Ecrivain dont la production reste abondante, avocat de Tixier-Vignancour et Kadhafi, aujourd'hui nonagénaire et toujours en activité, François Gibault est aussi l’héritier de Louis-Ferdinand Céline, dont il vient d'assurer l'édition de trois manuscrits égarés, ainsi que du peintre Dubuffet, dont, entre autres chefs d'œuvre, les plus belles toiles ornent le splendide appartement qui abrita de nombreuses célébrités du tout-Paris (de Françoise Sagan ou Jacques Chazot au couple Pompidou...), où il nous reçoit avec la simplicité du grand seigneur. Ce vieil homme amusé semble avoir tout vu et tout connu d'un Paris qui fut longtemps l'une des lumières du monde - et pour ainsi dire la capitale mondiale de la liberté de l'esprit et des mœurs. Son secret : être lui-même jusqu’au bout, assumer tout l'individu qui est en soi, sans préjugé ni routine, cultiver l'humour, écrire et lire beaucoup, prendre des bains glacés et, par-dessus tout, savoir saisir les innombrables hasards qui passent...
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00:00:00 En six ans de pouvoir, Emmanuel Macron a littéralement cramé la caisse.
00:00:04 Après le Covid et sa politique aussi liberticide qu'exorbitante,
00:00:07 vous payez à présent cash l'incurie de nos dirigeants dans le secteur énergétique.
00:00:12 Les amis d'Emmanuel Macron ont fait entrer la France dans un marché européen
00:00:16 pour détruire notre compétitivité.
00:00:18 Ils vous ont fait ensuite payer des éoliennes polluantes
00:00:21 et fabriquées en Chine pour fournir à peine 6% de notre énergie.
00:00:26 Et cerise sur le gâteau,
00:00:27 ces fous de Bruxelles ont ensuite édicté des sanctions délirantes
00:00:32 contre les énergies russes sans résultat pour la paix,
00:00:34 mais en nous privant de gaz et donc d'électricité à prix abordable.
00:00:38 Toutes hontes bues, ces "lumières" ont ensuite menacé les Français
00:00:42 de coupure d'électricité s'ils ne faisaient pas preuve de sobriété énergétique.
00:00:47 Et pour couronner le tout, alors que le pays sombre,
00:00:50 le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a trouvé le temps de publier un roman
00:00:54 au rolant pornographique, le tout salué par la presse du système à la botte du pouvoir.
00:00:58 Ils sont indécents.
00:01:00 Ils mentent.
00:01:01 Et ils se paient notre tête.
00:01:04 Avec ces pieds nickels et toxiques, les artisans crèvent, les entreprises ferment,
00:01:07 et la facture d'électricité de TVL a quant à elle été multipliée par 6.
00:01:12 Cette clique met en péril notre survie.
00:01:15 Et ces liens que nous avons tissés depuis 10 ans ensemble,
00:01:19 grâce à son indépendance, grâce à vous,
00:01:21 TVL incarne pourtant l'alternative à l'information suffocante des médias du système.
00:01:27 En finançant TVL, vous participez activement au contre-pouvoir.
00:01:31 Alors aidez-nous, financez TVL et soyez acteur du changement.
00:01:36 Je compte sur vous.
00:01:38 [Musique]
00:02:01 [Musique]
00:02:25 Cher François Gibault, merci beaucoup de nous recevoir.
00:02:29 - Non, c'est moi qui vous remercie de ma miété.
00:02:31 - Dans cet appartement qui est absolument magnifique, dans le centre de Paris.
00:02:34 - C'est ma maison natale, attention.
00:02:36 - Vignette née.
00:02:37 - Je suis né au deuxième étage et j'habite le premier.
00:02:40 - On peut dire, puisque tout le monde le sait, que nous sommes à deux pas de la pagode,
00:02:44 qu'était un cinéma très réputé, qui hélas est en train de disparaître comme tant de choses,
00:02:49 et qui fut la propriété de vos parents.
00:02:51 - Qui fut la propriété de mon grand-père, oui.
00:02:56 Et de sa seconde femme qui était ma grand-mère.
00:03:00 Et ils habitaient là, c'était un salon, un salon de réception.
00:03:07 - Magnifique appartement, on ne peut pas tout voir, ni tout montrer,
00:03:11 mais les toiles, les tableaux, les sculptures sont abondantes.
00:03:16 Vous parlez de votre grand-père, ça tombe bien,
00:03:18 j'étais étonné pour tout dire que votre dernier petit livre,
00:03:22 parce que vous en avez fait de gros, une vingtaine, qui s'appelle "La bonne étoile".
00:03:27 - Qui a été illustré par César.
00:03:29 - Illustré par César, votre fils adoptif, on peut dire,
00:03:35 qui a une douzaine d'années et qui a fait les illustrations.
00:03:39 Vous écrivez un peu pour lui ce livre ?
00:03:42 - Oui, enfin c'est...
00:03:47 Si on écrit pour quelqu'un, non, on l'écrit comme ça parce que ça vient comme ça.
00:03:54 - Il y a une espièglerie dans la dédicace, il est dédié à César,
00:04:04 il est dédié à deux autres personnes,
00:04:11 une que vous ne nommez pas,
00:04:16 et puis une troisième qui est justement votre grand-père, Antoine Gibaud.
00:04:21 - C'est ça, Auguste.
00:04:22 - Auguste Gibaud, oui pardon, excusez-moi, je lis mal.
00:04:24 - Qui était né, ses parents étaient ouvriers à Châtellerault,
00:04:31 et lui a commencé comme cordonnier et a fait le Tour de France.
00:04:35 Il était compagnon du Tour de France,
00:04:37 qui était une espèce de noblesse, oui, absolument.
00:04:42 Et puis il est arrivé à Paris, et là il a bien travaillé,
00:04:49 il a été un bon cordonnier, puis un chef d'industrie,
00:04:52 et il a été... les chaussures Gibaud étaient très connues,
00:04:56 et il était président de la chambre syndicale.
00:04:59 - Il a fait fortune d'une certaine façon.
00:05:01 - Et il a fait fortune bien entendu.
00:05:03 - Et alors pourquoi lui dédier...
00:05:05 - Et il était le père de mon père.
00:05:09 - Voilà, pourquoi lui dédier ce livre ?
00:05:11 - Parce que j'ai une vénération pour lui...
00:05:13 - Vous avez à peine connu, il est mort en 36.
00:05:16 - Il est mort à presque 100 ans.
00:05:18 - Vous aviez 4 ou 5 ans, on peut dire.
00:05:20 - J'avais... j'ai un souvenir de lui, un seul.
00:05:24 - Lequel ?
00:05:26 - On lui rendait visite dans son hôtel particulier
00:05:31 qui était au nord de Paris, et moi j'étais enfant,
00:05:36 on m'a assis sur un espèce de pouf en soie,
00:05:39 sur lequel j'ai fait pipi.
00:05:41 Bon, c'est un incident mineur,
00:05:45 et ma grand-mère a poussé les grands cris,
00:05:47 elle m'a engueulé,
00:05:49 et là mon grand-père a pris ma défense,
00:05:51 il a dit "fous-nous la paix avec ton pouf,
00:05:54 on s'en fout de ton pouf,
00:05:56 on a des enfants, c'est une joie".
00:05:59 - Et près de 90 ans plus tard, vous vous en dommage.
00:06:02 - Il était mon avocat.
00:06:04 - Il était votre avocat.
00:06:06 Ce que vous devintez un peu plus tard,
00:06:08 je ne sais pas par où commencer,
00:06:10 on va suivre le fil du temps,
00:06:12 tout simplement, c'est banal,
00:06:14 mais c'est excellent,
00:06:16 parce que votre vie est trop foisonnante,
00:06:18 vous avez été avocat, vous l'êtes toujours,
00:06:20 vous plégez toujours.
00:06:22 - J'ai 91 ans, je suis toujours au barreau,
00:06:24 ce qui fait que tous les problèmes de retraite
00:06:26 en ce moment, ça m'amuse beaucoup.
00:06:28 - Oui, évidemment, voyez ça de haut,
00:06:30 comme toute chose,
00:06:32 mais votre vie est un symbole de toute la France,
00:06:35 et de l'évolution de la France,
00:06:37 nous allons en parler.
00:06:39 Avocat, écrivain surtout,
00:06:41 exécuteur testamentaire de Céline.
00:06:45 - Non, non, je...
00:06:47 - Pas exécuteur testamentaire, pardon.
00:06:49 - Je suis héritier aujourd'hui.
00:06:51 Un des deux héritiers de Céline.
00:06:53 Un héritier de Mme Céline,
00:06:55 qui était la seule héritière de son mari.
00:06:57 - C'est ça, ça nous reparlerons de Céline,
00:06:59 qui a tant compté pour vous,
00:07:01 dont vous fuite le premier biographe,
00:07:03 Céline, trois gros volumes qui font autorité.
00:07:05 - Trois gros volumes, après...
00:07:07 - Et qui sont un peu repris aujourd'hui.
00:07:09 - Des années d'enquête, de voyages,
00:07:11 pour recueillir des témoignages,
00:07:13 des documents, oui.
00:07:15 - Et puis, vous acceptez que l'on dise
00:07:17 que par dessus le marché,
00:07:19 outre écrivain et grand avocat,
00:07:21 dont les clients sont célèbres,
00:07:23 Kadhafi, Bokassa,
00:07:25 Dix-et-Vignancourt,
00:07:27 enfin j'en passe,
00:07:29 est-ce qu'on peut dire que...
00:07:31 écrivain,
00:07:33 parce que vous êtes essentiellement,
00:07:35 à mon avis, profondément un écrivain,
00:07:37 nous sommes d'ailleurs ici dans votre bureau de travail,
00:07:39 encore vous avez dit que vous travaillez beaucoup
00:07:41 dans la cuisine,
00:07:43 - Je travaille un peu partout,
00:07:45 je travaille dans le train, je travaille en avion,
00:07:47 - Et est-ce qu'on peut dire...
00:07:49 - Quand vous dites, tiens,
00:07:51 demain matin, j'ai pas de rendez-vous,
00:07:53 je vais écrire, vous êtes certain
00:07:55 que ça marchera pas.
00:07:57 - Ça marche pas, ça vient.
00:07:59 - On est dans un taxi,
00:08:01 ou en avion.
00:08:03 - Alors vous êtes essentiellement un écrivain.
