SMART BOURSE - L'invité du lundi : François Cabau (AXA IM)

  • l’année dernière
Lundi 4 septembre 2023, SMART BOURSE reçoit François Cabau (Économiste Zone Euro, AXA IM)

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Quelques mots de la macroéconomie également, ce début de semaine après une semaine qui aura été chargée en indicateur statistique, notamment pour le marché du travail américain.
00:19 C'est François Cabot qui est avec nous en visioconférence, économiste senior zone euro chez AXA-IM. Bonjour François.
00:25 Merci beaucoup d'être avec nous. Je voudrais commencer quand même avec les données qu'on a eues la semaine dernière sur le marché du travail américain qui est observé de près
00:33 et qui est évidemment un facteur clé pour la dynamique désinflationniste qu'on observe aux Etats-Unis depuis quelque temps.
00:39 Maintenant, tout le monde s'accorde à dire que le marché du travail sous différentes mesures est en train de refroidir. Est-ce que c'est l'analyse que vous faites également, François ?
00:47 Est-ce que ce refroidissement est suffisant pour permettre désormais une pause peut-être définitive de la réserve fédérale américaine ?
00:55 Est-ce que ce refroidissement reste compatible avec l'idée d'un atterrissage en douceur de l'économie américaine ?
01:02 Oui, alors refroidissement, c'est sûr. Même si une surprise à l'offre sur les payrolls d'août, elles ont été largement compensées par des révisions à la baisse sur les derniers mois.
01:12 En trois mois, on a effectivement un ralentissement avec un dégain d'emploi au plus faible depuis trois ans et demi.
01:20 Donc là-dessus, c'est clair que le ralentissement est à l'œuvre. En plus, on a un taux de chômage qui est monté un petit peu avec un taux de participation qui aide également de ce côté-là.
01:28 Donc là-dessus, c'est sûr que de ce point de vue, ces mesures-là, on n'a aucune raison d'attendre des hauts supplémentaires de taux de la part de la Fed, ce qui est en ligne avec nos prévisions effectivement.
01:38 Par contre, de dire que ceci est le nouveau statu quo et qu'on va rester dans cette situation relativement confortable, c'est peut-être un peu trop s'avancer.
01:49 Il y a pour deux raisons. D'une part, on a une croissance des salaires qui reste, qui est modérée, mais qui est plus élevée que l'objectif, notamment dans un cadre où la croissance de l'emploi est relativement forte,
02:00 ce qui génère une productivité très faible. Donc en termes de coût unitaire du travail, on est quand même un peu au-delà de l'objectif de la Fed de ce côté-là.
02:08 Donc même si ce n'est pas forcément un argument pour remonter les taux à court terme, ça va très clairement garder le ton au quiche de la Fed à court terme et qui pourrait donner lieu à une hausse de taux supplémentaires
02:18 si on n'a pas effectivement des salaires qui se modèrent eux-mêmes à la suite du marché de l'emploi. Donc attention de ce côté-là.
02:25 Et puis l'éternel, effectivement, vous y avez référence, l'éternel quelque part surprise à la hausse du côté de l'économie américaine, qui surprend trimestre après trimestre,
02:34 que de notre côté, nous ne voyons pas perdurer également. Donc après un troisième trimestre qui a plutôt bien commencé, celui-ci devrait terminer l'année en contraction, même si limitée.
02:47 Donc c'est plutôt un rebond temporaire qu'on a là. Mais par contre, si effectivement on est encore surpris à la hausse du côté de la croissance américaine,
02:54 celle-ci pourrait amener, donner lieu finalement à un ralentissement trop faible quelque part du marché de l'emploi et donc avec des salaires qui pourraient rester relativement élevés
03:02 et qui pourraient donner lieu effectivement à des hausses de taux supplémentaires de la Fed. Donc pour l'instant, ça a l'air de tenir.
03:08 Sur un sentier qui paraît équilibré et en tout cas sur lequel il n'y aura pas besoin de revenir, autant effectivement se projeter jusqu'à même mi-2023 ou fin 2024 comme ça,
03:20 ça paraît un peu trop en amont pour finalement donner le fin mot à cette résilience d'économie américaine et que la Fed n'ait pas finalement à poursuivre le pas et à remonter les taux encore une fois.
03:35 Pour vous, il y a, conjoncturellement parlant, un trou d'air dans l'économie américaine qui sera visible au quatrième trimestre avec potentiellement une marque de PIB en contraction sur cette fin d'année ?
03:48 Oui, alors effectivement, d'une part les ISM services cette semaine comme ça a été mentionné par Vincent seront importants pour voir effectivement séquentiellement où est-ce qu'on en est.
04:01 On est plutôt en phase de décélération donc si on reste dans cette dynamique-là, tout ça serait cohérent.
