• l’année dernière
Dans la période de l'après-guerre à la fin des années 1960, de moribond, l'anarchisme renaîtra, peu à peu, de ses cendres, avant de pleinement participer aux mouvements contestataires de 1968. Quel est le poids et l'influence de l'anarchisme, aujourd'hui, dans notre société ?Pour en parler, Jean-Pierre Gratien reçoit en plateau Sylvain Boulouque, historien spécialiste de l'anarchisme et du communisme, Christophe Bourseiller, comédien, historien et auteur et Edouard Jourdain, chercheur en théorie politique et spécialiste de la pensée anarchiste.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous.
00:00:16 Gros plan sur l'anarchisme dans ce débat d'octobre,
00:00:20 avec le 4e et dernier volet de la série "Ni Dieu, ni Maître",
00:00:23 une histoire de l'anarchisme presque historique,
00:00:26 écrite et réalisée par Tancrede Ramona.
00:00:29 Il s'intitule "Les réseaux de la colère",
00:00:31 et balaye, vous allez le voir, la période allant du début des années 70
00:00:36 jusqu'à la première décennie de notre siècle.
00:00:38 Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après,
00:00:42 en compagnie de l'historien Sylvain Boulougne,
00:00:44 de l'auteur Christophe Bourseiller et du chercheur Édouard Jourdain.
00:00:48 Avec eux, nous nous interrogerons sur le poids et l'influence
00:00:51 qu'a encore l'anarchisme aujourd'hui dans notre société.
00:00:55 Bon doc.
00:00:57 Générique
00:00:59 ...
00:01:06 Musique de tension
00:01:08 ...
00:01:17 -Argentine. -France.
00:01:19 -États-Unis d'Afrique. -Japon.
00:01:21 -Algérie. -Uruguay.
00:01:22 -Espagne. -Denmark.
00:01:23 -Royaume-Uni. -Australie.
00:01:24 -Indonésie.
00:01:26 -Sur les cinq continents, casqués de fleurs ou armés de pavés,
00:01:29 les libertaires sont lentement sortis de la nuit
00:01:32 et ont allumé des feux de joie.
00:01:34 Eux que l'on avait cru vaincus, ils ont partout repris l'initiative,
00:01:38 participé à de vastes mouvements insurrectionnels
00:01:41 et pris davantage dans la bataille pour l'hégémonie culturelle.
00:01:45 Mais gagner des batailles n'est rien pour eux
00:01:47 si l'on ne gagne pas la guerre sociale.
00:01:50 Or, dans les années qui suivent, 1968,
00:01:53 les anarchistes vont découvrir un nouveau péril,
00:01:56 non plus celui de disparaître, mais celui de se fourvoyer.
00:02:00 Car face à un système globalitaire
00:02:02 qui met en scène les apparences de sa propre critique,
00:02:05 leurs slogans émancipateurs, leurs rifs assassins
00:02:08 et même leurs figures ont parfois fini par être récupérés.
00:02:12 Pour faire avancer leurs idées,
00:02:14 les libertaires ne vont plus avoir d'autre choix
00:02:17 du local à l'international que d'avancer masqués.
00:02:20 Et par la guérilla ou dans la mobilisation de masse,
00:02:23 en revenir à la propagande.
00:02:25 Et c'est ainsi que des faubourgs de Montevideo, au cœur de Londres,
00:02:28 et du Chiapas rebelle à Seattle insurgés,
00:02:31 l'anarchisme va souvent inspirer, sans toujours dire son nom,
00:02:35 les nouvelles formes de résistance.
00:02:37 Et dans cette poche de modernité qui se voulait la fin des temps,
00:02:40 relancer pour un tour au moins la grande roue de notre histoire.
00:02:51 Que l'année 68 ait été une répétition générale
00:02:54 ou une révolution manquée,
00:02:56 il n'en reste pas moins qu'elle aura laissé comme un goût d'inachevé
00:02:59 sur la langue des révolutionnaires.
00:03:03 Comment ne pas comprendre que nombre d'entre eux
00:03:05 soient déçus devant le spectacle des populations
00:03:08 reprenant le travail ?
00:03:10 Mais face au retour des éternels polémiques entre organisations
00:03:13 qui se rejettent la faute et entendent ramasser les mises,
00:03:16 pourquoi ne seraient-ils pas alors écœurés ?
00:03:20 Que faire ?
00:03:22 Alors que certains décident de prendre la clé des champs
00:03:25 et rejoignent à la campagne des communautés,
00:03:29 d'autres, soit par optimisme, soit par désespoir,
00:03:32 choisissent de rester dans les villes,
00:03:34 afin d'essayer, par un coup de force,
00:03:36 de précipiter les choses.
00:03:38 Pour les anarchistes, tout commence en réalité en Uruguay,
00:03:50 en 1965, quand Abraham Guillen,
00:03:53 ancien combattant au sein d'une division anarchiste en Espagne,
00:03:56 mais aussi diplômé en sciences économiques,
00:03:59 qui a participé à toutes les tentatives insurrectionnelles
00:04:02 de l'après-guerre,
00:04:03 publie son livre "Stratégie du guerrilla urbaine".
00:04:06 Pour comprendre la nouveauté de son ouvrage,
00:04:09 il faut se souvenir que depuis le triomphe de la révolution cubaine
00:04:12 en matière de lutte armée,
00:04:14 c'est la théorie de Che Guevara, dite du "focisme",
00:04:17 qui recueille toutes les faveurs des révolutionnaires.
00:04:20 Les guerrieros doivent partir dans les montagnes et dans la jungle
00:04:23 pour créer, aux côtés des paysans et des indigènes,
00:04:26 des foyers insurrectionnels.
00:04:27 Cette théorie, qui a pu montrer son efficacité dans le contexte cubain,
00:04:33 doit à tout prix, selon Abraham Guillen,
00:04:35 être repensée pour les pays plus développés.
00:04:37 Dans une guerre révolutionnaire,
00:04:41 quand les masses urbaines sont plus importantes que les masses rurales,
00:04:44 le centre de gravité de la lutte doit se situer dans les airs urbaines.
00:04:48 Les grandes cités sont des forêts immenses de ciment,
00:04:51 où tous les artifices de la guerre de guérilla
00:04:54 peuvent être correctement employés.
00:04:56 L'heure est venue où une minorité révolutionnaire
00:04:58 peut mettre la masse en mouvement
00:05:00 et permettre de surmonter l'aliénation par la peur.
00:05:03 La théorie de la guérilla urbaine et de la propagande armée
00:05:06 vient de naître.
00:05:08 Et à Abraham Guillen de préciser...
00:05:12 La guerre révolutionnaire doit prendre en compte
00:05:15 que c'est une guerre dans l'espace et dans le temps,
00:05:19 et que toute opération doit gagner de la population.
00:05:23 Le socialisme libertarien doit prédire avec l'exemple
00:05:27 et doit porter en avant
00:05:30 le plus important de la doctrine du socialisme libertarien,
00:05:34 l'action directe.
00:05:36 Parce que pour l'action indirecte politique,
00:05:38 pour l'action dans laquelle les masses ne participent pas,
00:05:41 il y a suffisamment de partis politiques.
00:05:45 L'objectif, selon moi, c'est la prise de conscience.
00:05:50 La prise de conscience que le système capitaliste est fragile
00:05:54 et que les prolétaires peuvent donc mener eux-mêmes la lutte armée.
00:05:58 Entre parenthèses, c'est la vision classique
00:06:02 des attentats anarchistes depuis la fin du 19e siècle.
00:06:06 La propagande par le fait.
00:06:08 La propagande par le fait.
00:06:10 La théorie d'Abraham Guilaine se diffuse rapidement en Uruguay,
00:06:17 où la révolte gronde depuis qu'en ce milieu des années 60
00:06:20 sévit une crise économique profonde.
00:06:23 Elle inspire notamment un groupe de jeunes révolutionnaires,
00:06:30 les Tupamaros.
00:06:31 Emmenés par Raoul Sendic, un partisan de l'autogestion,
00:06:37 fin connaisseur de Proudhon,
00:06:39 et rassemblés autour de mots d'ordre libertaires,
00:06:43 on retrouve parmi eux des socialistes révolutionnaires,
00:06:46 des communistes hétérodoxes,
00:06:48 des prêtres influencés par la théologie de la libération,
00:06:51 mais aussi, depuis l'origine, à l'image de Gérard Dogati,
00:06:55 Georges Savalsa et José Mujica, de très nombreux libertaires.
00:06:59 Les anarchistes participent à la formation des Tupamaros.
00:07:05 Les Tupamaros ont d'ailleurs un respect de la vie humaine.
00:07:09 En ce sens, c'est une lutte très respectable.
00:07:16 Les Tupamaros adoptent aussitôt la stratégie de la guerrière urbaine
00:07:21 et de la propagande armée.
00:07:22 Ils attaquent tous Azimuth et enchaînent les coups d'éclat.
00:07:26 Pas un jour sans que leurs actions le fassent les gros titres des journaux.
00:07:32 Lundi, les Tupamaros occupent une usine.
00:07:35 Mardi, 5 millions de pesos.
00:07:38 Mercredi, attentat à la bombe dans plusieurs clubs politiques.
00:07:42 Jeudi, occupation d'une usine et bombe.
00:07:45 Vendredi, bombe et hold-up.
00:07:48 Samedi, dynamitage d'une chaîne de télévision.
00:07:52 Et dimanche, en guise de repos, évasion de dizaines de détenus.
00:07:56 Le pouvoir a beau dénoncer leur violence,
00:08:02 les Tupamaros, qui dans un premier temps évitent de verser le sang,
00:08:05 sont bien perçus par la presse et l'opinion publique.
00:08:08 Ils bénéficient même sur la scène internationale d'une image très positive,
00:08:12 comme le prouve l'article que leur consacre alors le Time magazine,
00:08:15 qui les apparente à des revains des voix des temps modernes.
00:08:19 Grâce à eux, la théorie de la guerrière urbaine
00:08:22 et de la propagande armée est sème dans le monde.
00:08:25 Les gens apprennent en répliquant.
00:08:27 Quand vous voyez un groupe qui fait des choses
00:08:30 et que vous avez des connexions avec ce groupe,
00:08:32 des réseaux se créent.
00:08:34 Et alors, on retrouve un peu partout le même type d'action.
00:08:37 C'est ce qui s'est passé avec les Angry Brigades.
00:08:40 Partie d'Amérique latine, la question de la lutte armée
00:08:44 se pose en effet à partir de 1969 à tous les révolutionnaires.
00:08:49 Partout, on publie des journaux, on fait des films,
00:08:52 on écrit des livres qui parlent d'elle
00:08:55 et des appels aux armes sont lancés à la télévision.
00:08:59 Dans tous les quartiers, sur nos lieux de travail,
00:09:02 nous devons préparer dès maintenant
00:09:04 la lutte armée pour la destruction de tous les capitalismes.
00:09:07 Aujourd'hui, on se rappelle surtout des Brigades Rouges en Italie
00:09:11 et de la fraction Armée Rouge en Allemagne,
00:09:13 qui, comme leur nom l'indique, ne sont pas anarchistes.
00:09:16 Mais à l'époque, comme souvent,
00:09:18 ce sont les libertaires qui prennent initiative.
00:09:21 Comme un symbole, il y a les Toupamaros West Berlin
00:09:24 avec Michael "Bomi" Bormann,
00:09:26 qui sont les premiers à faire trembler le vieux monde.
00:09:29 En Espagne, le groupe primaire des Maillots,
00:09:31 puis les commandos autonomes anticapitalistes font parler la poudre.
00:09:35 Les appels à construire la guérilla sont entendus en France aussi,
00:09:40 où dès l'année 1970, le groupe révolutionnaire numéro 2
00:09:44 organise à Grenoble une semaine de la dynamite,
00:09:47 suivie par les Garris, qui passent eux aussi à l'attaque.
00:09:50 Ils enchaînent les hold-up et multiplient les attentats
00:09:54 et les sabotages dans tout le pays.
00:09:58 Même aux États-Unis d'Amérique, d'anciens hippies prennent les armes.
00:10:01 Le "Was it underground" qui a la mémoire longue
00:10:04 fait par exemple sauter la statue des policiers
00:10:06 de Highmarket Square à Chicago.
00:10:09 Mais c'est sans doute au Royaume-Uni
00:10:10 que la stratégie de la propagande armée anarchiste
00:10:13 est menée de la manière la plus emblématique par la "Angry Brigade",
00:10:17 la brigade de la colère,
00:10:19 une organisation qui encore aujourd'hui n'a pas révélé tous ses mystères.
00:10:23 De nombreuses questions demeurent,
00:10:25 que les journaux comme le "Time" et d'autres se posent déjà à l'époque.
00:10:28 Qui sont les "Angry Brigade" ?
00:10:32 Et eux, ils répondaient,
00:10:33 la "Angry Brigade", ça peut être n'importe qui.
00:10:36 La "Angry Brigade", c'est cette personne
00:10:40 qui est assise à côté de toi dans le métro
00:10:42 et qui a de la haine plein la tête et un revolver dans son blouson.