00:08:05 Est-ce que vous accepteriez que je dise
00:08:07 que vous étiez, que vous êtes toujours
00:08:09 un grand mondain aussi ?
00:08:11 - J'ai été très mondain, malheureusement
00:08:13 la vie mondaine à Paris a beaucoup changé,
00:08:15 surtout depuis
00:08:17 l'épidémie,
00:08:19 mais même
00:08:21 elle a changé,
00:08:23 moi j'étais reçu chez des femmes
00:08:25 comme Hélène Rochasse,
00:08:27 une des femmes de Guitry,
00:08:29 et...
00:08:31 je me suis reçu
00:08:33 dans les meilleures maisons de Paris,
00:08:35 et...
00:08:37 et maintenant j'ai l'impression
00:08:39 que cette société-là,
00:08:41 les gens ne s'en foutent,
00:08:43 et que...
00:08:45 cette société-là
00:08:47 n'existe plus, voilà.
00:08:49 - Alors vous avez une théorie, on va pas faire de la théorie,
00:08:51 on revient sur votre vie, mais qui m'intéresse beaucoup.
00:08:53 Vous m'avez dit un jour, au cours d'un dîner
00:08:55 dans une pièce à côté,
00:08:57 que...
00:08:59 la liberté allait de pair
00:09:01 avec l'imagination, mais que l'image,
00:09:03 l'obsession de l'image,
00:09:05 tuait
00:09:07 et l'imagination, et par conséquent la liberté.
00:09:09 - Prenez le métro,
00:09:11 ou un train, ou un avion, les gens vont
00:09:13 passer tout le trajet devant leur...
00:09:15 à regarder des images.
00:09:17 - Quelquefois au restaurant, même.
00:09:19 - Donc ça, ça tue, on le voit au restaurant, partout.
00:09:21 Et... ça tue l'imagination,
00:09:23 ils...
00:09:25 ils n'ont plus besoin d'imaginer,
00:09:27 on les bombarde
00:09:29 d'images, n'est-ce pas ?
00:09:31 - Et le lien que vous faites avec la liberté est intéressant.
00:09:33 L'abondance d'images
00:09:35 tue l'imagination,
00:09:37 et la liberté en...
00:09:39 - L'imagination...
00:09:41 - L'imaginaire est détruit.
00:09:43 - Ben oui, parce que...
00:09:45 entre la liberté
00:09:47 et l'imaginaire, il y a...
00:09:49 ce sont cousins, cousines, hein,
00:09:51 ils sont ensemble,
00:09:53 quand vous...
00:09:55 si vous imaginez, c'est une
00:09:57 expression de votre liberté.
00:09:59 - Voilà. Et la matrice de la liberté aussi.
00:10:01 - Voilà. - Parce que vous imaginez...
00:10:03 si on produit l'exigence de liberté.
00:10:05 - Ça, je vois ça...
00:10:07 Flaubert ne...
00:10:09 - Il ne voulait pas illustrer.
00:10:11 - Il s'est posé à toute illustration de ces...
00:10:13 parce qu'il a dit, si on voit...
00:10:15 si j'écris
00:10:17 "la marquise rentre dans le salon"
00:10:19 et qu'à droite, on voit une dame qui rentre
00:10:21 dans le salon,
00:10:23 le lecteur n'a plus à imaginer.
00:10:25 Il n'a plus à travailler,
00:10:27 si vous voulez. De moins en moins de gens
00:10:29 lisent...
00:10:31 beaucoup de jeunes,
00:10:33 même dans les bonnes familles,
00:10:35 ne s'intéressent plus à rien du tout,
00:10:39 ils ne vont pas dans les expositions,
00:10:41 ils n'achètent pas de tableaux,
00:10:43 voilà, ils n'ont pas...
00:10:45 - Ça, c'est pas notre cas.
00:10:47 - Ils n'ont pas mes passions, voilà.
00:10:49 Ils ne partagent pas mes passions.
00:10:51 - Un peu exilé.
00:10:53 Vous vous sentez un peu exilé en France,
00:10:55 maintenant.
00:10:57 - Maintenant, je suis un petit peu exilé,
00:10:59 mais je l'ai toujours été, moi je suis un individu,
00:11:01 un homme seul.
00:11:03 J'ai toujours travaillé seul, pratiquement seul.
00:11:05 Quand j'étais avocat, quand je suis...
00:11:09 je le suis toujours.
00:11:11 Évidemment avec une activité réduite,
00:11:13 il n'y a pas beaucoup de clients
00:11:15 qui choisissent un avocat
00:11:17 pour commencer une affaire qui est 91 ans.
00:11:19 - Pour marquer le centenaire
00:11:21 de la guerre de 14,
00:11:23 vous avez organisé, avec l'Ordre des avocats,
00:11:25 une manifestation très émouvante
00:11:29 où vous avez fait lire des lettres
00:11:31 de soldats.
00:11:33 - Oui, j'ai fait lire des lettres de soldats
00:11:35 à leur bâtonnier,
00:11:37 et puis en même temps, j'avais écrit un livre
00:11:39 qui a été publié chez Gallimard,
00:11:41 qui était "Le barreau de Paris
00:11:43 et la grande guerre".
00:11:45 Parce que le barreau de Paris a payé
00:11:47 très très cher
00:11:49 sa participation à la guerre.
00:11:51 - C'est-à-dire en divin ?
00:11:53 - On a envoyé...
00:11:55 il faut savoir
00:11:57 qu'en août 14,
00:11:59 c'est-à-dire quand la guerre commence
00:12:01 au début août 14,
00:12:03 on ne mobilise que 3 ou 4 classes,
00:12:05 c'est-à-dire les gamins de 20, 21,
00:12:09 22, 23 ans.
00:12:11 Or nous en avons, je crois,
00:12:13 40 avocats,
00:12:15 à une époque où le baron
00:12:17 n'était pas aussi nombreux qu'aujourd'hui,
00:12:19 et qui est mort au mois d'août 14.
00:12:21 Au mois d'août 14, avec des pantalons rouges,
00:12:25 on les a envoyés
00:12:27 à pied,
00:12:31 alors qu'en face, il y avait des mitrailleuses,
00:12:33 ça a été une boucherie épouvantable.
00:12:35 - Elle vous a marqué rétrospectivement,
00:12:39 et elle a beaucoup marqué Céline aussi.
00:12:41 - Elle avait marqué Céline,
00:12:43 évidemment,
00:12:45 comme tous ceux qui ont
00:12:47 été
00:12:49 en première ligne.
00:12:51 Il s'est battu en première ligne,
00:12:53 il a été blessé dès septembre 14,
00:12:55 et il est revenu
00:12:57 comme tout le...
00:12:59 comme mon père,
00:13:01 avec des slogans comme "Plus jamais ça",
00:13:03 "La dernière des dernières",
00:13:05 vous savez,
00:13:07 et ils se sont révoltés
00:13:09 quand
00:13:11 ils ont senti,
00:13:13 dans les années 30, que
00:13:15 ça allait recommencer.
00:13:17 - Alors, Céline l'a bien vue, ça ?
00:13:19 - Céline l'a bien vue,
00:13:21 alors...
00:13:23 ils pensaient que les Juifs,
00:13:27 tous les émigrés
00:13:31 qui avaient fui
00:13:33 le terrorisme,
00:13:35 le nazisme,
00:13:37 poussaient, évidemment,
00:13:39 pour que la France fasse la guerre,
00:13:41 c'était d'ailleurs normal,
00:13:45 mais Céline savait que la guerre,
00:13:49 on allait la perdre.
00:13:51 - Hitler voulait détruire la France, c'était son obsession,
00:13:53 il faut dire aussi, on ne pouvait pas ne pas la faire,
00:13:55 qu'est-ce qu'il voulait la faire ?
00:13:57 - Céline a écrit,
00:13:59 évidemment, des livres
00:14:01 qu'on lui a reprochés
00:14:03 presque tout de suite,
00:14:05 et ensuite qu'on lui a reprochés
00:14:07 beaucoup plus après la guerre,
00:14:09 de manière
00:14:11 beaucoup plus précise,
00:14:13 dans laquelle il dit
00:14:15 il faut essayer de s'allier
00:14:17 avec l'Allemagne
00:14:19 contre la Russie,
00:14:21 parce qu'il pensait que la Russie était...
00:14:23 - Beaucoup de gens pensaient ça, notamment dans le pays.
00:14:25 - L'URSS était
00:14:27 un jour
00:14:29 envahirait l'Europe,
00:14:31 parce que
00:14:33 le communitaire n'avait pas
00:14:37 ambition de
00:14:39 répandre le régime communiste
00:14:41 dans le monde entier.
00:14:43 - Et pour commencer en Europe.
00:14:45 Alors, parlons de Céline,
00:14:47 vous naissez l'année
00:14:49 où il est déjà très célèbre,
00:14:51 il a le Renault Do pour "Mort à crédit"
00:14:53 je crois.
00:14:55 - Non, le Renault Do pour "Voyage au bout de la nuit".
00:14:57 - Pour "Voyage au bout de la nuit", oui.
00:14:59 Il a raté
00:15:01 le Goncourt de Peu, d'ailleurs.
00:15:03 - Il a raté le Goncourt de Peu, là aussi,
00:15:05 il y a eu une injustice, enfin,
00:15:07 ça a participé à sa révolte,
00:15:09 finalement, c'était un révolté.
00:15:11 - Comment l'avez-vous...
00:15:13 - Un révolutionnaire, un anarchiste.
00:15:15 - Comment l'avez-vous découvert, Céline, donc ?
00:15:17 - Moi, un de mes amis,
00:15:19 André Damien,
00:15:21 qui a été maire de Versailles,
00:15:23 après qu'il était personnage.
00:15:25 - Grand avocat.
00:15:27 - Grand avocat, avec lequel
00:15:29 j'étais très ami, me dit un jour,
00:15:31 "Oh, tiens, ce soir,
00:15:33 si ça t'amuse, tu viens avec moi,
00:15:35 je vais dîner chez Mme Céline, moi ça m'amuse pas,
00:15:37 il faut s'asseoir par terre devant un feu de bois,
00:15:39 c'est pas mon genre."
00:15:41 Et je l'ai accompagné
00:15:43 à Meudon chez Céline,
00:15:45 qui était morte depuis un an,
00:15:47 c'était exactement en 62,
00:15:49 en gros un an,
00:15:51 presque jour pour jour,
00:15:53 après le décès de Céline,
00:15:55 j'ai découvert une femme,
00:15:57 Luciette Almanzon,
00:15:59 qui était la bève de Céline,
00:16:01 et entre nous, il y a eu...