04:07 Et ce qu'il faut avoir en tête aussi c'est qu'une grosse partie, l'explication principale quelque part du qu'en fait le now-casting américain qui tourne entre 3% et 5% selon les différentes mesures qu'on veut prendre aujourd'hui,
04:22 donc en rythme trimestriel non annualisé, c'est plus qu'une résistance, c'est une économie qui est booming, c'est en fait des données de consommation en tout début de trimestre, sur juillet notamment, qui ont été très fortes.
04:35 Et là-dessus on peut se poser effectivement la question de, est-ce que ceci est tenable véritablement compte tenu effectivement d'une économie et notamment d'un marché de l'emploi qui lui-même,
04:44 en séquentiellement et en phase de ralentissement, n'ont pas effectivement d'atterrissage forcé et difficile à l'horizon.
04:52 Par contre effectivement ce rythme de croissance-là n'est clairement pas soutenable de notre point de vue et donc la perspective d'avoir un ralentissement qui continue au fil du troisième trimestre
05:03 et qui va se matérialiser au quatrième trimestre vers une contraction mineure, paraît une autre scénario de base chez nous.
05:11 L'économie est faite de petites histoires, ce qui explique la très bonne tenue en partie des dépenses de consommation aux Etats-Unis à travers l'été.
05:18 C'est ce que j'ai lu des analyses des économistes. Alors il y a l'effet Amazon parce que je crois qu'il y a eu une journée Amazon très très forte effectivement en termes de discount et en termes de consommation.
05:28 Et puis il y a eu l'effet Barberheimer comme on l'appelle aujourd'hui. Il a sorti de quelques gros blockbusters au cinéma, la tournée Taylor Swift également.
05:38 C'est typique d'une économie de loisirs mais c'est ce qui se retrouve dans les chiffres macroéconomiques François.
05:44 Voilà c'est vrai. Ce qu'il faut se rappeler aussi c'est qu'on est sur une dynamique du taux d'épargne en baisse aux Etats-Unis.
05:54 En termes d'accumulation de l'épargne accumulée durant la crise Covid, celle-ci a été pour une bonne part mangée.
06:02 Donc finalement ce qu'on peut en tirer sur le quatrième trimestre c'est que est-ce qu'on va encore piocher dans l'épargne s'il en reste encore suffisamment pour le quatrième trimestre
06:12 et du coup la consommation reste à flot et on n'a effectivement pas de contraction.
06:16 Ou alors effectivement quid de ce marché de l'emploi qui ralentit, qui peut générer des craintes de confiance et au contraire quelque part à partir à l'opposé
06:25 et générer une hausse du taux d'épargne, épargne de précaution, attention à un ralentissement de l'économie qui est effectivement plutôt notre néo-privilégié
06:33 dans la mesure où on est de mémoire autour de 3,5-4% de taux d'épargne des ménages américains
06:38 qui est revenu largement dans les moyennes historiques voire un peu plus faible
06:42 et dès lors voir celui-ci diminuer encore pour consolider la croissance paraît compliqué.
06:48 Mais effectivement ça reste une possibilité qui est… voilà on a été surpris depuis plusieurs trimestres.
06:54 Mais aujourd'hui quand même on a un ensemble de données, marché de l'emploi, de l'activité.
07:02 On ne peut pas être complètement réjoui de ce qui se passe dans le reste du monde non plus.
07:05 Donc de ce point de vue-là c'est vrai que même si l'économie américaine est principalement orientée sur elle-même,
07:09 ça reste quand même des arguments qui coïncident et qui rassurent quelque part sur ce ralentissement qui devrait se matérialiser d'ici la fin d'année.
07:18 Que dire de la zone euro François ? On a le sentiment et même un peu plus, c'est vrai qu'on a regardé les enquêtes d'activité,
07:26 on aura encore des données définitives pour les PMI zone euro.
07:29 Mais on a le sentiment quand même que l'été a plutôt généré une panne de croissance, de dynamique
07:36 avec à l'arrivée un niveau d'inflation qui n'a pas tellement changé ces 2-3 derniers mois en zone euro.
07:42 Une inflation de cœur qui reste scotché à plus de 5% notamment, bien plus élevé que ce qui est observé aujourd'hui aux Etats-Unis par exemple.
07:50 Oui tout à fait, et puis même quelque part ça a peut-être même commencé un peu avant dans la mesure où grâce ou à cause des révisions de PIB du deuxième trimestre,
07:59 notamment en Irlande et en Italie, on avait une estimation préliminaire de la zone euro qui était à 0,3, un tout petit 0,3, 0,26.
08:06 Ce n'est pas tout à fait exclu qu'on puisse tomber à 0,1 à cause de ces révisions à la baisse du PIB irlandais et du PIB italien la semaine dernière.
08:15 Donc effectivement il y a déjà un tableau qui est un peu moins joyeux que celui qui pouvait être dessiné il y a quelques semaines ou quelques mois.
