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Lundi 3 juin 2024, SMART BOURSE reçoit Irina Topa-Serry (Économiste senior, AXA IM)

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00:00 [Générique]
00:10 Et je le disais, grosse actualité au chapitre émergents pour entamer ce mois de juin avec des résultats au moins partiels,
00:18 voire déjà quasiment bien avancés pour un bon nombre de grandes économies émergentes.
00:23 Nous en parlons avec Irina Topasseri, économiste spécialiste des émergents chez AXA-IM.
00:28 Bonjour Irina, merci d'être là. Effectivement, on a toute une série de résultats électoraux
00:33 et qui concernent des pays émergents et pas des moindres.
00:36 Si on commence peut-être avec le poids lourd indien, on voit que Narendra Modi est largement parti pour un troisième mandat.
00:45 Je crois qu'il y avait assez peu de doute sur sa victoire.
00:47 Ce qui est intéressant de noter, c'est qu'il est peut-être en passe,
00:49 alors le BJP qui sont partis au sein de la grande alliance qui le dirige,
00:54 cette grande alliance est peut-être en passe d'augmenter ou d'accroître encore un peu le nombre de sièges qu'il y a aujourd'hui à la Chambre indienne.
01:02 C'est possible, mais ce n'est pas définitif de ce point de vue-là.
01:06 Avant le démarrage des élections, on attendait effectivement un mandat plutôt solide pour Modi.
01:12 Vous savez, les élections indiennes durent deux semaines.
01:16 Vous vous imaginez faire voter un pays qui se base...
01:18 C'est un milliard, qu'il y a tellement de personnes qui sont appelées aux yeux.
01:20 C'est une usine extraordinaire, l'organisation des élections.
01:25 En entrant dans les élections, les premiers États qui ont commencé à faire leurs élections,
01:30 on voyait en fait, on commençait à entrevoir une participation assez faible.
01:35 Et donc là, les marchés se sont fait un petit peu peur en se disant
01:38 "En fait, Modi ne va pas avoir cette main forte qu'on imaginait avant".
01:41 Donc il y a eu un petit peu de soubresaut.
01:43 Et là, on arrive proche du résultat final et on voit que non, il n'y a pas eu de soubresaut.
01:48 Et donc, on a l'impression qu'il garde un troisième mandat avec une main peut-être encore plus forte.
01:53 Alors les marchés aiment ça.
01:55 D'abord, continuité, on va dire, mais continuité dans une sorte de vision assez exceptionnelle que Modi a.
02:02 J'ai noté pour vous quelques idées.
02:04 Donc, on parle de la troisième économie mondiale,
02:07 cinquième économie mondiale en termes de PIB nominal.
02:10 L'Inde vient tout juste de dépasser le Royaume-Uni.
02:13 Vous voyez le FMI, il vous place l'Inde en PIB nominal au numéro 3, justement, en 2027.
02:22 Il dépasserait l'Allemagne et le Japon.
02:25 Et Modi a une vision à horizon, tenez-vous bien, 2047.
02:31 Pourquoi 2047 ? 2047, c'est une année très importante.
02:34 C'est l'année où on fête les 100 ans de l'indépendance de l'Inde.
02:38 Et là, Modi a une vision, que je vous donne des chiffres.
02:43 Cette économie de 3,5 trillions de dollars passerait au rang des pays développés
02:50 avec 30 trillions de dollars pour une population de 1,65 milliard de personnes dans le pays.
02:58 Donc c'est une vision assez envoûtante.
03:01 Ça veut dire, si vous pensez bien, 10% de croissance nominale par an tous les ans pour les 20 prochaines années.
03:08 Et donc quand on a fait les maths de ce point de vue-là, on se dit que c'est une vision politique.
03:12 Et bon, très bien que le politique et sa vision à 2047 c'est une chose.
03:16 Mais 10% de croissance nominale par an d'ici là, il faut les tenir quand même.
03:20 Ils sont à 7-8 là aujourd'hui et c'est déjà un rythme de croissance délirant par rapport à ce qu'on observe ailleurs dans le monde.
03:26 Il faut dire qu'il y a le court terme et le très long terme.
03:29 Donc Modi a effectivement une vision de très long terme.
03:31 Mais le court terme c'est bon.
03:34 Vous regardez le FMI qui prend tous les pays du monde,
03:39 vous fait une croissance tous les ans à horizon 2027, vous êtes dans le top 5.
03:45 Il y a des tout petits pays qui augmentent peut-être de 10%.
03:49 Le top il est Afghanistan, plus de 11% sur les prochaines années.
03:53 Donc une situation très particulière, donc pas comparable.
03:56 L'Inde est dans le top du top.
