Pour le Grand Orient : "Notre modèle républicain est menacé par l’islam politique"

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Pour le Grand Orient : "Notre modèle républicain est menacé par l’islam politique", estime George Sérignac, grand maître du Grand Orient de France.

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Transcript
00:00 – Bonjour Georges Sérignac, merci beaucoup d'être notre invité ce matin.
00:03 Vous êtes le grand maître du Grand Orient de France,
00:05 c'est la principale obédience maçonnique et le Grand Orient
00:09 qui fête ses 250 ans cette année.
00:12 Être franc-maçon en 2023, qu'est-ce que ça signifie ?
00:16 – Alors, bonjour, merci de nous recevoir.
00:22 Être franc-maçon en 2023, ça signifie, en tout cas au Grand Orient de France,
00:28 être profondément encore, non seulement imprégné des valeurs de la République,
00:33 des principes de la République, mais aussi être convaincu de l'importance,
00:39 aujourd'hui, de la défendre et de la préserver, voire de la sauvegarder.
00:44 C'est donc, bien sûr, avec une méthode particulière,
00:48 héritée d'une tradition depuis près de trois siècles, une singularité,
00:54 mais aussi depuis la seconde moitié du 19ème siècle,
00:58 un engagement pour la République dont le rôle historique est démontré
01:05 par les archives, qui sont totalement publiques,
01:08 tout de suite pour déminer, démystifier le fameux secret maçonnique.
01:12 Et donc cet engagement républicain pour la construction d'abord de la République
01:16 dans la seconde moitié du 19ème siècle, et ensuite pour la préserver
01:21 et faire avancer aussi la société, mais toujours dans l'idée
01:25 des principes républicains, faire que cette société aboutisse finalement
01:30 à la République telle qu'elle a été conçue à partir de la Révolution française.
01:34 – Vous le disiez, la franc-maçonnerie a la réputation d'être très secrète,
01:39 d'agir dans l'ombre, d'avoir ses codes, vous vous exprimez dans les médias,
01:42 vous faites même un tour de France.
01:44 En ce moment, est-ce que vous estimez qu'il faut un peu casser cette image
01:48 et qu'il vous faut parler au plus grand nombre ?
01:51 – Alors, oui, en quelque sorte oui, mais cette image c'est un déficit finalement
01:58 de la communication de la franc-maçonnerie au sens moderne.
02:02 Nous avons une méthode qui est la discrétion, c'est comme ça,
02:06 les francs-maçons ne surréagissent pas à l'actualité,
02:08 ils travaillent sur le temps long, ils travaillent sur la philosophie,
02:12 les grands principes, évidemment.
02:14 Donc cette méthode ne peut pas aller avec une communication à tout crin
02:20 où nous surréagirions à l'actualité,
02:22 où nous serions régulièrement tel un parti politique ou un syndicat,
02:25 ce qui est très important, les partis politiques et syndicats…
02:27 – Mais c'est pas vous.
02:28 – Mais c'est pas nous, voilà.
02:29 Donc en revanche, la présentation qui est faite de la maçonnerie
02:34 est une présentation fausse.
02:36 L'image de la maçonnerie dans le grand public, pour beaucoup, est mauvaise,
02:42 c'est-à-dire que l'idée maçonnique est une idée généreuse,
02:45 est une idée de construire une société de solidarité, de justice,
02:50 notre devise c'est "liberté, égalité, fraternité",
02:54 qui est à peu près équivalente en date à celle de l'adoption par la République,
02:58 et donc notre communication aujourd'hui n'est pas du tout
03:02 de revenir sur notre discrétion et notre façon de travailler, pas du tout,
03:07 mais en revanche d'expliciter mieux ce qu'est l'idée maçonnique.
03:11 – Mais est-ce que pour ça il ne faut pas une plus grande ouverture,
03:14 une plus grande transparence sur la franc-maçonnerie ?
03:16 – Alors, ça dépend de ce qu'on appelle transparence.
03:20 Là, si vous voulez, le fait que nos réunions,
03:24 ce que nous appelons nos tenues,
03:27 soient uniquement réservées à ceux qui sont francs-maçons,
03:30 c'est simplement ce qu'on appelle le secret des délibérations,
03:34 c'est-à-dire ce qui se pratique finalement dans beaucoup d'associations
03:37 qui ne reçoivent que leurs propres membres quand elles travaillent,
03:40 voire des grands corps d'État,
03:42 où on fait le serment de garder le secret des délibérations,
03:46 et ce n'est pas le secret maçonnique
03:47 dont tout le monde parle avec beaucoup de fantasmes finalement.
03:52 Mais ça, c'est quelque chose qui a été colporté
03:54 par les adversaires de la franc-maçonnerie,
03:57 c'est-à-dire que dès le début,
03:58 ceux qui trouvaient que la maçonnerie allait les gêner,
04:01 c'est l'Ancien Régime en fait,
04:03 la monarchie absolue de droit divin soutenue par la papauté.
04:08 Et ceux-là qui sont les adversaires de la maçonnerie
04:11 identifient la maçonnerie comme un danger pour leur pouvoir,
04:14 leur pouvoir temporel bien sûr,
04:16 et à partir de là,
04:17 commencent à répandre sur la maçonnerie cette image très sulfureuse.
