• l’année dernière
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.

Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00 7h21, en toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de L'Express,
00:09 Anne Rosancher, bonjour ! Bonjour Nicolas, bonjour à tous ! Ce matin, Anne, vous nous parlez d'une
00:13 enquête parue dans l'hebdomadaire britannique The Economist sur l'économie de la minceur.
00:17 Oui, et la fin va vous étonner comme on dit sur TikTok. En effet, cette enquête passionnante
00:22 remet en question ce qu'on pensait savoir sur la corrélation entre le poids des personnes et
00:27 leurs revenus. Comme beaucoup, j'étais persuadée que dans les pays développés, plus on est riche
00:32 et plus la probabilité d'être mince est élevée parce que plus on est riche et plus on a les
00:37 moyens de bien se nourrir. Or, les statistiques montrent que c'est un peu plus compliqué que
00:41 cela. Dans les pays développés, la corrélation entre le poids des personnes et leurs revenus est
00:47 presque entièrement le fait des femmes. En d'autres thèmes, les femmes riches sont beaucoup
00:52 plus minces que les femmes pauvres, mais les hommes riches sont à peu près aussi gros que
00:55 les hommes pauvres. En Italie, par exemple, on dénombre la même proportion d'hommes obèses
01:00 chez les 20% des revenus les plus bas qu'au sein des 20% des revenus les plus élevés. Alors que
01:05 pour les Italiennes, vous avez un écart de plus de 5 points entre ces deux catégories sociales.
01:11 En France, c'est encore plus spectaculaire. La proportion des femmes obèses passe de 18% chez
01:17 les Françaises les plus pauvres à 8% seulement chez les plus riches. Une corrélation impressionnante
01:22 et beaucoup plus marquée que pour nos compatriotes masculins. Et comment expliquons alors cette
01:28 divergence de « destin pondéral » ? Il y a plusieurs facteurs, mais The Economist met en
01:33 avant le résultat de recherches menées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Danemark,
01:37 qui démontrent que les femmes en surpoids ont des salaires bien inférieurs aux autres. Bien sûr,
01:43 cet écart grandit au fur et à mesure que vous grimpez l'échelle des salaires et que passent
01:47 les possibilités de promotion. Or cette pénalité-là n'existe pas ou peu chez les hommes. On connaissait
01:54 déjà la préférence culturelle pour la minceur féminine, via la mode ou les films, mais à cette
01:59 dernière s'ajoute la puissante incitation du marché. Les femmes perçoivent que le fait de ne pas être
02:05 mince peut leur coûter cher au premier sens du terme. Ces études ouvrent la porte à une myriade
02:11 de réflexions. J'en retiendrai deux. Déjà, il est intéressant de noter que dans nos sociétés,
02:16 un homme bien en chair et généralement vu comme un bon vivant, comme son équivalent féminin,
02:20 peut être perçu comme manquant de volonté. L'autre réflexion touche au cœur d'une hypocrisie
02:26 moderne. C'est la façon dont les méthodes minceurs ont réussi à perdurer dans une ère
02:31 où le discours majoritaire de façade est le « body positive », lequel clame qu'il faut s'aimer et
02:37 s'assumer comme on est. L'astuce, car c'en est une, est que les bons vieux régimes se sont
02:42 recyclés en contrebande dans le discours sur le bien-être. On ne s'affame plus pour être maigre
02:48 façon Kate Moss, non, on est intolérant au gluten ou on soigne son microbiote. Vraiment,
02:54 parfois, l'époque est fascinante.

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