03:59 Il y a des possibilités.
04:01 La grande force de l'Inde c'est sa démographie, donc une énorme population, très jeune.
04:07 Le sujet à long terme c'est que le dividende démographique peut vite tourner à la catastrophe.
04:14 Là encore je vais vous donner juste un ordre de grandeur pour qu'on comprenne.
04:18 C'est extraordinaire.
04:20 D'ailleurs les détracteurs de Modi disent que ces deux derniers mandats se sont faits avec une croissance
04:25 qui ne s'est pas vue dans l'emploi.
04:28 Donc vous regardez le PIB par tête en parité de pouvoir d'achat, il n'a quasiment pas bougé depuis 10 ans.
04:34 Donc il ne faut pas non plus...
04:37 On peut se laisser emporter par le discours.
04:39 Mais il y a quand même une question.
04:41 Il y a un verre à moitié plein et il y a aussi encore un verre qui n'est pas vide.
04:44 Ce n'est pas facile.
04:46 Alors à l'heure de son excuse, dites-vous bien que cette année,
04:50 il y a 87 millions de personnes dans le marché de l'emploi.
04:55 Qui vont arriver sur le marché du travail.
04:58 Ça c'est la taille de la Turquie.
05:00 Vous rajoutez toute la Turquie.
05:03 Dans 2030, 150 millions.
05:06 Ça c'est la taille du Mexique.
05:08 Vous rajoutez encore un Mexique.
05:10 Et il y a quoi ? Il y a un risque de piège, de trappe ?
05:12 Il y a un risque de trappe parce qu'il faut créer des emplois pour absorber tout ça.
05:16 En fait, on le voit. Il y a la grosse fracture en Inde.
05:20 C'est la fracture entre la population rurale et la population urbaine.
05:22 Évidemment, c'est super.
05:24 L'histoire des pays émergents est facile au début.
05:27 Quand vous ramenez quelqu'un qui est dans la zone rurale,
05:30 qui a une productivité très faible,
05:32 vous le ramenez en ville et il rentre dans l'industrie ou dans les services.
05:36 Et tout de suite, la productivité du travail monte.
05:38 Et vous avez tout ce step-up de la croissance.
05:40 Donc ça c'est fort bien.
05:42 Mais quand vous le regardez en Inde,
05:44 la population rurale reste encore très forte.
05:47 L'emploi rural très fort.
05:49 Donc la productivité est mauvaise.
05:51 Forcément, on peut se dire qu'il y a du bien, du potentiel.
05:54 Mais en même temps, pourquoi ils sont là ?
05:56 Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas aller dans la zone urbaine.
06:00 C'est qu'ils ne peuvent pas parce qu'il n'y a pas de poste à pourvoir.
06:03 Donc il faut accélérer la machine.
06:06 Modi a un mandat où il faut accélérer la machine.
06:09 Et il a des idées en tête.
06:10 Et donc l'orientation, ça reste CapEx, investissement ?
06:13 En fait, son idée, c'est un autre.
06:16 Make in India.
06:19 Donc vous savez, l'Inde est une économie qui a réussi son mouvement
06:25 plutôt par le biais des services.
06:27 Il exporte des services indiens.
06:30 On connaît tout ça.
06:31 On a tous des références en tête.
06:32 Donc c'est quand même assez intéressant.
06:34 Ce qui fait qu'aujourd'hui, ce n'est plus une économie considérée fragile.
06:37 Ce qui fait que l'intérêt des investisseurs...
06:39 Modi a quand même réussi à faire ça.
06:42 Mais le deuxième point de Modi, c'est de dire
06:45 "Ok, les services en continu, mais il va falloir ramener l'industrie manufacturière."
06:49 D'abord, je pense qu'il y a une réflexion à se faire sur les services
06:52 et l'intelligence artificielle.
06:54 Aucune idée de comment ils vont être impactés.
06:57 Mais il y a quand même un sujet là-dessus où on peut se poser des questions.
06:59 Et quid de la manufacture ?
07:01 Alors, ça ne va pas être une nouvelle Chine.
07:02 Il n'y a pas la place d'une nouvelle Chine aujourd'hui.
07:05 On ne peut pas avoir deux Chines dans ce monde.
07:08 Il y a déjà des problèmes de surcapacité de production en Chine.
07:10 Ce n'est pas pour aller les doubler ou les tripler en Inde.
07:12 Et par ailleurs, l'industrie manufacturière aujourd'hui,
07:16 ce n'est plus une histoire de coûts de main d'oeuvre pas cher.
07:18 C'est du capital, c'est du skill, de la compétence,
07:22 c'est de la tech, de la robotique.
07:25 Ils ne pourront pas faire la même chose.
