujourd'hui dans
56:14 les prochaines heures et les prochains jours Pierre.
56:16 - Ce qu'il y a c'est qu'on ne sait pas ce qui se passe dans cette négociation.
56:20 On n'est pas en mesure de dire voilà il y avait cinq gros points à régler.
56:24 On en a réglé un, il en reste quatre.
56:25 En fait les cinq points seront probablement liés jusqu'au dernier moment.
56:29 On négocie sur les dépenses publiques.
56:33 Sur un d'ailleurs, les dépenses publiques aujourd'hui mais sur un calendrier de dix
56:37 ans avec une progression, on négocie aussi sur la taille du relèvement du plafond.
56:43 Les républicains voudraient qu'on relève de très très peu de manière à ce que la
56:46 question se repose juste avant les élections présidentielles.
56:49 Donc c'est du billard à quinze bandes.
56:52 - Merci beaucoup de nous aider à suivre ce sujet du plafond de la dette et ses négociations
56:57 en cours.
56:58 Pierre-Yves Dugas avec nous.
56:59 Chaque semaine le quart d'heure américain de Smart Bourse.
57:03 Historiquement, traditionnellement, le lundi 17h45.
57:06 Exceptionnellement cette semaine, ce mardi à 17h45 quart d'heure américain que vous
57:11 retrouvez bien sûr en replay sur bsmart.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
57:16 Voilà pour cette édition Smart Bourse ce soir.
57:18 On se retrouve demain à 12h30 en direct.
57:21 - Merci.
57:22 - Au revoir.
57:23 - Au revoir.
57:24 - Au revoir.
57:24 ♪ ♪ ♪

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