LA VÉRIF' - Transports: les vols internes courts ont-ils été supprimés?

  • l’année dernière
Dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Jeanne Daudet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.

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00:00 président de la République sur Twitter, il écrit "Interdire les lignes aériennes
00:03 en cas d'alternative de moins de deux heures et demie en train.
00:06 Je m'y suis engagée." Et vous voyez sur la photo, engagement tenu.
00:10 Alors, dès l'instant où deux villes en France sont reliées par un trajet de train
00:14 de moins de deux heures et demie, les liaisons aériennes ont elles été toutes supprimées.
00:19 Je ne vais pas faire du réel suspense.
00:20 C'est non, c'est beaucoup plus compliqué que ça.
00:22 En réalité, seules trois lignes aériennes, vous l'avez dit, ont été supprimées.
00:26 Il s'agit de trois liaisons au départ de Paris-Orly vers Nantes, Bordeaux et Lyon.
00:30 Et ces trois lignes avaient déjà été supprimées en 2021.
00:34 Sauf qu'il y a beaucoup plus de villes a priori qui sont concernées.
00:36 Donc, comment est-ce qu'on explique qu'il n'y ait que ces trois lignes là ?
00:39 Alors, pour tenter d'y voir plus clair, on va se baser sur le texte
00:42 qui a été paru au journal officiel.
00:43 On s'aperçoit que plusieurs exceptions ont été prévues.
00:46 Je vous lis le texte.
00:47 "Le trajet doit s'effectuer entre des gares desservant les mêmes villes
00:50 que les aéroports concernés.
00:52 Jusque là, tout va bien. Toutefois..." Et c'est là que vient la nuance.
00:55 Lorsque le plus important de ces aéroports est directement desservi
00:59 par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare prise en compte
01:02 est celle desservant cet aéroport.
01:04 Pour ce qui est des liaisons entre Nantes, Bordeaux, Lyon et Paris-Orly,
01:08 la question ne se pose pas.
01:09 On a pris en référence les trajets entre les gares présentes intra-muros.
01:12 En revanche, pour ce qui est des liaisons entre ces trois villes
01:15 et l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, là, c'est la gare TGV
01:19 présente dans l'aéroport de Charles de Gaulle qui a été comptabilisée.
01:22 Et c'est pour ça que les liaisons aériennes entre Nantes,
01:25 Bordeaux et Paris-Charles de Gaulle ont elles été maintenues.
01:27 Car entre Nantes et CDG ou pour faire Bordeaux-CDG-Train,
01:31 là, vous mettez plus de deux heures et demie.
01:33 Une exception logique et indispensable pour Xavier Tittleman.
01:37 Il est spécialiste aéronautique.
01:38 Il fallait impérativement pour lui préserver les correspondances.
01:41 "Les compagnies aériennes fonctionnent aussi parce qu'il y a des escales.
01:44 Et il faut savoir que sur le territoire national, la compagnie,
01:47 donc on va parler d'Air France, entre 50 et 80 % des passagers
01:51 des vols qui vont de la province jusqu'à Paris font en fait
01:54 une escale parce qu'ils vont aller à New York, ils vont aller à Londres,
01:57 ils vont aller en Asie.
01:58 Il y a une réalité économique, c'est que si jamais les gens qui veulent faire
02:02 un Bordeaux-New York, eh bien, ils ne peuvent plus faire leur escale à Roissy.
02:06 Ils la feront à Londres, ils la feront à Francfort.
02:08 Et finalement, ça va simplement transférer le trafic d'une compagnie aérienne
02:11 qui fait quand même beaucoup plus d'efforts que la moyenne
02:14 et donc qui a une efficacité énergique qui est supérieure
02:16 pour transférer ses passagers sur des compagnies aériennes
02:19 qui ont un bilan carbone qui est largement moins bon."
02:22 Alors je vous entends, je vous entends à la maison,
02:25 certains d'entre vous vous dites "oui, mais attendez,
02:26 le trajet entre Charles de Gaulle et Lyon, c'est juste un peu plus de deux heures.
02:31 Comment est-ce que c'est possible que... ?"
02:32 Explication à venir parce qu'il y a plusieurs subtilités.
02:35 Oui, il y a une deuxième subtilité qui intervient, une deuxième exception.
02:38 La ligne ferroviaire doit avoir, et là je cite le texte,
02:41 "un service satisfaisant, les fréquences doivent être suffisantes,
02:45 les horaires appropriés."
02:46 En gros, il faut faire un trajet sans changement de train.
02:48 Il faut pouvoir passer obligatoirement huit heures sur place
02:51 entre le premier et le dernier train dans la journée.
02:54 Et ce, tout au long de l'année.
02:55 Concrètement, me dit le ministère des Transports, que j'ai appelé cette semaine.
02:58 Il faut que le ferroviaire puisse réellement se substituer à l'aérien
03:03 avec un niveau de service suffisant.