07:28 Mais on voit quelques balbutiements.
07:29 On le voit dans les téléphones portables.
07:31 Il y a plusieurs Foxcom...
07:33 Qui sont allés développer des capacités des mobs, bien sûr.
07:35 Apple veut produire en partie ses nouveaux iPhones depuis l'Inde.
07:39 Il y a des choses qui se passent.
07:41 Mais pour l'amener à ce niveau-là...
07:44 L'Inde a quand même une option extraordinaire qui plaît aux investisseurs.
07:51 Parce que la consolidation fiscale, elle est bien lente, mais elle est là.
07:56 Donc, ils rentrent dans les indices obligataires.
08:02 Il y a quelque chose qui se passe.
08:04 Et puis les actions...
08:05 Il y a une discipline dans la gestion des grands indicateurs.
08:08 Ce n'est pas rapide.
08:09 Ils ne sont pas rapides, mais il y a quelque chose.
08:11 Donc, ça attire quand même.
08:13 C'est une belle histoire.
08:14 Les agences de notation aiment l'histoire indienne, toujours.
08:17 On a vu S&P relever la perspective de la notation de la dette indienne,
08:21 qui est triple bémol aujourd'hui.
08:22 Et qui pourrait donc être relevée d'un cran dans les prochains mois.
08:26 L'autre gros sujet du jour, et ça nous amène à parler du Mexique.
08:29 Avec une forme de continuité après les 6 ans de mandat d'Andrés Manuel López Obrador.
08:35 Qui passe donc la succession à quelqu'un qui lui était très proche,
08:39 qui s'appelle Claudia Scheinbaum, qui est la première femme à diriger le Mexique.
08:43 Qui a un background aussi très intéressant,
08:45 puisque c'est une scientifique de renom,
08:47 au point qu'elle a participé pendant longtemps aux travaux du GIEC.
08:50 Donc, on va avoir une ex-membre du GIEC, en l'occurrence,
08:54 qui va diriger demain un pays comme le Mexique.
08:56 À gauche, c'est la gauche mexicaine qui reste en place.
08:59 Alors, c'est vrai.
09:00 Au Mexique, les mandats présidentiels sont uniques.
09:04 Donc, ce qui fait que, Amlo, qu'on l'appelle, López Obrador, le président,
09:11 ne pouvait pas poursuivre, même s'il est un des rares que je peux vous montrer dans le monde.
09:16 Enfin, si, dans les émergents, il y en a un certain.
09:18 Il y en a quelques-uns, des présidents sortants, qui ont une cote extraordinaire au président.
09:23 Il a 60% encore de popularité auprès des Mexicains.
09:25 C'était le cas de Djokovic en Indonésie.
09:29 Donc, on a des leaders émergents qui arrivent à être élus aux Lamins et terminés aux Lamins.
09:36 C'est quand même quelque chose à dire sur les émergents, sur certains émergents, pas tous, évidemment.
09:40 Alors, donc, il passe la main, effectivement, à une femme.
09:45 Donc, ce sera, effectivement, la première femme présidente du Mexique.
09:49 Donc, ça, c'est très, très bien.
09:51 Maintenant, elle va suivre ce qui s'est passé avant.
09:56 Donc, il y a une continuité à avoir.
09:58 Cela dit, il y a là aussi un petit moment de flottement où on attend un peu l'articulation des résultats.
10:05 Oui, parce que le PSO baisse de 3%, quand même, le PSO mexicain.
10:07 Et oui, effectivement.
10:08 Et alors, on se demande pourquoi, généralement, on dit que la continuité, les marchés, etc.
10:12 Et surtout que c'était très bien vu dans les sondages.
10:16 Dans les sondages, oui, il n'y a pas eu d'écart.
10:18 Alors, il y a quand même quelque chose que peut-être les sondages n'ont pas entrevus.
10:21 C'est qu'il pourrait gagner une super majorité au Congrès.
10:24 Et ça, c'était pas...
10:25 La victoire est tellement forte.
10:26 Oui, une victoire encore plus forte.
10:27 Peut-être que la personne même, au-delà d'avoir hérité, si vous voulez, de la popularité de Hamelot,
10:33 peut-être elle a rajouté quelque chose.
10:35 Donc, il y a peut-être quelque chose à voir là-dessus.
10:37 Et pourquoi le marché se fait peur là-dessus ?
10:39 Parce qu'il faut dire que López Obrador avait quand même émis au moins 18 propositions pour secouer les institutions mexicaines.
10:49 Donc, il y a une perception quand même qu'avoir la super majorité pourrait mettre en danger le cadre institutionnel mexicain.
