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Comment un programme secret d'espionnage des données bancaires est devenu l'instrument clé de l'impérialisme américain menaçant la paix dans le monde ! C'est le sujet du dernier ouvrage d'Eloïse Banhammou : "L'affaire SWIFT". Cette coopérative créée en Belgique en 1973, la plus grande base de données bancaires mondiale, va passer sous le contrôle de Washington après l'attaque du 11 septembre. Les Etats-Unis vont alors pouvoir étendre leur hégémonie sur le monde avec un dollar devenu arme de guerre. Le Bureau de la lutte antiterroriste et du renseignement financier, rattaché au Trésor, dresse une liste noire de tous les ennemis des Américains : individus, entreprises, Etats... Par une surveillance de masse des données bancaires et grâce à l'extraterritorialité des lois états-uniennes, Washington peut orienter les marchés et punir quiconque s'élève contre sa volonté. Les droits humains fondamentaux sont battus en brèche.
Mais une organisation internationale va tenter de lutter contre l'hégémon : les BRICS. La Chine, seule puissance en capacité de rivaliser avec les Etats-Unis, se trouve en pointe de la résistance. L'affrontement mondial est-il inévitable ?
A la suite de "Politique & Eco", retrouvez la chronique financière de Philippe Béchade intitulée : "Thierry Breton : l’homme qui détruit richesse et liberté".
Philippe Béchade est rédacteur en chef de La Chronique Agora et La Lettre des Affranchis aux @Publications Agora.
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Transcription
00:00Bonjour à tous. Ravis de vous retrouver pour Politique et Éco. Bonjour Olivier.
00:24Bonjour Pierre.
00:25Et bonjour à vous Héloïse Benhamou qui est notre invitée aujourd'hui.
00:29Bonjour et merci de me recevoir.
00:31Alors Héloïse Benhamou, après votre premier ouvrage, il s'appelait « Kleptocratie française »,
00:37vous publiez une enquête passionnante sur un sujet fondamental, l'affaire Swift,
00:43avec un sous-titre qui donne le ton « Comment un programme secret d'espionnage des données bancaires
00:48est devenu l'instrument-clé de l'impérialisme américain menaçant la paix dans le monde ».
00:55Avant de commencer cet entretien, je vous rappelle que vous pouvez cliquer sur ce fameux pouce en l'air
01:02pour un meilleur référencement de TVL sur Internet. Commençons avec vous Olivier, vous aviez un mot à dire.
01:09Plus d'un mot, bien sûr. C'est un formidable bouquin, je dois le dire,
01:14qui nous révèle où résident les véritables enjeux de pouvoir mondial aujourd'hui.
01:19Je ne dis pas que ça ne peut pas changer, d'ailleurs vous le suggérez au cours du livre.
01:23Ces enjeux posent le problème des libertés individuelles et de la souveraineté des États.
01:29Le maître du jeu, on l'a compris, c'est l'Amérique, par le sous-titre que Pierre nous a donné,
01:35qui ayant cessé de combattre le communisme grâce à sa maîtrise des technologies informatiques,
01:41s'est retourné en quelque sorte contre ses alliés et s'est reconverti dans l'espionnage économique.
01:48Le livre est absolument passionnant, qu'un de nos téléspectateurs ne soit pas rebuté.
01:53Bon, un aspect un peu technique, mais l'aspect technique est vivant
01:57et il nous permet de comprendre ce qui est en train de se passer.
02:01Alors, Pierre, à vous.
02:03Cette affaire Swift et Louise Benhamou, elle commence apparemment en 1971,
02:08quand une soixantaine de banques dans onze pays différents ambitionnent de révolutionner le système bancaire.
02:16Alors, la coopérative Swift. Swift, ça veut dire quoi ?
02:20C'est Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication.
02:25Swift est née en Belgique le 3 mai 1973. Qu'est-ce qu'elle va proposer ?
02:31Alors, effectivement, c'est aussi intéressant de voir que cette société qui se trouve en Belgique,
02:37elle a été créée là-bas justement pour que les banques puissent bénéficier d'un statut
02:41où elles partageaient ensemble cette coopération.
02:44Swift souhaite bénéficier des avancées dans le domaine technologique,
02:49dans le domaine des télécommunications, pour permettre aux banques de s'échanger des messages
02:53et d'unifier totalement le système bancaire et financier international.
02:57Donc, ça va se passer en même temps avec l'essor des ordinateurs, en fait,
03:03et des réseaux, donc de la mise en réseau.
03:06Et c'est assez visionnaire pour l'époque parce que, justement,
03:10il y a des avancées qui se passent dans ces années-là en matière de réseau
03:14et qui vont accompagner le développement de Swift aussi.
03:17Et ça va permettre après de créer justement des avancées en termes de commerce international
03:22parce que ça va permettre à des banques, par exemple à New York,
03:27de communiquer avec des banques à Tokyo et à se faire confiance
03:30parce qu'il y a ce tiers de confiance justement qui intervient et qui est Swift,
03:34qui joue un rôle un peu de notaire pour les transactions internationales.
03:37– Et vous avez cette phrase qui synthétise bien votre pensée,
03:40la banque est de moins en moins de la monnaie, de plus en plus de l'information.
03:44– Voilà, c'est justement ça qui va changer le cours de l'histoire,
03:47c'est que la monnaie devient de l'information, des données numériques
03:52qui transitent au sein d'un réseau et c'est des informations
03:56qui ont beaucoup de valeur d'un point de vue politique et économique.
03:59– Alors, ce qu'il faut souligner, c'est que paradoxalement,
04:02c'est pour l'instant une entreprise privée, nous sommes bien d'accord.
04:05– Oui, c'est une entreprise privée, oui.
04:07– Qui exploite les données bancaires à l'échelle mondiale,
04:10qui va devenir une très grosse société, il faut bien le dire.
04:13– Voilà, donc ça se développe doucement au cours des années 70
04:17et il y a vraiment un essor dans les années, surtout 90,
04:20où Swift devient la plus grande concentration de données bancaires mondiales
04:24et devient incontournable, il n'est plus possible de faire des transactions
04:28sans passer par Swift.
04:30– Et c'est dans les années 90 d'ailleurs que Swift va être reliée,
04:33que Swift va basculer sur Internet.
04:35Pourquoi c'est une opportunité, à ce moment-là, historique pour les États-Unis ?
04:40– Parce qu'il se passe plusieurs choses en 98,
04:43il y a trois événements qui se passent,
04:46c'est souvent arrivé dans les recherches,
04:49que des événements arrivent concomitamment
04:52qui servent un petit peu cette dynamique-là, qui l'alimente.
04:55Et en 98, il y a trois événements,
04:58donc il y a Swift qui commence à basculer sur Internet,
05:03parce que ça se fera véritablement après les années 2000,
05:06mais c'est décidé à partir de ce moment-là.
05:09Et en 1998, il y a également le décès d'un monsieur,
05:14un informaticien qui s'appelle John Postel,
05:17qui était considéré un peu comme un prophète,
05:24par ses inventions, il a une allure de messie.
05:27– L'indépendant d'Internet.
05:29– Voilà, tout à fait, qui régnait sur le serveur Alpha,
05:32qui permet d'administrer Internet en attribuant des adresses IP.
05:38Et le troisième événement très important qui se passe en 1998,
05:42et qu'on a un peu oublié, c'est que Bill Clinton et la Maison-Blanche
05:47sont secoués par une affaire de Meurs qui est retentissante,
05:50et qui remet en cause même son poste en tant que président des États-Unis.
05:55C'était une affaire avec sa secrétaire.
05:58– Monica Lewinsky.
05:59– L'affaire Monica Lewinsky.
06:01Ce qui est intéressant dans cette affaire,
06:03c'est que la presse avait étouffé l'information,
06:06et c'est en fait un blogueur qui l'a révélée sur Internet,
06:09ce qui a failli faire basculer le pouvoir à la Maison-Blanche quand même.
06:15Donc c'est que l'information qui circule sur Internet
06:17prend de plus en plus d'importance,
06:19et que pour les États-Unis à ce moment-là,
06:21il est temps de faire basculer Internet dans un arc commercial.
06:25Mais il faut le contrôler.
06:27Il faut contrôler Internet,
06:28et là il y a ce qu'on appelle les projets de gouvernance d'Internet
06:32qui sont mis en place,
06:33mais finalement c'est les États-Unis qui vont tirer leur épingle du jeu.
06:37– Alors les événements qui vont faire basculer Swift
06:41vers une emprise politique internationale,
06:47c'est quand même en septembre.
