50 ans de la disparition de Pablo Picasso : Cécile Debray et Laurent Greilsamer sont les invités de Culture médias

  • l’année dernière
ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : bit.ly/radioE1
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "L'invité culture" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video

Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV

Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Culture Média sur Orantin jusqu'à 11h.
00:02 Et Philippe, aujourd'hui on va s'intéresser à l'un des peintres qui a marqué le XXe siècle et le XXIe.
00:09 - Mais justement, de quelle manière c'est le sujet ?
00:11 Bonjour Cécile Debray, vous êtes historienne de l'art, il faut vous approcher du micro,
00:15 commissaire d'exposition et surtout vous êtes la présidente du musée Picasso à Paris.
00:19 Avec vous on va célébrer les 50 ans de la disparition de Pablo Picasso,
00:22 avec vous, mais pas seulement avec vous.
00:24 Bonjour Laurent Grelsheimer.
00:26 - Bonjour.
00:27 - Vous êtes journaliste et vous êtes un des cofondateurs du 1,
00:30 ce magazine très particulier qui consacre en plus, particularité dans la particularité,
00:35 un hors-série à Picasso.
00:37 Je vais commencer par vous, pourquoi un numéro spécial du 1 consacré à Picasso ?
00:41 Parce que des grandes figures de l'art, il y en a beaucoup,
00:43 et tant mieux, vous pourriez faire un hors-série, pas toutes les semaines mais tous les mois.
00:46 - Oui, quasiment.
00:47 Non, il y a une raison précise, c'est les 50 ans de sa mort,
00:51 et on a voulu marquer cet événement, c'est une, comme vous le savez,
00:54 c'est une figure très contestée aujourd'hui, admirée, fascinante,
00:58 et on a voulu faire le point.
01:00 - Cécile Debray, vous intervenez justement dans ce numéro du 1,
01:02 vous dites que l'apport de Picasso à la peinture est comparable
01:06 à celui de Joyce ou de Proust en littérature.
01:09 Pour quelle raison ? C'est le plus grand du XXe siècle, Picasso ?
01:11 Comme on dit ici en France que Proust est le plus grand, même indépassable, du XXe siècle.
01:15 - Oui, c'est vraiment la figure dominante de l'histoire de l'art,
01:21 mais également, je dirais en termes de notoriété, du marché de l'art,
01:26 enfin, tous les domaines, c'est vraiment une figure,
01:30 la figure du peintre engagé, la figure de celui dont les œuvres
01:34 atteignent les plus hauts prix sur le marché de l'art,
01:38 celui dont le nom est omniprésent en histoire de l'art, etc.
01:42 - Et c'est même une figure pop, je pense, Andy Warhol,
01:44 puisqu'il a même une citroënne à son nom.
01:46 - Oui, alors après...
01:47 - Alors qu'il n'y a pas une Renaud-Marcel Proust.
01:49 - Non, voilà, c'est sa notoriété...
01:51 - On se rend compte, en disant la phrase, du niveau de notoriété qu'il faut avoir
01:55 pour avoir une voiture à son nom, et pas d'une petite marque.
01:58 - Absolument. Et il y a beaucoup de raisons à ça,
02:01 mais effectivement, il a été aussi l'une des premières figures, en tant qu'artiste,
02:06 à être une figure pop, c'est-à-dire une figure télévisuelle.
02:09 Il a vraiment, dès les années 60, été filmé, regardé...
02:13 - Ah ! Alors c'est très étrange que vous parliez de ça, j'allais en parler,
02:17 mais justement, Laurent Galsamer, moi je connaissais,
02:19 j'ai vu le mystère Picasso, évidemment,
02:21 j'ai aucun souvenir d'interview de Picasso, ou vaguement,
02:25 des images comme ceci, je le vois dans sa maison à Mougin,
02:27 ou je le vois en train de faire de la poterie,
02:28 et vous dites, Laurent Galsamer, qu'on l'a peu vu à la télévision.
02:31 C'était la télé qui ne voulait pas de lui, ou c'est lui qui ne voulait pas de la télé ?
02:34 - C'est lui, c'était un refus radical, et je pense que c'est sa grande force,
02:37 parce que pour rebondir sur ce que vient de dire de manière très juste,
02:41 et c'est le vrai, en fait, Picasso,
02:43 c'était pas forcément volontaire, mais il est devenu une star.
02:46 Et la star, c'est quoi ?
02:48 La star, c'est quelqu'un qui secrète du silence autour d'elle,
02:52 et plus le silence prospère, d'une certaine manière,
02:55 plus il y a une attente d'un mot, d'une phrase, d'un entretien.
