Norbert Fanchon, président du Groupe Gambetta, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils reviennent sur les difficultés des promoteurs immobiliers face à la dégringolade de la construction du neuf.
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00:00 On s'intéresse ce matin sur Europe 1 à une profession qui se dit en danger dans la crise de l'immobilier que nous traversons,
00:06 celle des promoteurs.
00:08 Coup d'arrêt de la construction, des programmes neufs, ils sont là en première ligne, ils ont commencé à tailler dans leurs effectifs
00:14 les promoteurs immobiliers. Ils craignent d'ailleurs des pertes massives d'emplois dans un avenir proche.
00:19 - Vous en parlez avec votre invité, Alexandre, vous recevez sur Europe 1,
00:22 Norbert Fanchon, promoteur immobilier, président du groupe Gambetta.
00:26 - Bonjour Norbert Fanchon. - Bonjour, merci.
00:28 - Dégringolade du nombre de mises en chantier dans la construction de logements, vous confirmez.
00:32 - Je confirme. - Est-ce que vous êtes inquiet pour votre entreprise ?
00:36 Ce matin, est-ce que vous êtes inquiet pour votre métier ?
00:38 - Pour donner des chiffres...
00:40 - Dégringolade, c'est 150 000 logements en moins.
00:43 - On vous entend. - Voilà, parfait, merci.
00:47 150 000 logements, donc c'est un tiers du marché qui a disparu,
00:50 et vous le dites souvent sur votre antenne.
00:52 Est-ce que je suis inquiet pour mon métier ? Non, on a toujours besoin de logement, on aura toujours besoin de logement.
00:57 Je vais même vous dire, pour être un peu cynique, ce qu'on ne construit pas aujourd'hui, on devra le construire demain.
01:01 Et donc on a un métier d'avenir. - Donc vous espérez un effet de rattrapage en fait ?
01:04 - Totalement, mais on doit s'adapter à la situation,
01:06 et en fait, la colère que l'on a, c'est parce qu'on connaît les conséquences.
01:10 30% des SDF, donc qui ont un emploi, n'ont pas de logement.
01:14 Donc c'est quand même un drame absolument social.
01:16 On sait qu'il y a 200 000 emplois qui vont disparaître, mais essentiellement dans le bâtiment,
01:20 pas forcément dans la promotion immobilière.
01:22 Les promoteurs, les notaires, les architectes, on va pas faire pleurer.
01:25 Mais le sujet, c'est qu'on a un gouvernement qui pose un diagnostic,
01:30 tant mieux, enfin, mais il pose un mauvais diagnostic.
01:32 On nous parle de choc de l'offre, et nous ce qu'on a besoin, c'est un choc de la demande.
01:36 - Choc de la demande, c'est-à-dire on en revient toujours à la disponibilité du crédit, en fait, pour les acheteurs ?
01:42 - Oui et non. Pour illustrer le choc de la demande,
01:45 1 000 logements ont été mis en vente en janvier.
01:48 D'habitude c'est 20 000 logements, donc voyez bien le décrochage.
01:51 Et si on met 1 000 logements en vente, c'est parce qu'on sait qu'on n'a pas de clients en face.
01:54 - Mais voilà ! - Et on n'a pas de clients, mais pas parce qu'il n'y a pas de crédit,
01:57 c'est parce qu'on a cassé la demande, on a critiqué, on a stigmatisé,
02:02 on a culpabilisé les propriétaires d'appartements depuis 7 ans.
02:05 - C'est-à-dire les gens préfèrent être locataires ?
02:07 - Pourquoi être propriétaire quand vous êtes plus taxé à l'IFI, quand vous êtes taxé sur vos revenus,
02:13 alors que si vous placez en capital, vous avez une flat tax à 30% ?
02:16 Les gens, ils réfléchissent comme vous et moi, et donc ils préfèrent avoir 30% de taxe que 60% de taxe.
02:22 - Votre baisse d'activité, vous la mesurez à combien, Norbert Fanchon, dans votre groupe ?