00:10:46 N'importe qui peut être de la "Angry Brigade".
00:10:50 Les noms ne comptent pas.
00:10:53 Ce qui est très intéressant et qu'on a aujourd'hui oublié
00:10:56 avec les membres de la soi-disant "Angry Brigade",
00:10:59 c'est qu'ils étaient aussi impliqués dans beaucoup d'activités d'entraide
00:11:02 entre communautés et avec les syndicats.
00:11:04 C'étaient des poètes et des écrivains,
00:11:08 mais ils ont été décrits par la presse de l'époque
00:11:10 comme une horde de terroristes.
00:11:12 C'est en réalité très loin de ce qu'ils étaient.
00:11:15 Ce collectif, bien qu'hétéroclite,
00:11:19 n'en est pas moins fortement mobilisé et politisé.
00:11:22 Décidés à passer à la lutte armée,
00:11:24 ils adoptent ce nom de "Brigade de la colère"
00:11:27 et s'inventent un logo où l'on voit les signes masculin et féminin
00:11:31 s'entrelacer autour d'une galage Nikof.
00:11:34 Car à l'image des autres groupes de lutte armée de l'époque,
00:11:37 ce qui déroute alors les observateurs,
00:11:39 c'est que parmi ces combattants, on compte de nombreuses combattantes.
00:11:43 Dans la lignée des pétroleuses de la commune,
00:11:45 c'est femme auquel on attribue le surnom d'Amazon de la terreur
00:11:49 et frais autant qu'elle fascine.
00:11:51 On se souvient notamment en Allemagne de l'Ouest
00:11:53 de l'intrépide Nada du mouvement du 2 juin
00:11:56 et d'Ulrich Ameinhoff de la fraction armée rouge,
00:11:59 qui, bien que n'ayant rien d'anarchiste,
00:12:01 était désigné comme tel dans les tracts mettant sa tête à prix.
00:12:05 Mais pour le public britannique,
00:12:07 c'est la figure d'Anna Mendelsohn
00:12:09 que l'on soupçonne d'œuvrer au sein de la "Angry Brigade",
00:12:12 qui synthétise tous les fantasmes
00:12:14 et retient l'attention dans cette interview télévisée
00:12:17 où elle résume d'un mot le sens de son combat.
00:12:20 Comment vous déscrivez votre politique ?
00:12:22 Révolutionnaire.
00:12:25 Sensible à toutes les formes de domination
00:12:30 et convaincu que la meilleure défense, c'est l'attaque,
00:12:33 pendant près de trois ans, les femmes et les hommes de la "Angry Brigade"
00:12:36 font converger les luttes et enchaînent les frappes.
00:12:40 S'ils ciblent bien sûr les banques, les sièges des grandes entreprises,
00:12:43 les ambassades et les centres d'intérêt des dictatures,
00:12:46 ils élargissent aussi le périmètre des actions de la propagande armée
00:12:50 et lui ouvrent ainsi de nouveaux fronts.
00:12:52 Certaines de leurs cibles étaient assez inhabituelles.
00:13:02 Par exemple, ils ont fait exploser une boutique de mode, Biba.
00:13:06 Ils disaient que Biba était un symbole de la société de consommation
00:13:10 et qu'à ce titre, elle devait être brûlée.
00:13:13 Pour bien se faire comprendre,
00:13:14 les actions symboliques de la "Angry Brigade"
00:13:17 sont systématiquement accompagnées de communiqués explicatifs.
00:13:21 Frères et sœurs, quels sont vos désirs réels ?
00:13:24 Aller au drugstore pour vous asseoir avec l'air distant, vide,
00:13:28 ennuyer en buvant un café sans goût,
00:13:30 ou bien alors le faire sauter ou le faire brûler ?
00:13:33 La seule chose que vous puissiez faire
00:13:35 avec ces maisons d'esclavage modernes appelées boutiques,
00:13:38 c'est les démolir.
00:13:39 Le capitalisme, le profit, l'inhumanité ne se réforment pas.
00:13:43 Il faut les frapper jusqu'à les détruire. Révolution.
00:13:46 La logique derrière cela, c'est de s'adresser à un public
00:13:51 qui va comprendre les raisons pour lesquelles vous menez vos actions.
00:13:54 Mais le risque, évidemment, c'est que vous allez aussi laisser de côté
00:13:57 tous ceux qui ne ressentent pas de colère
00:13:59 et ne peuvent pas comprendre la symbolique de vos actions.
00:14:03 À la différence, les groupes de lutte armée
00:14:07 appartenant à d'autres tendances révolutionnaires,
00:14:09 comme les Brigades Rouges, la fraction Armée Rouge,
00:14:12 ou plus tard, actions directes qui ont pu pratiquer des exécutions,
00:14:16 et alors même qu'ils frappent jusqu'aux portes du pouvoir
00:14:18 avec une campagne de lettres piégées,
00:14:21 envoyées aux journaux conservateurs, aux grands industriels et aux ministres,
00:14:24 afin de ne pas se couper de la population,
00:14:27 les guerriers rouges urbains de la Angry Brigade
00:14:29 s'efforceront toujours de ne pas faire couler le sang.
00:14:33 Ils n'ont jamais tué personne.
00:14:35 Ils ont fait quelques blessures, mais pas très sérieuses.
00:14:39 La propagande par le fait devait toujours être symbolique.
00:14:45 Les Angry Brigades avaient ce slogan très important, je crois.
00:14:50 "Seuls les fascistes attaquent le peuple."
00:14:53 Et à la Mendelssohn de confirmer...
00:15:00 Vous dites que les bombes sont très dangereuses.
00:15:05 Les bombes peuvent tuer les gens.
00:15:07 Et tuer les gens, ce n'est pas ce que nous voulons.
00:15:11 Mettre une bombe dans un café
00:15:14 et ne pas être en position de s'assurer
00:15:16 qu'il n'y ait personne qui sera tué,
00:15:19 c'est inutile.
00:15:21 Ça n'a rien à voir avec essayer de faire un coup
00:15:25 à une propriété
00:15:28 que la classe rouge a et qui les garde en puissance.
00:15:33 Et pourtant, comme au 19e siècle,
00:15:35 la peur s'empare des cercles dirigeants.
00:15:39 On déploie un formidable arsenal, on vote des lois,
00:15:42 on crée des unités spéciales, comme la Bomb Squad au Royaume-Uni.
00:15:47 Et grâce à la nouvelle informatique, on met en fiche les populations.
00:15:52 En Europe et dans le monde, la chasse aux guerriers royaumes est donnée.
00:15:56 En Uruguay, par exemple, le pouvoir se rigidifie
00:15:59 et les autorités multiplient les actions de contre-insurrection.
00:16:02 Des coups de filet sont lancés
00:16:04 pour arrêter les figures du mouvement Toupamaro,
00:16:06 comme ici George Savalsa.
00:16:08 L'usage de la torture se généralise
00:16:11 et les escadrons de la mort sont lâchés aux trousses des révolutionnaires.
00:16:14 Et cette répression spectaculaire a aussi des répliques
00:16:18 et fête, en revanche, des victimes.
00:16:20 En Allemagne de l'Ouest, le combattant anarchiste George von Rauch,
00:16:27 l'un des fondateurs des Toupamaros West Berlin,
00:16:30 est le premier guerrier royaume urbain tué par la police.
00:16:33 En Espagne, malgré les mobilisations internationales,
00:16:36 le combattant libertaire Salvador Puig Antic
00:16:39 est exécuté au Garoville, dans la prison Modelo de Barcelone.
00:16:43 Et au Royaume-Uni, quelques prétendus membres de la Angry Brigade,
00:16:47 dont Anna Mendelsohn, sont arrêtés.
00:16:50 On leur fait un procès, le plus long de l'histoire britannique,
00:16:53 et bien qu'aucun ne soit reconnu coupable pour les bombes ou les lettres piégées,
00:16:57 on en condamne certains à de très lourdes peines de prison.
00:17:01 Les limites de l'action clandestine et de la propagande armée sont atteintes.
00:17:06 Et alors même que les anarchistes avaient été les premiers à en faire l'apologie,
00:17:10 ce sont aussi des libertaires qui commencent à en faire très tôt la critique.
00:17:15 C'est un problème de où, comment et pourquoi on fait un attentat.
00:17:20 Si c'est pour paralyser le capitalisme, ça peut valoir la peine.
00:17:25 Mais si c'est un attentat seulement spectaculaire...
00:17:30 Parce que l'attentat suppose une profonde inégalité
00:17:33 entre ceux qui ont la capacité et le savoir-faire des bombes
00:17:38 et les gens du commun, ceux qui vont au travail,
00:17:42 et qui n'ont rien,
00:17:46 à part, bien sûr, leur capacité de grève.
00:17:52 Tout ça, il me semble,
00:17:55 donne une espèce d'idéal héroïque guerrier
00:18:00 à des mouvements qui peuvent peut-être remplacer
00:18:06 le lent travail à un grade d'organisation, de formation, de culture.
00:18:12 Il y a une impatience révolutionnaire
00:18:15 qui fait qu'on imagine qu'on va frapper l'ennemi au cœur
00:18:18 en mettant une bombinette ici ou là,
00:18:21 mais qui, à plus en plus formé,
00:18:23 n'a pas réussi à déclencher un mouvement social.
00:18:26 Devant les caméras, quelques jours avant son incarcération,
00:18:30 Anna Mendelssohn elle-même,
00:18:31 admet la relative inefficacité de la seule stratégie de l'attentat.
00:18:35 Quelle est la prouve de cette série de bombes en Bretagne ?
00:18:38 Qu'est-ce que c'est que l'achat, l'achat de l'angleterre ?
00:18:42 L'achat en termes de changement, en termes de ce qui a changé,
00:18:51 n'a rien changé.
00:18:53 Rien du tout.
00:18:56 Nombreux sont les libertaires,
00:18:58 qui vont alors préférer à la propagande armée
00:19:00 la propagande tout court.
00:19:03 À la fin des années 70 et au début des années 80,
00:19:07 après cette période de forte offensive révolutionnaire,
00:19:10 les anarchistes reprennent donc leur bâton de pèlerin.
00:19:14 Et tout en s'investissant dans le mouvement punk qui éclode alors,
00:19:18 en ouvrant des maisons d'édition et des librairies,
00:19:21 en créant des fanzines, des radios libres,
00:19:23 comme ici en France, Radio Libertaires,
00:19:26 ou en participant plus sagement aux mobilisations,
00:19:29 ceci retourne pour quelques années dans l'ombre.
00:19:32 Avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS,
00:19:45 le capitalisme triomphe.
00:19:47 Il peut à loisir se globaliser et entamer sa dernière mûle.
00:19:52 Il renforce ses institutions et généralise son offensive
00:19:55 contre les corps, les cultures et les paysages.
00:19:59 Le monde devient un marché unique et global
00:20:02 auquel rien ne doit échapper
00:20:03 et dans lequel tout est désormais soumis à ses lois.
00:20:07 « There is no alternative », dit-on à ceux qui osent s'interroger.
00:20:15 Cette intensification du vol des richesses et des ressources
00:20:18 est le résultat de ces nouvelles stratégies globales.
00:20:21 Cela a une influence sur l'anarchisme,
00:20:28 qui s'inspire de nombreux mouvements indigènes.
00:20:31 Ils sont inspirés principalement par les apathistes au Mexique.
00:20:36 Car c'est en 1994 que les apathistes se font connaître au monde,
00:20:41 avec leur insurrection.
00:20:44 Le 1er janvier 1994,
00:20:46 au crépuscule du matin,
00:20:48 une armée en guenille et aïe s'est levée.
00:20:52 Attention, c'est Mario Zapata,
00:20:56 la voix officielle du front sud-oriental de l'EZLN,
00:21:00 l'Equipe Zapata de la Libération Nationale.
00:21:05 La déclaration de la selva la carrière de la guerre
00:21:09 de la Libération Nationale.
00:21:11 La déclaration de la selva la carrière de la guerre.
00:21:14 Aujourd'hui, nous avons dit « basta ».
00:21:17 Tout ça commence d'une manière très intéressante.
00:21:22 Parce qu'il y a la menace de la violence.
00:21:27 Mais on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment de violence.
00:21:30 Que veulent-ils ? Qui sont-ils, ces guerriers héros
00:21:33 qui ne semblent pas appartenir à la tradition libertaire ?
00:21:37 L'EZLN vient d'une autre tradition,
00:21:39 qui est plutôt, au départ, une tradition, on va dire,
00:21:43 marxiste, voire guévariste.
00:21:47 Cela dit, c'est une organisation intelligente
00:21:50 qui a su prendre en compte
00:21:52 le milieu dans lequel elle s'est développée,
00:21:54 à savoir le Chiapas, qui est une région fortement indigène,
00:21:58 et donc s'inspirer un petit peu
00:22:00 des pratiques, des traditions de la région.
00:22:03 Et puis, en même temps, aller rechercher aussi,
00:22:05 dans l'histoire du Mexique,
00:22:07 c'est pour ça qu'il se revendique aussi de Zapata,
00:22:10 de ce mouvement paysan avant les terres.