00:16:03 - Coup de foudre.
00:16:05 - Coup de foudre, mais c'est un peu ça.
00:16:07 On s'est immédiatement entendus.
00:16:09 - Une complicité énorme
00:16:11 entre elle et lui.
00:16:13 - Elle m'a dit de revenir la voir,
00:16:15 je suis revenu la voir, j'ai pris des cours de danse
00:16:17 chez elle,
00:16:19 et puis on s'est vus
00:16:21 finalement, 3 ou 4 fois
00:16:23 par semaine, on a voyagé
00:16:25 dans le monde entier, moi j'étais emmené au Japon,
00:16:27 on est allé 3 fois en Inde,
00:16:29 on est allé en Birmanie,
00:16:31 au Népal, dans des endroits
00:16:33 impossibles,
00:16:35 et...
00:16:37 on était abonnés ensemble
00:16:39 à l'opéra,
00:16:41 je lui ai fait un peu changer de vie,
00:16:43 parce qu'évidemment il n'était pas question de tout ça,
00:16:45 du temps de Céline. - Évidemment, évidemment.
00:16:47 C'était merveilleux pour elle de vous avoir
00:16:49 rencontré, et je crois qu'elle se reposait
00:16:51 beaucoup sur vous pour toute décision.
00:16:53 - C'est à dire qu'elle avait confiance en moi,
00:16:55 donc elle m'a...
00:16:57 c'est là où on dit
00:16:59 que j'ai été l'exécuteur testamentaire
00:17:01 de Céline, en fait j'ai fait fonction,
00:17:03 si vous voulez, je l'ai aidé,
00:17:05 puis ensuite,
00:17:07 Gallimard a pris l'habitude
00:17:09 d'envoyer
00:17:11 le courrier chez moi,
00:17:13 et de m'avoir comme correspondant.
00:17:15 Alors quand c'était des choses
00:17:17 banales, c'est moi qui prenais les décisions,
00:17:19 mais chaque fois qu'il y avait
00:17:21 une décision importante à prendre,
00:17:23 je la consultais,
00:17:25 et nous étions toujours d'accord.
00:17:27 - C'est vous qui la consultiez, et non pas elle
00:17:29 qui vous consultait, c'est très bien.
00:17:31 Mais maintenant vous ne pouvez plus la consulter,
00:17:33 elle était évidemment favorable,
00:17:35 petit épisode sur lequel j'aimerais
00:17:37 revenir, à l'édition
00:17:39 des écrits
00:17:41 censurés,
00:17:43 - Polemique à la réédition, alors moi...
00:17:45 - Ça a failli se faire, Gallimard est élucté.
00:17:47 - Avec Céline, quand vous vous occupez
00:17:49 de Céline, quand vous défendez Céline,
00:17:51 quoi que vous fassiez, vous vous faites engueuler.
00:17:53 Moi, j'ai
00:17:55 vécu ça pendant des années,
00:17:57 ce qui fait que je me suis opposé
00:17:59 comme Mme Céline,
00:18:01 et comme Céline lui-même,
00:18:03 à toute réédition des pamphlets,
00:18:05 pendant des années, et je me suis fait
00:18:07 engueuler, on m'envoyait
00:18:09 des menaces de mort, enfin il y a eu
00:18:11 des quantités de...
00:18:13 - Et à Mme Céline aussi,
00:18:15 on me disait,
00:18:17 vous ne parlez que du gentil Céline,
00:18:19 et vous...
00:18:21 vous mettez un boisseau sur le méchant,
00:18:23 vous le castrez,
00:18:25 vous lui suivez,
00:18:27 ce sont des livres extrêmement forts,
00:18:29 vous n'avez pas le droit d'interdire la publication.
00:18:31 Voilà.
00:18:33 - Et puis alors maintenant, les temps ont changé,
00:18:35 évidemment,
00:18:37 de serait-ce que parce que dans moins de 10 ans,
00:18:39 ces pamphlets seront
00:18:41 dans le domaine public.
00:18:43 Ensuite, on les a publiés
00:18:45 au Canada,
00:18:47 sans aucun problème,
00:18:49 puisque au Canada,
00:18:51 les droits d'auteur sont limités à 50 ans,
00:18:53 au lieu de 70 ans en Europe.
00:18:55 Et ensuite,
00:18:57 le pamphlet de Robatey
00:18:59 a été
00:19:01 republié également,
00:19:03 sans aucune difficulté, mais alors cette fois-ci,
00:19:05 en France... - Mais pourquoi Gallimard a-t-il cédé ?
00:19:07 Parce que Antoine Gallimard
00:19:09 était d'accord dans un premier temps,
00:19:11 il a reculé.
00:19:13 - Antoine Gallimard était d'accord pour qu'on fasse
00:19:15 une édition
00:19:17 scientifique avec un appareil critique important.
00:19:19 C'est ça qu'il faut.
00:19:21 Ce sont des écrits qu'il faut resituer
00:19:23 dans leur temps,
00:19:25 très particulier les années 30,
00:19:27 et qu'il faut expliquer.
00:19:29 Voilà.
00:19:31 Et quelqu'un,
00:19:33 a diffusé
00:19:35 une fausse nouvelle,
00:19:37 disant, en décembre,
00:19:39 "oui, oui, on va les publier en mai".
00:19:41 Quelqu'un de chez Gallimard.
00:19:43 Et...
00:19:45 C'est pas Antoine, bien entendu.
00:19:47 Et c'est pas moi. Et c'était idiot.
00:19:49 Et ça a été une fausse nouvelle
00:19:51 qui a déclenché
00:19:53 la foudre.
00:19:55 - Mais l'idée est toujours d'actualité.
00:19:57 - Mais l'idée est d'actualité,
00:19:59 il faudra, on a encore
00:20:01 quelques années... - Ca dépend que de vous.
00:20:03 - Mais vous savez,
00:20:05 publier les pamphlets de Céline, je ne le ferai pas de gaieté de coeur.
00:20:07 C'est parce que...
00:20:09 Voilà.
00:20:11 N'importe qui
00:20:13 va pouvoir les publier
00:20:15 sans appareil critique, sans explication.
00:20:17 Et ces pamphlets,
00:20:19 que j'ai relus,
00:20:21 récemment,
00:20:23 il faut...
00:20:25 Pour essayer de comprendre,
00:20:27 il faut les resituer
00:20:29 dans le contexte
00:20:31 des années 30.
00:20:33 - Plus amusant, on peut dire, a été
00:20:35 le record Bolesque Histoire
00:20:37 des trois manuscrits trouvés
00:20:39 il y a quelques années et publiés.
00:20:41 - Oui, alors là, c'est une autre histoire.
00:20:43 - En deux mots.
00:20:45 - Céline, vous savez,
00:20:47 on vole...
00:20:49 Moi, je le pratique depuis des années,
00:20:51 depuis 60 ans.
00:20:53 Et véritablement,
00:20:55 on vole toujours de surprise en surprise.
00:20:57 C'est un...
00:20:59 C'est...
00:21:01 C'est un manuscrit qu'on croyait perdu,
00:21:03 que Céline avait laissé
00:21:05 chez lui en 44, quand il est parti.
00:21:07 - Au moment... - Non pas en Allemagne,
00:21:09 mais au Danemark. Il est parti au Danemark
00:21:11 avec sa femme et son chat.
00:21:13 Il a emporté un certain nombre de manuscrits,
00:21:15 mais ils avaient des valises,
00:21:17 ils partaient en train.
00:21:19 Donc, il ne pouvait pas tout emporter.
00:21:21 Et...
00:21:23 - Il a laissé prendre un manuscrit.
00:21:25 - Les manuscrits qui étaient laissés ont finalement disparu
00:21:27 dans des conditions un peu...
00:21:29 toujours très controversées.
00:21:31 Mais en tout cas,
00:21:33 Céline ne les a pas trouvés quand il est rentré.
00:21:35 Et...
00:21:37 Ce qui est intéressant,
00:21:39 c'est que
00:21:41 dans les correspondances du Danemark,
00:21:43 dans certaines correspondances,
00:21:45 il a dit, voilà,
00:21:47 j'ai laissé tel, tel, tel manuscrit.
00:21:49 Alors, les manuscrits qui ont été
00:21:51 retrouvés il y a 3 ans,
00:21:53 eh bien,
00:21:55 sont exactement
00:21:57 ceux qu'il avait...
00:21:59 - Évoqués à ce moment-là.
00:22:01 - Évoqués à l'époque.
00:22:03 Et que le Danemark...
00:22:05 - On m'a prévenu, un avocat,
00:22:07 peut-être un ami,
00:22:09 et qui est maintenant
00:22:11 un ennemi,
00:22:13 m'a prévenu
00:22:15 en me disant, voilà, j'ai un client
00:22:17 qui a des manuscrits de Céline.
00:22:19 Donc, nous sommes allés avec Véronique Chauvin,
00:22:21 qui est la co-héritière
00:22:23 de Mme Céline, tous les deux.
00:22:25 Et là, ce monsieur
00:22:27 nous a dit,
00:22:29 effectivement, qu'il
00:22:31 conservait un certain nombre
00:22:33 de manuscrits de Céline,
00:22:35 qu'on lui avait donnés,
00:22:37 avec
00:22:39 une double condition.
00:22:41 Premièrement, ne dites pas qui vous les a donnés,
00:22:43 ce qui montrait
00:22:45 que c'était quand même
00:22:47 de la marchandise un peu suspecte.
00:22:49 Et deuxième,
00:22:51 qui confirmait
00:22:53 ce que je viens de dire,
00:22:55 l'interdiction de les donner
00:22:57 à Mme Céline de son vivant.
00:22:59 Interdiction à Mme Céline.
00:23:01 Donc, on savait, ce monsieur
00:23:03 savait que ça appartenait
00:23:05 à Mme Céline.
00:23:07 Voilà. Alors,
00:23:09 moi j'ai dit, pas
00:23:11 de décision, ce monsieur
00:23:13 était plutôt sympathique,
00:23:15 je sais pas.
00:23:17 Mme Robert,
00:23:19 ma co-héritière,
00:23:21 n'était pas
00:23:23 tout à fait de cet avis. En tout cas, moi je lui ai dit,
00:23:25 aucune décision n'est prise aujourd'hui.
