SMART BOURSE - L'invité de la mi-journée : Aldo Sicurani (F2iC)

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Vendredi 9 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Aldo Sicurani (Délégué général, F2iC)

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Transcription
00:00 [Générique]
00:10 Mais d'abord, évoquons effectivement non pas le sujet des introductions en bourse,
00:14 mais le sujet des retraites-cotes, des sorties de bourse avec Aldo Sicurani.
00:19 Une fois par mois, notre rendez-vous avec la Fédération des investisseurs individuels et des clubs d'investissement.
00:24 Aldo, bonjour.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes délégué général de la F2IC. Effectivement, j'allais dire, c'est la face sombre ou la face cachée du monde boursier.
00:37 On s'intéresse beaucoup en tant que journaliste ou observateur boursier aux introductions en bourse.
00:42 Mais derrière ce phénomène d'introduction en bourse, il y a une vague peut-être encore plus puissante même,
00:46 qui est celle des retraites-cotes.
00:48 Absolument. On évalue que sur les 20 dernières années, dans le monde occidental, en Europe occidentale et en Amérique du Nord,
00:55 il y a à peu près un tiers d'entreprises en moins qui sont cotées qu'en 2000.
01:04 L'actualité du moment, c'est ?
01:08 C'est le retrait d'EDF. On se souvient de l'entrée tonitruante de cette valeur en 2005 sur le marché.
01:15 5,6 millions de petits porteurs qui souscrivent.
01:19 Une action qui fait quasiment fois 3 en 2 ans avant de s'effondrer sous des effets multiples,
01:29 dont une politique un peu gouvernementale, un peu chaotique.
01:35 Contractoire, économique, avec les intérêts d'une entreprise énergétique.
01:39 Et puis l'État avait mis 15% sur le marché, mais ils étaient remontés à 87, 88,
01:49 donc ils sont sortis à 12 euros et depuis hier, EDF n'est plus coté.
01:55 Alors, EDF, c'est à la fois un bon exemple et un exemple assez particulier,
01:59 puisque oui, c'est toujours resté une entreprise publique, majoritairement dominée dans son capital par l'État français.
02:07 Donc effectivement, il y avait eu cette petite cession d'un bloc privé sur le marché,
02:13 mais il y avait toujours l'idée quand même que la puissance publique était derrière et qu'un jour, potentiellement,
02:18 soit il s'en mettrait plus, soit il retirerait.
02:21 Oui, c'est ça. Après, ça existe aussi pour des entreprises qui sont totalement privées, ce phénomène de retrait de code.
02:27 Absolument, parce qu'il y en a eu une petite dizaine sur le premier semestre.
02:33 On va avoir très bientôt la sortie de Villemorin, Limagrin qui sort Villemorin,
02:43 mais il y a eu SOMFI, Manutan, Groupflo, l'année dernière Suez dans le cas du rachat par Veolia.
02:53 Il y a eu la retraite de Natixis, et puis CNP également.
02:58 Donc vraiment, parfois, des valeurs très importantes.
03:02 Suez ? Oui, vous l'avez cité.
03:06 Il y a plusieurs phénomènes. Parfois, c'est des majoritaires de contrôle qui décident de retirer des titres de la code,
03:18 dans le cas de BPCE par exemple, ou la famille qui contrôle Unibel avec Fromage Ribel,
03:24 parce que les cours sont devenus tellement bas que...
03:28 C'est une opportunité à saisir.
03:30 Voilà. Et dans d'autres, ce sont des opérations de rachat, de fusion, d'acquisition.
03:38 Veolia avec Suez, c'est un cas.
03:42 Et parfois, ce sont des gros minoritaires qui décident de sortir une société de la code.
03:51 Il y a un cas très emblématique dans le Midi de la France, la société du tunnel Prado-Carenage.
03:56 Beaucoup d'actionnaires individuels en avaient parce que ça servait de très gros rendements.
04:02 Vinci et Fage qui avaient chacun 30% du capital ou 35% du capital, ont fait une offre tellement ridicule que personne n'a porté ces titres.