00:22:13 Il revendique aussi Ricardo Flores Magón
00:22:15 comme ce précurseur de la Révolution,
00:22:18 et en même temps, celui qui a amené le slogan « Tierra y libertad ».
00:22:22 À l'autre bout de ce pays,
00:22:24 où toutes les contradictions du capitalisme se donnent à voir,
00:22:27 alors que près de la moitié de la population
00:22:29 vit au-dessous du seuil de pauvreté,
00:22:32 ici, le Coca-Cola est devenu moins cher que l'eau,
00:22:35 les économistes ont beau parler de « miracle mexicain »,
00:22:38 les paysans indigènes de l'armée zapatiste des libérations nationales,
00:22:42 descendus des hauts plateaux ou sortis de la jungle,
00:22:45 connaissent dans leur chair les effets de la globalisation néolibérale
00:22:49 et de toutes les formes de domination.
00:22:53 Ils occupent les centres de décision
00:22:55 parce qu'ils n'entendent plus être dépossédés de leur terre,
00:22:58 de leur vie et de leurs traditions,
00:23:00 et souhaitent reprendre leurs affaires en main.
00:23:02 Mais ils ont beau écrire sur les murs leur programme,
00:23:05 sur le moment, les commentateurs se désintéressent du message.
00:23:08 Et c'est sur le messager que se tournent alors tous les regards.
00:23:12 Le sous-commandant Marcos,
00:23:14 un ancien étudiant en philosophie devenu guerriero,
00:23:17 mais qui, sous l'influence des Indiens,
00:23:19 a peu à peu reconsidéré ses idées et ses stratégies
00:23:22 pour adopter une pensée plus libertaire.
00:23:25 Son grade, qui n'existe dans aucune armée du monde,
00:23:28 parce qu'au Tchapars, suivant la formule "Manda obedeciendo",
00:23:32 c'est le peuple qui commande,
00:23:34 tout comme l'usage du passe-montagne témoigne de cette évolution.
00:23:38 Le passe-montagne, oui,
00:23:42 ça répond évidemment aux problèmes de la clandestinité.
00:23:45 Mais en même temps, tous portent le passe-montagne.
00:23:52 C'est-à-dire qu'ils sont tous à la fois soldats et responsables.
00:23:56 Ce qui signifie pour eux, nous sommes tous frères et sœurs
00:23:59 et nous participons tous à la lutte.
00:24:02 Nous sommes tous frères et sœurs et nous participons à la lutte.
00:24:06 Dans le cas de l'EZLN,
00:24:09 dans ce cas-ci, la deuxième ou la troisième tête,
00:24:13 selon la manière dont elle jouait,
00:24:14 se mettait un passe-montagne et disait
00:24:17 "Je suis Marcos, l'autre Marcos n'est pas mort,
00:24:19 "ici je suis."
00:24:21 Mais surtout,
00:24:23 tout le monde pouvait être Marcos.
00:24:25 Tout le monde, même si il n'avait pas d'arme,
00:24:27 même si il n'était pas dans les montagnes de l'Ouest,
00:24:30 ou même si il n'écrivait pas "Marcos", il pouvait être Marcos.
00:24:33 Mais l'originalité du mouvement Zapatiste
00:24:37 dépasse les symboles et les personnalités.
00:24:40 Elle se trouve dans l'exemple qu'il donne d'un autre monde possible.
00:24:45 Car l'expérience qui a commencé ici,
00:24:48 à la suite de l'insurrection et cette crise,
00:24:51 ici à la suite de l'insurrection,
00:24:53 et s'étend sur un territoire de la dimension d'un pays,
00:24:56 mobilise plus de 250 000 personnes
00:24:58 et représente l'une des plus longues et les plus importantes expériences
00:25:02 d'autogouvernement collectif de l'histoire moderne.
00:25:06 Sociétés coopératives, assemblées de femmes,
00:25:09 conseils de bon gouvernement, abolition de l'argent et des prisons,
00:25:13 universités autonomes, hôpitaux gratuits.
00:25:16 Sur ces terres si isolées et si dures à la vie,
00:25:19 ces hommes et ces femmes, depuis toujours humiliés et méprisés,
00:25:23 s'efforcent en effet de combiner pratiques ancestrales
00:25:27 et innovations politiques
00:25:29 afin de redessiner un monde à leur image.
00:25:32 Ils utilisent des formes d'organisations anarchistes,
00:25:40 dans lesquelles on retrouve des assemblées de parole,
00:25:44 où les gens mandatent une personne pour coordonner les activités du groupe.
00:25:49 Mais elles ne font que porter la parole de ce groupe
00:25:52 et ne prennent pas de décisions à sa place.
00:25:55 Ce qu'ils veulent, c'est une société
00:25:58 dans laquelle tout le monde aurait le même pouvoir
00:26:01 et le même bien-être,
00:26:04 sans qu'il y ait une autorité au-dessus d'eux.
00:26:09 Voilà, c'est ça. Voilà ce qu'est l'anarchisme.
00:26:12 C'est pour cela qu'on utilise le terme de contre-pouvoir.
00:26:15 L'anarchisme n'est pas une stratégie anti-pouvoir,
00:26:20 c'est une stratégie de contre-pouvoir,
00:26:24 décentralisée et redistribuée le pouvoir.
00:26:27 C'est pour ça que je considère le mouvement zapatiste
00:26:30 comme appartenant à la tradition libertaire et anarchiste.
00:26:35 Mais eux, de manière très saine à mon avis,
00:26:43 se méfient et refusent les étiquettes.
00:26:46 La geste des zapatistes redonne espoir
00:26:50 aux révolutionnaires du monde qui se coordonnent
00:26:53 au sein du jeune mouvement alter-mondialiste
00:26:56 et viennent au Chiapas pour participer
00:26:59 aux assemblées régionales, aux conférences internationales
00:27:02 et jusque aux rencontres intergalactiques
00:27:05 organisées par le ZLA.
00:27:09 La grande réussite du Chiapas, c'est d'avoir mis l'accent
00:27:12 sur l'international et la mondialisation.
00:27:15 Et donc, permis à tout le monde de se retrouver
00:27:18 dans la lutte des Indiens, pour peu que...
00:27:21 On ne cloue pas le bec aux Indiens.
00:27:24 On commence d'abord par les écouter et ensuite les suivre,
00:27:28 et non pas les précéder comme une avant-garde.
00:27:31 Et donc, le mouvement zapatiste a réussi son pari,
00:27:36 effectivement, de fédérer tous les mouvements révolutionnaires,
00:27:40 à commencer par les libertaires, à cause de son horizontalité.
00:27:43 -C'était un exemple d'une manière différente de faire les choses.
00:27:46 Depuis la chute de l'Union soviétique,
00:27:49 que l'on soit pour ou contre,
00:27:53 les gens se cherchaient à un nouveau modèle.
00:27:56 -Mais cet exemple est considéré comme une menace.
00:27:59 L'Etat envoie l'armée et les propriétaires terriens
00:28:02 à leurs milices, qui assassinent au hasard,
00:28:05 comme par exemple lors du massacre d'Akteal
00:28:09 où 45 personnes sont exécutées,
00:28:12 parmi lesquelles 18 enfants et 4 femmes enceintes.
00:28:15 Plutôt que d'en chérir dans la violence,
00:28:18 Leuza de Lenne décide de marcher sur Mexico sans armes
00:28:21 afin de faire connaître son méssage.
00:28:24 -Voici un exemple de la Zapatista en agua.
00:28:27 Au peuple de México,
00:28:31 aux peuples et aux gouvernements du monde,
00:28:34 hermanos,
00:28:37 en la noche, en ella vivimos.
00:28:40 Moriremos en ella.
00:28:41 -Sur leur chemin, le cortège grandit.
00:28:44 Des hommes et des femmes en cagoule se joignent.
00:28:48 Les couleurs rouges et noires de leurs drapeaux sont hissées
00:28:51 et leurs mots d'ordre repris.
00:28:53 Et ce n'est plus seulement la voix d'une petite communauté rebelle
00:28:56 qui se donne à entendre dans la parole poétique
00:28:59 de cette face sans visage, mais grâce aussi à Manu Chao,
00:29:02 qui met en musique le manifeste en agua,
00:29:06 qui est le premier de ses grands projets.
00:29:09 -La Zapatista est un projet qui a été créé en 1925
00:29:12 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:15 C'est un projet qui a été créé en 1935
00:29:18 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:21 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:24 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:28 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:31 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:34 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:37 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:40 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:43 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:47 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:50 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:53 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:56 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:29:59 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:03 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:06 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
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00:30:12 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:15 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:18 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
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00:30:34 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:37 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:40 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:43 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:47 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:50 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:30:53 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
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00:31:12 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:15 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
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00:31:25 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:28 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:31 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:34 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:37 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:40 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:43 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:47 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:50 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:53 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:56 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:31:59 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:02 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:06 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:09 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:12 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:15 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:18 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
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00:32:25 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:28 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:31 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:34 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:37 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:40 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:44 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:47 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:50 -Ce projet a été créé en 1935 pour la première fois en Amérique du Sud.
00:32:53 -Sur le grand appel international à la mobilisation,
00:32:56 lancée par tout un agglomérat d'organisations,
00:32:59 de collectifs et d'individus rassemblés au sein d'un mouvement des mouvements
00:33:03 qui a choisi de profiter de cette occasion
00:33:06 pour manifester son opposition au nouvel ordre mondial.
00:33:09 -Il n'y a pas de leader.
00:33:13 C'est un mouvement horizontal, d'action directe,
00:33:17 contre les multinationales.
00:33:20 Bref, il y a tous ces marqueurs.
00:33:23 -Et si un grand nombre de personnes impliquées
00:33:26 ne se considéraient pas comme anarchistes,
00:33:28 il y avait tout de même beaucoup d'anarchistes présents.
00:33:31 Et c'était clairement un mouvement anti-parti et anti-institutionnel.
00:33:35 Et en ce sens, on peut dire qu'il était anarchisant.
00:33:43 -Le 30 novembre au matin, malgré le fait que la Réunie City
00:33:46 n'ait jamais autant mérité son surnom,
00:33:48 l'ambiance est joyeuse et tapine.
00:33:50 On joue, on chante, on appelle les participants à la conférence.
00:33:56 On pousse aussi un peu pour essayer d'entrer.
00:33:59 Les autorités qui avaient sous-estimé l'ampleur de la mobilisation
00:34:04 ont peur.
00:34:05 On appelle l'armée en renfort et la garde nationale intervient.
00:34:10 Ce que l'histoire populaire a retenu sous le nom de "bataille de Seattle"
00:34:14 commence.
00:34:17 Car pour répondre aux violences policières et défendre le cortège,
00:34:21 un petit groupe de manifestants a décidé de répliquer.
00:34:25 Soudain, un "Black Bloc" s'est formé.
00:34:29 -Là, il y a quelque chose qui fait intégralement partie aujourd'hui
00:34:36 de l'identité du mouvement,
00:34:38 cette composante des "Black Blocs",
00:34:41 et que nous ne connaissions pas, en tout cas en Europe occidentale.
00:34:46 Et donc, que nous avons vu surgir.
00:34:49 Et qui, alors... D'où vient-elle ?
00:34:51 -Le "Black Bloc" vient d'Allemagne de l'Ouest.
00:34:54 Dans les années 70, il y avait les autonomes.
00:34:58 Certains se disaient anarchistes,
00:35:00 d'autres ne se réclamaient d'aucun parti
00:35:03 et se disaient juste autonomes.
00:35:05 Ils ont inventé la technique du "Black Bloc"
00:35:08 en portant le casque, le masque
00:35:10 et en se protégeant contre les violences policières
00:35:13 et les identifications.
00:35:15 Il faut dire qu'à l'époque, en Allemagne de l'Ouest,
00:35:18 la répression était très dure,
00:35:20 et les lois antiterroristes, très sévères.
00:35:23 ...
00:35:28 -Si le "Black Bloc", qui désigne une stratégie
00:35:31 et non des individus, existait déjà depuis longtemps,
00:35:34 c'est bien ici et ce jour-là qu'il se fait connaître au monde.
00:35:38 Pendant plusieurs heures,
00:35:40 devant les caméras des premières chaînes d'info en continu,
00:35:44 les révolutionnaires qu'il adopte
00:35:46 assument la confrontation et revendiquent l'usage de la violence.
00:35:50 -Violence, ça veut dire, attention, pas contre les personnes,
00:35:54 ça veut dire contre les choses.
00:35:56 Ce qui se casse, c'est quand même des vitrines, par exemple,
00:36:00 ou des caissiers automatiques.
00:36:03 -C'est une violence très largement symbolique,
00:36:05 pas du tout une violence physique directe sur des personnes,
00:36:09 qui bien souvent consiste en des affrontements avec la police,
00:36:13 pas dans une violence extrême du tout,
00:36:15 qui consiste dans la destruction éventuellement symbolique
00:36:19 de la propriété, casser des banques, etc.
00:36:21 -Loin d'être chaotique et désordonné,
00:36:24 l'action du "Black Bloc" est en effet raisonnée et réfléchie.