08:23 Et effectivement les enquêtes entre temps font état effectivement, et là c'est rassurant, à la fois les PMI et l'enquête de la commission européenne,
08:31 quelque part qui donne un signal relativement cohérent du secteur du service qui se détériore et qui quelque part suive le ralentissement,
08:39 mais qui date depuis plus longtemps sur le secteur du manufacturer.
08:43 Donc effectivement une économie qui n'est pas très bien orientée, mais ce n'est pas catastrophique non plus.
08:49 Et ce qui fait que ce n'est pas catastrophique, un peu à l'image de ce dont on discutait pour l'économie américaine,
08:53 c'est que oui les intentions d'embauche sont en ralentissement, mais ce n'est pas le trou d'air total non plus.
09:00 Donc on est complètement dans ce scénario de stagflation que nous avons dessiné en début d'année,
09:05 avec effectivement une inflation et surtout une inflation au cœur, comme vous le mentionnez,
09:09 et qui reste encore très très très élevée, très loin de ce que pourrait être une cible autour de 2%,
09:15 même si la cible de la BCE est sur l'inflation totale.
09:18 Et effectivement une stagnation économique qui paraît pour durer.
09:24 Quelles sont les données auxquelles la BCE va se raccrocher le plus pour formaliser,
09:31 former sa décision du 14 septembre prochain François ?
09:36 Alors je crois qu'effectivement il y a manifestement quelque part un changement de narratif,
09:40 avec l'évolution du cycle conjoncturel,
09:44 et qui est à la fois le deuxième trimestre avec sa révision à la baisse,
09:50 et le troisième trimestre tel qu'il est embarqué vont arriver en dessous,
09:54 assez largement en dessous de ce que la BCE prévoyait en juin.
09:57 Donc là-dessus est ce à quoi peut être ajouté le cumul des hausses auto précédentes.
10:01 Donc effectivement l'aspect backward looking, on regarde ce qu'on a fait, ce qui s'est passé,
10:05 et peut-être qu'on est un peu en dessous de ce qu'on prévoyait.
10:08 Et donc ça effectivement c'est les éléments qui vont être clés,
10:12 et qui ont été mentionnés dans les minutes de la semaine dernière,
10:14 dans le discours de Schnabel et également de la semaine dernière.
10:18 Donc ça paraît assez évident.
10:20 Et ceci viendrait quelque part un peu à l'opposé de ce qui a été mis en avant en juin,
10:26 c'était principalement le marché du travail, principalement les pressions sous-jacentes,
10:30 alors que là on a été plutôt surpris à la hausse,
10:32 autant sur les salaires que sur l'inflation sous-jacente elle-même,
10:36 et du coup qui donnerait lieu à priori plutôt pour une hausse d'auto.
10:40 Donc c'est un peu compliqué de voir où va se situer le curseur,
10:43 même si de ce qu'on a pu en comprendre dans les dernières interventions,
10:46 et c'est là où justement le discours de Christine Lagarde d'aujourd'hui
10:49 et des autres interventions de banquiers centraux vont être clés,
10:52 pour voir justement où est-ce qu'ils mettent le curseur,
10:55 tout en sachant qu'il y a quand même une donnée également très importante qui va tomber demain,
10:58 c'est les anticipations d'inflation des consommateurs dans l'enquête de la BCE qui tombe demain matin.
11:03 Et donc ça c'est effectivement clé pour voir à quel point est-ce que notamment à horizon 3 ans,
11:08 est-ce qu'il y a une convergence ou au contraire une résistance des anticipations d'inflation
11:13 qui va redescendre vers les 2% tout en sachant que le dernier point aujourd'hui est à 2,3% à horizon 3 ans.
11:19 Donc est-ce qu'on reste là, augmenter je ne pense pas,
11:22 ou alors est-ce qu'on peut continuer à converger pour assurer effectivement la BCE qu'elle est sur le bon chemin ?
11:27 Peut-être, mais effectivement les prochaines 24-48 heures vont être clés,
11:31 juste avant la période de silence pour voir un peu le ton et les indicateurs privilégiés,
11:37 tout en sachant que si on s'en tient à ce qui a été raconté assez vigoureusement en juin et en juillet,
11:47 sur le marché de l'emploi on devrait quand même avoir une dernière hausse d'eau et c'est notre seigneur de base chez nous.
11:52 25 points de base qu'on peut prédire, en tout cas c'est votre call chez AXA pour la réunion du 14 septembre de la BCE.
12:00 Quelques prises de position, quelques déclarations et quelques discours de banquiers centraux
12:04 avant effectivement une période de blackout, de non prise de parole une semaine avant la décision du Conseil des gouverneurs.
12:11 Merci beaucoup François, merci d'avoir été avec nous en visioconférence pour ce décryptage macroéconomique en ce début de semaine.
12:18 François Cabot qui était avec nous, économiste senior zone euro chez AXA-IM.
12:23 [Musique]

Recommandée