06:49Est-ce que je vais trop vite dans la compréhension du phénomène ?
06:53C'est la question que vous vouliez poser aussi.
06:55– Comment justement Washington va contre-attaquer ?
06:58– Ce qu'il se passe après les attentats en septembre, c'est que…
07:03– World Trade Center.
07:05– Les attentats contre les Tours jumelles, aussi le Pentagone.
07:09– Tours jumelles, en haut desquelles j'étais juste un an avant.
07:14Un an après, d'une de ces tours d'ailleurs.
07:20Bon, peu importe, ça n'a pas beaucoup d'importance.
07:22– C'est mieux que l'année d'après quand même.
07:24– Oui, en effet.
07:25– En tout cas, ce qu'il se passe, c'est que rapidement après les attentats,
07:29George Bush déclare la guerre au terrorisme,
07:33mais plus précisément au financement du terrorisme.
07:37Et d'ailleurs, sa principale cible c'est Oussama Ben Laden.
07:41Pas parce qu'il a directement attaqué, mais parce qu'il a financé les attaques.
07:46– Et vous décrivez les réseaux financiers de Ben Laden, d'ailleurs.
07:49Je crois que c'était dans l'immobilier et le bâtiment, n'est-ce pas ?
07:53– Oui, voilà, et puis ils utilisaient des intermédiaires de façade
07:56pour pouvoir financer.
07:58Et les États-Unis comprennent qu'avec les informations détenues par Swift,
08:03il serait possible de cartographier les réseaux terroristes pour les démanteler.
08:08En se disant qu'en coupant leur financement en amont,
08:11ils décident de faire entrer ça dans le cadre de la lutte
08:15contre le terrorisme international.
08:17Ce qui fait aussi que ça va au-delà des frontières des États-Unis,
08:20et que cette surveillance des données bancaires va rapidement devenir internationale.
08:25Avec une mise à contribution aussi du système bancaire et financier.
08:29– Voilà, et un outil éminemment politique,
08:32et un outil de lutte contre l'action humaine,
08:36mais aussi un outil évidemment de domination au bénéfice de l'OMEG,
08:40il faut quand même le dire.
08:41– Totalement, oui, totalement.
08:43C'est totalement au bénéfice des États-Unis,
08:47et même de certains pouvoirs aux États-Unis.
08:51– Alors justement, vous évoquez le trésor, le département du trésor américain,
08:56c'est lui qui est à la manœuvre, qui va en quelque sorte exploiter Swift,
09:01qui reste une entreprise privée, n'est-ce pas ?
09:03– Voilà, tout à fait.
09:05Au département du trésor, de toute façon,
09:07il se met en place une force spéciale au sein de la communauté du renseignement
09:11pour pouvoir mettre en place à la fois la surveillance,
09:15et puis il faut des réseaux humains pour pouvoir exploiter ces données,
09:19les traiter, etc.
09:20Il ne suffit pas seulement de surveiller l'information,
09:22il faut ensuite pouvoir l'exploiter, et en faire un instrument de pouvoir.
09:27Donc pour ça, effectivement, dès 2004, le président Bush décide
09:31de mettre en place, au sein du département du trésor,
09:34un bureau qui est chargé de la lutte anti-terrorisme et du renseignement financier,
09:38ce qui d'ailleurs, rien que dans le titre, montre qu'il y a un peu cette confusion
09:43entre la lutte anti-terrorisme et justement le renseignement financier,
09:47qui pourrait avoir une autre dimension.
09:49– L'espionnage économique.
09:50– L'espionnage économique, oui.
09:53– D'ailleurs, vous l'écrivez, c'est James Woolsey,
09:57directeur de la CIA entre 1993 et 1995, qui avoue, en 2000,
10:03oui, les Européens, nous vous avons espionnés.
10:05– Oui, tout à fait.
10:06– En matière d'espionnage économique.
10:07– De manière totalement décomplexée.
10:10Pourquoi il le dit à ce moment-là aussi ?
10:12Alors bon, déjà, c'est un sacré personnage, parce qu'on rappelle quand même
10:17qu'après les attentats, pour justifier l'intervention en Irak,
10:21il a été vraiment quelqu'un qui était pour une intervention en Irak,
10:27en expliquant que ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de preuves
10:30que Saddam Hussein n'était pas impliqué, qu'il n'était pas impliqué.
10:33Donc que l'absence de preuves n'était pas une preuve.
10:35– Pas mal.
10:36– C'est intéressant, c'est un mode…
10:38– On n'aimerait pas être jugé de cette façon-là.
10:41– Et donc, en fait, quand il dit cette phrase,
10:43c'est parce que l'Union Européenne est en train de mener des enquêtes
10:47sur un autre programme de surveillance qui s'appelle Echelon.
10:50– Echelon.
10:51– Tout à fait, et qui avait été mis en place après la Deuxième Guerre mondiale,
10:53donc qui s'appelait Brouza, puis Houkoussa, puis Echelon.
10:57Et qui, justement, les États-Unis, grâce à leurs alliés à l'époque,
11:01parce qu'il n'y avait pas ce système, et c'est important par rapport à Internet,
11:05c'est qu'il n'y avait pas encore ce système de télécommunication
11:08qui était mondial, donc ils avaient besoin d'avoir des alliés, des satellites
11:12pour pouvoir placer des antennes, remonter des informations, avoir des espions, etc.
11:17Ce qui va changer après avec Internet, et finalement, ils ne seront plus utiles.
11:22– Mais Echelon est obsolète, en quelque sorte.
11:25– Ils sont toujours restés dans cette dynamique au niveau idéologique,
11:29au niveau du rapport au réseau de télécommunication.
11:33– Et l'outil est ?
11:35– Vouloir exploiter les informations étrangères,
11:38donc c'est pas seulement pour, moi je traite ça pour la donnée bancaire,
11:42mais ça peut aussi relever d'autres domaines.
11:46Et donc Echelon, en tout cas les enquêtes sur Echelon,
11:49ont été abandonnées, mais c'est dans ce cadre-là
11:52que James Wesley avait fait sa tribune, je crois, dans le New York Times.
11:56– Oui, absolument, et d'ailleurs ça va faire quand même du scandale.
11:59Il va y avoir une affaire aux États-Unis,
12:02parce que c'est le New York Times qui diffuse ces informations,
12:05et en Europe, l'Europe commence à se montrer un peu réticente quand même,
12:08elle trouve que les Américains exagèrent un peu,
12:12alors on va envoyer le juge Brugière, qui sera une autorité morale,
12:15mais qui finalement va renoncer à une condamnation objective de ces méthodes, n'est-ce pas ?
12:25– Voilà, donc il a commencé à y avoir des débats au sein de l'Union Européenne,
12:28parce que c'est quand même un scandale au niveau du droit à la vie privée,
12:32et à l'exploitation des données qui appartiennent à des citoyens,
12:36et donc il y a des débats qui s'ouvrent en Europe,
12:39mais finalement ça ne va pas vraiment aboutir,
12:42il y a effectivement la nomination du juge Brugière,
12:45qui est choisie comme éminente personnalité pour voir
12:48est-ce qu'effectivement les États-Unis utilisent les informations détenues par Swift
12:52uniquement dans un cadre de lutte contre les terroristes,
12:55ou est-ce que c'est aussi utilisé pour faire de l'espionnage industriel,
12:59ou des choses comme ça, économiques,
13:02et finalement il y a un accord Swift qui est conclu entre les États-Unis et l'Europe,
13:08pour qu'ils puissent continuer à exploiter ces informations.
13:11– Et alors quelque chose d'assez extraordinaire,
13:14et que vous révélez dans votre ouvrage, Éloïse,
13:17c'est cette résolution du Parlement Européen du 5 septembre 2001,
13:21donc soit quelques jours avant le 11 septembre,
13:23le Parlement Européen avait adopté cette résolution
13:26pour lutter contre les interceptions des communications.
13:29– Tout à fait, oui.
13:31– Et quelques jours après, il y a cet attentat qui va permettre aux États-Unis
13:36de dire, voyez, on est victime de cet attentat,
13:39on va devoir se défendre et donc mettre la main sur toutes vos données manquaires.
13:43– Voilà, tout à fait.
13:44Donc tous les travaux qui avaient été faits en amont pendant 3 ou 4 ans
13:47ont été abandonnés au niveau de l'Union Européenne,
13:50et de toute manière, George Bush aux États-Unis,
13:54avec l'USA et Patriot Act, a complètement levé les verrous
13:58pour pouvoir instaurer un cadre de gouvernance
14:01en levant tout ce qui permet la surveillance des données notamment,
14:07qui a favorisé clairement la mise en place de cette gouvernance mondiale.