00:36:28 Et si, sur son passage, les vitrines volent en éclats,
00:36:33 ce n'est pas seulement pour exprimer la colère,
00:36:36 piller ou jouir du plaisir de casser pour casser.
00:36:39 Les cibles ne sont jamais prises au hasard.
00:36:41 C'est pour montrer qu'il est possible d'attaquer
00:36:44 les succursales du capitalisme,
00:36:46 et avec ce spectacle d'une violence très télégénique,
00:36:49 fasciner les caméras.
00:36:51 Coup double, en quelque sorte.
00:36:54 À l'heure du tout médiatique,
00:36:56 où une image sensationnelle vaut mieux parfois
00:36:58 que de longs discours, ce recours synéctoque à la violence
00:37:02 est en effet une propagande à la fois par le fait et par l'image.
00:37:06 -Ils considèrent qu'il faut aller lutter contre le capitalisme.
00:37:12 Et c'est pour lutter contre le capitalisme
00:37:14 qu'ils utilisent ces techniques.
00:37:16 Donc c'est facile à lire.
00:37:17 Les banques, c'est le capitalisme financier actuel.
00:37:20 Donc on attaque les banques,
00:37:22 même si on ne fait qu'égratigner sa surface.
00:37:25 Mais au moins, ça attire l'attention de tout le monde.
00:37:28 Et la propagande gouvernementale fait semblant
00:37:30 de ne pas comprendre pourquoi on attaque les banques.
00:37:34 -A propagande, propagande et demi.
00:37:39 Les chaînes d'info en continu diffusent en boucle les images.
00:37:43 Mais à Seattle, on a beau déclarer l'état d'urgence,
00:37:47 imposer le couvre-feu
00:37:49 et donner l'autorisation de tirer sur les semeurs de trouble,
00:37:52 le pouvoir a perdu l'initiative.
00:37:54 On préfère interrompre le sommet.
00:37:57 Grâce à la mobilisation et à l'action inattendue du Black Bloc,
00:38:01 la bataille de Seattle est gagnée.
00:38:04 ...
00:38:11 -Étonnamment, ça a été un succès.
00:38:14 On a vu qu'il était possible de faire reculer le pouvoir
00:38:18 et que l'autorité ne pouvait pas se maintenir
00:38:20 avec seulement la police dans la rue.
00:38:22 L'autorité était sapée parce que c'est une question de foi.
00:38:26 Et depuis lors,
00:38:28 il y a eu de telles manifestations partout dans le monde,
00:38:33 à Geneve, Naples, Québec.
00:38:37 Ça a explosé partout où les gens étaient en conflit
00:38:40 avec l'autorité.
00:38:41 -Dans les années suivantes, sur tous les continents,
00:38:45 l'ombre du Black Bloc plane sur les grands sommets
00:38:48 qui se claquent mûrs et se barricadent.
00:38:50 Il faut dire qu'à la suite de Seattle,
00:38:53 son ombre n'a cessé de grandir.
00:38:55 Sa présence devient de plus en plus massive dans les manifestations,
00:38:59 son action rapide et efficace
00:39:01 et ses images toujours plus fascinantes.
00:39:04 Le phénomène est tel qu'en 2012,
00:39:06 l'émeutier devient le personnage de l'année de Time magazine.
00:39:11 Comme à la fin du XIXe siècle, dans les cercles du pouvoir,
00:39:15 on parle à nouveau d'une internationale noire.
00:39:18 Et l'on met tout en oeuvre pour que Seattle ne puisse plus se reproduire.
00:39:22 -On s'est servi de Seattle pour justifier des recherches
00:39:26 dans le domaine des nouvelles armes.
00:39:28 Aux Etats-Unis, par exemple,
00:39:30 il y a eu des recherches sur des armes non létales,
00:39:33 des ultrasons, des lasers,
00:39:37 tout ce qui pourrait être utilisé dans des manifestations
00:39:40 contre les manifestants.
00:39:42 Et on a commencé à voir la police se comporter comme une armée.
00:39:47 Les forces de l'ordre se sont militarisées un peu partout.
00:39:51 -Ce nouvel arsenal de maintien de l'ordre et de pacification
00:39:57 est immédiatement mis en action.
00:39:59 Dans toutes les manifestations, avec ces armes non létales,
00:40:03 on les borne, mutilés, occasionnellement on les tue,
00:40:06 comme c'est arrivé en France avec Rémi Fraisse,
00:40:09 qui meurt soufflé par une grenade
00:40:11 pour ne pas vouloir détruire l'écosystème.
00:40:15 Mais quand on perd le contrôle, on n'hésite pas à sortir les armes,
00:40:19 les vraies, comme en Grèce, où Alexandros Grigoropoulos,
00:40:23 un enfant de 15 ans qui participait à une manifestation,
00:40:26 est assassiné par la police.
00:40:28 Comme à Oaxaca, au Mexique,
00:40:30 où le journaliste anarchiste Brad Will,
00:40:32 qui filmait la révolte des professeurs,
00:40:34 est tué par un sniper sous l'œil de sa caméra.
00:40:38 Ou comme à Gênes, où Carlo Giuliani, un jeune libertaire de 22 ans,
00:40:46 est abattu d'une balle dans la tête.
00:40:49 Et pour se dégager, la Jeep des carabiniers
00:40:52 part ses repasses sur son corps.
00:40:55 À la fin de la décennie,
00:40:57 de nombreux libertaires se demandent la stratégie du Black Bloc.
00:41:01 Elle n'est pas trop systématique,
00:41:03 et peut-être même parfois se faire contre les manifestants.
00:41:07 Après 10 ans de luttes,
00:41:09 il est urgent d'imaginer de nouvelles formes de lutte.
00:41:13 Depuis quelques années, un nouveau monde est né,
00:41:22 un nouveau monde est né, Internet.
00:41:25 Il faut dire que grâce à la révolution numérique
00:41:28 et aux facilités d'échange informatique qu'elle induit,
00:41:31 on a vu une augmentation sans précédent dans l'histoire
00:41:35 des flux financiers.
00:41:37 Ce nouvel Eldorado tourne les têtes des multinationales
00:41:41 et des grands organismes bancaires,
00:41:43 qui misent de plus en plus gros, sans aucun contrôle.
00:41:46 Une bulle financière se crée, qui explose en 2008,
00:41:51 symbolisée par la chute de Lehman Brothers.
00:41:54 On voit la plus importante banqueroute de l'histoire.
00:41:58 Pour la première fois depuis la crise de 1929,
00:42:02 des millions de personnes sont éliminées du jour au lendemain
00:42:05 et des pays entiers sont ruinés.
00:42:08 Si les révoltes se déroulent, c'est en automne 2011,
00:42:13 grâce à une mobilisation internationale,
00:42:16 que les anarchistes, sans toujours dire leur nom,
00:42:19 vont à nouveau faire parler d'eux,
00:42:21 avec le mouvement Occupy.
00:42:24 C'est pour cela que ça a commencé à Wall Street.
00:42:32 Wall Street avait ruiné l'économie mondiale,
00:42:35 avec des fraudes massives pour lesquelles personne ne sera condamné.
00:42:39 Ce qui montre la totale inefficacité des États
00:42:43 quand il s'agit de contrôler le capitalisme international.
00:42:47 Aucune action sérieuse n'a été prise
00:42:49 dans les responsables de ces dévastations économiques,
00:42:52 pour lesquelles des pays comme la Grèce, l'Espagne et ailleurs
00:42:56 continuent de payer.
00:42:58 Inspirés par les mouvements d'occupation des places
00:43:04 lors des printemps arabes et du mouvement des indignés en Espagne,
00:43:08 en organisant un gigantesque bîhine
00:43:10 au pied du temple de la finance internationale,
00:43:13 Occupy Wall Street enchevêtre rassemblement de protestations
00:43:17 et création d'une zone autonome temporaire.
00:43:21 Le mouvement Occupy Wall Street,
00:43:26 qui n'est pas un mouvement anarchiste à proprement parler,
00:43:29 est très fortement influencé par des anarchistes.
00:43:32 D'ailleurs, beaucoup d'anarchistes ont mis en place l'architecture de ce mouvement.
00:43:38 Des gens comme David Graeber, un anarchiste américain
00:43:43 qui a beaucoup écrit sur l'anthropologie.
00:43:46 Et d'autres encore,
00:43:48 qui, sans se dire anarchistes, le sont dans les faits.
00:43:52 Parmi eux, il y a aussi Carl Lahn,
00:43:58 journaliste canadien fondateur de AdBooster
00:44:01 et auteur du très beau design anarchique.
00:44:04 Tom Morello, le guitariste de Rage Against the Machine,
00:44:07 qui est aussi un militant très actif des IWW,
00:44:11 le syndicat anarchiste nord-américain,
00:44:13 et l'éternel Noam Chomsky, qui vient faire des conférences.
00:44:18 Mais si toutes les tendances anarchistes se trouvent ici,
00:44:21 et que toutes ces tactiques sont déployées,
00:44:23 la mobilisation a aussi la particularité d'agréger de nombreuses personnalités
00:44:28 qui ne sont pas des membres du mouvement libertaire,
00:44:31 mais qui doivent se positionner en fonction de lui.
00:44:40 Car ce n'est pas le moindre des paradoxes de l'anarchisme,
00:44:43 au moment où ses pensées et ses pratiques se généralisent,
00:44:46 que de se fondre et de disparaître dans les mouvements.
00:44:49 Il s'agit d'idées et d'expériences qui doivent avoir un sens pour nos vies
00:44:54 et qui puissent apporter des réponses à nos questions.
00:44:57 Le problème pour l'anarchisme n'est pas de se faire connaître,
00:45:03 mais de nous offrir une sorte de caisse à outils
00:45:05 pour les problèmes de la vie quotidienne.
00:45:09 Est-ce important de se réclamer de l'anarchisme ?
00:45:12 Non. Les anarchistes ne se battent pas pour un monde anarchiste, heureusement.
00:45:18 Ils se battent pour un monde libre. Et la différence est cruciale.
00:45:22 En venant des quatre coins du monde pour filmer l'événement,
00:45:25 les caméras des chaînes d'info laissent voir,
00:45:28 non plus sur des théâtres lointains ou au travers d'une violence spectaculaire,
00:45:32 mais dans des scènes de la vie quotidienne et aux coins de la rue,
00:45:36 ce que pourrait être une vie débarrassée des nombreuses formes
00:45:39 de domination et d'exploitation.
00:45:41 Car pendant plusieurs mois, ici, on médite, on discute, on rêve,
00:45:45 on chante, on aime, on partage et on s'éduque.
00:45:49 On abolit comme toujours les prisons, les polices, l'argent et les frontières.
00:45:53 On imagine ensemble d'autres mondes possibles
00:45:56 et on essaie de les réaliser maintenant.
00:45:59 Ils ont adopté des formes d'organisation anarchistes.
00:46:06 Des petits groupes qui se coordonnent et essayent de trouver le consensus
00:46:09 au travers de la démocratie directe,
00:46:11 tout en se posant la question de ce qu'il fallait faire
00:46:14 pour que le mouvement continue d'avancer.
00:46:18 Mais ces gens qui, sans violence, s'obstinent à agir
00:46:22 comme s'ils étaient déjà libres des ranges.
00:46:24 Dans l'urgence, des lois sont votées et la répression s'abat.
00:46:29 -Poussez !
00:46:30 -Je ne veux pas que vous vous en fassiez.
00:46:32 -Allez-y !
00:46:34 -Les autorités, comme toujours,
00:46:37 ont essayé de stopper le mouvement Occupy Wall Street.
00:46:41 Elles ont remis en vigueur les lois contre le vagabondage
00:46:45 et toutes ces lois du 19e siècle.
00:46:48 Et puis, la police a cherché toutes les excuses
00:46:52 pour empêcher le mouvement.
00:46:54 Elle a parlé de troubles à l'ordre public,
00:46:57 d'assemblées illégales.
00:46:58 Elle disait qu'il y allait avoir des émeutes.
00:47:01 ...
00:47:06 -Mais plus on réprime et plus on censure,
00:47:08 plus le mouvement Occupy s'étend.
00:47:11 Et grâce à ces images qui se diffusent via Internet,
00:47:14 plus il croit, se transforme et se multiplie
00:47:17 dans l'espace et dans le temps.
00:47:19 On occupe à Londres,
00:47:20 Frankfurt, devant le siège de la Banque centrale européenne,
00:47:24 à Tokyo, Paris, Montréal,
00:47:26 Séoul, Rome, Hong Kong, Melbourne ou Tel Aviv,
00:47:29 dans plus de 1 500 villes de 82 pays différents.
00:47:32 ...
00:47:35 Et au travers de ces grandes mobilisations,
00:47:38 sans toujours dire leur nom,
00:47:40 les idées libertaires se diffusent petit à petit
00:47:43 et imprègnent à nouveau toute une partie du mouvement social.
00:47:47 ...
00:47:51 -Peu importe que vous soyez pour ou contre l'anarchisme,
00:47:55 à l'intérieur du mouvement anticapitaliste,
00:47:57 vous devrez vous définir en fonction de lui.
00:48:00 Et vous devrez rendre des comptes.