03:04 Alors, on n'a pas mis de quota, donc c'est vrai que c'est à l'appréciation,
03:07 à l'appréciation, c'est mieux à chaque fois,
03:10 ce qui n'est visiblement pas le cas aujourd'hui entre ces villes
03:12 et entre ces aéroports où les horaires ne sont pas adaptés
03:16 et les fréquences de train jugées trop faibles.
03:18 Alors, avec toutes ces exceptions,
03:20 évidemment, il y a beaucoup de débat, Jeanne.
03:22 Oui, la mesure paraît dérisoire pour certains.
03:24 En fait, c'est une mesure qui a émergé des propositions
03:27 sorties de la Convention citoyenne.
03:28 Souvenez-vous, cette convention qui s'était tenue pour le climat
03:30 entre fin 2019 et mi-2020.
03:33 Mais comme le rappelle Marine Tondelier, secrétaire nationale
03:36 d'Europe Ecologie sur Twitter, les citoyens à l'époque ne voulaient pas
03:39 que la limite se situe à deux heures et demie pour les trajets en train,
03:41 mais bel et bien à quatre heures.
03:43 Vous le voyez en passant à deux heures et demie
03:44 et via quelques tours de passe-passe, explique-t-elle,
03:47 votre mesure ne concerne que trois lésions de la pure communication.
03:50 Dit Marine Tondelier, alors cette semaine, lorsque le ministre Clément
03:54 Bowne juste qu'il s'agit là d'une étape essentielle, d'un symbole fort
03:58 dans la politique de réduction des gaz à effet de serre,
04:01 les associations écologistes ne sont pas convaincues
04:04 et parlent de mesures plus symboliques qu'autre chose.
04:06 Il faut aller plus loin que les symboles.
04:09 Le message de dire qu'on peut supprimer les lignes aériennes
04:12 pour des raisons environnementales est fort et va dans le bon sens.
04:15 Mais à la parole, il faut aussi allier des actes
04:18 qui sont à la hauteur de cette ambition-là.
04:20 Et aujourd'hui, une mesure qui supprime que trois lignes
04:22 sur plus d'une centaine qui existent en France,
04:24 ce n'est pas à la hauteur de l'ambition climatique.
04:26 Il faut dès maintenant augmenter cette interdiction
04:28 pour revenir à ce qui a été proposé par exemple
04:31 par la Convention citoyenne pour le climat,
04:32 qui proposait d'interdire tous les vols intérieurs, sans exception,
04:36 lorsqu'il existe une alternative en train en moins de quatre heures.
04:39 Là, on vendrait à la fois une mesure dont la portée, le message est important,
04:43 c'est-à-dire qu'on ne peut pas voler demain comme on vole aujourd'hui.
04:46 Quand on peut faire autrement, il faut le faire.
04:48 Et il y aurait aussi une efficacité environnementale,
04:50 parce que là, ce serait plus d'une vingtaine de lignes qui seraient concernées,
04:53 et les réductions du gaz à effet de serre seraient significatives.
04:56 Alors, deux heures et demie plutôt que quatre heures,
04:58 pourquoi ce choix du gouvernement ?
05:00 Lors du vote du texte à l'Assemblée qui était en 2021,
05:02 le ministre des Transports de l'époque, Jean-Baptiste Djébari,
05:05 avait déjà été interpellé à ce sujet.
05:07 La mesure qui est proposée aujourd'hui,
05:10 elle est raisonnable dans sa formulation.
05:13 Ce n'est pas quatre heures.
05:14 Quatre heures seraient conduits vraiment à assécher des territoires
05:17 qui ont besoin d'avions pour préserver leur attractivité.
05:19 C'est une mesure qui est prise de façon incrémentale,
05:22 coordonnée avec les territoires,
05:24 coordonnée avec le groupe Air France-KLM,
05:25 qui, comme vous le savez, opère beaucoup de ces lignes.
05:27 - Écoutez, ministère des Transports, actuel cette fois,
05:31 on a tenté de temporiser cette semaine.
05:34 Il va y avoir un réexamen des lignes concernées
05:36 deux fois par an à chaque début de saison aérienne.
05:38 Clément Beaune sur France Info ce jeudi explique,
05:41 on ira plus loin, peut-être qu'on durcira progressivement aussi
05:45 cette règle des deux heures et demie pour l'amener, par exemple,
05:48 vers trois heures et cela pourrait même aller au-delà.
05:50 Voilà ce que dit le ministre.
05:52 Mais il faut développer le ferroviaire en parallèle, dit-il.
05:55 Mais bon, pour le moment, on parle bien de trois lignes aériennes supprimées.
05:59 C'est déjà du carburant et de CO2 au moins, vous me direz.
06:01 Et bien, en fait, pas forcément.
06:03 Explication de Xavier Tittleman.