14:14– Oui, au point qu'on va parler de Washington, au lieu de Washington,
14:19c'est-à-dire watching, surveillance, Big Brother is watching,
14:23ou Big Brother vous regarde.
14:25Alors, il n'est pas question de dire que la lutte contre les États voyous
14:30n'est pas justifiée, mais le problème, c'est la confusion
14:34entre l'objectif sécuritaire et l'espionnage économique.
14:37C'est ça, la vraie problématique.
14:40Je voudrais que vous soigniez quand même, Pierre,
14:42je pense que vous entendrez d'accord,
14:44sur le fait que le livre est extrêmement bien sourcé,
14:46c'est-à-dire que vous donnez toutes vos références en notes
14:49qui sont généralement des notes du monde anglo-saxon.
14:53– Oui, tout à fait, parce que c'est une enquête
14:55qui n'a pas été menée jusqu'à présent,
14:57en tout cas dans cette dimension-là,
14:59avec les interactions entre le monde bancaire,
15:02le monde des télécommunications,
15:04et puis les services de renseignement,
15:06comment est-ce que tout ça est administré et géré par eux.
15:09Et effectivement, surtout en France,
15:12je n'ai trouvé aucune information pertinente.
15:15– Voilà, il n'y a pas de documentation.
15:17– Non, pas du tout.
15:18– Alors Héloïse, ce bureau de la lutte antiterroriste
15:21et du renseignement financier, on l'a dit,
15:23il a été créé en 2004,
15:25il va se mettre à dresser une liste noire
15:28des ennemis des États-Unis.
15:31Comment sont-ils désignés ?
15:33Comment, on se dit, un tel, telle banque,
15:36tel État, tel individu est un ennemi des États-Unis ?
15:39– Dès qu'ils s'opposent aux intérêts des États-Unis,
15:42donc ça devient assez large comme éventail.
15:46– Oui, c'est difficile à définir,
15:48parce que par définition,
15:50tous les États ont tendance à s'opposer.
15:52– Et c'est le problème, oui, c'est le problème.
15:54– Non, mais il y a des noms, il y a des États,
15:56il y a des banques.
15:58– Il peut y avoir des navires marchands,
15:59il peut y avoir des banques,
16:00il peut y avoir des particuliers, des entreprises,
16:02même des institutions publiques,
16:04comme je dis dans le livre,
16:05ça peut aller de chefs d'État qui sont devenus parias,
16:08il y a des sociétés,
16:12on a vu des sociétés comme BNP Paribas
16:14qui ont payé des amendes, ça peut être des pays.
16:17– Oui, alors BNP, ça lui a coûté 9,5 milliards, c'est ça ?
16:19– 9,9.
16:21– 9,9.
16:23– Enfin bon, 9 milliards, quoi,
16:25on n'est pas à sa preuve, n'est-ce pas ?
16:29Mais il n'y a pas que BNP Paribas.
16:31Quel était le motif de condamnation,
16:35entre guillemets, par les États-Unis de la BNP ?
16:38Elle avait financé…
16:40– Des transactions avec des pays
16:42qui étaient sous embargo américain,
16:45donc en l'occurrence, il y avait l'Iran.
16:49Donc ce qui se passe aussi,
16:51c'est que ce n'est pas forcément uniquement
16:53les personnes qui sont désignées sur la liste
16:54qui peuvent être sanctionnées,
16:55il y a aussi les personnes qui font des transactions
16:58pour le compte des personnes qui sont sur cette liste.
17:01– D'accord.
17:02– Et donc, ça devient un peu compliqué
17:04parce qu'il y a des listes qui peuvent être soit par pays,
17:08il peut y avoir des listes qui sont en fonction
17:10de secteurs économiques, par exemple,
17:12les entreprises d'armement chinoises,
17:15quand il y a eu le conflit avec la Russie,
17:17même la banque centrale russe
17:19s'est retrouvée sur la liste noire des États-Unis,
17:22donc c'est un peu tous azimuts
17:24en fonction de qui dérange les intérêts des États-Unis.
17:28– Mais les effets collatéraux sont innovables
17:30parce que, par exemple, en Iran,
17:31toutes les sociétés françaises ont dû plier bagage.
17:34– Voilà.
17:35– Et, par exemple, Peugeot a perdu beaucoup d'argent.
17:38– Oui, oui.
17:39– Je pense que c'est d'ailleurs la même chose pour la Russie,
17:41on a vu toutes les banques,
17:44la Société Générale russe-banque a dû quitter la Russie,
17:47à chaque fois ce sont des pertes quand même pour ces entreprises.
17:50– Voilà, donc ça crée des dommages collatéraux
17:52au sein de l'économie mondiale très important,
17:55et aussi le risque de défiance qui fait que,
17:58dès qu'il y a un risque ou un soupçon
18:00qu'il pourrait y avoir un risque,
18:02les entreprises préfèrent ne pas s'engager
18:04pour ne pas perdre leur marché par la suite
18:07ou pour ne pas être sanctionnées.
18:09Ce qui pousse aussi à un phénomène assez inédit,
18:12c'est que finalement le système en vient à se surveiller lui-même.
18:16– Oui, vous dites que la surveillance est déléguée aux surveillés.
18:20– Tout à fait.
18:21Et donc ils sont obligés de mettre en place des procédures
18:24pour se mettre en conformité avec les exigences des États-Unis,
18:30même si ce sont des entreprises ou des personnes
18:33qui ne sont pas du tout ressortissants des États-Unis.
18:36– Et contrairement d'ailleurs à ce qu'on pourrait penser,
18:38ce n'est pas des ennemis officiels des États-Unis
18:42comme pourrait le penser la Corée du Nord ou la Chine
18:46qui sont le plus visés par les amendes infligées,
18:48mais c'est plutôt les banques européennes,
18:50vous dites qu'elles ont payé plus de la moitié
18:52des amendes infligées par Washington.
18:53– Tout à fait.
18:54Donc c'est les entreprises qui sont finalement les plus pénalisées,
18:57en tout cas par les sanctions.
18:58Alors pas forcément parce qu'elles sont directement visées
19:01sur la liste noire, mais parce qu'elles vont faire des opérations,
19:04peut-être pour le compte de leurs clients,
19:07vers des entités qui sont elles par contre sur la liste noire.
19:11– Alors est-ce qu'il n'y a pas une arrière-pensée
19:13de la part des États-Unis de vassalisation de l'Europe ?
19:17– Je pense que c'est quelque chose qui était vraiment gèrement,
19:21en tout cas déjà pendant la guerre froide,
19:23il y a toujours eu cette volonté des États-Unis
19:25de mettre en place des sanctions,
19:27surtout par exemple avec Cuba dans les années 90.
19:30– Absolument, oui.
19:31– Et en fait ce qui se passait c'est qu'avant l'utilisation de SWIFT,
19:36avant de l'avoir intégré dans cette stratégie-là,
19:38la portée était limitée.
19:40Il y avait que les entreprises qui voulaient continuer
19:42à commercer avec Cuba, créer des filiales à l'étranger,
19:45essayer de contourner l'objet de la loi qui avait été faite
19:49dans ce sens-là, et SWIFT va vraiment changer ça
19:53puisque le contrôle devient total en fait.
19:56– Alors il y a le problème du dollar qui commence à se poser
19:58parce que l'essentiel des transactions se font en dollars,
20:02et vous parlez à un moment d'une militarisation du dollar,
20:07c'est tout à fait intéressant.
20:09Qu'entendez-vous par l'expression militarisation du dollar ?
20:13– Eh bien c'est qu'en ayant, puisque le dollar est principalement
20:19utilisé dans les échanges internationaux,
20:21même entre deux agents économiques qui ne sont pas américains,
20:25et donc finalement ces transactions-là vont être compensées aux États-Unis.
20:30– Alors pour expliquer, je reviens un petit peu sur ce qu'est SWIFT.
20:32Comme je l'ai expliqué, SWIFT c'est seulement un système de messagerie
20:35qui ne va pas transférer de l'argent.
20:37À aucun moment il n'y a de l'argent qui va transférer à travers SWIFT,
20:40seulement des messages concernant des transactions.
20:44– Donc il faut des agences de compensation.
20:47– Voilà, ensuite les messages sont transférés aux agents
20:49qui sont chargés des paiements, des institutions chargées des paiements,
20:52donc les chambres de compensation.
20:54– Compensation de banque à banque, c'est ça ?
20:56– Tout à fait.
