L’imaginaire français rentre-t-il naturellement en contradiction avec la globalisation néolibérale ? De ce conflit nait-il un processus de décivilisation, pointé par Emmanuel Macron ? Entretien avec le politiologue Stéphane Rozès, auteur du récent "Chaos" (Éditions du Cerf).
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"Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti". Albert Camus
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NewsTranscription
00:00 Bonjour, aujourd'hui nous accueillons Stéphane Rosès. Vous êtes politologue reconnu, vous
00:09 avez enseigné à Sciences Po Paris, vous l'êtes toujours je crois, et vous avez publié à
00:14 l'automne dernier ce livre qui s'appelle "Chaos, essais sur les imaginaires des peuples".
00:20 La notion d'imaginaire est une notion qui évidemment court sur l'ensemble du livre,
00:26 qui vise à expliquer les raisons de notre dépression française, mais qui vise aussi
00:31 à livrer une sorte de méthode d'analyse qui peut s'appliquer plus largement à la
00:37 France, à l'ensemble des pays, et puis à différents états d'esprit, que ce soit
00:44 pour expliquer les dépressions, comme aussi des phases, je dirais, d'expansion et de
00:51 bonheur. A ce sujet là, j'aimerais que vous appliquiez votre grille d'analyse sur
00:57 les imaginaires à cette notion qui a été évoquée par le président Emmanuel Macron
01:06 de "décivilisation". Qu'est-ce que pour vous vous inspire ce mot et comment vous l'analysez
01:14 à l'aune de votre thèse sur les imaginaires ?
01:18 Mon constat de professionnel a été au bout d'un certain nombre d'années concernant
01:25 la France, d'autres pays, et ensuite effectivement le constat d'attitudes différentes des
01:35 peuples en Occident, en Orient, dans les pays arabos et musulmans, en Amérique latine,
01:43 en Afrique, et bien le constat de constantes, inconscientes, fonctionnant comme des subconscients
01:54 collectifs des peuples dans leur façon d'être et de faire. Ce sont pour moi les matrices
02:04 des imaginaires. Et ça, ça ne bouge pas. Ce qui bouge, ce sont les formes religieuses,
02:12 politiques, les rapports sociaux et les rapports à la géopolitique. Donc évidemment, nous
02:21 Français, du fait de notre imaginaire universaliste et projectif, on a toujours tendance à nier
02:31 ces différences entre les peuples, justement parce que pour nous assembler, des celtes,
02:39 des latins, des germains, on a des façons d'être, de faire et de penser qui visent
02:48 toujours à dépasser les singularités, voire à les nier. Alors, pour reprendre l'expression
02:57 du président Macron, oui, il y a des grandes civilisations. Les études actuelles, les
03:05 comportements sur internet. J'ai conseillé le patron de Cisco Europe, leader du hardware
03:15 dans le numérique, beaucoup échangé avec Laurent Solil, le patron de Facebook Europe
03:22 chez Moyen-Orient. Nous utilisons les mêmes outils dans le monde, mais l'usage, l'investissement
03:39 est fort divers selon les civilisations et même selon les peuples. Donc, les imaginaires
03:46 des peuples, ce sont des façons d'être et de faire pérennes qui ne bougent pas.
03:51 Par contre, ce qui bouge sans cesse, ce sont les formes de ces imaginaires qui évoluent
03:59 sans cesse. Alors, aujourd'hui, on voit un processus de repli des peuples du fait d'une
04:08 globalisation néo-libérale qui en fait retire des peuples la maîtrise de leur destin parce
04:16 que le cours des choses ne procède plus des communautés humaines qui, dans les autres
04:22 mondialisations précédentes, étaient en amont du cours des choses. Non, maintenant,
04:29 ce sont des marchés qui donnent le là, ce sont des instances néo-libérales transnationales
04:39 qui sembleraient donner le là. Les peuples, aujourd'hui, se sentent privés de la maîtrise
04:46 de leur destin et du coup, se replient. Et nous voyons partout dans le monde, en Inde,
04:57 en Indie, en Indonéanie, en Europe même, tous les peuples se replier au caractère
05:06 archaïque de leur imaginaire. Emmanuel Macron avait d'ailleurs utilisé l'expression
05:13 lors de sa première conférence devant les ambassadeurs. Donc, je pense que le terme
05:20 "des civilisations" n'est pas exactement approprié pour rendre raison du moment actuel.
05:28 Pourquoi ?