10:56 Et donc, là, ça fait référence au secteur de l'énergie, notamment pétrolier,
11:00 où Hamelot a une vue très clairement exposée sur plus d'États.
11:05 Nationalisation, quoi.
11:06 Nationalisation des États.
11:07 Donc, ça, c'est quelque chose...
11:08 Ils ont un opérateur pétrolier national qui est un des plus endettés au monde, je crois.
11:12 C'est très compliqué.
11:13 C'est un endroit où on jette de l'argent et on essaye de s'en sortir.
11:16 Mais c'est une histoire qui date.
11:18 En 2014, l'ancien mandat précédent avait essayé de réformer tout ça, mais dans le bon sens,
11:26 c'est-à-dire lâcher, ouvrir, privatiser, faire venir les intermédiaires.
11:30 Parce qu'en fait, les puits de pétrole mexicains sont en déclin naturel.
11:35 Et en fait, ça n'a pas marché parce qu'ils n'ont pas eu de chance.
11:38 Il y a eu la baisse du prix de pétrole derrière.
11:41 Et Hamelot a en fait capitalisé là-dessus.
11:43 Il est venu comme ça en disant "Vous avez vu, ça n'a pas marché. Laissez-moi faire."
11:46 Et donc voilà. Maintenant, il y a un peu de crainte qu'avoir deux tiers du Congrès
11:52 pourrait amener à une certaine dérive.
11:54 Il y a peut-être moins de contre-pouvoir qu'attendu dans le paysage politique mexicain.
11:58 Oui, oui, oui.
11:59 Il y a des sujets.
12:00 On parle alors que les résultats ne sont pas encore définitifs de ce point de vue-là.
12:03 Il nous reste une minute trente pour dire un mot également de l'Afrique du Sud, Irina.
12:07 Et là aussi, si je regarde le marché des devises et du Forex, je vois que le rend,
12:10 Sud-africain, a pas mal baissé quand même ces derniers jours depuis le début de l'élection en fin de semaine dernière.
12:15 Et donc là, c'est l'ANC qui était au pouvoir majoritaire, en tout cas depuis trente ans,
12:19 qui est en train de perdre sa majorité.
12:21 Oui, mais là aussi, j'ai l'impression que c'était absolument vu.
12:25 Ce parti ANC, donc effectivement le parti post-apartheid qui mène le pays depuis cette période,
12:33 a subi une fracture.
12:35 Donc Zuma, l'ancien président, a décroché.
12:38 A créé lui-même son mouvement.
12:39 Si vous les mettez ensemble, c'est la même chose.
12:41 Donc en fait, rien n'a changé.
12:42 Mais ça a changé quand même, parce que Ramaphosa, l'actuel président, ne peut pas gérer sans Zuma.
12:49 Et donc comme il y a une sorte de flux de pouvoir, comment faire ?
12:54 Quelle va être la coalition ?
12:55 Donc le marché est en question, quelle coalition ?
12:58 Coalition avec Zuma, ça veut dire qu'un des deux saute et qui veut ? Personne ne veut, donc c'est pas possible.
13:02 Coalition avec les extrêmes de gauche, quel tracas, impossible à gérer le pays.
13:07 Et dernière possibilité, qui est peut-être celle par laquelle on pourrait s'en sortir à la hausse sur les marchés si jamais ça se fait,
13:13 c'est coalition avec le centre-droite.
13:15 Mais là encore, vous êtes avec deux partis fondamentalement opposés.
13:19 Oui, adversaires.
13:20 Et comment ? Est-ce que ce pays est gouvernable ?
13:22 Il y a des problèmes de finances publiques, où il faut quand même...
13:26 Et quelles concessions fait-on qu'on ait en coalition ?
13:28 Donc des questions un peu plus sérieuses pour l'Afrique du Sud quand même.
13:33 Mais peut-être qu'on pourrait là aussi entrevoir quelque chose de plus optimiste qu'aujourd'hui le marché ne l'entrevoit.
13:39 Bon, évidemment, on commentait avec vous Iréna et merci de l'avoir fait, ces résultats premières,
13:43 mais qui donnent quand même les grandes tendances pour ces pays en termes d'orientation politique à venir.
13:47 Il y aura encore peut-être des détails, des rebondissements au fur et à mesure de la publication du scrutin dans ces pays-là.
13:56 Merci beaucoup Iréna.
13:57 Merci d'être venue parler de ces économies émergentes en pleine série d'élections et de résultats électoraux après ces derniers jours.
14:05 L'Inde, le Mexique et l'Afrique du Sud.
14:06 Iréna Topacera, économiste émergente chez AXA-IM, était l'invitée avec nous de Smart Bourse pour démarrer cette semaine.
14:12 [Musique]

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