20:58Et ça ce n'est pas SWIFT.
21:00SWIFT transmet l'information et les agences de compensation
21:05se trouvent comme par hasard tout à New York.
21:07– Celles qui se prêtent pour le dollar, oui, elles sont aux États-Unis.
21:10– Je crois qu'il y en a une douzaine, autant que je puisse me souvenir.
21:14Mais il y en a deux principales.
21:16– Oui, et donc le fait qu'il y ait tous ces flux d'argent
21:21qui sont compensés aux États-Unis,
21:23ça donne aussi un pouvoir de contrôle aux États-Unis
21:25et un pouvoir coercitif,
21:27puisque la menace qui pèse pour les entreprises,
21:29c'est d'être exclues du marché américain du dollar
21:33et donc de ne plus pouvoir compenser leurs opérations là-bas.
21:36Donc souvent, plutôt que d'être sanctionnées,
21:39elles préfèrent renoncer à des marchés ou ne pas prendre de risques
21:44pour justement ne pas être exclues à leur tour des marchés américains.
21:51– Les Américains, en fait, orientent…
21:53Il y a une orientation des marchés,
21:55en dépit de la loi de l'offre et de la demande.
21:57En fait, on n'est plus dans le libéralisme…
21:59– Ah, c'est fou !
22:00– On n'est plus dans le marché !
22:01– Oui, le marché !
22:02– Non, mais c'est une espèce de…
22:03– Mais c'est de détruire le marché !
22:04– Oui, mais le marché n'est plus libre
22:06avec ce fonctionnement de SWIFT par les Américains.
22:09– Ah oui, ben non, pas du tout, parce que…
22:12Moi, au départ, ce qui m'avait…
22:14Oui, j'avais déjà parlé de SWIFT dans Cleptocratie,
22:17parce que je m'intéressais justement aux infrastructures du système bancaire,
22:21et je trouvais que la modernisation des banques
22:26avait permis de mettre en…
22:30Comment dire ?
22:31Parce que quand je m'étais intéressée à ça,
22:32c'était par rapport, au départ, à l'affaire Kerviel.
22:34– Oui, vous évoquez largement, dans Cleptocratie.
22:37– Dans Cleptocratie, oui.
22:38Et donc, les dirigeants de Kerviel,
22:40qui avaient perdu 5 milliards d'euros à l'époque quand même,
22:44donc c'était une somme assez importante,
22:46n'étaient au courant de rien.
22:47Et personne n'était au courant de rien.
22:49Sauf que c'est totalement impossible que personne ne soit au courant de rien,
22:52puisque toutes les informations sont stockées justement dans des systèmes informatiques.
22:56Et à la fois stockées, et sont exploitables,
23:00on peut les tracer, on peut les vérifier, etc.
23:02Et ce qui s'était passé après, c'est que deux banques américaines,
23:06JP Morgan et Morgan Stanley, avaient racheté la Société Générale.
23:11Elles avaient investi le capital de la Société Générale en grande partie,
23:14ce qui leur permettait aussi de contrôler la banque.
23:17– D'accord. Laquelle Société Générale ne va pas tellement bien en ce moment.
23:21Elle se porte assez mal, il faut bien le dire.
23:24– Oui, n'est-ce pas ?
23:25– Mais c'est une autre question.
23:27Alors, quand même, militarisation du dollar,
23:30c'est-à-dire que tout utilisateur du dollar est soumis aux lois américaines, n'est-ce pas ?
23:35– Oui.
23:36– Mais pire encore, toute communication qui transite par les États-Unis
23:42donne le droit aux États-Unis de contrôler l'opération qui est derrière, n'est-ce pas ?
23:46– Tout à fait, oui.
23:48– Et on pense évidemment à l'affaire Alstom,
23:51qui a permis au Département de la Justice, DOJ,
23:55le fameux DOJ, Département of Justice,
23:57de mettre M. Pierrouchi en prison, dans des conditions quand même hallucinantes.
24:01– Oui.
24:02– Alors, vous ne traitez pas spécifiquement l'affaire Alstom, mais vous montrez…
24:07– Non, je ne traite pas, mais ce que je rapporte en revanche,
24:10c'est que, ce qu'il explique dans son livre qui est très bien fait,
24:15c'est que, lorsqu'il est présenté au tribunal,
24:17dans la salle d'audience, il y a justement les virements qui ont été effectués,
24:21parce qu'on l'accuse quand même d'avoir versé des pots de vin.
24:25– Des pots de vin, oui, au Pakistan ou en Inde ?
24:27– En Indonésie.
24:28– En Indonésie, pardon, oui, c'est ça.
24:30– Et donc, dans la salle d'audience, on présente les virements qui ont été effectués,
24:35les traces de virements avec les montants…
24:37– D'accord, mais toutes les entreprises pratiquent cela ?
24:40– Alors, toutes les entreprises pratiquent cela,
24:42mais toutes n'ont pas forcément accès aux données, justement,
24:44qui permettent de le prouver.
24:46– D'accord, et c'est SWIFT qui l'avait tracé, ça ?
24:50– En tout cas, les Américains avaient l'information,
24:53une information qui, justement, devrait être privée.
24:56– On sait, Louise, que les Américains ont pris une avance certaine
25:01en matière d'intelligence artificielle.
25:03Comment ils utilisent cette intelligence
25:06dans le traitement des données bancaires qu'ils reçoivent de SWIFT ?
25:11Est-ce que c'est fondamental pour eux,
25:13l'intelligence artificielle dans ce traitement ?
25:15– Oui, tout à fait, et ça va même représenter une grande menace
25:18dans les années à venir, parce que, justement,
25:21les informations sont screenées en permanence
25:23pour voir si les sanctions sont bien appliquées.
25:27– Vous avez dit screenées ?
25:29– Oui, c'est ça.
25:30– Oui, screenées, on appelle ça les screening sanctions,
25:34les sanctions par présentation à l'écran, n'est-ce pas ?
25:37C'est bien ça ?
25:38– Oui, donc, ce qui se passe ensuite, c'est que même SWIFT
25:41va proposer des solutions à ses clients, aux banques avec lesquelles
25:45elle travaille, pour qu'ils puissent directement implémenter
25:48les décisions qui sont prises par les États-Unis.
25:51– D'accord.
25:52– Pour que rien ne puisse passer.
25:54Et dans ce cadre-là, l'intelligence artificielle va jouer un rôle
25:57très important et très dangereux, en fait, parce qu'il faut dire quelque chose.
26:00Là, on rentre dans quelque chose de totalement pervers et très dangereux,
26:05et bien des individus à travers toute la planète
26:08pourraient se retrouver sur la liste, être exclus,
26:10et que tout le système va mettre en œuvre ce qui a été décidé
26:15pour que ces personnes-là n'aient plus de droits économiques,
26:17en quelque sorte.
26:18– Voilà.
26:19– Ça arrive déjà, et il y a même un problème avec les faux positifs,
26:23c'est des personnes qui se retrouvent sur la liste
26:26alors qu'elles ne sont absolument pas concernées
26:29par des problèmes ni de terrorisme, ni de quoi que ce soit,
26:33et on va geler leurs actifs, par exemple, les privés de droits économiques,
26:36parce qu'ils figurent sur cette liste.
26:38Donc dans ce cas-là, par exemple, si c'est le cas d'une banque française
26:41pour un de ses clients, j'ai eu l'occasion d'en rencontrer,
26:46des personnes à qui on avait gelé les avoirs
26:48parce qu'ils s'étaient retrouvés sur la liste noire
26:51du bureau de contrôle des avoirs étrangers, ça s'appelle.
26:55Et donc, ils ont beaucoup de mal pour récupérer leur argent
26:57parce que même si c'est la banque française qui a séquestré les fonds,
27:00ils doivent s'adresser aux États-Unis pour pouvoir les récupérer.
27:05– À cet organe du trésor que vous appelez le…
27:08– Là, c'est une sous-section qui s'appelle
27:10le bureau de contrôle des avoirs étrangers.
27:12– Voilà, c'est ça, le bureau de contrôle des avoirs étrangers.
27:15Et il y a une innocence absolue des personnes en question,
27:18mais leurs fonds ont été gelés complètement.
27:21– Voilà, donc ça peut être soit par rapport à leur nationalité,
27:25par exemple, une personne qui est iranienne et qui est soupçonnée,
27:30elle peut se retrouver sur la liste et dans ce cas-là,
27:32la banque va appliquer la sanction.
27:34– On parle beaucoup d'Elon Musk ces derniers temps
27:37et il va faire partie de cette fameuse administration Trump.