05:29 Parce que là, vous dites finalement, le fait que les peuples, et en particulier le peuple
05:38 français, n'ait pas la maîtrise de son destin, ça produit une sorte de rétractation
05:44 de caractère archaïque de notre imaginaire. Sans doute, mais ça se concrétise par de
05:51 la colère, par des casseroles. Là, ça va plus loin. C'est l'idée de la décivilisation.
05:56 L'idée non pas de réagir, mais l'idée de défaire.
06:00 Alors, je dirais la chose suivante, d'où peut-être l'intérêt, puisque je vais en
06:08 parler avec lui, de la thèse du livre, c'est que le président Macron semble s'exonérer
06:17 de ce qui arrive à la France en termes de violence, en l'intégrant dans un processus
06:24 plus global, qui est justement le fait que les peuples, ayant le sentiment qu'ils
06:34 ne maîtrisent plus leur destin, ça génère des troubles de la violence, du chaos. Oui.
06:42 Mais ce qui me gêne avec le terme décivilisation, c'est que ça semblerait dire que les civilisations
06:50 se retirent. Alors, s'il veut dire par là "en sauvagement", c'est un autre problème.
06:58 La formule est ambigüe. S'il veut dire par là que les civilisations sembleraient disparaître,
07:08 non. Les civilisations se reforment, souvent contre l'Occident. On le voit avec la guerre
07:15 en Ukraine. Donc, il y a au contraire un retour de la centralité des questions culturelles.
07:24 Pour moi, l'imaginaire d'une civilisation, elle est liée à la façon dont ces civilisations,
07:31 qui regroupent les peuples, nouent le rapport au cosmos, à la nature et au temps. Donc,
07:38 de ce point de vue-là, l'imaginaire oriental n'a rien à voir avec le nôtre. Pour les
07:43 Orientaux, il faut être en harmonie avec le cours des choses. Pour les Occidentaux,
07:50 comme disait Descartes, il faut être comme maître et possesseur de la nature. C'est-à-dire
07:55 nous, l'homme, nous possédons tout ce qui nous entoure. Voilà la pensée occidentale.
08:03 La pensée orientale, c'est que l'homme est une partie du cosmos, de la nature, d'un
08:12 cosmos. Donc, ce qui est en cause, c'est que les civilisations et peuples n'ont plus
08:21 les outils pour recoller à leur environnement. D'où le fait que partout il y a repli, que
08:31 les pays aient profité ou non de la mondialisation néolibérale. On le voit en Europe, on le
08:39 voit ailleurs, ce qui est en crise, c'est la perte de levier des peuples. Donc, leur
08:48 réaction, c'est de faire venir peu à peu des gouvernants qui disent "non, non, mais
08:54 on va retrouver la maîtrise de notre destin". Si nous sommes les plus pessimistes au monde,
09:02 vous l'évoquiez, c'est que l'imaginaire français c'est "on doit construire notre
09:09 avenir à partir de disputes de petites communes". Or, le néolibéralisme et l'Union Européenne,
09:18 c'est l'inverse. C'est "il faut s'adapter sans cesse au présent à des réalités et
09:26 règles économiques". Et c'est en France, donc, que la contradiction est la plus forte,
09:33 d'autant que l'imaginaire de la nation "on construit notre avenir par des disputes
09:39 communes" est contrecarré par le sommet de l'État, on l'a vu avec la réforme des
09:46 retraites, qui dit "ah non, non, non, il faut s'adapter à des règles, à des lois,
09:54 à des nécessités économiques". Cette façon de faire, qui est celle de l'Union
10:00 Européenne, plus conforme à l'imaginaire allemand devenu, après 1945, économique,
10:08 c'est un peu l'ordolibéralisme plus Habermas plus Karlsruhe, c'est en France que la contradiction
10:17 est la plus forte entre notre imaginaire, le monde extérieur, relayé par l'État,
10:24 et c'est pour ça que nous nous effondrons depuis trente ans.
10:28 Donc en fait, il n'y a pas des civilisations, il y a, pour reprendre le titre de votre livre,
10:35 une forme de chaos, parce que l'ère du temps est à rebours de cet imaginaire français.
10:42 C'est quoi la face d'après ? Parce que dans des civilisations, il y a aussi à vous
10:47 écouter une forme d'espoir qui est de dire "reprendre le contrôle".
10:51 C'est l'alternative, oui.
10:54 Qui serait une recivilisation, quelque part ?