00:48:02 Votre pratique et vos organisations
00:48:04 sont-elles vraiment démocratiques ?
00:48:06 Avez-vous un fonctionnement horizontal ?
00:48:09 Écoutez-vous chacun ?
00:48:10 Êtes-vous sensibles aux différences de genre,
00:48:13 aux sexualités et aux autres formes de diversité ?
00:48:16 En un mot.
00:48:17 Êtes-vous plus humains ?
00:48:19 -Je crois que oui.
00:48:20 Je crois que oui.
00:48:22 -En un mot.
00:48:23 Êtes-vous plus humains ?
00:48:24 -L'anarchisme ne s'enseigne pas,
00:48:28 ça ne s'apprend pas dans les livres,
00:48:30 dans les écoles, dans les conférences.
00:48:33 L'anarchisme, ça se contagie.
00:48:35 C'est-à-dire qu'il y a une transmission
00:48:37 qui n'est pas de l'ordre de la didactique.
00:48:41 -Le mouvement libertaire profite lui aussi
00:48:44 de cette nouvelle popularisation de ses idées et de ses pratiques,
00:48:48 comme l'a prouvé le succès inattendu
00:48:50 des rencontres internationales de l'anarchisme
00:48:53 qui eurent lieu en août 2012 en Suisse à Saint-Imier.
00:48:56 Et cette vigueur neuve tord le cou aux idées reçues
00:48:59 sur l'anarchisme.
00:49:00 Lui que l'on avait voulu limiter à l'Occident
00:49:03 conquire encore des territoires,
00:49:05 comme ici, le 1er mai 2019, en Indonésie.
00:49:08 Lui que l'on avait qualifié de révolte petite bourgeoise
00:49:12 touche à nouveau les milieux les plus humbles.
00:49:14 Lui que l'on avait prétendu minoritaire
00:49:16 trouve un écho dans les nouvelles générations
00:49:19 de l'anarchisme.
00:49:20 Lui que l'on avait si souvent dévaincu
00:49:23 prouve, malgré toutes ses défaites,
00:49:25 qu'il est toujours vivant.
00:49:27 -Il y a eu beaucoup de défaites dans l'histoire du mouvement anarchiste,
00:49:30 aussi grandes que les aspirations de ces gens-là.
00:49:33 Mais il y a une autre façon de voir l'histoire de l'anarchisme,
00:49:37 qui me semble-t-il être plus intéressante, plus juste,
00:49:40 plus respectueuse des faits.
00:49:41 C'est qu'à travers ces moments d'échec réel,
00:49:44 c'est vrai que la Commune a perdu, en Espagne, on l'a perdu,
00:49:47 il y a constamment eu des victoires moins visibles,
00:49:51 moins spectaculaires, mais qui sont présentes partout.
00:49:54 Mais il est tout de même remarquable
00:49:56 que ce que les anarchistes ont pensé, senti,
00:49:59 promu, défendu depuis très longtemps
00:50:02 est aujourd'hui présent dans beaucoup d'éléments de notre culture.
00:50:06 -L'anarchisme a eu un rôle fondamental
00:50:09 dans le progrès des idées
00:50:11 et dans le progrès de l'humanité en général.
00:50:13 -Pour le progrès de l'être humain.
00:50:15 -Mais l'anarchisme a toujours l'air d'être là et de ne pas y être.
00:50:19 Les anarchistes semblent être partout
00:50:21 et en même temps, on se demande tout le temps
00:50:24 "Mais où sont les anarchistes ?"
00:50:26 L'anarchisme ne disparaîtra jamais
00:50:30 parce qu'il appartient à l'être humain.
00:50:32 Chaque fois que quelqu'un se demandera
00:50:34 pourquoi il faut obéir, il y aura de l'anarchisme.
00:50:37 -Loin d'être achevé,
00:50:38 l'histoire de l'anarchisme se poursuit donc.
00:50:42 Mais au terme de ces presque deux siècles d'existence,
00:50:46 alors que des figures plus récentes ont succédé aux anciennes,
00:50:50 que ces courants se sont multipliés,
00:50:53 que ces stratégies et ces tactiques se sont diversifiées
00:50:57 et que de nouveau, les anarchistes
00:50:59 ont été les plus nombreux à se faire croire
00:51:01 que l'anarchisme était un vrai problème.
00:51:04 -Quand ces stratégies et ces tactiques se sont diversifiées
00:51:07 et que de nouveaux défis et de nouvelles menaces
00:51:10 sont apparus pour lui comme pour l'humanité,
00:51:13 il semble que le message d'espérance qu'elle porte
00:51:17 et que rappelait déjà Louise Michel dans sa plaidoirie,
00:51:20 soit resté le même qu'au premier jour.
00:51:23 -Nous sommes à une époque d'anxiété.
00:51:26 Tout le monde cherche sa route.
00:51:31 Que l'on s'en amène, advienne que pour un.
00:51:33 Que la liberté se fasse.
00:51:36 Que l'égalité se fasse.
00:51:39 Et nous serons heureux.
00:51:43 Car notre sang bleu est noir.
00:51:45 Notre rafleau rouge est noir.
00:51:49 -"Les réseaux de la colère", c'était donc le 4e et dernier volet
00:51:52 de la série "Ni Dieu, ni maître", une histoire de l'anarchisme,
00:51:56 écrite et réalisée par Tancrede Ramonet,
00:51:59 en rappelant que le 3e volet de cette série
00:52:01 vous a été proposé à l'occasion d'un autre débat doc.
00:52:04 L'occasion de s'interroger sur ce plateau
00:52:07 avec nos invités sur le poids et l'influence
00:52:10 qu'a l'anarchisme aujourd'hui dans notre société.
00:52:13 Avec vous, tout d'abord, Edouard Jourdain.
00:52:15 Vous êtes chercheur en théorie politique,
00:52:18 spécialiste de la pensée anarchiste.
00:52:20 Votre dernier ouvrage s'intitule
00:52:22 "Géopolitique de l'anarchisme, vers un nouveau moment libertaire".
00:52:25 Il a été publié au "Cavalier bleu".
00:52:28 On citera également vous concernant l'anarchisme.
00:52:31 Ouvrage publié chez "La Découverte".
00:52:33 Sylvain Boullou, qui est également avec nous, bienvenue.
00:52:36 Vous êtes historien spécialiste de l'anarchisme et du communisme.
00:52:40 Votre dernier livre s'intitule, lui, "Le peuple du drapeau noir",
00:52:44 une histoire des anarchistes publiée aux éditions Atlande.
00:52:47 Et enfin, avec nous, Christophe Bourseiller.
00:52:50 Vous êtes à la fois historien, auteur,
00:52:52 avec plusieurs essais consacrés aux courants extrémistes
00:52:56 et minoritaires, dont celui-ci,
00:52:58 "Nouvelle histoire de l'ultragauche",
00:53:00 publié aux éditions du CERF.
00:53:02 Vous étiez déjà, tous les trois, avec nous,
00:53:05 sur ce même plateau, à la suite du troisième volet de cette série,
00:53:09 où nous avons évoqué ensemble ce qu'a été, finalement,
00:53:12 l'histoire de l'anarchisme.
00:53:14 On va parler maintenant de l'anarchisme aujourd'hui,
00:53:17 dans notre société, avec cette première question toute simple.
00:53:21 L'anarchisme influe-t-il,
00:53:24 aujourd'hui, sur les formations politiques existantes
00:53:27 que nous connaissons, à droite, à gauche ?
00:53:30 Est-ce que c'est le cas ?
00:53:32 -Alors, dans cette question, il y a déjà peut-être un paradoxe,
00:53:35 c'est que les anarchistes, dans leur histoire,
00:53:38 ils sont opposés à toute forme de représentation,
00:53:41 et donc, ils sont opposés aussi aux partis politiques, précisément,
00:53:45 qui vont avoir pour but de s'emparer du pouvoir
00:53:49 et de le confisquer, en quelque sorte, au peuple,
00:53:52 pour avoir leur propre direction idéologique, etc.
00:53:55 Donc, il y a eu, je crois, peut-être une ou deux exceptions
00:53:58 de quelques anarchistes qui ont voulu se former en parti,
00:54:02 mais en réalité, ça n'a jamais véritablement réussi.
00:54:05 Néanmoins, on va retrouver certaines influences
00:54:08 au sein de certains courants.
00:54:09 -Quels sont-ils, ces courants ?
00:54:11 On a vu que ça avait pu influer sur l'histoire du PS,
00:54:14 notamment, on l'a évoqué avec vous à l'émission précédente,
00:54:18 quelle influence, pour quel parti politique existant ?
00:54:22 S'il fallait trouver les principales.
00:54:24 -Juste quelques éléments qu'on pourra compléter,
00:54:27 bien évidemment, mais il y a, évidemment,
00:54:29 la dimension écologique qu'on va pouvoir retrouver
00:54:32 chez les Verts, qui sont aussi parfois un petit peu méfiants
00:54:37 sur un système centralisé, étatique, etc.
00:54:40 Il y a la dimension, parfois, d'autogestion
00:54:43 qu'on va pouvoir retrouver dans certains courants de partis
00:54:46 comme l'ONPA.
00:54:48 Euh...
00:54:49 Par exemple...
00:54:50 -Un parti trotskiste.
00:54:52 -Un parti trotskiste, mais avec plusieurs tendances différentes,
00:54:56 dont une, c'est minoritaire, mais qui se réclame
00:54:58 de l'anarchisme aussi, en tout cas, libertaire.
00:55:01 -Vous envoyez d'autres ?
00:55:03 Sylvain Bouloud.
00:55:04 -Chez les Verts, il reste, pour deux raisons,
00:55:07 c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre d'anciens libertaires,
00:55:11 à l'image de Danyan, comme Mendide,
00:55:13 avant qu'il ne verse dans le parti présidentiel actuel,
00:55:16 mais comme Mendide se réclamait, à importer chez les Verts,
00:55:20 il y a des libertaires.
00:55:21 Quand on regarde la composition et la formation des Verts en France,
00:55:25 on voit qu'il y a des influences libertaires.
00:55:27 Il y a pas mal d'anciens libertaires
00:55:29 qui, pour X ou Y raisons, ont quitté la mouvance libertaire
00:55:33 pour se rapprocher des Verts, par souci d'efficacité,
00:55:36 parce qu'ils considéraient qu'il y avait des moments
00:55:39 où il fallait en passer par la voie électorale.
00:55:41 Donc il y a ce premier noyau.
00:55:43 On en retrouverait un peu également au Parti socialiste,
00:55:46 pour un peu les mêmes raisons, d'anciens libertaires
00:55:50 qui ont quitté la mouvance libertaire
00:55:52 pour, pour la même raison, souci d'efficacité,
00:55:54 et qui conservent des traces de leur passé
00:55:58 dans l'appareil politique
00:56:01 qu'ils fréquentent à ce moment-là.
00:56:03 Après, il y a aussi le mot.
00:56:05 Par exemple, si on joue sur "La France insoumise",
00:56:08 alors "La France insoumise", c'est une référence
00:56:11 à la fois à la chanson de Jean Ferrava,
00:56:13 qu'a inventée Jean-Luc Mélenchon,
00:56:15 "La France", mais il y a aussi le côté insoumis,
00:56:18 et Mélenchon, à plusieurs reprises,
00:56:20 dans ses discours pendant la campagne présidentielle,
00:56:23 faisait référence à ses amis anarchistes
00:56:25 qu'il appelait à voter.
00:56:27 Là, on est pratiquement dans le paradoxe,
00:56:29 mais toujours est-il qu'il y a cette dimension
00:56:32 du refus de l'ordre et de l'autorité
00:56:34 qui est présente dans cette formation.
00:56:36 Avec deuxième chose, la pseudo-horizontalité
00:56:39 qui existerait dans "La France insoumise",
00:56:42 dont on retrouve pas de l'anarchisme
00:56:44 en tant que corps doctrinal,
00:56:46 mais des pratiques libertaires
00:56:48 qui peuvent diffuser et se distiller
00:56:51 dans la société et dans un certain nombre
00:56:53 de partis politiques, plutôt à gauche
00:56:55 de l'échiquier politique.
00:56:57 -Je faisais le même constat.
00:56:59 On est dans les mouvances de gauche,
00:57:01 dans les formations politiques de gauche.
00:57:03 -C'est plutôt que dans les partis,
00:57:05 il y a une influence libertaire au niveau associatif.
00:57:09 Il y a quelque chose qui s'est passé
00:57:11 fondamentalement au début du XXIe siècle,
00:57:14 c'est le fait que beaucoup d'anarchistes
00:57:16 ont cessé de se revendiquer comme tels.
00:57:18 Ils ont laissé tomber l'étiquette
00:57:20 en considérant que l'anarchisme, ça datait du XIXe siècle,
00:57:24 c'était fini, et ils ne voulaient plus d'étiquette.
00:57:27 Mais ils sont restés délibertaires, anti-autoritaires,
00:57:30 et ils ont joué un rôle considérable
00:57:32 dans tout ce mouvement associatif environnementaliste
00:57:37 parallèle à l'écologie officielle.