00:23:27 Envoyez-moi la liste.
00:23:29 On m'a envoyé la liste
00:23:31 par mai, le soir même.
00:23:33 Et, on a
00:23:35 découvert que c'étaient exactement
00:23:37 les manuscrits que Céline
00:23:39 disait lui avoir été volés, enfin,
00:23:41 avoir laissés dans la maison.
00:23:43 - Oui, volés par ceux qui ont suivi dans la maison.
00:23:45 Et qui l'ont gardé, quand même.
00:23:47 - À ce moment-là, nous avons consulté un avocat,
00:23:49 qui a pris contact avec l'avocat
00:23:51 et avec ce monsieur, et qui lui a dit
00:23:53 mes clients sont,
00:23:55 première condition,
00:23:57 remis des manuscrits, ils sont
00:23:59 propriétaires, c'était des manuscrits qui appartenaient à Céline.
00:24:01 Et là, aucun
00:24:03 accord n'a pu parvenir,
00:24:05 ils ont refusé
00:24:07 de donner
00:24:09 les manuscrits. Ils voulaient
00:24:11 donner quelques
00:24:13 correspondances, ou des papiers secondaires.
00:24:15 Et,
00:24:17 et à ce moment-là,
00:24:19 ça a été
00:24:21 niais de leur part.
00:24:23 Un refus
00:24:25 absolu. Donc,
00:24:27 mon avocat m'a dit,
00:24:29 tu n'as pas d'autre solution
00:24:31 que de porter plainte.
00:24:33 Et nous avons porté plainte, mais
00:24:35 pas tout de suite, puisque le rendez-vous
00:24:37 est lu en juin, et la plainte
00:24:39 est 8 mois plus tard en février.
00:24:41 - 22, alors, c'était l'année dernière.
00:24:43 C'était en 2022, pardon.
00:24:45 - Non, non, non, c'était en
00:24:47 en 20.
00:24:49 La plainte a été posée en 20.
00:24:51 Et à ce moment-là,
00:24:53 quand ce monsieur a été convoqué par la police,
00:24:55 et bien immédiatement,
00:24:57 il a dit, oh, les manuscrits,
00:24:59 les voilà.
00:25:01 Ce calamiable,
00:25:03 il a mal joué.
00:25:05 Peut-être qu'il a été mal conseillé,
00:25:07 j'en sais rien, mais il a mal joué.
00:25:09 Parce qu'il nous aurait donné
00:25:11 les manuscrits, on pouvait l'associer
00:25:13 à la publication,
00:25:15 euh...
00:25:17 Voilà.
00:25:19 Evidemment, pas question d'associer...
00:25:21 - Est-ce que ça marche ?
00:25:23 Est-ce que les ventes sont...
00:25:25 - Alors, les ventes ont été extraordinaires pour Guerre,
00:25:27 pour Londres,
00:25:29 c'est un peu plus difficile,
00:25:31 mais c'était quand même une très belle vente.
00:25:33 Je crois qu'on était à 50, 60 000
00:25:35 exemplaires.
00:25:37 - Donc on peut dire que Céline reste
00:25:39 avec deux ou trois autres
00:25:41 monstres sacrés.
00:25:43 - Avec Proust essentiellement.
00:25:45 - Proust, Gide, non.
00:25:47 - Gide n'est plus lu.
00:25:49 - Moryac, c'est plus...
00:25:51 - Ils ne sont plus très lus, non.
00:25:53 - Monterland, enfin c'est...
00:25:55 - Et la langue de Gide,
00:25:57 c'est trop bien écrit,
00:25:59 finalement, c'est un style
00:26:01 assez démodé.
00:26:03 - On ne peut pas le dire de Céline.
00:26:05 - Mais moi, j'ai beaucoup admiré Céline,
00:26:07 j'ai lu Céline quand j'étais étudiant,
00:26:09 et il venait dans cet appartement
00:26:11 ici,
00:26:13 très souvent, il est venu très souvent ici.
00:26:15 - Mais vous ne l'avez pas connu.
00:26:17 - Je ne l'ai pas connu, mais
00:26:19 l'appartement a été loué
00:26:21 à la vicondesse de l'étrange, qui était
00:26:23 une amie, une grande amie de Gide.
00:26:25 - Il a cassé la langue, hein, beaucoup,
00:26:27 Céline, c'est peut-être la raison
00:26:29 de son succès, il a beaucoup cassé la langue.
00:26:31 - Alors c'est une autre langue, c'est une langue plus moderne,
00:26:33 c'est une langue que tu peux parler,
00:26:35 c'est de l'émotion écrite,
00:26:37 enfin c'est quelque chose
00:26:39 de très spécial,
00:26:41 mais évidemment, il a,
00:26:43 comme Proust d'ailleurs,
00:26:45 inventé un style,
00:26:47 ce qui est curieux, c'est que tous les gens,
00:26:49 les gens disent,
00:26:51 "ah vous aimez aimer Céline, donc vous aimez aimer Proust",
00:26:53 c'est complètement faux, moi j'ai lu
00:26:55 Proust, on peut aimer
00:26:57 les deux,
00:26:59 ce qui est spécial,
00:27:01 c'est que tout est
00:27:03 autobiographique chez eux, mais alors
00:27:05 romancé, évidemment,
00:27:07 c'est-à-dire que, "Ange Olivier"
00:27:09 ou "En Lady" pour Céline,
00:27:11 et,
00:27:13 ils ont écrit tous les deux,
00:27:15 des oeuvres qui sont
00:27:17 pour partie
00:27:19 autobiographiques,
00:27:21 Proust,
00:27:23 dans le langage qu'il a entendu
00:27:25 dans les beaux quartiers,
00:27:27 et Céline dans celui
00:27:29 qu'il a,
00:27:31 ce français qu'il a entendu dans les
00:27:33 quartiers populaires. - Dans les quartiers populaires,
00:27:35 et dans les
00:27:37 tranchées aussi.
00:27:39 Alors,
00:27:41 on peut dire qu'il a été persécuté.
00:27:43 - Céline ? - Oui.
00:27:45 - Bon il l'a,
00:27:47 c'est ce
00:27:49 qu'il a toujours dit,
00:27:51 persécuté est un grand mot,
00:27:55 - C'était pas drôle,
00:27:57 l'exil au Danemark. - Parce que beaucoup vous diront
00:27:59 qu'il était aussi dans le camp des
00:28:01 persécuteurs.
00:28:03 - Oui.
00:28:05 Alors, venons-en
00:28:07 peut-être à des aspects plus
00:28:09 politiques,
00:28:11 nous divergeons sur Céline, parce que je n'arrive
00:28:13 pas à lire Céline, pour te dire, ça me tombe des mains,
00:28:15 j'ouvre le confit de nouveau,
00:28:17 mais,
00:28:19 nous avons une autre divergence, c'est le général
00:28:21 de Gaulle, vous portez sur le général de Gaulle
00:28:23 un regard très sévère, François Gibeault,
00:28:25 à la libération, vous le trouvez injuste.
00:28:27 - Je pense que le général de Gaulle,
00:28:29 en partant en 40, a évidemment
00:28:31 rendu un immense service à la France,
00:28:33 mais qu'ensuite,
00:28:37 à la libération,
00:28:39 au lieu de rassembler
00:28:41 les Français, il les a divisés
00:28:43 par, il fallait
00:28:45 savoir qu'il y avait
00:28:47 beaucoup de bons Français qui avaient été pour le
00:28:49 Maréchal Pétain, tout simplement.
00:28:51 Il n'y avait pas les bons et les méchants,
00:28:53 il y avait les
00:28:55 gens qui se sont trompés,
00:28:57 qui étaient de bonne foi, et certains
00:28:59 étaient de... - Mais Pétain,
00:29:01 lui-même s'est trompé, vous l'accablez
00:29:03 un peu, Pétain, comme ministre de la guerre
00:29:05 des années 30, vous m'avez failli remarquer
00:29:07 un jour, il avait diminué
00:29:09 les crédits de guerre, alors qu'on savait très bien
00:29:11 qu'Hitler était armé. - Oui, parce que quand il a été un très mauvais ministre
00:29:13 de la guerre,
00:29:15 il l'a été dans les années 30,
00:29:17 alors qu'Hitler était déjà là,
00:29:19 en train de reconstituer une armée,
00:29:21 et Pétain était
00:29:23 resté, selon la stratégie
00:29:25 de Catton, c'est-à-dire
00:29:27 l'infanterie reine
00:29:29 des batailles, et
00:29:31 les blindés,
00:29:33 c'est pour accompagner
00:29:35 l'infanterie, surtout pas
00:29:37 de division blindée, et pas
00:29:39 d'aviation, surtout.
00:29:41 - C'est là la grande responsabilité
00:29:43 de Pétain, finalement. - Oui, oui.
00:29:45 - Alors, il y a un autre épisode
00:29:47 qui vous fait rencontrer fâcheusement
00:29:49 dans votre esprit le général
00:29:51 de Gaulle, c'est l'Algérie. L'Algérie
00:29:53 compte beaucoup pour vous,
00:29:55 vous voilà à 20 ans.
00:29:57 - Tous les gens qui ont connu la guerre d'Algérie
00:29:59 sont
00:30:01 choqués
00:30:03 pour le reste de leur vie.
00:30:05 - Vous n'aviez pas 20 ans quand vous partez
00:30:07 faire vos classes à Saumur ?
00:30:09 - J'avais un peu plus de 20 ans parce que j'avais fait des études poussières.
00:30:11 - Mépoussées.
00:30:13 - J'avais 24
00:30:15 ou 25 ans.
00:30:17 - Saumur ?
00:30:19 - Je vais servir d'abord
00:30:21 comme deuxième classe, parce que
00:30:23 je n'avais pas fait de préparation militaire.
00:30:25 Mais là, il y a un examen
00:30:27 à la fin des classes
00:30:29 et je suis envoyé, que je
00:30:31 réussis très bien, beaucoup mieux
00:30:33 que mes diplômes
00:30:35 universitaires.
00:30:37 Et là, je suis envoyé
00:30:39 à Saumur où
00:30:41 je découvre un monde,
00:30:43 un univers et où
00:30:45 je m'émancipe,
00:30:47 pour la première fois.
00:30:49 C'est là la coupure avec la famille.