10:59 Voilà. Soit on remet la globalisation néolibérale qui est sortie des gonds de la mondialisation,
11:06 posée de peuples divers dans le lit de la mondialisation, donc nous recivilisons d'un
11:15 certain point de vue la mondialisation en donnant au peuple, aux civilisations, la
11:22 maîtrise de ce qui arrive.
11:24 Soit, et bien je suis pessimiste, nous irons aux guerres.
11:31 Pourquoi irait-on aux guerres ? Parce que les peuples veulent reprendre la main sur
11:36 leur destin, mais si entre temps le néolibéralisme a privé les nations de la maîtrise, de
11:46 la conduite de leur état, les sociétés se fragmentent, on regarde l'autre en chien
11:54 de faïence, et plutôt que de se désagréger de l'intérieur, les peuples préféreront
12:01 l'affrontement à l'extérieur.
12:04 Ce sont des processus inconscients, mais au fond ma thèse de l'histoire n'est ni
12:11 matérialiste ni idéaliste, notre histoire ne procède ni des forces matérielles, ni
12:21 des idées, ni de l'économie, ni de concept, on l'a vu avec la crise pandémique, arrive
12:30 un péril grave, les sociétés arrêtent l'activité économique et sont prêts à
12:39 beaucoup de recul en termes de liberté individuelle.
12:43 C'est donc ce qui fonde les peuples, ce n'est pas la prospérité, ce n'est pas des concepts,
12:53 c'est d'abord la maîtrise collective de leur destin.
12:57 C'est le moment que nous connaissons actuel, le chaos actuel, et j'ai dû construire
13:05 une théorie des conduites des peuples au travers des imaginaires, justement pour rendre
13:12 raison de ce que je constate depuis 35 ans en travaillant pour les gouvernants, les instances
13:20 internationales, et pour rendre honte du chaos actuel.
13:25 Mais est-ce que c'est pareil ailleurs ? A vous lire, on se dit que notre imaginaire,
13:33 ou plutôt la situation, le néolibéralisme, la mondialisation que vous décrivez, n'est
13:38 pas au diapason de notre imaginaire.
13:40 Mais ce n'est peut-être pas comme ça dans les autres pays, autrement dit, des pays comme
13:47 les pays scandinaves n'ont pas la même attention à cela.
13:51 Est-ce à dire que la décivilisation toucherait non pas l'Occident mais la France du fait
13:58 de cette imaginaire et de cette singularité, plutôt que l'ensemble des autres pays qui
14:03 finalement s'en accommodent fort bien de ne pas avoir totalement la maîtrise de leur
14:09 destin ?
14:10 Les dommages de la globalisation néolibérale, qui vient des sociétés elles-mêmes, nous
14:18 voulons tous accéder ici et maintenant à ce que les margés proposent de mieux.
14:26 Mais pour y arriver, l'efficace, c'est détacher du bon et du juste propre à chaque
14:33 civilisation et peuple.
14:35 Donc, la globalisation néolibérale, de ce point de vue-là, affecte tous les pays du
14:42 monde, tous les pays du monde et toutes les civilisations.
14:46 Mais il y en a qui supportent moins encore ce qui se passe du fait de leur imaginaire,
14:56 l'Occident, en Occident l'Europe et en Europe singulièrement la France.
15:03 En ce que le détachement des rapports sociaux, de l'efficace numérique, financière, économique,
15:17 de ce qui tenait les sociétés ensemble, percute l'Europe d'abord et au sein de l'Europe
15:28 plus encore la France.
15:30 Là où vous avez raison, c'est que d'autres pays arrivent mieux à se réorienter.
15:39 Les Chinois, on l'a vu, pour les Chinois, le fait que la technologie échappe à la
15:54 volonté de contrôle qui est celle de l'Occident et notamment de l'Europe et notamment de
16:00 la France, pose beaucoup moins de problèmes.
16:03 Il suffit pour les Orientaux d'être adaptés au cours des choses.
16:08 Mais le néolibéralisme les déstabilise par ailleurs parce que les standards de cette
16:19 globalisation néolibérale, néanmoins, ce n'est pas le standard de l'empire du milieu,
16:26 c'est des standards un peu différents dont chacun essaye de tirer parti au maximum de
16:34 la période.
16:35 Pour Xi Jinping, c'est effacer quelques siècles bizarres où l'Occident a dépassé la Chine.
16:46 Pour répondre à votre question, oui, le processus de crise dans les civilisations
16:54 touche l'ensemble des civilisations, mais plus nettement l'Occident, plus nettement
17:01 l'Occident, l'Europe et la France.
