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Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00 7h21 en toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction
00:05 de l'Express, Anne Rosancher, bonjour.
00:07 Bonjour Nicolas, bonjour à tous.
00:08 Ce matin, Anne, un avis de recherche vous vous demandez, pardon, quand a-t-on entendu
00:13 la phrase « je ne sais pas » pour la dernière fois dans le débat public ?
00:18 Oui, j'ai fait le test ces derniers jours, j'ai regardé quelques plateaux de commentaires
00:22 à chaud, écouté des interviews d'hommes ou de femmes politiques et j'ai comptabilisé
00:26 environ zéro « je ne sais pas ». Les sujets se suivent sans que personne ne se démonte.
00:32 La décivilisation, l'effondrement de la gauche en Espagne, la bataille de Bachmout,
00:36 l'essor de l'intelligence artificielle, tout le monde a l'air de savoir quoi penser
00:41 de tout.
00:42 Bien sûr, il y a Anguille-sur-Roche, personne n'est incollable, même les plus grands
00:46 esprits.
00:47 A ce propos, je suis tombée récemment sur un entretien qu'avait donné l'intellectuel
00:51 et éditorialiste Raymond Aron à France Culture en 1971.
00:55 Voici ce qu'il disait.
00:57 « Il m'est arrivé dans ma vie au moins deux ou trois fois de faire des commentaires
01:01 à chaud sur un événement que je ne pouvais pas interpréter.
01:05 Eh bien, j'ai dit des bêtises comme tout le monde, mais j'en ai eu un sentiment
01:09 d'humiliation beaucoup plus fort que la plupart des autres journalistes.
01:13 Aujourd'hui, à la faveur de l'âge, quand on me demande de commenter un événement
01:17 à propos duquel je ne possède pas le contexte suffisant, je refuse tout simplement.
01:23 Fin de citation.
01:24 Bien sûr, quand on est amené à analyser un sujet qu'on ne maîtrise pas, on dit
01:28 des bêtises, c'est humain et ça l'était déjà du temps de Raymond Aron.
01:33 Le changement, c'est que la nouvelle économie des médias, les réseaux sociaux, l'info
01:37 continue, induisent du commentaire sur tout, tout le temps, en quantité industrielle.
01:41 Et que personne ne dit jamais « je ne sais pas ». Cela produit, je crois, une grande
01:47 méfiance, doublée d'une fatigue, auprès de certains, nombreux, qui coupent l'info
01:53 et se détournent de la conversation publique.
01:55 Nagui : Alors que préconisez-vous ?
01:57 Et bien, je ne sais pas.
02:00 Non mais sérieusement, je ne veux pas donner de leçons.
02:03 Mon ambition est plutôt de lancer une piste de réflexion collective.
02:07 D'autant plus que j'ai moi-même pu participer à ce grand oral permanent.
02:11 Je me souviens néanmoins de la fois où j'ai décidé de ne plus aller dans les
02:16 émissions où l'on ne connaît pas les thèmes à l'avance, les sujets étant fixés
02:19 en fonction des dernières actualités.
02:21 Une heure avant le studio, j'ai reçu un SMS m'informant qu'il me faudrait aussi
02:26 parler du passage à l'heure d'été.
02:29 Grand moment de désarroi.
02:31 J'ai envoyé un texto de détresse à un ami, lequel par sa culture notamment paysanne
02:36 m'a sorti de cette mauvaise passe et donné quelques éléments que j'ai fidèlement
02:41 rapportés.
02:42 Mais comme dans la fable, j'ai juré qu'on ne m'y prendrait plus, car tout tableur
02:47 irrite les oreilles de celui qui l'écoute et pour tenter d'être crédible, il faut
02:52 parfois avoir des doutes.
02:54 Anne Rosancher, merci beaucoup.

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