00:30:51 - C'est-à-dire que je suis
00:30:53 tout d'un coup,
00:30:55 je pense, un
00:30:57 très bon élève officier.
00:30:59 D'ailleurs, je sors parmi les premiers de ma promotion
00:31:01 avec le grade
00:31:03 de sous-lieutenant,
00:31:05 pas le grade de...
00:31:07 - De sergent ?
00:31:09 - Non, non, non.
00:31:11 L'inférieur, ça s'appelle
00:31:13 les... je ne sais plus comment.
00:31:15 En tout cas...
00:31:17 - Aspirant.
00:31:19 - Avant d'être sous-lieutenant,
00:31:21 je sors sous-lieutenant, on me demande
00:31:23 de rester comme instructeur pendant 6 mois
00:31:25 de la promotion suivante.
00:31:27 D'élève,
00:31:29 je me suis trouvé avec un képi,
00:31:31 un uniforme,
00:31:33 j'avais le droit de monter
00:31:35 à cheval tous les matins,
00:31:37 j'avais une moto,
00:31:39 ça a été une vie extraordinaire
00:31:41 pendant 6 mois.
00:31:43 Et puis là, je suis parti pendant un an en Algérie.
00:31:45 - Directement au feu.
00:31:47 - Ben là, directement au feu, je suis arrivé
00:31:49 le soir même de mon arrivée.
00:31:51 - En 56.
00:31:53 - Je commandais un peloton
00:31:55 sur le terrain.
00:31:57 - Mais vous avez vu la mort de Pré à plusieurs reprises,
00:31:59 vous m'avez raconté des anecdotes.
00:32:01 - Ah oui, plusieurs fois, parce qu'on était sur le barrage
00:32:03 tunisien, on était
00:32:05 tout de même assez exposés,
00:32:07 il y avait les mines, on avait les engins blindés
00:32:09 mais il y avait les mines, moi je circulais
00:32:11 en Jeep parce que...
00:32:13 voilà, j'avais mon
00:32:15 blindé personnel
00:32:17 de commandement derrière moi,
00:32:19 mais j'ai
00:32:21 failli sauter sur mine,
00:32:23 j'ai sauté sur mine, mais heureusement,
00:32:25 alors là, dans un engin blindé,
00:32:27 parce que quand vous sautiez sur mine
00:32:29 avec une Jeep, vous pratiquement
00:32:31 il n'y avait pas de survivants.
00:32:33 - Pas de survivants, oui.
00:32:35 Très jeune, bataille du feu,
00:32:37 vous avez... - Pas si jeune que ça,
00:32:39 puisque j'avais quand même... - Ah, vous aviez 25 ans.
00:32:41 - J'avais 25, 26, 27 ans.
00:32:43 - Trois ans, vous êtes resté en Algérie.
00:32:45 - Et j'ai été passionné là-bas
00:32:47 par le contact avec les hommes.
00:32:49 Moi j'avais
00:32:51 une trentaine d'hommes,
00:32:53 quelques fois plus quand j'avais commandé
00:32:55 et quand mon capitaine n'était pas là,
00:32:57 mais...
00:32:59 là, on était comme
00:33:01 dans un couvent, on n'était pas du tout dans
00:33:03 une ville, un village, même,
00:33:05 il n'y avait personne, personne, personne,
00:33:07 on était complètement isolés,
00:33:09 et on avait des rapports
00:33:11 humains extraordinaires, avec mes hommes
00:33:13 ça a été extraordinaire, c'était vraiment
00:33:15 mes enfants,
00:33:17 et ils m'aimaient bien, ils avaient confiance
00:33:19 en moi, je pouvais leur demander n'importe quoi.
00:33:21 - Bon,
00:33:23 et voilà que
00:33:25 quand vous rentrez, vous comprenez
00:33:27 que le général de Gaulle a en tête
00:33:29 l'indépendance de l'Algérie, ce qui
00:33:31 détruit... - Ah oui, on le sentait
00:33:33 depuis déjà un moment,
00:33:35 et je rentre,
00:33:37 c'est... c'est un miracle,
00:33:39 là je rentre, c'est la fin
00:33:41 des procès du FLN,
00:33:43 et le début des procès de l'OAS.
00:33:45 Et... - Et vous,
00:33:47 vous faites d'avocat de l'OAS ?
00:33:49 - Je me... - Ah, des avocats.
00:33:51 - Je défends
00:33:53 des gens de l'OAS, je ne suis pas
00:33:55 l'avocat de l'OAS. - Oui, d'accord.
00:33:57 - Je défends des gens
00:33:59 qu'on poursuit,
00:34:01 et c'est mon rôle d'avocat,
00:34:03 et comme...
00:34:05 comme...
00:34:07 défenseur de deux,
00:34:09 j'ai été commis d'office,
00:34:11 à ma demande, pour deux,
00:34:13 dans des affaires criminelles,
00:34:15 j'ai pas eu à plaider
00:34:17 parce qu'il y a eu l'amnistie
00:34:19 en 62,
00:34:21 mais je les ai défendus
00:34:23 devant les juges d'instruction,
00:34:25 et j'avais dit... je savais
00:34:27 comment j'allais les défendre,
00:34:29 j'allais les défendre en disant...
00:34:31 Moi j'étais
00:34:33 dans l'armée française parce que je suis français,
00:34:35 mais j'aurais été...
00:34:37 j'aurais été algérien,
00:34:39 probablement j'aurais été dans le MAKI,
00:34:41 voilà, c'était ça mon système de défense,
00:34:43 si vous voulez.
00:34:45 - Je crois que le groupe a fait la même chose.
00:34:47 - Et alors après,
00:34:49 je suis embarqué
00:34:51 par André Damien,
00:34:53 qui était avocat
00:34:55 à Versailles,
00:34:57 bâtonnier de Versailles,
00:34:59 et là je rencontre dans un procès
00:35:01 Jean-Louis Tissier-Vinancourt
00:35:03 qui va
00:35:05 m'apprécier,
00:35:07 mais on a
00:35:09 un très très chaleureux
00:35:11 rapport, et professionnel
00:35:13 puisque il va m'envoyer des affaires,
00:35:15 un jour il me téléphone en me disant
00:35:17 "J'ai tous les conjurés dans l'affaire
00:35:19 du petit Clamart, qui était quand même
00:35:21 à l'attentat contre le chef de l'État,
00:35:23 et...
00:35:25 m'ont demandé de le défendre, est-ce que vous
00:35:27 acceptez d'en prendre un ? J'ai dit "Bien sûr".
00:35:29 J'ai donc aidé,
00:35:31 je suis le dernier survivant d'ailleurs
00:35:33 de cette affaire,
00:35:35 tous les...
00:35:37 les juges, tout le monde est mort,
00:35:39 les avocats,
00:35:41 les accusés,
00:35:43 et...
00:35:45 ça a été un procès extraordinaire,
00:35:47 avec
00:35:49 les journaux,
00:35:51 les télévisions du monde entier.
00:35:53 - Alors, est-ce que vous avez fait de la politique
00:35:55 à ce moment-là, plus ou moins ? Vous avez fait la campagne
00:35:57 de Tissier-Vinancourt en 65 ?
00:35:59 - Il m'avait demandé.
00:36:01 Il m'avait demandé parce qu'il était candidat
00:36:03 à la présidence de la République,
00:36:05 et tout l'été, il avait loué
00:36:07 une tente d'un cirque,
00:36:09 et il faisait des plages comme ça,
00:36:11 et il avait besoin d'une vedette américaine,
00:36:13 c'est-à-dire quelqu'un pour parler avant lui,
00:36:15 et j'ai dit non parce que
00:36:19 il était trop compromettant,
00:36:21 mais j'étais très ami avec lui, j'ai été le voir
00:36:23 dans sa maison en Espagne,
00:36:25 on...
00:36:27 on dînait souvent ensemble,
00:36:29 et les week-ends dans sa maison de campagne.
00:36:31 Mais je voulais pas
00:36:33 me marquer parce que
00:36:35 je le trouvais trop à droite,
00:36:37 et c'est
00:36:39 Jean-Marc Varro qui a accepté,
00:36:41 mon confrère. - Mon confrère Jean-Marc Varro.
00:36:43 - Lui est très marqué à droite, encore plus que moi.
00:36:45 - Monarchiste.
00:36:47 - Qui est monarchiste,
00:36:49 et qui a
00:36:51 servi comme ça de...
00:36:53 pour chauffer la salle avant que
00:36:55 le grand orateur
00:36:57 Jean-Louis Tixier Yancourt prenne la parole.
00:36:59 - Avec sa voix de bronze.
00:37:01 - Avec une voix magnifique.
00:37:03 C'était un avocat extraordinaire.
00:37:05 - Mais peut-être avez-vous
00:37:07 connu son directeur de campagne,
00:37:09 qui était Jean-Marie Le Pen,
00:37:11 en 1969. - Alors Jean-Marie Le Pen,
00:37:13 moi je l'ai rencontré
00:37:15 mais après je l'ai entendu
00:37:17 comme témoin dans les affaires.
00:37:19 Il est venu témoigner dans un
00:37:21 procès que j'avais,
00:37:23 il a été magnifique,
00:37:25 un témoin magnifique, magnifique.
00:37:27 - Vous avez loué l'éloquence de Jean-Marie Le Pen.
00:37:29 - Il était d'abord
00:37:31 un excellent, oui.
00:37:33 Et puis ensuite,
00:37:35 il m'a
00:37:37 demandé de...
00:37:39 de...
00:37:41 il m'a demandé
00:37:43 de...
00:37:45 de faire... il s'occupait d'une maison
00:37:47 de disques. - Oui, la Cercle.
00:37:49 - Et il voulait
00:37:51 mettre sur disques
00:37:53 une maison
00:37:55 très marquée à droite,
00:37:57 évidemment. Et il voulait
00:37:59 mettre dessus les
00:38:01 interviews de Céline.
00:38:03 Et moi, moi, je...
00:38:05 j'ai pas voulu parce que
00:38:07 justement c'était trop politiquement
00:38:09 marqué. Puis je l'ai revu une dernière fois
00:38:11 aux obsèques de
00:38:13 Jean-Marc Varron, puisque c'est moi qui faisais
00:38:15 les loges funèbres
00:38:19 dans une grande église
00:38:21 de Paris. C'était très intimidant.
00:38:23 Il y avait toute l'académie.