02:25 - 30%, comme le marché. - Un tiers de moins ? - Oui.
02:28 - Un tiers de moins, depuis combien de temps ? Là, c'est vraiment l'année dernière où tout s'est noué ?
02:33 - Ouais, l'année dernière, début d'année dernière, notamment le taux d'usure,
02:37 l'invention géniale de la Banque de France a cassé le crédit,
02:39 parce qu'on critique beaucoup les banques, on espère beaucoup des banques,
02:42 on parle beaucoup du crédit in fine, mais moi je crois que c'est pas ça la solution.
02:45 Le sujet, c'est pas les banques, le sujet, ça a été le blocage du crédit par le taux d'usure.
02:49 - Donc vous attendez, dites-vous, un choc de la demande avant un choc de l'offre.
02:54 Vous parlez des craintes de licenciement, vous avez déjà dû vous séparer,
02:58 quant à vous, d'un certain nombre de vos collaborateurs dans le groupe Gambetta ?
03:01 - Hélas, oui, on a fait comme tout le monde en 2023, on a commencé par ne pas renouveler ceux qui partaient,
03:05 et puis effectivement, en début d'année, on s'est séparés de certains collaborateurs.
03:09 - Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers, 300 000 emplois pourraient être détruits
03:13 dans la construction d'ici l'année prochaine, alors tout métier compris,
03:16 pas seulement les monts, les promoteurs, si cette crise perdure.
03:19 Est-ce que c'est un chiffre qui vous paraît réaliste ?
03:21 - Oui, malheureusement, oui.
03:22 A peu près 200 000 dans le bâtiment, donc d'ouvriers,
03:25 et qu'on ne saura pas replacer dans la rénovation, ce qu'espère le gouvernement,
03:28 et à peu près 100 000 dans les métiers annexes, architectes, promoteurs, notaires.
03:32 - Et de fait, les plus gros groupes sont déjà touchés, je rappelle Nexity,
03:35 qui annonce un plan de sauvegarde de l'emploi, même chose dans la branche immobilière de Vinci,
03:39 Bouygues, alors là parle un peu plus flou, mais d'un plan de redéploiement de ses collaborateurs,
03:43 vous avez combien de programmes en cours, de programmes immobiliers en cours en ce moment,
03:47 dans votre groupe Norbert Franchon ?
03:49 - On en a une vingtaine, et le sujet c'est qu'on en a 30 qui pourraient démarrer demain,
03:54 et on n'a pas la demande, on n'a pas l'aide pour les particuliers,
03:57 l'aide pour les investisseurs qui fait qu'on pourrait les démarrer demain.
03:59 - Bon, une vingtaine de programmes de construction en cours pour votre entreprise,
04:02 c'est très inférieur au volume moyen que vous aviez avant la crise, donc...
04:05 - Avant la crise on faisait 1000 logements, aujourd'hui on en fait 650.
04:08 - Votre carnet de commande, il vous donne quelle visibilité actuellement ?
04:11 - Une visibilité à 18 mois, quand d'habitude on avait une visibilité plutôt à 3 ans.
04:15 - Donc 18 mois c'est pas assez pour dire "bah tiens, demain je vais embaucher davantage,
04:19 je vais développer telle activité"...
04:21 - Exactement, alors on a la chance dans le groupe Gambetta d'avoir deux activités,
04:24 une activité de promotion que vous décrivez, et une activité aussi de patrimoine,
04:29 qui nous permet de gérer les deux temporalités, parce que vous avez raison,
04:32 on est dans une situation, dans un choc immédiat qu'il faut gérer,
04:35 et on aura du mal à définir notre avenir à plus de 18 mois.
04:38 - Pourquoi elle dure cette crise ?
04:40 C'est le renchérissement du compte construction,
04:42 c'est toujours la flambée des matières premières, vous en êtes toujours là ?
04:44 - Non, on en est là parce qu'on revient sur la demande.