27:41Est-ce qu'on peut imaginer qu'il ait profité de Swift
27:45dans sa succesterie économique ?
27:48– Ah, ça, je ne sais pas.
27:51– Mais est-ce qu'on peut le penser ?
27:53– Pour moi, après, je pense qu'Elon Musk a profité de beaucoup de choses.
27:59– Vous n'évoquez pas cette question, mais en revanche,
28:02par contre, Pierre, pour prolonger votre question,
28:04je pense qu'il faut quand même s'interroger sur le fait
28:07que tout le monde s'est réjoui du succès de M. Trump,
28:09mais M. Trump ne va pas renoncer à ce que vous êtes en train de nous décrire.
28:13– Depuis que ça a été mis en place par George Bush,
28:17tous les présidents ont utilisé,
28:19que ce soit George Bush, Obama et Donald Trump,
28:25tous utilisent ces dispositifs qui permettent aux États-Unis
28:31de régner sur le monde aujourd'hui.
28:33– Vous parlez de… l'Empire américain est un panoptique mondial.
28:38Alors, le mot panoptique, c'est un mot tout à fait approprié,
28:41il vient du grec pan-tout, optique qui voit tout.
28:45– Oui. – C'est le panoptique.
28:47Ça nous amène un panorama aussi, mais c'est autre chose.
28:50Alors, l'Amérique voit-elle tout ?
28:54– Alors, les États-Unis, liés au développement d'Internet,
29:00bénéficient d'un avantage démesuré par rapport aux autres nations.
29:06– Oui.
29:07– C'est ce qui lui confère aussi cette hégémonie
29:09dont ils bénéficient aujourd'hui.
29:12C'est que, comme vous le disiez, ils ont toujours voulu bénéficier
29:15des réseaux, à la fois de télécommunications humaines, etc.,
29:19pour pouvoir mettre en place leurs politiques,
29:23notamment leurs politiques extérieures.
29:26Et l'avènement d'Internet, qui finalement est un phénomène assez récent,
29:30puisque 20 ans, ce n'est pas non plus énorme à l'échelle de l'histoire,
29:34effectivement, leur permet de surveiller les données dans le monde entier.
29:39– En quelle année a été créée Google ?
29:42– Vous me posez une colle.
29:43– Oui, je vous pose une colle, mais ça m'intéresse,
29:45parce que, sur votre génération…
29:48– Je ne saurais pas vous donner la date exacte, fin des années 90 ?
29:51– Oui, c'est ça, 97-98.
29:53Mais c'est extrêmement récent, on regarde l'histoire.
29:56– Oui, tout à fait.
29:58Bon, c'est durant cette période qu'a été mise en place
30:01la gouvernance d'Internet aux États-Unis.
30:04Et donc, les États-Unis, grâce à cela,
30:08bénéficient davantage que toutes les autres nations,
30:11dont les autres nations ne peuvent pas bénéficier.
30:14À ce titre-là, oui.
30:15C'est d'ailleurs ce qui leur a permis de prendre le contrôle
30:17sur les informations détenues par Swift,
30:19parce qu'il y a un rapport de dépendance.
30:22– Alors, depuis 2009, Héloïse, on voit l'émergence de ce groupe
30:28qui s'appelle aujourd'hui les BRICS+.
30:30En 2009, on ne parlait que de BRICS.
30:33Et ils se sont réunis, d'ailleurs, il n'y a pas longtemps,
30:37je crois que c'est à Johannesburg.
30:39– Ils ont fait une nouvelle réunion à Kazan.
30:41– Et ils veulent développer un système alternatif
30:44à celui contrôlé par les Américains.
30:47Alors, où en sont-ils de ce projet ?
30:50– Alors, c'est un groupe qui s'est formé un petit peu
30:53en contrepoids à cette hégémonie américaine,
30:55notamment en matière de sanctions économiques,
30:57puisque finalement, aujourd'hui, c'est le monde entier
30:59qui subit les répercussions de ces sanctions.
31:01Donc, on l'a dit, par exemple, en France,
31:03des sociétés comme Peugeot ou Total,
31:06qui avaient des contrats en Iran…
31:08– Sanofi, Airbus, encore Safran…
31:12– Quand les États-Unis ont décidé d'exclure, en 2012, l'Iran,
31:17c'est vrai aussi que là, ça a été un nouveau palier,
31:20en fait, dans la folie américaine, en termes de sanctions,
31:22c'est qu'ils ont décidé d'exclure tout un pays
31:25du système bancaire et financier international,
31:28en le coupant du reste du monde.
31:30– Alors, vous faites un chapitre entier, d'ailleurs,
31:32sur la question de l'Iran.
31:34Et vous faites aussi un chapitre entier sur la Russie.
31:36– Tout à fait.
31:37– Sur ce qui se passe en Russie, sur la Russie,
31:39qui est extrêmement documenté et très intéressant.
31:41Et donc, ce système alternatif
31:43est en train de voir le jour au sein des BRICS,
31:45mais il y avait aussi la tentative russe de SPFS,
31:51qui est alors une alternative à SWIFT.
31:54– En tout cas, pour faire le lien, justement,
31:59quand en 2012, les États-Unis prennent cette décision très importante,
32:03on voit que même au niveau de l'Union européenne,
32:06qui souhaitait continuer de commercer avec l'Iran,
32:09ça n'était pas possible en l'absence de système souverain.
32:13Il y a eu une prise de conscience assez forte,
32:15je pense, de la part des décideurs politiques.
32:17Et en Russie, justement, il y a eu une volonté
32:23de vouloir mettre en place un système alternatif,
32:26qui s'appelle effectivement le SPFS,
32:28qui avait été un peu embryonnaire dans les années 2006-2009.
32:32Et quand il y a eu le problème avec la Crimée en 2014,
32:36il a été lancé pour contourner justement les sanctions américaines,
32:40puisqu'il s'attendait de toute façon à être bientôt la cible de Washington.
32:44– Mais il n'utilise plus SWIFT,
32:46mais il utilise d'autres moyens informatiques américains.
32:50C'est ça le problème.
32:51– Voilà, c'est là aussi qu'on s'aperçoit que la puissance américaine
32:55est difficile aujourd'hui à contrecarrer,
32:58parce que même des grandes nations comme la Russie ou la Chine
33:01ont du mal à s'émanciper de cette hégémonie.
33:04Et notamment à cause du retard qui a été pris en matière de réseau.
33:08Pourquoi ? Parce que dans les années 90,
33:10quand il y a eu le sujet de la gouvernance d'Internet,
33:12très peu de nations étaient présentes.
33:14La France y était quand même, mais assez seule.
33:16– Pour la France, on va en parler à la fin.
33:18On va parler d'un savant français qui s'appelle Louis Pouzin.
33:20On en parlera tout à l'heure.
33:21– Tout à fait.
33:22En tout cas, en matière de gouvernance,
33:24les pays non alignés n'étaient pas très concernés par la question
33:27au niveau politique.
33:29Et donc il y a un certain retard qui a été pris, je pense, sur ces sujets-là.
33:33Ce qui fait que lorsque le SPFS a été mis en place en Russie,
33:36il utilise des technologies américaines.
33:38– Voilà, lesquelles par exemple ?
33:39– Comme Microsoft.
33:40– Microsoft, c'est ça.
33:41– Microsoft, oui.
33:42– Et alors ce fameux, comment dire, SPFS, vous dites,
33:47est une mauvaise copie de Swift.
33:49– Voilà, tout à fait.
33:50Il fonctionne comme Swift en utilisant un peu les mêmes technologies.
33:53Donc finalement, il y a une volonté qui est là de vouloir faire autre chose.
33:58Mais il y a la limite de pouvoir le faire d'un point de vue technologique.
34:01Et je pense que ce sera le défi à relever dans les prochaines années.
34:04– Oui, parce que vous dites que c'est bien les Américains
34:07qui encore aujourd'hui ont la maîtrise d'Internet.
34:10– Ah oui, tout à fait.
34:11– Qui est le siège du pouvoir.
34:12– Tout à fait.
34:13– Donc tant qu'ils appliqueront un système avec des technologies américaines,
34:17ils seront toujours dans…
34:20– Dans le champ de la gouvernance et de la surveillance de Washington.
34:23Oui, tout à fait.
34:24– Mais c'est pour ça que les BRICS, au-delà de ce SPFS russe,
34:28espèrent fonder ce qu'ils appellent BRICS Clear,
34:32qui serait donc une alternative réelle à Swift.
34:36– Je pense que BRICS Clear, c'est plutôt pour faire une chambre de compensation.