00:57:39 Je veux parler, par exemple,
00:57:41 d'un phénomène fondamental
00:57:42 qui a joué un rôle de déclencheur,
00:57:44 c'est le phénomène des ZAD,
00:57:46 ce qu'on appelle les zones à défendre
00:57:48 ou zones d'autonomie défensive ou zones d'autonomie durable,
00:57:52 parce que l'acronyme se prête à plusieurs interprétations.
00:57:55 Ce sont des libertaires, au départ,
00:57:58 qui sont à la création des ZAD,
00:58:00 des gens issus de l'autonomie,
00:58:02 issus des courants prostitutionnistes,
00:58:05 issus des courants libertaires,
00:58:07 qui ont choisi de déserter les villes.
00:58:09 Ils avaient lu un auteur qui s'appelle Hakim Bey,
00:58:12 qui avait écrit un livre qui s'appelait
00:58:14 "Tas, Temporary Autonomous Zone",
00:58:16 dans lequel il appelait à créer dans les villes
00:58:18 des zones d'autonomie temporaire
00:58:20 où on échappe au contrôle de l'Etat.
00:58:23 Ils se sont dit qu'à la campagne,
00:58:24 on pouvait créer des zones d'autonomie temporaire.
00:58:27 C'est ainsi qu'ont vu le jour les ZAD,
00:58:30 qui sont des zones d'autonomie temporaire
00:58:32 en plein milieu de la nature.
00:58:34 Là, il y a une vraie expérience libertaire de masse
00:58:37 qui se fait, que ce soit à Notre-Dame-des-Landes,
00:58:40 à Sivin, des nombreuses ZAD qui ont fleuri
00:58:42 ou qui fleurissent encore ces derniers temps.
00:58:45 C'est très important et c'est véritablement
00:58:48 l'héritage associatif de l'anarchisme.
00:58:50 -On avait vu avec vous tout à l'heure
00:58:52 qu'à défaut de s'investir dans le domaine politique,
00:58:55 d'avoir de la pétance
00:58:57 pour les démocraties parlementaires,
00:59:00 par exemple,
00:59:01 les anarchistes, tout au long de leur histoire,
00:59:04 se sont investis dans les syndicats,
00:59:06 justement, vous l'évoquiez.
00:59:08 Ce sont les bourses du travail, notamment,
00:59:11 et des syndicats révolutionnaires.
00:59:13 Est-ce que c'est encore le cas ?
00:59:15 Trouve-t-on trace de l'anarchisme
00:59:17 dans l'activité syndicale en France ?
00:59:19 -Oui, certainement.
00:59:21 Juste pour faire un tout petit point d'histoire,
00:59:24 d'ailleurs, la CGT a à l'origine
00:59:26 et d'inspiration largement
00:59:28 syndicalistes révolutionnaires,
00:59:30 mais aussi anarcho-syndicalistes,
00:59:32 où on retrouve ces principes d'autogestion
00:59:35 qui avaient été mis en valeur déjà
00:59:37 par un certain socialisme libertaire,
00:59:39 avec Proudhon, etc.
00:59:41 Et puis, c'est en réalité qu'avec la révolution belgevique,
00:59:44 il va y avoir un tournant, donc ça vient de très loin.
00:59:48 Alors, aujourd'hui...
00:59:50 Alors, je suis pas un spécialiste,
00:59:52 et peut-être que... -Vous allez être aidé
00:59:54 par Sylvain Goulod, après.
00:59:56 -Mais il y a dans certains syndicats,
00:59:58 particulièrement, je pense, par exemple, la Sud,
01:00:01 qui a été beaucoup investie par les anarchistes...
01:00:04 -Et Sud est une fission de la CGT.
01:00:06 -CFDT. -La CFDT, pardon.
01:00:09 -Tout à fait.
01:00:10 La CFDT, qui avait aussi
01:00:13 une lignée...
01:00:15 Alors, chrétienne, socialiste,
01:00:18 parfois anarchisante,
01:00:20 avec sa thématique de l'autogestion, etc.,
01:00:22 mais avec, ici, un syndicat comme Sud,
01:00:26 une forme de radicalisation
01:00:28 libertaire, parfois dépassant,
01:00:31 en termes de radicalité,
01:00:33 la CGT, qui avait un petit peu le monopole
01:00:36 du changement social.
01:00:38 -Dans le mouvement syndical français actuel,
01:00:41 on retrouve des centrales syndicales,
01:00:43 expressément syndicalistes révolutionnaires
01:00:46 ou anarcho-syndicalistes, comme les CNT.
01:00:50 Effectivement, dans Sud,
01:00:53 depuis sa création, enfin, maintenant, c'est solidaire,
01:00:57 il y a eu, notamment, au CRC, Santé sociale,
01:01:00 et à Sud PTT, et aussi à Sud Cheminot,
01:01:04 il y avait un certain nombre de libertaires
01:01:06 qui n'étaient pas les seuls, mais qui ont exporté
01:01:09 leurs pratiques libertaires dans le mouvement syndical,
01:01:12 rappelant l'héritage historique
01:01:14 du syndicalisme révolutionnaire matinée d'anarchisme,
01:01:19 avec Pelloutier, le débat sur l'indépendance
01:01:22 du syndicalisme, qui existe également
01:01:25 dans deux autres centrales syndicales
01:01:27 qui sont plus importantes.
01:01:29 D'une part, la CGT, où la CGT,
01:01:30 même si elle a été pendant longtemps
01:01:33 le contrôle du Parti communiste,
01:01:34 a toujours eu un problème avec un texte fondateur,
01:01:37 la charte d'Amiens, qui définissait,
01:01:39 d'abord, l'autonomie du mouvement syndical
01:01:42 par rapport au parti politique,
01:01:44 et puis, deuxième chose, comme objectif final,
01:01:47 la grève générale, pour exproprier le patronat.
01:01:49 Donc, dans la CGT, il y avait cette question-là,
01:01:52 avec l'ambiguïté de son rapport avec le Parti communiste,
01:01:55 et on le retrouve également dans une autre centrale syndicale
01:01:59 qui est importante, qui est la CGT force ouvrière,
01:02:02 qui s'appelle la CGT force ouvrière,
01:02:04 et dans la CGT force ouvrière,
01:02:06 comme dans la CGT de l'entre-deux-guerres,
01:02:09 il y a toujours eu un courant syndicaliste libertaire
01:02:12 qui a existé, dans lequel,
01:02:13 qui représentait à peu près 10 % des effectifs,
01:02:16 mais dans lequel on retrouve un certain nombre de libertaires.
01:02:20 Alors, le plus anecdotique et le plus amusant,
01:02:23 c'est Moray Joyeux, qui était une figure emblématique
01:02:26 de la fédération anarchiste, qui a été pendant très longtemps
01:02:29 un proche d'André Bergeron,
01:02:31 qui était le secrétaire confédéral de la CGTFO,
01:02:36 et qui a même participé
01:02:39 au Conseil économique et social,
01:02:42 où il a siégé à un temps.
01:02:44 Donc, il y a toujours eu,
01:02:46 dans l'ensemble du mouvement syndical,
01:02:49 on peut aussi parler de l'éducation,
01:02:51 des tendances, enfin, des différentes...
01:02:54 des tendances libertaires.
01:02:55 Elles ont jamais été majoritaires,
01:02:57 mais elles ont toujours existé dans le mouvement syndical,
01:03:01 et c'est très important, la définition de l'autonomie
01:03:04 du mouvement syndical.
01:03:05 -Il y a aussi des courants antisyndicalistes.
01:03:08 On le voit, par exemple,
01:03:09 quand il y a des manifestations syndicales.
01:03:12 Il arrive parfois que des autonomes attaquent les camionnettes
01:03:15 de la CGT. C'est pas du tout gratuit.
01:03:17 C'est parce qu'ils s'inspirent d'une tradition antisyndicaliste,
01:03:21 qui dit que les syndicats encadrent la classe ouvrière,
01:03:24 que les syndicats sont des courroies de transmission
01:03:27 du capitalisme et qui défendent l'idée des grèves sauvages,
01:03:31 de la démocratie syndicale.
01:03:32 Il y a aussi ce courant-là, qu'il ne faut pas négliger,
01:03:36 qui perturbe, bien évidemment, et qu'on retrouve partiellement
01:03:39 au sein du mouvement des gilets jaunes.
01:03:41 -Sur les modes opératoires, c'est vrai que...
01:03:44 C'est mis en avant dans ce documentaire,
01:03:46 il y a les fameux Black Blocs.
01:03:48 C'est un mode opératoire, les Black Blocs.
01:03:51 C'est pas un groupe déterminé.
01:03:53 Dans ce documentaire, il est rappelé que c'est en 99
01:03:55 qu'on a surtout parlé des Black Blocs.
01:03:58 C'était au sommet de l'Organisation mondiale
01:04:01 de la République. On a tous ces images dans ce film.
01:04:03 Présence des Black Blocs, présence aussi des médias,
01:04:07 et tout cela, évidemment, a fait monter ce mode opératoire
01:04:11 sur les écrans de télé. C'est assez spectaculaire.
01:04:14 C'est un mode opératoire très, très fort,
01:04:16 d'un point de vue visuel.
01:04:18 Et qui plus est, ces hommes et ces femmes
01:04:21 sont habillés en noir.
01:04:23 Est-ce que dans ces fameux Black Blocs
01:04:26 se trouve aujourd'hui une grande partie d'anarchistes ?
01:04:30 -Oui, bien sûr.
01:04:31 Une grande partie, je sais pas, mais en tout cas,
01:04:33 il y a une partie d'anarchistes,
01:04:35 de ce qu'on appelle des autonomes,
01:04:37 qui sont sans étiquette véritable.
01:04:40 -Des anarchistes qui refusent l'étiquette anarchiste.
01:04:43 -Voilà.
01:04:44 Mais, en effet,
01:04:47 il y a ces anarchistes...
01:04:49 Alors, on le voit, l'image,
01:04:51 il y a cette idée de propagande par le fait,
01:04:53 aussi, dans cette tactique,
01:04:56 le fait de détruire des banques,
01:04:59 des symboles du pouvoir, etc.
01:05:01 -Des symboles du capitalisme.
01:05:03 -Du capitalisme.
01:05:04 Donc, il y a cette idée, en effet,
01:05:08 de faire circuler cette image
01:05:12 qu'on peut, finalement, porter attente
01:05:15 à ce qui paraît inatteignable.
01:05:17 Donc, il y a ce côté un peu,
01:05:21 j'allais dire un peu marketing,
01:05:23 en tout cas, du visuel, de marqué, etc.
01:05:27 D'ailleurs, dans le documentaire,
01:05:29 c'est intéressant de voir aussi
01:05:31 que les anarchistes, y compris par le "acercler",
01:05:34 il y a cette idée de faire circuler des symboles.
01:05:39 Donc, il y a toujours une attention à l'image
01:05:41 qui est très importante.
01:05:43 -Ceux qui ont vu ce film, quand même,
01:05:45 peuvent mettre ainsi une égalité
01:05:47 entre Black Bloc, mode opératoire,
01:05:49 et anarchisme.
01:05:50 -Non, tous les anarchistes
01:05:52 ne sont pas dans les Black Bloc.
01:05:54 Il y a plusieurs dimensions.
01:05:56 D'abord, il y a une chose historique
01:05:58 qui est amusante, c'est qu'en fait,
01:06:00 le Black Bloc, c'est un groupe anarchiste allemand
01:06:03 qui n'a rien à voir, qui manifestait.
01:06:05 C'est des anarchistes allemands qui avaient constitué
01:06:08 un groupe qui s'appelait le Bloc noir.
01:06:10 Ils manifestaient, ils avaient juste une mandrole.
01:06:13 -C'était les antifascistes. -Non, même pas.
01:06:16 C'était un groupe libertaire, tout à fait, lambda.
01:06:19 -Mais en noir. -Non, même pas.
01:06:21 Ils s'appelaient le Bloc noir.
01:06:22 Et puis, très rapidement... -Un bloc anarchiste.
01:06:25 -Il y avait des autonomes qui se sont couverts la tête
01:06:28 et qui ont commencé à affronter les forces de l'ordre.
01:06:31 Les forces de l'ordre ont repris l'étiquette en disant
01:06:34 que c'était le Bloc noir, couvrant tout le spectre
01:06:37 de la gauche radicale et de l'anarchisme,
01:06:39 en disant que tous ceux qui affrontent
01:06:42 les forces de l'ordre, le visage masqué,
01:06:44 sont des Black Bloc.
01:06:45 L'expression s'est répandue à partir de Seattle en 1999.
01:06:49 Et depuis, dans chaque manifestation,
01:06:51 il y a un côté société du spectacle aussi,
01:06:54 puisque le Bloc noir va attaquer un certain nombre de symboles
01:06:57 du capitalisme, en sachant qu'ils sont filmés
01:07:00 par des caméras capitalistes.
01:07:02 Mais il y a cette dimension qui est présente
01:07:05 de vouloir démontrer, par une nouvelle forme de propagande,
01:07:09 par le fait qu'il y a des oppositions au capitalisme.