04:13 Oui, c'est ça. Et vous dites effectivement, il faut bien avoir en tête que...
04:20 Le bilan de l'année 2022 est assez parlant de ce point de vue-là, mais j'imagine qu'on retrouve ce phénomène sur des années précédentes.
04:28 On vit bien un phénomène d'attrition de la code boursière à Paris, en Europe et aux Etats-Unis.
04:34 Sur ces grands marchés développés, c'est une vraie tendance année après année.
04:38 Oui, alors il y a plusieurs raisons à ça. Il y a des raisons structurelles.
04:41 C'est-à-dire que pendant de très nombreuses années, elle ne vous a pas échappé, l'argent était gratuit.
04:46 Donc pour les entreprises, se financer, finalement, c'était moins cher d'aller sur le marché obligataire ou voire se faire financer par leur banque que d'aller sur le marché boursier.
04:58 Parce que, bon, ce n'est pas toujours le cas, mais quand vous êtes coté en bourse, d'abord il y a les frais, il y a les coûts de cotation.
05:05 Et puis ensuite, les actionnaires parfois, sauf si vous êtes une valeur technologique, ils veulent des dividendes.
05:11 Le rendement moyen du CAC 40, c'est 3 ou 3,5%.
05:15 Donc maintenant, ça va, mais il y a 2 ou 3 ans, c'était beaucoup plus cher que le coût de capital.
05:23 Et ensuite, l'autre phénomène, c'est qu'il y a eu des allégements de réglementation qui ont fait que ça a permis de fluidifier le marché.
05:41 En France, la loi Pacte de 2019 a, sous d'ailleurs, c'est une politique générale en Europe, baissé le niveau auquel une entreprise, enfin un actionnaire peut demander le retrait de la cote de 95 à 90%.
05:58 Et ça, de n'avoir besoin plus que de 90% du capital et des droits de vote pour obliger, forcer un retrait de la cote, passer de 95 à 90, ça fluidifie, ça change un peu la donne.
06:14 Ah oui, c'est énorme, parce que si vous êtes à 95, vous pouvez avoir des petits malins qui vont racheter des titres en se disant, ils ne vont pas atteindre les 95%, on va pouvoir avoir une amélioration du prix.
06:25 De 95 à 90, le cas d'EDF était emblématique, l'État avait 87 ou 88% du capital, ils étaient sûrs d'atteindre les 90.
06:39 Et là, une fois que vous avez 90 des droits de vote et du capital, vous pouvez lancer une offre publique de retrait, alors que si vous n'avez que 1 des 2, vous devez lancer une offre publique de retrait.
06:57 Alors, l'offre publique de retrait obligatoire dans le premier cas, dans le deuxième cas.
07:00 Oui, c'est ça, auquel on est obligé d'apporter.
07:01 Voilà, on est obligé d'apporter.
07:02 Oui, donc le cadre réglementaire facilite en tout cas ces mouvements de retrait.
07:08 Absolument, et donc on le voit bien, on l'a bien vu dans le cas d'EDF, on l'a vu dans le cas de Suez d'une certaine manière, le marché s'est mis à...
07:20 Alors, Suez, Veolia a dû faire une surenchère, mais autrement, le marché s'est mis à peu près au niveau du prix proposé par l'initiateur de l'offre.
07:32 Dans le cas de Limagrin et Villemorin, il n'y a manifestement pas de spéculation sur le titre.
07:39 C'est beaucoup plus compliqué de pouvoir entraver une opération aujourd'hui.
07:46 Quel est l'effet sur les prix proposés pour sortir les entreprises ?
07:51 Si on a besoin de moins de capital et de droit de vote que précédemment, est-ce que ça a un impact sur les prix proposés par les initiateurs des opérations ?
08:01 Du coup, les offres sont moins généreuses.
08:05 On a quand même eu de belles primes sur Unibel, sur Fromage Rebel, c'est quand même une prime de 50% ou 45%.