00:38:25 Et il y avait des gens
00:38:27 de gauche, de droite. Il y avait des hommes politiques
00:38:29 de tous les partis. C'était
00:38:31 vraiment très amusant. Il y avait Le Pen
00:38:33 qui est venu me voir après
00:38:35 et qui m'a félicité pour...
00:38:37 les loges de Varron.
00:38:39 - Alors Jean-Marc Varron, qui était monarchiste,
00:38:41 occasion de dire que
00:38:43 entre nous,
00:38:45 pour cette conversation,
00:38:47 nous avons la tête
00:38:49 de Louis XVI. - Sans que je sois vraiment monarchiste.
00:38:51 - Alors vous êtes très ambigu là-dessus.
00:38:53 Le principe ne vous déplaît pas ?
00:38:55 - Pourquoi pas ?
00:38:57 On voit que ça marche bien
00:38:59 dans certains pays comme l'Angleterre
00:39:01 ou dans les pays du Nord
00:39:03 et en Espagne. Mais...
00:39:05 Pourquoi pas ?
00:39:07 Mais enfin...
00:39:09 - Il manque un prétendant. - Je ne suis pas monarchiste.
00:39:11 - Il manque un prétendant.
00:39:13 - Ils n'ont aucune chance de revenir.
00:39:15 - Ils ne prétendent pas.
00:39:17 - Ni en joues, ni en léant.
00:39:19 - Ni en léant.
00:39:21 - Et donc...
00:39:23 - De toute façon...
00:39:25 - Mais là, vous avez la tête de Louis XVI
00:39:27 qui était chez André Damien
00:39:29 et que quand André est mort,
00:39:31 il y a eu une vente de son mobilier.
00:39:33 J'ai acheté ça aux enchères publiques.
00:39:35 C'est un objet que j'aimais beaucoup.
00:39:37 Je lui avais dit
00:39:39 pendant des années,
00:39:41 n'oublie pas de le mettre pour moi
00:39:43 sur mon testament.
00:39:45 - Il n'a pas fait.
00:39:47 - Donc je l'ai racheté.
00:39:49 Et j'aime beaucoup.
00:39:51 C'est une pierre. Je ne sais pas comment c'est.
00:39:53 C'est extrêmement lourd.
00:39:55 Et voilà.
00:39:57 Et c'est lui avant sa mort
00:39:59 puisqu'il a les yeux ouverts.
00:40:01 - Vous avez une affection quand même pour Louis XVI.
00:40:03 - Ça c'est un objet...
00:40:05 C'est peut-être l'objet que je préfère ici.
00:40:07 - Quand je vous ai demandé quelques objets
00:40:09 qui signifiaient beaucoup de choses pour vous,
00:40:11 vous avez dit aussitôt Louis XVI.
00:40:13 - Oui.
00:40:15 Pour moi c'est un...
00:40:17 D'abord parce que j'étais très lié avec André Damien.
00:40:19 Et puis ensuite
00:40:21 parce que c'est un bel objet.
00:40:23 Un objet qui veut dire quelque chose
00:40:25 qui est très émouvant.
00:40:27 - Avec son sourire.
00:40:29 Mais alors, sans être monarchiste,
00:40:31 vous êtes on peut dire très conservateur.
00:40:33 Vous ne voulez pas faire de politique.
00:40:35 Vous avez l'esprit conservateur.
00:40:37 - Moi, je m'appartenais à une famille
00:40:39 plutôt de droite.
00:40:41 Évidemment.
00:40:43 Des bourgeois de droite.
00:40:45 - Du 7e arrondissement.
00:40:47 - Mais...
00:40:49 Je n'ai jamais vraiment milité
00:40:51 pour un parti de droite.
00:40:53 - De toute façon,
00:40:55 après ces épisodes, dans les années 60,
00:40:57 et 70, et 80,
00:40:59 il y a quelque chose qui vous hape.
00:41:01 Littéralement.
00:41:03 Et là vous me fascinez.
00:41:05 Vous m'étonnez beaucoup pour votre facilité
00:41:07 à pénétrer
00:41:09 tous les milieux de Paris et à devenir
00:41:11 pardon du mot,
00:41:13 pour moi il n'est pas dépréciatif, un grand rondin.
00:41:15 Vous rencontrez
00:41:17 la cour et la ville.
00:41:19 La première, par exemple, c'est Françoise Sagan.
00:41:21 Vous êtes devenu très ami avec Françoise Sagan.
00:41:23 - Oui, très ami.
00:41:25 Elle savait pourtant que je défendais
00:41:27 l'OAS, que j'avais été en Algérie.
00:41:29 Mais elle était
00:41:31 vraiment libérale.
00:41:33 Elle était...
00:41:35 Voilà.
00:41:37 Je l'ai
00:41:39 vraiment beaucoup aimé, cette femme.
00:41:41 - Ici intervient un personnage
00:41:43 qui a beaucoup marqué.
00:41:45 François Sagan, qui est Bob Westhoff.
00:41:47 Qui a été aussi un de vos amis.
00:41:51 - Ah bah oui.
00:41:53 Je suis un ami, parce qu'il habitait ici
00:41:55 pendant
00:41:57 une trentaine d'années.
00:41:59 Il a habité ici
00:42:01 pendant une trentaine d'années.
00:42:03 Il est mort
00:42:05 à l'hôpital, mais enfin, pratiquement
00:42:07 dans mes bras.
00:42:09 Françoise, qui était séparée
00:42:11 de lui, l'aimait beaucoup.
00:42:13 D'ailleurs, quand ils ont
00:42:15 se divorcé, ils ont
00:42:17 vécu ensemble six ou sept
00:42:19 années.
00:42:21 Quand on entend qu'il arrivait ici avec sa petite
00:42:23 valise, je suis fâché avec Françoise.
00:42:25 Et alors,
00:42:27 j'ai demandé un jour à Françoise Sagan,
00:42:29 c'était un modèle très, très
00:42:31 amusant, "Pourquoi
00:42:33 avez-vous divorcé
00:42:35 pour continuer
00:42:37 à vivre avec lui ?" Et elle m'a répondu
00:42:39 "Parce que les célibataires
00:42:41 sont plus séduisants que les hommes mariés."
00:42:43 C'est un mot admirable.
00:42:45 - Il y en a un autre, un jour,
00:42:47 c'est vous qui m'avez raconté ça, je crois,
00:42:49 elle vous donne un billet,
00:42:51 elle vous dit "François,
00:42:53 je vous invite
00:42:55 dans ma tombe, il y a de la place pour vous,
00:42:57 avec Bob."
00:42:59 - Trois lettres d'elle,
00:43:01 je vous confirme que
00:43:03 je vous invite
00:43:05 dans mon tombeau à Cajar
00:43:07 avec Bob.
00:43:09 - Dans le Cercis.
00:43:11 Dans le Cercis, dans le Lot.
00:43:13 - Et longtemps,
00:43:15 j'avais pensé dire oui, puis finalement,
00:43:17 je trouve que,
00:43:19 vis-à-vis de mes grands-pères, il faut que je sois
00:43:21 avec mes grands-pères, avec l'un d'eux.
00:43:23 - Alors, ce Bob-là,
00:43:27 qui était un
00:43:29 officier américain,
00:43:31 qui est devenu...
00:43:33 - Il a été, oui, officier américain.
00:43:35 - Danseur ?
00:43:37 - Danseur, patineur.
00:43:39 Il a travaillé à
00:43:41 Holy Day on Ice comme patineur.
00:43:43 - Très bel homme.
00:43:45 - Très très bel homme. Il a été mannequin,
00:43:47 il était sculpteur aussi.
00:43:49 En fait, il n'aimait pas travailler,
00:43:53 donc il ne travaillait pas.
00:43:55 - Et vous avez dit tout de même
00:43:57 que ce personnage, je vous cite,
00:43:59 "a rénové ma vie de fond en comble".
00:44:01 - C'est-à-dire que
00:44:03 moi, j'ai été élevé ici, dans cette maison,
00:44:05 dans un milieu bourgeois,
00:44:07 on allait à la messe tous les dimanches.
00:44:09 - À Saint-François-Xavier.
00:44:11 - Saint-François-Xavier, à côté d'ici.
00:44:13 Et ce monde...
00:44:15 En fait,
00:44:17 quand j'ai commencé ma carrière d'avocat
00:44:19 et que j'ai...
00:44:21 Je suis sorcier,
00:44:23 que j'ai vu les gens,
00:44:25 que j'ai vu Mme Céline.
00:44:27 Mme Céline m'a présenté à des quantités de gens,
00:44:29 le peintre Jeanne-Paul,
00:44:31 Marcel Aimé,
00:44:33 qui étaient des gens très importants.
00:44:35 - Du buffet ?
00:44:37 - Du buffet.
00:44:39 - Il y a beaucoup de du buffet chez vous.
00:44:41 - Alors évidemment, tout ça, c'était des gens
00:44:43 qui étaient plus ou moins anarchistes,
00:44:45 plus ou moins... Enfin, c'est un autre milieu
00:44:47 que celui dans lequel j'avais été élevé.
00:44:49 Et ça m'a...
00:44:51 J'ai eu mes propres ailes.
00:44:53 Je me suis beaucoup amusé.
00:44:55 - Bernard Franck.
00:44:57 - Évidemment, Bernard Franck.
00:44:59 - Jacques Chazot.
00:45:01 - Jacques Chazot.
00:45:03 - Charles Aznavour. Vous avez connu tout le monde.
00:45:05 - Charles Aznavour, parce que, beaucoup plus tard,
00:45:07 il est venu pour Mme Céline.
00:45:09 Et...
00:45:11 Tous les Céliniens, moi, j'ai connu
00:45:13 des quantités... - Arletty.
00:45:15 - Arletty, ça, je la connaissais avant.
00:45:17 Mais je l'ai connu également par...
00:45:19 - Comment vous avez fait pour rencontrer tout le monde
00:45:21 en quelques années, dans les années 60 ?
00:45:23 - Par Lucette, et on va la voir très souvent,
00:45:25 et on va voir ses spectacles.
00:45:27 Et effectivement, c'était très amusant,
00:45:29 comme les spectacles de Marcel Aimé, d'ailleurs.
00:45:31 - Quelle vie
00:45:33 fut la vôtre ?
00:45:35 À ce moment-là, c'était très amusant,
00:45:37 parce qu'en même temps, vous êtes avocat,
00:45:39 vous avez de très grandes causes.