17:04 Ce qui est assez étrange, c'est que si je vous comprends bien, on voit un monde occidental
17:12 de démocratie libérale qui se décivilise et puis un autre bloc, qui est celui plus
17:18 autoritaire, qu'on va dire illibéral, à tort ou à raison, qui, après tout, essaye
17:25 d'être en compétition avec un modèle qui était celui de la démocratie libérale.
17:33 Donc il y aurait une forme de décivilisation d'un côté et d'autoritarisme antilibéral
17:43 de l'autre côté.
17:44 Comment ça va finir cette histoire ?
17:46 Si vite, rapidement, la souveraineté des peuples et le retour du politique n'est
17:56 pas acté, ça risque de se terminer mal.
18:00 On le voit au travers de la guerre en Ukraine, les américains ont compris que pour stopper
18:08 l'avancée chinoise dans tous les domaines, mais notamment la technologie internet, il
18:17 fallait que la Chine se renferme.
18:19 Et donc la stratégie américaine est de contenir la Chine en occasionnant des lignes de front
18:36 par une attitude qui est une attitude, je dirais, de coalition contre la Chine, générée
18:46 par la situation dans le Pacifique, mais aussi utilisant l'aspiration légitime des Ukrainiens
18:55 à une nation, en faisant comme si l'imaginarius n'existait pas, ou en laissant faire.
19:07 Donc on voit que toute la scène internationale est une scène de rapport de force où les
19:15 logiques des peuples appellent à peu à peu des tensions, où la guerre apparaît comme
19:29 la continuation du dérèglement politique des civilisations propres de la Auschwitz.
19:37 Je voudrais vous poser une dernière question.
19:39 Vous décrivez un monde néolibéral où les économies sont imbriquées les unes dans
19:47 les autres, et c'est à l'origine finalement d'une sorte de frustration par rapport à
19:54 nos imaginaires.
19:55 La question est de savoir, est-ce qu'on peut en sortir les français qui veulent prendre
20:03 la maîtrise de leur destin de façon unilatérale ? Si il faut l'assentiment de tous les peuples
20:11 européens, les quelques années passées montrent que c'est extrêmement difficile,
20:18 sauf à s'entendre sur une sorte de dénominateur commun, ou de plus petit dénominateur commun
20:24 qui aboutit à pas grand chose.
20:26 Par exemple, les taxes carbone, où on crée des exemptions pour que tout le monde soit
20:32 à peu près d'accord.
20:33 La question va se poser de savoir, est-ce que reprendre le contrôle à l'anglaise
20:40 par exemple, passe par un acte unilatéral ? Ou alors, si ce n'est pas le cas, il faut
20:47 peut-être s'en tenir à des formes d'ajustement qui pourraient davantage frustrer les peuples
20:58 et leur signifier qu'ils ne sont pas maîtres de leur destin.
21:01 Comment ça va se passer ? Est-ce que vous pensez qu'Emmanuel Macron peut dire de façon
21:06 unilatérale "non, on nous prépare des nouveaux critères de Maastricht pour faire simple,
21:15 ben non, on ne va pas les appliquer comme ça, c'est non".
21:21 Est-ce que vous pensez que recoller à l'imaginaire français exige au préalable une décision
21:28 unilatérale ?
21:29 Moi je dirais les choses ainsi, si l'Europe disparaît, chose stratégiquement, économiquement,
21:39 son influence dans le monde, c'est parce que les institutions de l'Union européenne
21:44 sont contraires à l'imaginaire européen et au génie européen qui depuis Marenostrom
21:52 vise à faire de la diversité des peuples européens du commun.
21:57 On serrait dans un espace géographique contraint.
22:02 Voilà le génie européen.
22:05 L'Union européenne c'est l'inverse, c'est de dire qu'on pourrait rassembler les peuples
22:12 européens, voire les unifier à partir du respect de discipline unique.
22:18 Il peut varier, plus ou moins de déficit, mais au fond la France n'a pas joué son
22:25 rôle depuis la chute du mur de Berlin, qui a eu un rôle du fait de son imaginaire.
22:32 Il y a des points positifs, autant utiliser ce que nous savons faire, c'est qu'au fond
22:42 la force de l'Europe c'est la singularité de ses pays, de ses modèles, et faire de
22:52 ces singularités une façon pour les peuples de reprendre prise sur leur destin et de construire
23:01 des projets communs forts.