02:59 Or, de manière très délibérée, après-guerre,
03:02 quand la télévision a commencé à monter en France,
03:04 il a refusé de répondre aux entretiens,
03:06 et il a presque refusé d'être filmé.
03:08 Il a beaucoup aimé être photographié, il avait un côté un peu cabot,
03:12 donc il y a un matériel fantastique si on veut publier des photos,
03:16 mais pour ce qui concerne la télévision, c'est incroyable,
03:18 le seul entretien, les trois minutes,
03:21 d'ailleurs très médiocres, d'une certaine manière,
03:24 où il se moque un petit peu gentiment, ironiquement,
03:27 du journaliste qui l'interroge,
03:29 c'est trois minutes pour ses 85 ans.
03:32 85 ans.
03:33 - Alors justement, Laurent Grelsamer,
03:36 vous publiez un long papier qui va nous servir de trampe,
03:37 parce que vous posez des bonnes questions, de très bonnes questions,
03:40 et qui dresse un large panorama, notamment celle-ci,
03:42 "Comment expliquer qu'il était inconnu ?"
03:44 Ce que je ne savais pas, du grand public jusqu'à l'âge de 64 ans,
03:47 je veux dire, le sens de ma question, depuis que je suis tout petit et que mes parents,
03:50 pour moi, un grand peintre, c'est Picasso.
03:52 À part si on monte de l'eau classique,
03:54 si on ne va pas remonter à Raphaël et aux impressionnistes,
03:57 mais après, le grand peintre moderne, c'était Picasso,
04:00 et vous dites "il était inconnu du grand public jusqu'à 64 ans",
04:03 or, il y a des tableaux de 1901,
04:05 la période bleue, la période rose,
04:08 c'était bien avant ses 64 ans.
04:10 - Oui, c'est un propos qui apparaît tout à la fois paradoxal et un peu surprenant,
04:14 presque choquant.
04:15 En réalité, je le maintiens, parce qu'il était inconnu du grand public.
04:19 Évidemment, et puis 64-65 ans, c'est la libération de la France,
04:24 il traverse la guerre, et puis il arrive à la libération,
04:28 il devient une sorte de héros national et international,
04:32 mais avant-guerre, il était déjà connu du monde entier,
04:36 des collectionneurs, des... - Du petit Cénacle !
04:38 - Mais voilà, voilà. Et du grand public, parfois, aux États-Unis, par exemple.
04:42 Il y a eu une exposition itinérante aux États-Unis en 1939, considérable,
04:47 mais en France, il était non seulement très peu connu,
04:51 sauf du milieu des collectionneurs,
04:54 mais les musées nationaux le refusaient.
04:56 - Alors justement, j'ai lu ça sous la parole de Cécile Debray,
04:59 qui vous a interrogé, Picasso était connu dès 1901,
05:02 il y a le fameux autoportrait où il est barbu avec une grosse masse de cheveux.
05:04 Vous nous apprenez qu'il faut attendre Cécile Debray, 1947,
05:07 pour voir les premiers Picasso dans un musée national français,
05:10 c'est un temps très long, entre 1901 et 1947,
05:14 il y a eu les deux guerres mondiales,
05:15 pourquoi cette frilosité des autorités françaises ?
05:19 - Ah, c'est toute la difficulté de l'histoire de notre métier,
05:24 effectivement, le rapport de l'institution française,
05:29 muséale avec l'art moderne, a été très très frileuse.
05:35 Et ça a été le... je dirais, le valeur de notre profession.
05:40 - Mais est-ce qu'au même moment, ils exposaient des contemporains de Picasso,
05:42 je sais pas, moi, Braque ou d'autres ?
05:44 - Non, non, pas du tout, je pense qu'il y a eu...
05:45 - C'était tout ce pan de l'art qui était méprisé, ou rendu aveugle,
05:51 ou c'était Picasso spécifiquement ?
05:52 - Non, non, les conservateurs de musée étaient très conservateurs,
05:56 et très fermés en fait à l'art moderne,
05:58 donc il a fallu attendre des grandes figures,
06:02 comme Jean Cassou, qui était un des fondateurs du musée d'art moderne,
06:05 pour aller presque supplier les grandes figures de l'art français,
06:11 comme Matisse ou Picasso,
06:13 de faire des dons pour ouvrir ce musée d'art moderne,
06:17 parce que l'État avait très très peu acheté,
06:20 ou en tout cas avait mal acheté.
06:21 Je dirais que c'est tout le drame sur lequel a été construit le Centre Pompidou,
06:28 qui a été construit presque contre les musées de France,
06:33 pour avoir un peu de liberté,
06:35 pour pouvoir faire une politique d'acquisition qui soit plus en phase,
06:40 et pour rattraper un gros gros retard, oui bien sûr.