34:40– Ah oui, d'accord.
34:41C'est l'équivalent des chambres de compensation de New York.
34:43– Oui.
34:44Et je ne pense pas qu'il y ait encore le moyen…
34:46Parce que ce qu'il y a,
34:47ce n'est pas seulement qu'il faudrait avoir la technologie pour pouvoir le faire,
34:49mais il faudrait aussi pouvoir imposer le modèle au monde entier,
34:52comme le font les États-Unis.
34:54– Avec leurs dollars.
34:55– Avec leurs dollars.
34:56Et ce n'est pas sûr que si demain,
34:58même si la Chine avait la possibilité technologique
35:00de mettre en place soit un système de messagerie ou de compensation,
35:05ce n'est pas sûr que le monde entier l'adopterait,
35:07comme ça a été le cas pour Swift.
35:09– Et la Chine n'a pas l'intention de renoncer à Swift, apparemment.
35:13– Apparemment, non.
35:14Apparemment, lorsque…
35:16Malgré, il y a des sanctions qui sont émises contre la Chine,
35:19parce que, notamment, justement c'est pour ça que je fais le lien
35:22entre ce système-là et le risque de guerre,
35:26c'est que la Chine est en train de s'armer assez…
35:29– Puissamment, oui.
35:30– Puissamment et rapidement.
35:32Et donc les États-Unis ont émis beaucoup de sanctions
35:34contre les entreprises militaires chinoises,
35:36notamment pour limiter leur financement.
35:37Il s'agit toujours d'enrayer la machine de guerre.
35:40Et pour l'instant, malgré les sanctions,
35:43la Chine se soumet quand même aux États-Unis
35:46lorsqu'il s'agit de ne pas travailler avec certaines entreprises russes, par exemple.
35:49– D'accord.
35:50Oui, parce qu'à contrario, on sait que les Américains,
35:53vous le disiez tout à l'heure, Héloïse,
35:54peuvent exclure certaines entreprises du marché.
35:58Mais pourquoi les Russes ou les Chinois, vous posez la question,
36:00ne font pas pareil avec McDonald's, avec des sociétés américaines ?
36:05– Oui, je pense qu'il y aurait une volonté de Vladimir Poutine, par exemple,
36:09d'exclure du système mondial McDonald's, au Coca-Cola, au Microsoft.
36:14– Mais pourquoi ils ne le font pas ?
36:16– Parce qu'ils n'ont pas la main sur les infrastructures du système mondial.
36:19C'est ça l'enjeu.
36:20Et c'est ce que les États-Unis ont réussi à faire en très peu de temps.
36:23Aussi, on peut reconnaître que c'était assez visionnaire,
36:25mais c'est un risque pour la paix dans le monde aujourd'hui
36:29dont il faut avoir conscience.
36:31– Mais alors, vous évoquez aussi une question qui est un peu annexe,
36:35mais qui m'a un peu étonné.
36:38Le canal par lequel passent ces informations,
36:41c'est plus les câbles sous-marins que les satellites.
36:45– Oui, tout à fait.
36:46– Donc avec des enjeux géostratégiques sur les câbles sous-marins.
36:50Et il y a même, je crois, des petites machines
36:53qui sont capables d'aller se mettre sur les câbles
36:55pour capter une partie des données qui transitent par ces câbles.
37:00– Tout à fait.
37:01– On peut imaginer aussi des attentats contre ces câbles.
37:06– Et le risque est réel, et il est pris en compte d'ailleurs, très sérieusement.
37:10Il y a deux câbles qui ont été sectionnés en mer Baltique en 2024.
37:16Donc on se demande, est-ce que c'est accidentel
37:20ou est-ce que c'est un acte de sabotage ?
37:23– C'est comme Nord Stream, non ? C'est un accident, voyons.
37:27– Non, je pense que c'est…
37:30Mais Nord Stream, ça sera intéressant d'y revenir si on a le temps.
37:33– Oui, allez-y maintenant même.
37:35– Je continue sur les câbles ?
37:36– Oui, continue sur les câbles, pardon.
37:38– Donc en tout cas, pour répondre à la question de tout à l'heure,
37:41c'est qu'il y a cette main-mise sur les infrastructures du pouvoir mondial aujourd'hui
37:45qui n'est plus du tout celui du siècle dernier, depuis qu'Internet est arrivé.
37:48C'est pour ça que ce lien est très important.
37:51Et dans ce cadre-là, les câbles, effectivement, représentent une menace.
37:55Même les représentants d'institutions de premier plan comme la Fed
37:59considèrent que le principal risque aujourd'hui serait celui-ci
38:03puisque même Internet pourrait s'arrêter.
38:05– Alors oui, c'est ça.
38:06C'est qu'à un moment, vous dites que le risque mondial
38:09n'est pas celui d'une crise financière,
38:11mais finalement d'une crise numérique, informatique.
38:14– Une super attaque, oui, c'est ce qu'il veut dire.
38:16– C'est la Fed, c'est la Fed.
38:17– Jérôme Powell, le président de la Fed.
38:18– Oui, tout à fait, c'est lui qui le dit.
38:20– Parce qu'il y a des hackers qui attaquent quand même le système Swift.
38:23– Alors le système peut être attaqué de cette manière-là
38:26en étant pénétré, saboté de l'intérieur,
38:29ou alors par des attaques contre les infrastructures physiques.
38:34– Mais vous évoquez ceux qui font ça de l'intérieur,
38:36il y a des hackers qui s'y sont frottés quand même.
38:39Vous les évoquez ?
38:40– Oui.
38:41– Il y en a quelques-uns qui se sont montrés assez menaçants quand même.
38:45– Oui, parce qu'aujourd'hui, c'est une espèce de cyber-guerre froide.
38:50– Oui, c'est ça, vous le dites.
38:51– C'est une cyber-guerre froide entre les espions qui se surveillent
38:55et puis qui veulent se saboter aussi,
38:57et puis quand même qui veulent pénétrer les systèmes de l'autre
39:00pour avoir les informations et puis savoir ce qui se passe, etc.
39:04Donc, on sent qu'il y a un climat de tension,
39:09et qu'il va y avoir peut-être une bascule, mais on ne sait pas encore ni quand,
39:12ni dans quel sens, ou alors est-ce qu'il ne va pas y avoir non plus une escalade
39:15dans la folie du pouvoir américain.
39:18Le cas de la Russie est quand même très inquiétant
39:20puisque ça a marqué le retour de la guerre en Europe.
39:23Et il faut bien comprendre que les sanctions américaines contre la Russie
39:27n'ont pas commencé en 2022, mais elles ont commencé en 2014.
39:31– En 2014, oui.
39:32– Et même en 2012, il a commencé à y avoir des sanctions en 2012.
39:34Je pense que le parallèle avec ce qui se passait en Iran
39:37a fait forcément une prise de conscience au niveau des dirigeants russes
39:42de ce qui allait leur arriver.
39:44Ce qu'il y a à la clé, c'est l'exclusion du système bancaire international.
39:49Et dans ce cas-là, toute l'économie est paralysée.
39:52Et voilà, c'est extrêmement grave, extrêmement grave.
39:56Les citoyens aussi sont pénalisés.
39:58– Oui, mais pourtant, Jacques Sapir, à ce même micro que vous avez reçu, Pierre,
40:01Jacques Sapir nous démontre que la résilience de l'économie russe
40:04est assez bonne, assez forte finalement face à ces sanctions.
40:08Donc, est-ce que vous n'en avez pas convaincu ?
40:13– Je pense que les sanctions sont quand même assez violentes et systémiques.
40:17Quand la banque centrale russe a été placée sur la liste noire,
40:22il y a eu 300 milliards de dollars qui ont été gelés.
40:26Ils ont même gelé les avoirs du président russe.
40:29Ce sont des actes de guerre quand même.
40:31Ils sont même en mesure de pouvoir geler des actifs
40:34qui se trouvent à l'extérieur des frontières.
40:37On a vu les oligarques russes qui ont été spoliés.
40:41On leur a pris leurs biens.
40:44– On a vu des yachts saisis en Méditerranée.
40:47– C'est vrai que si on a un petit peu de mal à s'offusquer
40:49pour l'élite russe, les oligarques russes de Poutine,
40:52il y a aussi la population russe qui est prise en otage,
40:55comme la population iranienne l'a été,
40:57comme des Français aussi peuvent l'être parfois
41:00parce qu'ils ont travaillé avec telle compagnie,
41:02parce que ça touche aussi les petites entreprises.