23:04 Donc il ne peut pas y avoir, nous ne sommes pas des anglais, la France ne peut pas se
23:10 replier.
23:11 Son imaginaire fait que, comme disait Malraux, elle doit embrasser le monde.
23:18 Il y a différentes façons d'embrasser le monde, ce n'est pas forcément la fusion,
23:24 l'universalisme qu'on dorsait, ça peut être l'universel montesquieu, le fait de
23:31 à la fois penser et voir le monde d'en haut en respectant la singularité des peuples.
23:40 Il faut d'abord que l'Europe revienne à son génie, il faut repolitiser les institutions
23:48 européennes en donnant plus le pouvoir au conseil européen, mettre de côté la technostructure
23:57 néolibérale.
23:58 Donc au conseil européen, c'est-à-dire aux états membres ?
23:59 Voilà, aux états membres, et il faut publiciser les débats.
24:05 Ce qui prévaut dans l'image de nos élites sur la France, vous avez dit que j'enseigne
24:11 à Sciences Po depuis 32 ans, j'ai enseigné à HEC, c'est l'idée que les peuples sont
24:17 un peu neuneux et qu'il faut faire leur bien sans leur nier.
24:22 C'est la pensée néolibérale, d'ailleurs de droite comme de gauche, pour moi le néolibéralisme
24:30 ce n'est pas l'ultralibéralisme, c'est une formalité politique du gouvernement,
24:38 des sociétés.
24:39 L'ultralibéralisme c'est autre chose.
24:41 Et souvent en France, on ne voit pas la différence entre libéralisme, néolibéralisme et ultralibéralisme
24:49 qui sont des concepts fort divers.
24:53 Donc, en fait, non seulement les peuples font l'histoire, mais les peuples ont un génie.
25:03 Et on ne peut pas contourner les peuples par des instances néolibérales qui, au nom d'une
25:14 pseudo-pré-science ou connaissance, par l'idée que l'économie ferait la société, devraient
25:21 entraîner les peuples dans des visions post-nationales.
25:27 Ça n'existe pas.
25:29 L'Union européenne a affaibli ces nations sans rien construire d'autre qu'une technostructure,
25:36 une dévolution du pouvoir selon les règles des marchés.
25:41 Donc, il faut d'abord que l'Europe revienne à son génie par, de l'intérieur, des modifications
25:51 des institutions.
25:54 Et là, la France retrouvera un souffle.
25:59 Donc, je prône le retour de la souveraineté nationale, pour nous, condition de la souveraineté
26:06 populaire.
26:07 Et le président Macron, dans sa perte de légitimité politique dans la dernière période,
26:17 est victime de sa propre illusion qu'on pourrait faire du en même temps souveraineté nationale
26:26 et une souveraineté européenne, mais qui non seulement n'est pas fondée sur un peuple
26:30 européen, mais dont les gouvernances sont contraires, pas seulement à l'imaginaire
26:38 français, mais au fond à ce qu'est l'Europe depuis toujours.
26:45 Donc, nous payons maintenant le prix de décision prise il y a 30 ans, et au fond d'un manque
26:56 de vision et de culture sur ce qu'est l'Europe, son histoire, ses peuples et ses intérêts,
27:04 bien compris, de sorte que le monde puisse être à nouveau, je dirais, à partir d'une
27:12 vision universelle, une mosaïque de civilisations et de peuples qui avancent chacun selon leur
27:22 propre modalité, à partir de leur propre tempo.
27:28 Là, en Iran, les femmes iraniennes font bouger la société iranienne, mais pas par l'imposition
27:37 de "il faut s'adapter".
27:39 L'idée de "il faut s'adapter" à la ligne, à des logiques économiques, celle
27:48 de l'efficace des marchés, nous mène et mène le monde, je dirais, malheureusement
27:56 au chaos, sauf s'il y a une reprise en main des politiques et de la souveraineté, d'autant
28:04 que la crise environnementale nous oblige à pouvoir reposer ensemble le bon, le juste
28:12 et l'efficace, il n'y a que le politique qui puisse faire assumer...
28:17 Je ne sais pas si on peut dire "vive la politique", mais en tout cas, vive le politique.
28:22 Vive le politique, absolument.
28:24 Je renvoie à votre livre, Stéphane Rosès, "Entretien avec Arnaud Benedetti", chaos,
28:30 et c'est sur les imaginaires des peuples, aux éditions ESERF.
28:34 Merci.
28:34 [Musique]