06:05 - Ça ne représente vraiment rien par rapport à ce qui peut être
06:07 les émissions globales du secteur, mais surtout le fait que ces lignes
06:11 aériennes aient été annulées au départ d'Orly,
06:14 qui est un aéroport contraint en termes de volume de vol chaque année.
06:17 Et bien, ces créneaux ont été réattribués, c'est-à-dire que au lieu
06:20 de faire un aller-retour par jour vers Bordeaux,
06:22 ça va être vers la Roumanie, vers le Maroc.
06:24 Et donc, ces pays-là, évidemment, sont plus loin.
06:26 Donc, finalement, la consommation de carburant a augmenté.
06:29 Et globalement, le bilan carbone de l'aéroport d'Orly est pire
06:33 aujourd'hui avec l'annulation de ces vols courts
06:35 parce qu'il y a des vols longs qui les ont remplacés.
06:37 - Quant à Emmanuel Macron et Clément Beaune, on parle d'une première mondiale.
06:43 Est-ce que c'est vrai ?
06:44 - Jusqu'à présent, c'est vrai.
06:45 Aucun pays dans le monde n'avait encore légiféré sur la question,
06:48 c'est-à-dire n'avait créé de loi pour interdire des lignes aériennes
06:52 substituables par le train.
06:54 En revanche, de légiférer ainsi, Anne-Charlene Bézina,
06:56 ça n'a pas été chose facile puisqu'il a fallu passer par l'Europe.
06:59 Le texte a été voté en France en 2021 et le décret n'est paru qu'en 2023.
07:03 - En effet, en réalité, c'est parce que cette politique est devenue
07:06 plus ou moins commune aux membres de l'Union depuis un règlement de 2008
07:11 où justement la Commission a acquis son pouvoir de contrôle
07:14 sur la modernisation des transports, surtout par la voie aérienne.
07:19 Donc la France a été obligée de soumettre à la Commission européenne
07:23 sa législation pour savoir si elle était compatible avec quel type d'objectif ?
07:26 Eh bien, notamment ceux de la concurrence,
07:28 puisque c'est ça que la Commission va surveiller,
07:31 qu'il n'y ait pas trop d'aide de l'État,
07:33 que d'autres lignes extérieures ne soient pas plus favorisées que d'autres
07:37 ou que même au contraire, les lignes interniures n'y soient pas favorisées.
07:40 Donc la Commission a récupéré un pouvoir de contrôle
07:42 et elle n'a validé en réalité la mesure française
07:45 que en décembre de cette année, par une décision de décembre
07:48 et avec beaucoup de réserve.
07:50 C'est notamment elle qui a mis en garde contre les correspondances,
07:54 contre ce délai de deux heures et demie,
07:56 parce qu'elle a reçu des plaintes aussi de la part des compagnies aériennes.
07:59 Donc on voit bien que finalement, légiférer dans ce domaine,
08:02 alors c'est certes une innovation environnementale,
08:04 mais ça reste quand même très complexe
08:06 eu égard aux intérêts divergents qui existent dans ce secteur,
08:09 qui est un marché, il faut le rappeler,
08:11 d'où la réglementation très forte de la part de l'Union européenne,
08:14 qui nous a fait perdre beaucoup de temps.
08:15 Voilà pour ce qui est de légiférer.
08:17 En revanche, dans d'autres pays d'Europe,
08:19 plusieurs liaisons court courrier ont été abandonnées au profit du rail.
08:23 Mais ces initiatives sont le fruit de partenariats directs
08:25 entre les compagnies aériennes et les compagnies ferroviaires.
08:27 En Autriche, par exemple, la compagnie Austrian Airlines a tout simplement
08:31 abandonné la liaison Vienne-Salzbourg.
08:34 Depuis 2020, ces deux lignes ne sont désormais reliées uniquement que par le train.
08:39 En Allemagne, la Deutsche Bahn et Lufthansa ont renforcé leur coopération
08:43 depuis le hub de Francfort.
08:44 16 villes allemandes sont désormais connectées par le train,
08:46 avec la mise en place d'un accompagnement accru des passagers.
08:50 C'est ce que m'a expliqué Arnaud Aimet, le spécialiste transport.
08:53 L'aéroport de Francfort a été très moteur là-dedans,
08:56 en collaboration avec les chemins de fer allemands, la Deutsche Bahn.
08:59 Et typiquement, ça s'est passé en augmentant la fréquence des trains
09:04 et des trains à grande vitesse, les ICE, qui desservent l'aéroport de Francfort.
09:09 Et puis aussi d'autres mesures pour faciliter la correspondance
09:12 à l'aéroport de Francfort, entre le train et l'avion.
09:17 Ça passe par exemple par des files d'attente spécifiques
09:22 pour les clients qui viennent du train, pour éviter la file d'attente
09:26 la plus longue, par une prise en charge des bagages
09:29 pendant la correspondance, ou bien plus en amont par l'achat d'un billet intégré
09:33 qui fait à la fois le train et l'avion ensuite.

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