00:45:41 - C'est une série...
00:45:43 - Et la vie est très libre. - De hasard.
00:45:45 Moi, je crois beaucoup pour hasard,
00:45:47 mais il faut les attraper.
00:45:49 - Il faut les attraper, oui, c'est ça.
00:45:51 - Il ne faut pas les laisser passer, parce que les occasions
00:45:53 se reproduisent. - Beaucoup de gens
00:45:55 laissent passer des hasards
00:45:57 qui pourraient bouleverser ou agrandir
00:45:59 leur vie, et par paresse,
00:46:01 par indifférence, par timidité,
00:46:03 ou en se jouant à la canonique...
00:46:05 - Moi, quand j'ai connu Bobo Stoff, il m'a dit
00:46:07 "il faut absolument que tu connaisses Françoise".
00:46:09 Ils étaient mariés, bien entendu,
00:46:11 et c'est lui
00:46:13 qui m'a emmené,
00:46:15 comme Damien m'a emmené
00:46:17 chez Mme Céline.
00:46:19 Ce sont des rencontres
00:46:21 qui vont vous...
00:46:23 avoir une influence sur votre parcours.
00:46:25 - Dans "La bonne étoile",
00:46:27 il y a une clé, votre personnage,
00:46:29 c'est que vous, on dit
00:46:31 "ne jamais
00:46:33 jouer la comédie".
00:46:35 - Ne jamais jouer la comédie...
00:46:37 - C'est le propre de l'homme libre, ça.
00:46:39 - Oui, essayer d'être vrai,
00:46:41 voilà, dans la vérité.
00:46:43 - C'est le secret pour...
00:46:45 - Dans ce petit livre,
00:46:47 j'ai écrit une postface
00:46:49 à laquelle je tiens beaucoup.
00:46:51 - Oui.
00:46:53 - "J'ai trop parlé
00:46:55 et j'ai trop écrit,
00:46:57 ne me le reprochez pas
00:46:59 parce que je vais avoir
00:47:01 l'éternité pour me taire."
00:47:03 - Ah ah !
00:47:05 - Et ça, c'est... - Un autre bon mot.
00:47:07 - C'est... J'aime beaucoup ça.
00:47:09 C'est vrai, c'est exactement la vérité.
00:47:11 - Et il faut parler tant qu'on l'est en vie,
00:47:13 évidemment. - Je me dépêche de
00:47:15 continuer à vivre et d'écrire
00:47:17 et de rencontrer des gens.
00:47:19 - Avec un peu de boulimie,
00:47:21 beaucoup d'originalité, par exemple,
00:47:23 vous êtes un spécialiste,
00:47:25 un adepte des bains glacés,
00:47:27 ça m'a toujours surpris. - Oui, ça, j'ai toujours aimé.
00:47:29 - J'ai plusieurs fois essayé, je vais vous dire que...
00:47:31 - C'est mon côté masochiste. - ...tu ne multiplies pas.
00:47:33 - C'est mon côté masochiste et il s'est
00:47:35 trouvé, de façon tout à fait
00:47:37 fortuite, que Mme Céline
00:47:39 avait les mêmes goûts,
00:47:41 aimait les mêmes choses,
00:47:43 prenait tous les matins des bains froids
00:47:45 et quand on était en voyage,
00:47:47 on cassait la glace,
00:47:49 s'il fallait casser la glace,
00:47:51 on se baignait dans la mer froide,
00:47:53 voilà. J'ai toujours aimé ça.
00:47:55 - Alors, il y a,
00:47:57 malgré tout, ça,
00:47:59 c'est une attache chez vous à un désir de paternité,
00:48:01 je trouve. - Un désir de ?
00:48:03 - De paternité.
00:48:05 - Oui.
00:48:07 - Très satisfait,
00:48:09 on peut dire sur le tard,
00:48:11 puisque votre fils adoptif a 12 ans.
00:48:13 - Oui, oui.
00:48:15 - Il y a eu un autre fils adoptif
00:48:17 qui était Philippe Nicolitch,
00:48:21 qui a beaucoup compté pour vous.
00:48:23 - Oui, qui a beaucoup compté pour moi,
00:48:25 je lui ai dédié d'ailleurs un livre,
00:48:27 un livre
00:48:29 pour mon fils, en quelque sorte,
00:48:31 quelque chose comme ça.
00:48:33 Oui, Philippe a été un type formidable
00:48:35 qui a...
00:48:37 - Vous l'a rencontré dans un régal ?
00:48:39 - Que j'ai lui aussi sorti
00:48:41 de son milieu.
00:48:43 - Alors, il faut dire pour nos téléspectateurs
00:48:45 qui ne voient plus nécessairement
00:48:47 qui c'est, car hélas, il est mort,
00:48:49 lui aussi à cause de la drogue, je crois,
00:48:51 assez jeune, à 35 ans,
00:48:53 il a été la vedette
00:48:55 d'un trio qui s'appelait les 2B3.
00:48:57 - C'est ça qu'on appelle les 2B3,
00:48:59 qui a...
00:49:01 - Magnifique garçon, lumineux.
00:49:03 - Il a fait des concerts, mais les foules
00:49:05 étaient hystériques, hystériques.
00:49:07 Ils étaient dans la télévision
00:49:09 toutes les semaines,
00:49:11 dans les journaux, partout.
00:49:13 - C'était terrible.
00:49:15 - Et c'était un garçon extraordinaire,
00:49:17 voilà,
00:49:19 qui était d'un milieu extrêmement simple,
00:49:21 son père était conducteur de camion,
00:49:23 et...
00:49:25 - C'est terrible,
00:49:27 - Quand je l'ai connu, je lui ai acheté
00:49:29 un smoking, je lui ai acheté...
00:49:31 Je l'ai emmené à l'opéra,
00:49:33 et je l'ai sorti avec moi dans des familles,
00:49:35 Hélène Rochasse,
00:49:37 par exemple,
00:49:39 mais...
00:49:41 - Mais même à l'étranger, alors ça,
00:49:43 - La famille royale marocaine,
00:49:45 un soir je l'avais emmené au Maroc,
00:49:47 je l'ai emmené à Moscou,
00:49:49 - À New York.
00:49:51 - Aux Etats-Unis,
00:49:53 un peu partout.
00:49:55 - Et partout, il renversait les coeurs.
00:49:57 - Incroyable.
00:49:59 - Vous l'avez rencontré dans un gymnase,
00:50:01 non, c'est pas ça ?
00:50:03 - Dans un gymnase, moi je faisais
00:50:05 beaucoup de gymnastique,
00:50:07 - Et des danses ?
00:50:09 - Non, bon,
00:50:11 - Vous aimez la danse ?
00:50:13 - Madame Céline m'avait dit,
00:50:15 il faut que tu abandonnes le barreau
00:50:17 pour être danseur.
00:50:19 J'avais plus de 30 ans,
00:50:21 on commence pas une carrière
00:50:23 de danseur à 30 ans.
00:50:25 - Mais enfin,
00:50:27 vous l'avez rencontré dans une salle
00:50:29 de gymnastique,
00:50:31 il a habité ici un certain temps,
00:50:33 - Il a habité, moi,
00:50:35 il avait une chambre ici,
00:50:37 oui,
00:50:39 c'est moi qui me suis occupé
00:50:41 de lui faire finir ses études,
00:50:43 - Il s'est marié,
00:50:45 - Je l'avais installé au Langsot,
00:50:47 parce qu'il parlait yougoslav et un peu russe,
00:50:49 - Serbe.
00:50:51 C'est un serbe d'origine.
00:50:53 - Un personne très extraordinaire,
00:50:55 très brillant.
00:50:57 Je l'ai fait dîner avec Madame Pompidou,
00:50:59 je l'ai fait dîner avec des quantités de gens,
00:51:01 qui étaient
00:51:03 des gens que je connaissais,
00:51:05 bien entendu,
00:51:07 et chez lesquels je recevais ici.
00:51:09 - Il n'a pas survécu,
00:51:11 il a cette popularité qui sans doute
00:51:13 a été trop bouleversante pour lui.
00:51:15 - Ça a été trop vite,
00:51:17 tous les boys band
00:51:19 se sont arrêtés en même temps,
00:51:21 il y avait d'autres boys band,
00:51:23 il y avait les World Apart,
00:51:25 je ne sais plus comment ils s'appelaient,
00:51:27 et
00:51:29 ça a été une mode
00:51:31 qui a passé très vite.
00:51:33 - Dans toutes les personnes que vous avez rencontrées,
00:51:37 Paris en somme,
00:51:39 ou vos clients,
00:51:41 on a parlé de Kadhafi,
00:51:43 on a parlé de Bokassa,
00:51:45 je ne sais pas si j'ai dit que vous avez été l'avocat de Bokassa,
00:51:47 - Oui, oui.
00:51:49 - J'ai été l'avocat du général Oufki,
00:51:51 dans l'affaire Ben Barka.
00:51:53 - Oufki, c'était pas rien.
00:51:55 - C'était pas rien,
00:51:57 en fait j'ai été l'avocat du roi du Maroc
00:51:59 qui m'avait demandé
00:52:01 de défendre les marocains dans cette affaire
00:52:03 et le seul qui se soit présenté
00:52:05 - Le roi vous avait demandé de défendre Oufki,
00:52:07 parce qu'après ça a mal tourné entre eux.
00:52:09 - Après ça a mal tourné,
00:52:11 mais à l'époque il était ministre de l'intérieur,
00:52:13 c'était l'homme fort du régime,
00:52:15 et il avait comme adjoint
00:52:17 Edlimi qui est venu,
00:52:19 qui s'est livré le dernier jour du procès,
00:52:21 ce qui a provoqué son renvoi,
00:52:23 et qui a été détenu pendant 8 mois,
00:52:31 il était commandant de la Légion d'honneur,
00:52:35 il était chef de la police marocaine,
00:52:41 et après 8 mois de détention,
00:52:43 il a été acquitté.
00:52:45 - Kadhafi vous a un peu marqué aussi, non ?
00:52:47 - Kadhafi, je l'ai connu comme ça,
00:52:53 je l'ai rencontré 3 fois dans ma vie,
00:52:55 mais vraiment je ne peux pas dire que j'ai eu
00:52:59 un entretien avec lui,
00:53:01 mais j'ai eu un entretien avec ses ministres,
00:53:03 et je l'ai défendu personnellement.