41:04Une petite entreprise qui veut travailler par exemple avec la Russie
41:07ne peut pas le faire dans ce cadre-là,
41:08puisque toutes les transactions sont interrompues.
41:11– Vous dites aussi Héloïse que l'affrontement mondial
41:14entre les États-Unis et la Chine semble assez inévitable.
41:18Est-ce qu'on peut imaginer voir un Donald Trump cibler la Chine
41:21malgré le changement de paradigme qu'il propose ?
41:25Est-ce qu'il va renoncer à ses acquis, à sa puissance ?
41:30– Non.
41:31Mon point de vue, c'est que plus la Chine va aller dans cette direction-là,
41:36puisque la Chine devient véritablement une rivale aujourd'hui
41:39pour les États-Unis, notamment sur le plan technologique,
41:42plus elle va être attaquée, sanctionnée.
41:47Et il n'y aura que deux réactions possibles,
41:50et c'est pour ça que j'en arrive à cette conclusion,
41:52mais il faudrait que les lecteurs découvrent un petit peu
41:54toutes les autres informations qu'il y a dans le livre
41:57pour se faire une idée.
41:59C'est que finalement, soit les pays sanctionnés
42:04vont décider de se soumettre,
42:06parce qu'ils n'auront pas les moyens de le faire,
42:08soit ils vont continuer de continuer à s'opposer.
42:11Et derrière l'illusion un peu de cette coopération de pays non alignés,
42:16peut-être qu'il y aura une escalade sur le plan militaire.
42:20– Alors, vous savez peut-être qu'il y a une divergence en Chine
42:24entre Xi Jinping, le président, et le chef de l'armée,
42:31le commandant-chef de l'armée chinoise,
42:34qui lui est moins belliciste paradoxalement que le président,
42:40et qui exerce une tension,
42:43il y a une tension au sein du pouvoir chinois
42:47entre belliciste et non belliciste, ou moins belliciste.
42:52Ils ne veulent pas aller vers l'affrontement avec les États-Unis.
42:56– On verra.
42:58– Mais encore une fois, cette hypothèse…
43:01– C'est sûr, vous avez posé la question à Poutine avant, en 2014,
43:04il aurait dit la même chose.
43:06– Oui, sauf que l'Amérique a toujours été, dans l'affaire ukrainienne,
43:11quand même très en retrait.
43:15On ne peut pas dire que ce soit une guerre franche.
43:19Ce n'est pas l'intervention en Irak,
43:21ce n'est pas la même chose quand même, malgré tout.
43:24Mais encore une fois, je me fais un peu l'avocat du diable.
43:28Non, c'est pour dire que c'est aussi les événements qui provoquent
43:31ou bien les changements, ou bien l'accélération des tensions.
43:35Dans le cadre d'Ukraine, la Russie a commencé à être sanctionnée dès 2014.
43:39Et concernant l'entrée en guerre,
43:43je pense que personne n'aurait pu la prévoir avant.
43:47– Vous avez dédié votre ouvrage, Héloïse Benhamou, à Louis Pouzin,
43:51que vous avez d'ailleurs rencontré à plusieurs reprises
43:54pour travailler votre ouvrage.
43:57Pouvez-vous nous parler de cet homme, de ses travaux ?
44:01– Oui. Louis est un ingénieur français que j'ai rencontré
44:06pour pouvoir étayer ma réflexion
44:10quand j'étais en train de faire mes recherches sur Internet
44:13parce qu'il est l'inventeur de ce qu'on appelle,
44:16de ce qu'il appelle, de ce qu'il a appelé les datagrammes,
44:19qui est un mode de communication entre ordinateurs
44:22qui a révolutionné le monde.
44:26– Ce qu'ils appellent la communication par paquets.
44:29– Voilà, par paquets qui sont transmis dans le réseau.
44:32– Aucun de nous, de l'ordre du soldat, n'est capable d'expliquer la réalité.
44:35– C'est un mode de communication qui a permis aux machines
44:37de communiquer entre elles au sein d'un réseau d'ordinateurs.
44:40– Qui a permis une grande fluidité, j'imagine.
44:43– Oui, et qui a été implémenté après dans les développements d'Internet aux États-Unis.
44:47– Aux États-Unis. Alors vous citez un certain Vinton Cerf.
44:50– Vinton Cerf et Robert Kahn qui ont développé après Internet aux États-Unis.
44:54– Tout à fait. Mais ce qui s'est passé en France,
44:56c'est que lorsque Louis Pouzin a fait cette découverte,
45:00il n'était pas seul, il était intégré dans le cadre du plan calcul
45:03à la délégation à l'informatique.
45:05– Alors, pardon de vous interrompre, mais il faut rappeler à nos téléspectateurs
45:08ce qu'était le plan calcul. Parce que le plan calcul,
45:11c'était une volonté d'informatiser la France,
45:13lui doter à la fois d'entreprises de fabrication des produits
45:17et de constitution de circuits, n'est-ce pas, de réseaux.
45:21– Oui, il y avait trois volets dans le plan calcul
45:23qui avaient été mis en place au départ par le général De Gaulle.
45:27Il y avait d'une part la volonté de bâtir une industrie
45:31dans le domaine de l'informatique.
45:34D'autre part, de vouloir équiper l'administration d'ordinateurs
45:38et de créer un réseau.
45:40D'ailleurs, quand on a recruté Louis, on lui a dit qu'on voulait un Arpanet.
45:45– Arpanet, oui.
45:47– Que son rôle, c'était de faire un Arpanet.
45:50Arpanet, c'est les premières communications
45:52entre deux ordinateurs situés à deux mètres.
45:54– Voilà.
45:55– C'est ça ?
45:56– Oui, donc c'était un peu différent de ce que lui a permis de faire après.
46:00Et il a été recruté en 71, pour un contrat de 4 ans.
46:06Et en 2 ans seulement, il a réussi à mettre en place
46:09le premier réseau d'ordinateurs général dans le monde.
46:14– Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que c'est un génie français.
46:17Comme beaucoup d'inventeurs français, il a été barré par son administration.
46:23C'est la France logistique.
46:25C'est la France qui croit beaucoup au Minitel.
46:28– Voilà.
46:29– Qui est dans l'impasse du Minitel.
46:31– Donc il y a d'autres choix qui ont été faits à cette époque-là.
46:34En 1973, et c'est un peu une coïncidence historique
46:37parce que c'est à ce moment-là que SWIFT a été créé.
46:40En 1973, il y a la première présentation officielle du réseau
46:45qui se nomme CYCLAD à l'administration française.
46:48Et c'est une immense réussite.
46:50Tout fonctionne parfaitement.
46:52Mais on décide de couper les financements et d'arrêter le projet après
46:55parce qu'il y a une espèce de guerre intestine
46:58avec l'administration des PTT.
47:00– Au sein de l'administration, et vous publiez la lettre…
47:02– Qui privilégie un autre réseau, oui.
47:04– Vous publiez la lettre de son supérieur hiérarchique.
47:07– Qui lui demande d'arrêter.
47:08– C'est hallucinant.
47:10– Voilà.
47:11Et il a continué quand même à faire ses travaux sur les réseaux
47:14parce qu'il avait une autre vision de ce que devaient être les réseaux
47:18même si Internet est effectivement une réussite à beaucoup de points de vue.
47:23Mais très conscient des dangers concernant l'hégémonie américaine,
47:27il plaidait pour d'autres réseaux pour le futur.
47:32– Une balkanisation des réseaux, c'est-à-dire une multiplication des réseaux.
47:35– Voilà.
47:36– Il a travaillé sur le réseau, ce qu'il appelle RINA.
47:39– Oui, qui sont des réseaux différents dans la manière de fonctionner qu'Internet,
47:46dans lesquels, moi je ne suis pas technicienne,
47:48mais les réseaux peuvent, différents réseaux peuvent communiquer entre eux
47:51s'ils le souhaitent ou non, dans certains domaines ou non.
47:54Et l'information ne se trouve plus dans l'adressage, dans les adresses IP,
47:58mais dans les paquets.
47:59– Et donc vous l'avez rencontré à plusieurs reprises.
48:01– On s'est rencontrés à plusieurs reprises.
48:03J'étais présente à son anniversaire pour ses 90 ans
48:06et il y avait beaucoup de personnes,
48:08parce qu'il crée beaucoup d'effervescence autour de lui.
48:10– Oui.
48:11– Il y a des personnes qui faisaient partie du projet avec lui dans les années 70,
48:14et des personnes qui étaient dans des projets plus modernes, plus jeunes,
48:19qui travaillaient pour l'Union Européenne.
48:21Et voilà, je vois un peu les limites qu'il y a aussi pour développer de tels projets.