04:48 L'immobilier c'est simple, c'est vous vous achetez pour habiter, vous vous achetez pour investir.
04:52 Si vous voulez acheter pour habiter, vous avez besoin d'aide,
04:56 ce qui s'appelle le pré-atôt zéro.
04:57 Donc si on fait un super pré-atôt zéro, vous pouvez gagner 20 000 logements.
05:00 Si vous voulez aider les investisseurs, il y a deux types d'investisseurs,
05:03 les particuliers et les HLM.
05:05 Si vous voulez aider ces deux investisseurs, vous créez 80 000 logements.
05:09 Donc le sujet, vous avez sur un marché de 200 000 unités,
05:12 vous pouvez créer par des mesures fiscales, par une incitation,
05:15 demain, tout de suite, 100 000 logements.
05:17 Le sujet est là, les programmes on les a tous dans les cartons,
05:20 et c'est le gouvernement qui a vraiment, on a le carburant, on a l'épargne,
05:24 on a des taux qui sont maintenant stabilisés, on a une inflation qui a gommé les prix,
05:28 on a tout pour redémarrer, c'est une vraie décision politique.
05:30 - Vous avez d'énormes environnementales plus exigeantes aussi,
05:32 lorsque vous lancez des programmes de construction, Norbert Fanchon ?
05:35 - Oui, et en fait pendant des années on a tout pu,
05:38 pendant des années on a accepté de construire moins.
05:40 Imaginez que quand vous avez une capacité de faire 100 logements sur un terrain,
05:43 on n'en fait que 70.
05:45 On a accepté de faire effectivement plus que les normes.
05:47 Aujourd'hui on ne sait plus faire.
05:48 - Je veux dire, par là, acheter dans le neuf, ça reste plus cher qu'acheter dans l'ancien,
05:52 l'écart se creuse, le neuf est de moins en moins accessible aussi,
05:55 par ce surcoût induit par les normes environnementales.
05:59 Les coûts de matières premières, vous les répercutez forcément à l'achat, à la vente ?
06:03 - C'est ce qui fait que le chiffre, c'est 1000 logements lancés en commercialisation,
06:07 alors que normalement c'est 20 000.
06:09 Mais le neuf a toujours plus cher que l'ancien, évidemment.
06:12 - Mais est-ce que l'écart se creuse ?
06:14 - Non, non, non.
06:15 C'est pour ça que j'exprime le fait qu'on ne lancera pas des programmes qu'on ne va pas commercialiser.
06:20 Alors que dans l'ancien vous êtes sur un marché de stock,
06:22 alors que dans le neuf vous êtes sur un marché de flux.
06:24 Et donc l'écart ne se creusera pas, en gros c'est 30%,
06:27 mais par contre vous n'aurez pas de logement neuf avec les conséquences sur l'emploi et sur la société.
06:31 Le logement c'est ce qui fait société.
06:33 Moi je ne suis pas là pour parler de mes emplois et de mon activité économique.
06:37 Le logement c'est 1,5 PIB, c'est la TVA qui manque dans le budget du ministre des Finances.
06:43 C'est tous les sujets que vous traitez par ailleurs, le logement est la clé.
06:47 - Bon, on rentre en lien, on retiendra votre note d'espoir, en tout cas,
06:50 que vous avez exprimé ce matin sur Europe 1,
06:52 c'est que les logements qui ne sont pas construits aujourd'hui devront être construits demain, tôt ou tard.
06:55 Donc vous comptez, vous les promoteurs, sur un effet de rattrapage dans les mois qui viennent ?
07:00 - Ça sera plutôt dans les années.
07:02 - Malheureusement, mais cette vision-là, elle est optimiste, vous avez raison,
07:05 mais elle est aussi cynique, parce qu'entre-temps, on se le redit,
07:09 il y aura des drames sur l'emploi et sur le vivre ensemble
07:12 que vous évoquiez juste avant pour le journal BVS suivre.
07:14 - Merci Norbert Fanchon, président du groupe Nouvelle-État, promoteur immobilier.