01:07:13 Quand on regarde les participants au Bloc noir,
01:07:16 c'est quelque chose d'extrêmement hétérogène,
01:07:18 puisqu'on a aussi bien quelques libertaires,
01:07:21 même si tous les anarchistes ne font pas partie du Bloc noir.
01:07:24 On a quelques libertaires,
01:07:26 mais on a aussi des groupes d'extrême-gauche,
01:07:29 néo-maoïste, des autonomes,
01:07:33 et puis on peut même retrouver,
01:07:35 ils ne vont pas l'afficher ouvertement,
01:07:37 mais on peut retrouver un certain nombre de militants
01:07:40 de gauche radicale d'autres formations
01:07:42 qui peuvent, le cas échéant, participer à ce type d'action
01:07:46 ou à d'autres types d'actions au marge de la légalité.
01:07:49 Après, ils n'ont pas forcément envie de revendiquer
01:07:52 parce qu'il peut y avoir des poursuites judiciaires.
01:07:55 -C'est un mode opératoire auquel participent des anarchistes,
01:07:58 mais qui n'est pas identifié à l'anarchisme.
01:08:01 -Je ne suis pas tout à fait d'accord.
01:08:03 C'est quand même le mode opératoire de libertaires absolus.
01:08:07 On refuse de marcher haut pas,
01:08:08 de manifester comme des moutons derrière une banderole,
01:08:12 créer un cortège de têtes informel,
01:08:14 anti-autoritaire, insurrectionnel,
01:08:16 et s'en prendre au symbole du capitalisme.
01:08:19 C'est une démarche "révolutionnaire" assez typique
01:08:22 et qui remonte à loin.
01:08:23 Ce n'est pas un phénomène récent.
01:08:25 Vous avez daté de Seattle. -Non, de l'Allemagne.
01:08:28 Il y avait des images de Seattle dans ce doc.
01:08:31 -Non, ça a démarré en 1971,
01:08:34 lorsque des militants libertaires ont fait volontairement
01:08:38 le pillage du quartier latin pour montrer
01:08:40 qu'une vraie manifestation révolutionnaire,
01:08:43 ça consistait à piller, à frapper les symboles du capital
01:08:46 en cassant les vitrines.
01:08:48 Et de là, vous avez vu, dans toutes les manifestations
01:08:51 de gauche syndicale ou étudiante ou lycéenne,
01:08:54 vous avez vu apparaître des groupes informels,
01:08:57 de gens plus ou moins masqués,
01:08:58 qui se réclamaient, ils donnaient beaucoup de tracts,
01:09:01 qui étaient toujours des tracts d'inspiration post-situationniste
01:09:05 ou d'inspiration libertaire.
01:09:07 Et puis, à partir de 1975,
01:09:09 ils se sont fait appeler les autonomes
01:09:11 parce qu'ils se sont alliés avec d'anciens maoïstes
01:09:14 et qu'ils refusaient toute étiquette.
01:09:17 C'est un dépassement des "ismes", comme il disait,
01:09:19 et au fond, aujourd'hui, ceux qu'on voit
01:09:22 sont les héritiers de ça.
01:09:23 C'est presque une tradition du mouvement ouvrier,
01:09:26 de voir ces gens qui sont en marge.
01:09:30 Là où je rejoins Sylvain, c'est qu'effectivement,
01:09:33 quand vous prenez le mouvement anarchiste officiel,
01:09:36 les trois quarts des anarchistes officiels
01:09:39 sont contre ces autonomes, en disant
01:09:41 qu'ils manifestent derrière leurs banderoles,
01:09:44 qu'ils veulent faire passer leurs idées,
01:09:46 qu'ils veulent s'en prendre au hasard,
01:09:48 aux commerçants, ou tout ça.
01:09:50 -Avec un drapeau noir plutôt que d'être habillé intégralement.
01:09:54 -Ils ont des drapeaux noirs aussi.
01:09:56 Vous avez un anarchisme officiel
01:09:58 et ce qu'on appelle en réalité aujourd'hui
01:10:00 les autonomes de façon très imprécise,
01:10:03 mais qui sont fondamentalement structurés
01:10:06 par une pensée libertaire.
01:10:08 -On assimile aussi souvent,
01:10:10 mais on est là pour ça,
01:10:11 pour peut-être tordre le cou à certaines idées reçues,
01:10:15 entre l'ultra-gauche et l'anarchisme.
01:10:17 -C'est pas pareil. -C'est pas pareil.
01:10:19 Sylvain Boulouc, Edouard Jourdain ?
01:10:21 -Moi, de manière très...
01:10:23 très rapide, en termes d'histoire des idées,
01:10:27 j'ai l'impression que l'ultra-gauche
01:10:29 va être surtout marquée par le marxisme aussi,
01:10:32 alors que dans l'anarchisme, c'est un peu différent.
01:10:36 Il y a ce côté... On ne peut pas être catégorisé,
01:10:38 y compris sur le spectre politique,
01:10:41 qui est issu de la division entre partis
01:10:43 de la Révolution française.
01:10:45 Les anarchistes ne vont pas s'inscrire
01:10:47 dans cet environnement symbolique
01:10:49 dans lequel on aimerait les inscrire.
01:10:52 -Est-ce qu'on les inscrit encore quelque part ?
01:10:54 Vous avez fait une remarque tout à l'heure.
01:10:57 C'est-à-dire que lorsqu'on regarde un peu précisément
01:11:00 les choses aujourd'hui, le terme "anarchisme"
01:11:03 et "anarchiste" figurent assez peu
01:11:05 à comparer au terme "ultra-gauche".
01:11:07 Le terme "anarchiste", "libertaire",
01:11:09 apparaît encore. -Ce qui est arrivé
01:11:11 avec l'ultra-gauche, simplement, en deux mots,
01:11:14 c'est que l'ultra-gauche, au départ, c'est un courant marxiste,
01:11:18 antiléniniste, qui est apparu après la Révolution d'octobre,
01:11:21 mais simplement, dans la bouche des policiers,
01:11:24 des journalistes, c'est devenu une sorte d'étiquette
01:11:27 pour désigner tout ce qui est très à gauche.
01:11:30 Aujourd'hui, vous avez un attentat commis par des maoïstes,
01:11:33 c'est un attentat ultra-gauche, alors que ça n'a rien à voir.
01:11:37 -Il y a un problème sémantique assez important.
01:11:40 Déjà, il y a la double étiquette "anarchiste" et "libertaire".
01:11:43 Souvent, l'anarchisme faisant plus peur,
01:11:45 le terme utilisé, c'est "libertaire".
01:11:47 Par exemple, un exemple révélateur,
01:11:50 la majorité de la presse anarchiste...
01:11:52 -Libertaire, partisan de la liberté absolue.
01:11:54 -La majorité de la presse anarchiste a comme titre "libertaire",
01:11:58 avec un qualificatif quel qu'il soit,
01:12:00 mais "libertaire" plutôt qu'anarchiste,
01:12:03 comme si ça faisait repoussoir.
01:12:04 Les titres avec juste "anarchiste" ont rarement marché très longtemps.
01:12:09 Après, effectivement, il y a un vocabulaire médiatique
01:12:12 qui fait que tout est mélangé dans tout.
01:12:15 Donc tout ce qui est la gauche extra-parlementaire
01:12:18 au-delà de la France insoumise, on va dire,
01:12:21 rejoint l'ultra-gauche.
01:12:23 Alors, effectivement, dans l'ultra-gauche,
01:12:25 il y a les derniers maoïstes,
01:12:27 une résurgence du maoïsme,
01:12:29 des conseillistes...
01:12:32 Alors, les conseillistes envoyant, effectivement,
01:12:35 le débat qu'il y avait dans le marxisme post-révolution russe
01:12:38 entre les partisans de Rosa Luxembourg
01:12:41 et d'autres critiques du léninisme,
01:12:43 qui, eux, ont eu l'étiquette originelle d'ultra-gauche,
01:12:47 plus, après, se joignent les courants des années 70,
01:12:50 qui ont critiqué les formes de partis
01:12:53 et qui rejoignent cette...
01:12:55 cette mouvance révolutionnaire
01:12:57 dans laquelle, effectivement, il y a des pratiques
01:13:00 qui ressemblent à des pratiques libertaires,
01:13:02 mais où certains individus ne sont pas du tout libertaires.
01:13:06 -Dans ce film, Tancrede Ramonet dit
01:13:08 que les anarchistes sont partout et nulle part.
01:13:11 Est-ce que c'est ça, le problème des anarchistes ?
01:13:13 -C'est ce qui est aussi leur force.
01:13:16 C'est-à-dire que, depuis...
01:13:17 Surtout depuis, je dirais, une vingtaine d'années,
01:13:20 en gros, depuis la chute du mur de Berlin,
01:13:23 pour faire vite le début de ce qu'on va appeler
01:13:26 l'alter-mondialisme, etc.,
01:13:27 on va avoir beaucoup de pratiques
01:13:30 qui sont, en réalité, d'inspiration anarchiste,
01:13:34 mais qui sont, en fait, assez naturelles
01:13:36 et que les anarchistes vont théoriser,
01:13:39 qui sont tout simplement des formes d'autonomie,
01:13:41 d'autogestion, d'entraide,
01:13:44 de politique directe, d'organisation,
01:13:47 de réappropriation des choses
01:13:49 pour les distribuer collectivement, etc.
01:13:52 Bon, ça, c'est quelque chose qu'on va retrouver
01:13:55 dans beaucoup de mouvements
01:13:56 qui ne se réclament pas anarchistes.
01:13:59 Et moi, il m'est arrivé de rencontrer des personnes,
01:14:02 notamment dans le milieu associatif,
01:14:05 particulièrement au sein, d'ailleurs,
01:14:07 d'un mouvement qui est de plus en plus important,
01:14:10 qui est repris aussi en termes d'idées politiques,
01:14:14 économiques, qui s'appelle les "communs",
01:14:16 qui est une notion qui remonte, en réalité,
01:14:19 depuis les débuts de l'histoire de l'humanité,
01:14:22 qui consiste, tout simplement, pour un groupe,
01:14:25 de s'organiser de manière autonome
01:14:27 et de gérer des ressources en commun.
01:14:30 C'est quelque chose de très simple,
01:14:32 sans que ce soit avec le marché ni avec l'Etat.
01:14:35 C'est quelque chose qui a été beaucoup théorisé,
01:14:37 notamment par la PNE et Elinor Ostrom,
01:14:40 mais c'est quelque chose qu'on va retrouver
01:14:43 de manière informelle et très importante
01:14:45 dans beaucoup d'associations, de mouvements, etc.,
01:14:48 et qui, en réalité, sont très proches
01:14:51 des théories et des pratiques anarchistes.
01:14:53 Donc, moi, ça m'est arrivé qu'il y ait des personnes
01:14:57 qui m'ont demandé du coup, c'est quoi l'anarchisme, etc.,
01:15:00 et qui avaient vu des articles ou des livres
01:15:02 que j'avais pu écrire, qui se disent
01:15:05 que dans leur pratique, ils se sont rendus compte
01:15:08 que c'était anarchiste.
01:15:09 Ils n'avaient pas mis les mots sur la pratique.
01:15:12 -C'est ça qu'on essaie de comprendre.
01:15:14 On a du mal, semble-t-il, à se revendiquer anarchiste.
01:15:17 -Les gens qui veulent se revendiquer anarchiste
01:15:20 peuvent se le faire.
01:15:22 Même les lois Scélérate ont été abolies
01:15:24 il y a une trentaine d'années.
01:15:26 Il n'y a pas de problème légaux,
01:15:28 il n'y a pas de problème à se réclamer.
01:15:31 Après, le mot est entouré, est chargé d'une certaine histoire,
01:15:34 ce qui fait qu'effectivement, contrairement à d'autres
01:15:38 formations politiques qui pourraient avoir des problèmes
01:15:41 avec leur passé, on peut penser au communisme, par exemple,
01:15:45 le mot anarchiste pose plus de problèmes
01:15:47 parce que ça veut dire "partisan".
01:15:49 C'est toute l'ambiguïté fondatrice du terme.
01:15:52 L'anarchie est à la fois un courant politique,
01:15:55 et un courant social, la notion de désordre.
01:15:58 Tout à l'heure, on disait que c'était l'anarchie.
01:16:01 Donc, il y a toujours cette double ambiguïté
01:16:04 qui fait qu'effectivement, ça renvoie à une pratique,
01:16:07 qui est une pratique sociale,
01:16:09 qui est une pratique de solidarité au quotidien,
01:16:12 qui sont des pratiques qui peuvent se retrouver
01:16:15 dans l'anarchisme, mais qui ne définissent pas
01:16:18 en tant que tel l'anarchisme.
01:16:20 Donc, il y a cette ambivalence permanente,
01:16:22 qui est depuis l'origine un des problèmes majeurs
01:16:25 des anarchistes, qui, d'autre part,
01:16:28 n'aiment pas forcément beaucoup l'organisation.
01:16:31 Se réclamer d'anarchisme, être organisé,
01:16:33 ça sous-entend déjà une discipline
01:16:35 que les anarchistes ont du mal à s'appliquer à eux-mêmes,
01:16:39 ce qui est aussi un autre problème fondamental
01:16:42 pour les anarchistes aujourd'hui.