48:26Peut-être une administration encore aujourd'hui,
48:29qui est peut-être trop peur du changement, trop peur de ce qui serait différent,
48:33trop peur de ce qui ne serait pas américain.
48:35Alors que justement la menace, c'est ce qui est américain.
48:38Et c'est vrai que c'est triste de voir qu'il y a cette force vive
48:44qui pourrait représenter un vivier énorme pour l'avenir,
48:47et pour les industriels, et dans plein de domaines,
48:50et que tout le monde l'ignore en France.
48:52Il a encore été invité, je crois que c'était en 2023,
48:56par le roi Charles, en Angleterre, à nouveau.
49:00– Il avait été appelé par la reine d'Angleterre ?
49:02– Oui, tout à fait.
49:03– Qui avait compris, c'est extraordinaire.
49:05Et la France n'est pas foutue de comprendre qu'elle avait un génie,
49:08et qu'il fallait développer ses inventions.
49:11Et c'est la reine d'Angleterre qui va…
49:14Bon, alors il a été quand même décoré à la fin,
49:17il a été décoré la Légion d'honneur.
49:19– Oui, il a eu la Légion d'honneur, et des arts et des lettres, je crois.
49:26– Un chevalier, oui.
49:27– Un chevalier des arts et des lettres.
49:29Eh bien Héloïse, nous sommes presque à la fin de cet entretien,
49:32d'une grande richesse.
49:33Votre livre, d'ailleurs l'entretien ne donne pas toute la dimension de votre livre,
49:40parce qu'il est très, ce que je l'ai dit tout à l'heure,
49:42mais il est très sourcé, très référencé.
49:45Et il est incontestable de ce point de vue-là.
49:47Et ça, je crois que…
49:48– Mais il n'est pas si technique, pour prendre la défense du livre d'Héloïse,
49:52que nos téléspectateurs pourront retrouver sur la boutique officielle de TV Liberté.
49:57– TV Liberté.
49:58Merci beaucoup à vous, Héloïse, d'avoir accepté cette nouvelle invitation.
50:02– Merci.
50:03– Merci à vous également, Olivier.
50:05– Merci à vous, Pierre.
50:06– Tout de suite après cet entretien,
50:07vous pouvez retrouver la chronique économique et financière de Philippe Béchade.
50:12Et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine.
50:14À bientôt, salut.
50:16Générique
50:38Bonjour et bienvenue pour ce rendez-vous hebdomadaire
50:42de décryptage de l'actualité économique
50:44et géopolitique en mode affranchi.
50:46Je salue tous les abonnés de TV Liberté,
50:49à qui je renouvelle tous mes vœux pour 2025 en mon nom,
50:54ainsi qu'en celui des publications Agora,
50:57pour cet épisode que je vais intituler
51:01« 2025, année de la liberté d'expression à grands coups de ciseaux ».
51:08Vous voyez bien où je veux en venir.
51:13Notre ex-commissaire européen Thierry Breton
51:17estime que le plus grand danger pour la démocratie en 2025,
51:22ce ne sont pas les 68 000 faillites d'entreprises
51:27qu'on a déjà enregistrées ces douze derniers mois.
51:29Et le rythme s'accélère au début de l'année 2025.
51:33Ce ne sont pas les 240 000 emplois qui pourraient être perdus.
51:37Ce ne sont pas les 5,4 % de déficit.
51:42Si tout se passe bien, si tout reste en état,
51:46pour les finances françaises,
51:49345 milliards d'euros à lever sur les marchés,
51:53ça va passer évidemment comme une lettre à la poste.
51:56Le problème, ce n'est évidemment pas l'élargissement
51:59de l'écart de rendement entre nos OAT et les bounes.
52:03L'écart de rendement, c'est le différentiel de coûts
52:06pour refinancer notre dette,
52:08qui est monté en une semaine de 82 à 87 points.
52:13Non, le danger pour la France, la démocratie,
52:17c'est Elon Musk et la liberté d'expression.
52:22La liberté d'expression, oui,
52:25uniquement lorsqu'elle est validée par le ministère
52:29de la Vérité européen.
52:31Et c'est donc le commissaire, l'ex-commissaire Thierry Breton,
52:35qui aujourd'hui n'a plus de titre,
52:37qui est omniprésent sur les plateaux télé
52:41pour nous expliquer quel est le danger
52:43représenté par Elon Musk,
52:45quelqu'un sur lequel il serait bon d'enquêter.
52:49Alors, moi, j'ai capté une déclaration
52:54assez lunaire de Volodymyr Zelensky,
52:58c'était le 8 janvier, je crois,
53:01et il expliquait que sur les 177 milliards
53:06promis par l'Union européenne à l'Ukraine,
53:11et on va dire que lorsqu'il y a eu les élections
53:15européennes au mois de juin dernier,
53:17l'Europe avait déjà promis au moins 140 milliards,
53:22eh bien, sur ces 140 milliards,
53:25du temps où M. Breton était haut-commissaire,
53:2970 milliards n'auraient pas été versés à l'Ukraine,
53:34mais où sont-ils ?
53:37Est-ce qu'il ne serait pas plutôt prioritaire
53:40d'enquêter pour savoir ce que sont devenus
53:43ces 170 milliards d'argent des contribuables européens,
53:47alors que, à ma connaissance,
53:51Twitter, et maintenant Meta,
53:55qui a revu sa politique de fact-checking,
54:00au nom d'une vérité officielle,
54:04est-ce qu'Elon Musk et Mark Zuckerberg
54:08coûtent un euro ou un dollar
54:11aux contribuables européens ?
54:14Et si on enquêtait sur Thierry Breton,
54:18une personne dont le track record
54:21est, à mon avis, imbattable,
54:24patron de bulles de 1997 à 1999,
54:27il laisse l'entreprise Exxang.
54:31L'État devra recapitaliser de 100 millions
54:35pour éviter la faillite.
54:39Ayant échoué à la tête de bulles,
54:42il se trouve propulsé à la tête
54:45de quelque chose de beaucoup plus gros,
54:48Thomson. Et jusqu'en 2002,
54:51lorsqu'il rendra son tablier,
54:54Thierry Breton laissera Thomson Exxang
54:58et ses divisions produits électroménagers
55:02seront vendues pour une bouchée de pain
55:06aux Japonais. Et puis, ayant échoué
55:09à la tête de Thomson, qu'à cela ne tienne,
55:12il se retrouve bombardé à la tête
55:15de France Télécom. 2003-2005,
55:18France Télécom battait de l'aile.
55:21Il décide de redresser la situation
55:24en mettant en place des pratiques
55:27de serrage de vis qui conduiront
55:30à une vague de suicides de salariés
55:33de France Télécom. Après avoir échoué
55:36en tant que patron de trois grandes entreprises,
55:39on se dit qu'il était parfaitement désigné
55:42pour devenir ministre des Finances
55:45de 2005 à 2007. Il en profitera pour
55:48l'aéroport de Toulouse aux Chinois,
55:51qui nous le rendront après l'avoir vidé
55:54de sa substance.
55:57N'ayant pas vraiment convaincu
56:00comme ministre des Finances, on le retrouve
56:03ensuite patron d'Atos
56:06de 2009 à
56:092018 ou 2019.
56:12Et là, il se lance dans une campagne d'acquisition,
56:15une véritable folie des grandeurs,
56:18une folie américaine. Il fait doubler de taille
56:21le groupe, mais surtout, il fait exploser
56:24sa dette car il rachète de façon
56:27inconsidérée une entreprise américaine
56:30totalement hors de prix,
56:33ce qui ensuite provoquera
56:36l'explosion de la dette
56:39d'Atos et l'effondrement
56:42du titre. Pendant ce temps-là, lui, il avait
56:45quitté la direction en 2019 pour devenir haut-commissaire
56:48européen. Et là, il ne verra évidemment pas
56:51disparaître de 2022 à juin 2024
56:5470 milliards promis à
56:57l'Ukraine. Donc effectivement, M. Breton
57:00est tout à fait la personne
57:03légitime pour critiquer
57:06M. Elon Musk, qui évidemment enchaîne les faillites,
57:09c'est bien connu, et qui coûte tellement
57:12cher aux contribuables européens. Nous avons
57:15conçu à votre attention un rapport
57:18spécial que vous obtiendrez
57:21gratuitement en cliquant dans le lien
57:24en description de cette vidéo. Un rapport spécial qui analyse
57:27toutes les conséquences économiques,
57:30financières et patrimoniales.
57:33Et bien sûr, ce rapport
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