00:53:05 - Dans l'affaire du TA par exemple ?
00:53:07 - Dans l'affaire des sédices du TA,
00:53:11 il avait été mis en examen par un juge d'instruction à Paris,
00:53:15 et il a été fait casser par la cour de cassation,
00:53:19 cette mise en examen n'a jamais été poursuivie dans l'affaire.
00:53:23 - Mais c'est très étrange cette affaire,
00:53:25 - Pour moi elle est mystérieuse,
00:53:29 la justice française,
00:53:33 je ne pense pas qu'elle détienne la vérité dans cette affaire.
00:53:39 - On a appelé Kadhafi ?
00:53:41 - Je ne sais pas qui a fait cet attentat,
00:53:45 - Sans doute une puissance qui n'avait pas intérêt à la normalisation des rapports de Kadhafi.
00:53:49 - Un horrible attentat,
00:53:51 mais c'était à une époque où Kadhafi cherchait à normaliser
00:53:55 ses rapports avec les américains,
00:53:59 les français, avec l'occident,
00:54:01 ils s'étaient beaucoup rapprochés.
00:54:03 - Et il aurait pu devenir une puissance fréquentable,
00:54:05 une très grande puissance.
00:54:07 Anti-islamique d'ailleurs.
00:54:09 - Il était plus fréquentable,
00:54:11 devenu plus fréquentable qu'il n'avait été.
00:54:13 - Oui, et très opposé à l'islamisation.
00:54:17 - Et il était tout à fait ennemi,
00:54:21 et les islamistes n'avaient pas droit à la parole,
00:54:25 c'était pas un démocrate,
00:54:27 mais c'était un homme qui était du côté de l'occident,
00:54:33 qui était devenu du côté de l'occident.
00:54:35 - Oui, qui a cherché à devenir,
00:54:37 mais on a l'impression que certaines puissances
00:54:39 voulaient absolument le séparer,
00:54:41 l'occident et de l'Europe,
00:54:43 et de la France en particulier.
00:54:45 Mais passons.
00:54:47 Alors, je finis ma question après beaucoup de parenthèses.
00:54:51 Dans toutes ces rencontres,
00:54:53 laquelle vous a le plus marqué,
00:54:55 pouvez-vous trouver un ou deux ou trois personnages
00:54:59 qui vous ont marqué ?
00:55:01 On a parlé de Bob Westhoff.
00:55:03 - Il y a Madame Céline, il y a Jean Dubuffet.
00:55:09 - Jean Dubuffet.
00:55:11 - Il faut savoir quand même qu'aujourd'hui,
00:55:13 c'est la même personne, c'est moi,
00:55:15 qui défends deux œuvres majeures.
00:55:17 - Dubuffet et Céline.
00:55:19 - Dubuffet et Céline,
00:55:21 avec des qualités différentes,
00:55:23 puisque je suis héritier de l'un,
00:55:25 mais je suis président depuis 20 ans,
00:55:27 j'ai très bien connu Dubuffet,
00:55:29 c'est moi qui ai été le président
00:55:31 c'est moi qui ai, comme avocat, fait la fondation
00:55:35 qui est l'héritier de Dubuffet
00:55:39 et je la préside depuis 20 ans.
00:55:42 Je suis membre du conseil depuis 73, je crois.
00:55:46 Je suis évidemment le plus ancien.
00:55:50 - Vous exercez une certaine fascination sur les avocats.
00:55:53 Vous n'êtes pas très médiatique.
00:55:55 On vous voit de temps en temps à la télévision,
00:55:57 on n'a pas l'impression que vous courriez
00:55:59 après les médias et l'image.
00:56:01 - Non, moi je n'ai jamais couru après les médias.
00:56:03 - Vous avez beaucoup d'autorité sur les jeunes avocats
00:56:07 qui se réfèrent souvent à vous.
00:56:09 Beaucoup de jeunes avocats viennent vous voir.
00:56:11 - Étant donné qu'à mon âge,
00:56:13 j'ai de moins en moins d'amis,
00:56:15 ils sont passés dans l'autre monde,
00:56:17 alors j'ai depuis longtemps d'ailleurs,
00:56:21 constitué autour de moi,
00:56:23 il y a tout un réseau de jeunes avocats autour de moi
00:56:26 qui viennent dîner à la maison de temps en temps,
00:56:29 que je vois ou qui m'invitent.
00:56:31 Et ça c'est très sympathique de voir
00:56:35 qu'il y a encore des jeunes,
00:56:38 des garçons de 30 ans, 35 ans,
00:56:41 qui sont cultivés,
00:56:43 qui sont anciens membres de la conférence.
00:56:46 - Oui, j'en ai rencontré chez vous.
00:56:48 Il y a beaucoup de jeunes cultivés malgré tout.
00:56:50 - Il y a encore beaucoup d'avocats cultivés
00:56:54 qui aiment la beauté, qui aiment les arbres,
00:56:57 qui aiment les beaux arbres.
00:56:59 - Il y a des professeurs, il y a des jeunes
00:57:01 de 20 ans, 25 ans, 30 ans, 35 ans,
00:57:03 qui sont des héritiers.
00:57:05 Je ne sais pas comment ils ont fait,
00:57:07 parce que vous ne les connaissez pas.
00:57:09 - Alors de temps en temps,
00:57:11 il y a des jeunes qui m'invitent à dîner,
00:57:13 qui pourraient être mon arrière-arrière petit enfant.
00:57:15 Et j'ai un très bon contact avec la jeunesse.
00:57:19 J'aime beaucoup les jeunes.
00:57:22 - Et alors, vous continuez à défendre de grandes causes,
00:57:26 enfin des causes.
00:57:28 - Pardon ?
00:57:30 - Vous continuez à défendre des causes
00:57:32 qui vous intéressent.
00:57:34 Vous êtes capable de prendre l'avion
00:57:36 pour aller plaider à Nice ou à l'étranger ?
00:57:38 - Oui, maintenant on me demande de moins en moins,
00:57:40 parce que c'est normal.
00:57:42 - Mais enfin vous en avez...
00:57:44 - Mais j'ai encore des clients.
00:57:46 J'ai eu là, samedi matin,
00:57:48 un ancien client qui m'a demandé
00:57:50 un ancien client qui m'a apporté une affaire nouvelle.
00:57:54 - Voilà.
00:57:56 Une affaire nouvelle.
00:57:58 - C'est quand même assez rare.
00:58:00 J'ai encore des dossiers,
00:58:02 mais des dossiers de succession,
00:58:04 par exemple, un dossier de succession,
00:58:06 ça peut durer 30 ans.
00:58:08 Et donc ce sont d'anciens clients
00:58:10 qui m'ont conservé.
00:58:12 - Vous êtes condamné à faire 200 mètres à Corotie.
00:58:14 - Et dans des affaires très difficiles.
00:58:18 - Moi, finissons sur cette question-là.
00:58:22 On pourrait parler de bien d'autres gens que vous avez connus.
00:58:26 J'invite ceux qui nous écoutent à lire,
00:58:30 peut-être vos mémoires,
00:58:32 libéramées en tous les cas,
00:58:34 publiées chez Gallimard il y a quelques années,
00:58:36 en deux tomes.
00:58:38 - Beaucoup d'éditeurs m'avaient demandé,
00:58:42 j'étais prêt à publier mes mémoires.
00:58:46 Puis ça m'embêtait.
00:58:48 - Plus ou moins, vous l'avez fait avec un titre abusant.
00:58:50 Interdit aux Chinois de le raconter.
00:58:52 - Je l'ai fait, si vous voulez,
00:58:54 mais au lieu de raconter ma vie dans l'ordre chronologique,
00:58:58 je l'ai raconté dans l'ordre alphabétique.
00:59:00 - Ça s'appelle Interdit aux Chinois de le raconter.
00:59:02 - Ce sont des séries d'événements, de portraits.
00:59:04 On peut commencer par la fin,
00:59:06 évidemment, comme un dictionnaire.
00:59:08 On peut sauter les pages qui vous embêtent
00:59:12 et ne lire que ce qui vous intéresse.
00:59:14 - 1997.
00:59:16 - C'est beaucoup plus...
00:59:18 Alors il y a eu deux volumes,
00:59:20 parce qu'après il y avait des gens dont je n'avais pas parlé,
00:59:24 et des événements que je n'avais pas rapportés,
00:59:28 et il y a un Libéramé suite et fin.
00:59:30 Voilà, il y a donc deux volumes.
00:59:32 - Vous vous justifiez sur le titre,
00:59:34 Libéramé, étrange.
00:59:36 J'aimerais que vous me disiez
00:59:38 pourquoi vous avez choisi Libéramé.
00:59:40 - On me pose la question et je ne sais pas quoi répondre.
00:59:42 Dans Libéramé, il y a le mot "liberté".
00:59:44 - Oui, mais...
00:59:46 - Et moi, le mot "liberté"
00:59:48 c'est un des plus beaux mots,
00:59:50 peut-être le plus beau mot de la langue française.
00:59:52 - Vous dites "je suis un individu",
00:59:54 vous portez très haut le sens français de la liberté,
00:59:58 qui est peut-être un symbole de la France.
01:00:02 - Je ne sais pas, moi, je...
01:00:04 - Votre vie à l'été d'une liberté totale.
01:00:06 - J'ai vécu très librement,
01:00:08 je me suis évalué de mon milieu,
01:00:10 j'ai pris ma liberté,
01:00:12 je suis libre de penser comme je veux.
01:00:16 Quand on me demande
01:00:18 si je suis de gauche ou de droite,
01:00:20 j'ai dit que je suis pour le meilleur.
01:00:22 Et s'il y a vraiment un homme de gauche qui est bon,
01:00:28 je voterai pour lui, finalement.
01:00:30 Il faut avoir un sens.
01:00:32 - Vous avez été évalué par un homme de gauche,
01:00:34 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:36 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:38 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:40 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:42 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:44 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:46 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:48 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:50 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:52 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:54 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:56 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:00:58 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:00 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:02 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:04 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:06 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:08 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:10 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:12 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:14 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:16 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:18 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:20 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:22 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:24 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:26 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:28 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:30 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:32 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:34 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:36 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:38 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:40 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:42 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:44 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:46 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:48 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:50 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:52 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:54 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:56 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:01:58 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:02:00 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:02:02 vous avez été évalué par un homme de droite,
01:02:04 vous avez été évalué par un homme de droite,
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