06:43 - Et Laurent Grelsamer, vous écrivez un long papier dans lequel vous expliquez,
06:47 ce que je ne savais pas, que Picasso, en même temps,
06:49 refusait d'être exposé.
06:52 - Oui, alors, je crois que si on parle aujourd'hui de Picasso,
06:57 et si on vient de dire tout ce qu'on a dit,
06:59 à savoir qu'il écrase un peu tous les autres artistes du XXe siècle,
07:04 ce qui est un peu excessif,
07:05 parce qu'il y a des figures majeures qu'on a tous en tête,
07:09 mais c'est qu'il a su, très jeune,
07:13 dans ses premiers voyages à Paris, entre 1901 et 1904,
07:17 il vit à Paris, au bateau Lavoie, il revient en Espagne, il retourne à Paris,
07:21 et en fait c'est une période où il a une vingtaine d'années,
07:24 où il réfléchit de manière très aiguë à ce qui se passe autour de lui.
07:27 Et il voit tous ses copains exposés dans les salons,
07:30 il voit ses copains refusés...
07:33 - Refusés, E.S. !
07:34 - Voilà !
07:34 - Pas refusés, E.R. d'être exposé, mais refusés, E.S. !
07:37 - Exactement.
07:37 - Vous avez cette formule géniale, il refusait d'être refusé.
07:39 - Voilà, et lui comprend que pour se démarquer,
07:42 pour tracer une voie originale,
07:44 il faut non seulement trouver sa voie en peinture,
07:47 et il va mettre quand même une dizaine d'années à trouver sa vraie voie en peinture,
07:51 parce que tout le monde s'extasie sur la période bleue,
07:54 mais la période bleue, en réalité, pour lui, c'est une période sentimentale qui n'a pas d'intérêt.
07:58 Nous, on l'adore !
08:00 Mais lui, il trouve sa voie à partir d'Edmoiselle d'Avignon en 1907.
08:04 Mais enfin, bref, si vous voulez,
08:06 il a, sur le plan de ses interventions publiques,
08:10 et de la manière d'être exposé, il a réfléchi,
08:12 il a refusé d'être exposé, comme tout le monde dans les salons,
08:15 ce qui, à l'époque, était l'un des principaux biais,
08:18 truchement, pour être vu et reconnu du public.
08:22 - Attention, est-ce que vous êtes sur la période bleue sentimentale,
08:24 parce que vous avez fait bondir...
08:26 - Non, non, je suis d'accord pour dire que c'est une peinture sentimentale,
08:29 ce que je veux dire, c'est que Picasso,
08:32 et on en a parlé,
08:33 Picasso, c'est d'abord un peintre étranger,
08:36 quand il arrive à Paris, c'est un peintre espagnol,
08:39 - Il est resté ?
08:41 - Oui, voilà.
08:42 - Et j'ai appris qu'on lui a refusé la nationalité française,
08:44 ce que je ne savais pas non plus, pour donner corps à ce que vous dites.
08:46 - Exactement, et donc quand il arrive, en fait,
08:48 il est face à une tradition,
08:52 la tradition des salons,
08:54 dans laquelle Matisse,
08:57 qui est un peu son aîné,
08:59 et qui va être celui, je dirais, qui sera beaucoup plus radical
09:02 dans ces années-là, c'est quand même Matisse qui ouvre la voie,
09:05 lui, joue le jeu, en fait, des salons,
09:08 et il montre ses œuvres,
09:10 mais il est déjà très intégré,
09:12 alors que Picasso, c'est un étranger,
09:14 qui regarde ça avec méfiance,
09:16 et il avait sans doute raison,
09:18 et puis il a été accompagné ensuite
09:20 par Kahnweiler, son marchand,
09:22 qui a aussi eu une stratégie très efficace.
09:24 - Mais quand même, ce que j'ai appris,
09:26 d'un mot, parce qu'après il faut qu'on marque une pause.
09:28 - D'accord, c'est qu'en fait,
09:30 Picasso est très conscient
09:33 de son...
09:35 - Sa valeur ?
09:36 - Sa valeur, oui, de son génie.
09:38 On en reparlera, mais je crois que c'est une des clés, en tout cas.
09:41 - Il y en a un autre qui est conscient de sa valeur, de son génie,
09:44 c'est Jean-Luc Le Moyen qui nous l'a appris, c'est Olivier Benquemoun,
09:46 On parle cinéma, c'est l'indispensable cinéma.

Recommandations