01:16:44 -Christophe Bourselier, j'ai lu quelque part
01:16:46 que les Gilets jaunes pouvaient être assimilés à des anarchistes.
01:16:50 Ce mouvement pouvait être un mouvement anarchiste.
01:16:53 Refus de la verticalité...
01:16:55 -C'est là où, peut-être, c'est dans le refus de la verticalité
01:16:58 qu'il y a quelque chose d'intéressant.
01:17:01 On n'a pas besoin d'être nombreux pour avoir de l'influence.
01:17:04 C'est ce que m'a renseigné l'observation
01:17:07 des courants minoritaires. Ce qui est intéressant
01:17:09 avec les anarchistes, c'est le fait qu'ils ont diffusé
01:17:13 un certain nombre de pratiques et d'idées de façon virale.
01:17:16 On est dans une société de plus en plus horizontale,
01:17:19 où on cherche des modes d'organisation horizontale,
01:17:22 des modes d'organisation en réseau,
01:17:24 dans lesquels il y a de plus en plus d'auto-organisation des gens,
01:17:28 au niveau local, les bonnets locaux...
01:17:30 -L'autolibéralisation aussi, j'ai vu ces termes passer.
01:17:33 -Oui, mais ça, c'est l'influence diffuse des idées anarchistes.
01:17:37 Alors, évidemment, les Gilets jaunes,
01:17:39 c'était une sorte de maelstrom, un mouvement social de douleur,
01:17:43 de gens qui étaient malheureux pour des raisons très diverses
01:17:46 et un mélange de colère, mais c'est vrai
01:17:49 que dans le côté individualiste de ces colères,
01:17:51 on pouvait trouver un éco-anarchisme,
01:17:54 parce que l'anarchisme, au départ, c'est le refus de toute autorité,
01:17:57 mais c'est aussi l'idée de la libération individuelle.
01:18:01 Et donc, c'est vrai que dans l'individualisme
01:18:03 des Gilets jaunes, on pouvait retrouver une part,
01:18:06 on pourrait dire, de cet élan individuel...
01:18:08 -Vous avez envie de réagir. Edouard Jourdain.
01:18:11 -Oui, je rejoins Christophe.
01:18:13 Il y a une dimension individuelle, mais aussi collective,
01:18:16 et c'est ça qu'on a retrouvé chez les Gilets jaunes,
01:18:19 sur les rassemblements autour des ronds-points,
01:18:22 il y a eu les assemblées à Commercy,
01:18:24 qui étaient des formes aussi de démocratie directe,
01:18:28 avec des prises de parole, des débats, etc.,
01:18:31 qui s'inscrivent complètement dans la tradition anarchiste.
01:18:35 -Quand on est anti-vax, anti-tout, finalement,
01:18:37 est-ce qu'on devient pas autant anarchiste ?
01:18:40 -C'est ça, la question du mouvement des Gilets jaunes.
01:18:44 C'était pas un mouvement anarchiste en tant que tel,
01:18:46 mais il y avait des pratiques anarchistes,
01:18:49 avec des idées qui ne coïncidaient pas
01:18:51 avec les idées anarchistes.
01:18:53 On avait des complotistes, des réactionnaires,
01:18:56 tout ce que vous voulez,
01:18:58 mais on retrouvait, en tout cas,
01:19:02 une révolte, à mon avis, collective et sociale
01:19:05 contre certaines formes d'injustice
01:19:07 et certaines pratiques, en tout cas, d'auto-organisation
01:19:10 qui rejoignaient l'anarchisme.
01:19:12 Sur les Gilets jaunes, il faut faire attention
01:19:15 en historicisant ce mouvement.
01:19:17 Dès le départ, il y a eu quelques groupes,
01:19:19 comme à La Commercie, autour de Nantes,
01:19:21 où ces Gilets jaunes étaient proches des pratiques libertaires
01:19:25 et se greffaient sur une colère.
01:19:27 Quand on regarde les premières manifestations
01:19:30 des Gilets jaunes en novembre 2018,
01:19:33 il y a quand même un certain nombre de Slovans
01:19:36 qui sont en opposition complète
01:19:38 avec les idées et les pratiques libertaires.
01:19:41 Quand on regarde un certain nombre de ronds-points,
01:19:44 ils étaient quand même tenus par,
01:19:46 si on regarde l'aspect politique,
01:19:48 l'extrême droite de l'échec qui est politique
01:19:51 dans le sud-ouest de la France.
01:19:53 C'est ce qu'on va retrouver aussi chez...
01:19:55 C'est tout problème aussi anti-vax et anti-pass sanitaire.
01:20:00 Si la dimension anti-pass sanitaire
01:20:02 pouvait rejoindre une définition libertaire
01:20:04 en disant qu'on ne veut pas de contrainte,
01:20:07 la définition anti-vax posait plus de problèmes
01:20:10 parce qu'il y a quand même le pensé aux autres
01:20:12 qui est présent dans la pensée libertaire,
01:20:15 à savoir la solidarité.
01:20:16 On ne va pas contaminer quelqu'un parce qu'on fait ce qu'on veut.
01:20:20 Il y a l'altérité, la solidarité, l'entraide.
01:20:23 C'est un livre de Kropotkine qui date du 19e siècle,
01:20:26 mais qui est une pratique libertaire extrêmement importante.
01:20:29 L'entraide, ce n'est pas donner une maladie à son voisin.
01:20:32 Autant on peut voir la dimension anticopérecitive
01:20:35 et antirépressive dans les anti-pass sanitaires,
01:20:38 autant chez les anti-vax, ce serait beaucoup plus réticent.
01:20:42 C'est la même chose chez les Gilets jaunes.
01:20:44 Chez les Gilets jaunes, au départ, c'est pas ça.
01:20:47 Par la suite, à partir du mois de la fin novembre, début décembre,
01:20:51 il y a de plus en plus de pratiques libertaires qui apparaissent,
01:20:54 mais aussi parce que le nombre de participants
01:20:57 au mouvement des Gilets jaunes diminue.
01:20:59 Il reste les noyaux les plus militants.
01:21:01 -L'anarchisme de droite, aujourd'hui,
01:21:04 on a beaucoup parlé de l'influence que peut avoir,
01:21:07 plus ou moins, l'anarchisme, encore aujourd'hui,
01:21:10 sur les mouvances de gauche.
01:21:11 On n'a pas évoqué de telles influences
01:21:14 sur les mouvances de droite, et pourtant, elles existent.
01:21:17 -Oui, il y a un anarchisme de droite,
01:21:19 on en a parlé lors de la dernière émission.
01:21:22 C'est un anarchisme qui s'appuie sur la politique.
01:21:24 -On a encore des Michel Audiard,
01:21:26 vous l'évoquiez lors de la précédente émission.
01:21:29 -Il y a encore des Michel Audiard.
01:21:31 -Certaines personnalités symbolisent un anarchisme de droite.
01:21:35 On se réclame de cet héritage de Michel Audiard, Jean Dutour.
01:21:38 Il y avait encore un peu un club des ronchons
01:21:41 qui se réunissait.
01:21:42 C'est un anarchisme assez sympathique,
01:21:44 de bistrot, plutôt amusant.
01:21:48 Après, vous avez des anarchismes assez étranges.
01:21:50 Par exemple, il y a, dans la mouvance d'Éric Zemmour,
01:21:54 un anarchisme chrétien qui s'est créé,
01:21:56 à cause de Jacques de Guilbon, qui se déclare...
01:21:59 -On est à droite de l'échiquier politique.
01:22:02 -Très à droite, et qui se déclare anarchiste.
01:22:04 En défendant un anarchisme chrétien de droite,
01:22:08 vous avez un certain nombre d'individualistes.
01:22:11 -Pourtant, ni Dieu ni maître.
01:22:13 -Ni Dieu ni maître, mais c'est pas le cas.
01:22:15 Vous avez aussi des anarchistes chrétiens de gauche.
01:22:19 On parlait tout à l'heure de Léon Tolstoy,
01:22:21 on aurait pu citer beaucoup d'autres gens.
01:22:24 Il y a des groupes anarcho-chrétiens.
01:22:26 Le problème de l'anarchisme, c'est qu'on le met à toutes les sauces.
01:22:30 En fait, comme on le disait,
01:22:32 l'anarchie, si vous ouvrez le litret,
01:22:34 c'est le désordre.
01:22:35 L'anarchisme, c'est une doctrine qui lutte contre toute autorité.
01:22:39 A partir de là, on met ce qu'on veut là-dedans.
01:22:42 Chacun est libre de faire son cocktail anarchiste.
01:22:45 C'est embêtant pour les anarchistes officiels,
01:22:48 parce qu'eux défendent des doctrines
01:22:50 qui sont structurées, établies, proudhoniennes,
01:22:53 bakouniniennes, syndicalistes, révolutionnaires...
01:22:56 -Il vous reste deux minutes.
01:22:58 Je vous propose de vous les partager.
01:23:00 -C'est ce qui fait tout le charme et l'intérêt de l'anarchisme.
01:23:04 Il ne faut pas être enfermé dans un système,
01:23:06 des doctrines qui ne peuvent pas bouger.
01:23:09 Après, il y a plein de doctrines autour qui peuvent graviter.
01:23:12 Sur le christianisme, d'ailleurs,
01:23:14 ça me fait penser à... Je crois que c'était Malraux qui disait
01:23:18 "Jésus est un anarchiste qui a réussi, c'est le seul."
01:23:21 Bon, il y a cette tradition aussi.
01:23:23 Sans parler nécessairement de droite,
01:23:26 il y a aussi un anarchisme conservateur,
01:23:28 ou l'anarchisme tori.
01:23:29 -Dans des sociétés telles que la nôtre,
01:23:32 où le individualisme est de plus en plus présent,
01:23:34 c'est le sentiment que ça donne,
01:23:36 on pourrait penser que l'anarchisme y trouverait sa place.
01:23:40 -Oui, non, parce que l'anarchisme repose,
01:23:42 comme on l'a dit à l'autre émission,
01:23:44 sur quatre antifondamentaux,
01:23:46 qui sont l'antiétatisme, l'anticapitalisme,
01:23:49 l'anticléricalisme, l'antireligiosité,
01:23:51 toute forme d'autorité, en fait.
01:23:53 -L'anticapitalisme pour l'anarchisme de gauche.
01:23:56 -Oui. Et, bon, ce qui n'est plus vraiment
01:23:59 l'anarchisme, mais qui était aussi l'anticommunisme
01:24:02 au sens soviétique du terme.
01:24:03 Avec, à côté de ça, quand même un autre corps
01:24:06 qui faisait le lien... -L'anticolonialisme.
01:24:09 -Oui. Et qui faisait le lien entre les libertaires
01:24:11 à travers les âges, qui étaient les pratiques de solidarité,
01:24:15 les pratiques d'entraide, les pratiques d'échange.
01:24:18 Donc, à partir du moment où on commence à dire
01:24:20 qu'on est que dans une société d'individus,
01:24:23 si ces individus ne sont plus reliés entre eux,
01:24:26 est-ce qu'on est réellement, déjà,
01:24:28 dans l'individualisme ? J'en doute.
01:24:30 Est-ce qu'on est dans l'anarchisme réellement ?
01:24:32 J'en doute encore plus.
01:24:34 Il y a quand même, derrière la notion d'anarchisme,
01:24:37 un corpus doctrinal avec une multitude d'interprétations,
01:24:40 mais il y a quand même un corpus doctrinal qui existe,
01:24:43 qui repose sur un certain nombre de lectures,
01:24:45 on a commencé par Proudhon, qui vont jusqu'au syndicaliste,
01:24:49 avec une multitude de dimensions qui fait à la fois le charme
01:24:52 et la pluralité de cet anarchisme social
01:24:54 qui est un corps de doctrine extrêmement...
01:24:57 -C'est un aiguillon lourd de signaux faibles.
01:25:00 -Non, juste pour... -Très rapidement.
01:25:03 -Il ne faut pas confondre anarchisme et libéralisme.
01:25:06 Le libéralisme, c'est le règne de l'individu seul et isolé.
01:25:09 L'anarchisme, c'est la coïncidence de l'individu
01:25:12 et du collectif et du social.
01:25:13 -Eh ben voilà, c'est dit.
01:25:15 Merci, un grand merci d'avoir été avec nous,
01:25:18 non seulement pour cette émission, mais pour l'autre émission
01:25:21 que nous avons consacrée, le troisième volet
01:25:24 de cette fresque historique, écrite et réalisée
01:25:27 par Tancrede Ramonet.
01:25:29 Vous pouvez bien sûr réagir à cette émission
01:25:32 sur #DébatDoc sur Twitter.
01:25:35 Merci également à Selma Sally,
01:25:37 qui, comme à l'accoutumée, m'a aidé à préparer cette émission.
01:25:40 Prochain rendez-vous avec "Débat Doc",
01:25:42 ça sera bien sûr avec son documentaire et son débat.
01:25:45 A très bientôt.
01:25:46 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:25:49 ...

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