08:15 Unibel a fait une offre et a augmenté de 100 euros son offre.
08:20 Veolia sur Suez aussi, mais là, bon, il fallait aussi convaincre la direction de Suez.
08:27 Ce n'est pas uniquement parce que la réglementation est plus simple que Veolia n'a pas fait une offre généreuse.
08:37 Il fallait aussi convaincre le management de Suez.
08:41 Mais disons que le jeu du chat et la souris est quand même beaucoup plus compliqué.
08:46 On constate quand même des offres moins généreuses.
08:50 Alors quand elles sont ridicules, comme dans le cas du tunnel de Marseillais, la sanction est là.
08:57 D'ailleurs, un an plus tard, Vinci et Effray ont toujours 64 ou 65% du capital à eux deux.
09:09 Face à ce phénomène d'attrition de la cote, de retrait de cote, avec en plus un cadre réglementaire qui allège un peu les contraintes,
09:17 est-ce qu'un opérateur boursier comme Euronext apporte quand même aussi des réponses pour des entreprises qui voudraient s'introduire ?
09:25 Ou pour qui la question de sortir peut se poser ?
09:29 C'est un discours qu'on a beaucoup entendu chez des patrons de sociétés de petite taille ou de taille intermédiaire.
09:35 L'opération d'introduction en bourse, évidemment, reste une étape très importante.
09:39 Ça donne la visibilité, ça permet de lever des capitaux à un moment important du développement de l'entreprise, etc.
09:43 Un, deux, trois ans après, si la boîte est en autofinancement, si il n'y a pas de changements majeurs dans les prévisions et la stratégie de l'entreprise,
09:53 beaucoup estiment que c'est beaucoup de frais, c'est beaucoup de coûts, il faut entretenir une relation avec des actionnaires en permanence, etc.
10:01 Est-ce que le bilan à l'arrivée est forcément positif ? Ce n'est pas évident.
10:05 C'est peut-être à des gens comme Guillaume Robin, le PDG de Thermador, que vous devriez poser la question.
10:11 Ils sont cotés depuis 1987, ils n'ont jamais fait appel au marché et ils sont convaincus de l'intérêt d'être mis en bourse.
10:21 C'est vrai que ça apporte une rigueur, ça apporte un prix, ça structure, ça apporte un prix.
10:27 Il y a quand même des progrès à faire. Je sais que l'association Middle Next est très vocale sur le fond.
10:33 Mais le fond, il y a eu beaucoup d'allègements, beaucoup de fluidification aussi pour la cote, pour les cotations, etc.
10:41 Là maintenant, la place est en train de réfléchir à des mesures pour rendre la place de Paris plus séduisante, en particulier pour des acteurs étrangers.
10:55 Moi ce que je constate quand même et ce qui m'inquiète un petit peu, c'est que dans un marché haussier, parce que vous l'avez cité tout à l'heure...
11:03 On verra jusqu'où le marché est haussier.
11:06 Oublions, mais jusqu'à fin avril, on était à 15, 16, 17% sur le CAC 40, hors dividendes, et pas d'introduction en bourse.
11:14 Non, c'est vrai.
11:15 Et ça c'est nouveau.
11:17 Il y en a eu à peine une poignée, moins de 5 je pense.
11:21 Toutes petites, toutes petites valeurs.
11:25 Alors que normalement, en 2021, ça se bousculait au portillon.
11:33 Et je crois que ce n'est pas qu'en Europe.
11:37 Et donc là, il faut quand même qu'on s'interroge sérieusement sur les raisons de cette désaffection.
11:45 La place la plus dynamique pour les introductions en bourse dans le monde aujourd'hui, c'est la Chine.
11:49 Absolument.
11:50 C'est là où il y a le plus d'introductions, en quantité en tout cas, depuis un moment.
11:54 Merci beaucoup Aldo.
11:55 Aldo Sicurani, avec nous une fois par mois, notre rendez-vous avec la Fédération des investisseurs individuels et des clubs d'investissement.

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