04:22 – Mais comment on devient franc-maçon aujourd'hui ?
04:24 – Alors très simplement, d'abord, pour nous,
04:27 je parle du Grand Orient de France, parce que voilà…
04:31 – Chaque loge a ses spécificités.
04:33 – Chaque obédience.
04:33 – Chaque obédience a ses spécificités.
04:35 – Et donc au Grand Orient de France, il suffit de,
04:39 alors soit de connaître un franc-maçon qui vous le propose, bien sûr,
04:42 soit d'écrire "16 recadés" au siège du Grand Orient de France,
04:46 vous écrivez, voilà, mais ensuite, il faut montrer qu'on a une véritable,
04:51 ce que je disais au tout début de notre entretien,
04:54 qu'on a une véritable adhésion, mais profonde, aux valeurs républicaines.
04:59 Pour nous, c'est absolument essentiel d'avoir cet engagement,
05:04 cet engagement pour les valeurs républicaines.
05:06 – Justement, on va en parler des valeurs républicaines,
05:09 parce que chaque siècle a connu son grand combat.
05:12 Il y a eu l'égalité au 18e siècle, le progrès social au 19e, la laïcité,
05:15 fin 19e, début 20e.
05:17 C'est quoi aujourd'hui le combat majeur pour vous du 21e siècle ?
05:22 – On est dans une période où je dirais, il y a plusieurs éléments,
05:28 parce qu'on est dans une période très particulière de l'histoire,
05:31 même de l'humanité, donc il y a des combats majeurs à très court terme,
05:37 par exemple le combat politique contre l'extrême droite,
05:41 qui pour nous est très important,
05:42 puisque nous ne décernons pas de brevets de partis
05:48 qui appartiennent à la République ou pas, ce n'est pas notre sujet.
05:52 Nous travaillons sur les grands principes,
05:54 et nous craignons tout ce qui peut atteindre la République.
05:58 Et donc à partir de là, tout ce qui ressemblerait
06:01 à une dérive démocratique républicaine,
06:04 parce que, ne confondons pas République et démocratie,
06:08 ce qui est important pour nous c'est la République démocratique,
06:11 c'est-à-dire que le terme de République est au moins aussi important
06:14 que le terme démocratique dans la République démocratique.
06:17 Et donc ça c'est le combat à court terme.
06:20 – Mais cette dérive, elle est incarnée par qui pour vous aujourd'hui ?
06:24 Par l'Assemblée nationale ?
06:25 – Oui, bien sûr, évidemment, mais pas seulement,
06:28 également par d'autres qui se sont présentés à l'extrême droite,
06:32 que nous nous considérons…
06:33 Si vous voulez, nous avons, pour simplifier les choses,
06:35 dans notre règlement général, nous avons un article qui dit
06:39 "on ne peut pas appartenir au Grand Orient de France
06:42 si on tient des propos où on appartient à un groupement raciste,
06:46 xénophobe, prônant la haine de l'autre".
06:49 Ça c'est dans notre règlement général,
06:51 c'est donc dans notre statut, je dirais, dans notre ADN.
06:53 Voilà ce qui définit notre position.
06:55 – Ce dont défend le Rassemblement national, son président Marine Le Pen ?
06:59 – Oui, bien sûr, mais son entourage s'en défend moins, on va dire.
07:04 – Donc votre combat politique c'est la lutte contre le Rassemblement national ?
07:07 – Oui, contre les totalitarismes, pas seulement,
07:09 c'est vraiment la défense de la République.
07:11 Nous n'avons pas de combat contre quiconque,
07:14 nous cherchons à préserver, à sauvegarder la République.
07:17 C'est ça qui est très important, et surtout aussi,
07:21 à la faire encore progresser pour aboutir.
07:23 Par exemple, dans le combat, aujourd'hui il y a un sujet,
07:26 parce que vous parliez des sujets, ce n'est pas un combat majeur,
07:29 mais c'est un sujet très important pour nous,
07:30 c'est celui de la fin de vie, celui de l'euthanasie.
07:32 – Oui, on peut en parler.
07:33 – Si vous voulez, oui.
07:34 – On va en parler, mais juste pour finir sur le Rassemblement national,
07:37 est-ce que pour vous la montée du Rassemblement national
07:39 dans le pays est inéluctable ?
07:41 – Alors, je pense qu'il faut faire du catastrophisme éclairé,
07:44 c'est-à-dire qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont,
07:46 c'est-à-dire qu'aujourd'hui le Rassemblement national
07:49 a un comportement irréprochable à l'Assemblée nationale.
07:53 Comme vous dites, les propos de Marine Le Pen sont parfaitement républicains
07:56 et sont dans le débat démocratique parfaitement recevables.
08:00 Donc, dans cette conjoncture,
08:04 on peut imaginer qu'il accède au pouvoir effectivement aux prochaines échéances
08:08 et les sondages, s'ils sont révélateurs,
08:11 montrent quand même une évolution très nette au fil des années,
08:14 depuis 10 ans on va dire, de la montée de Marine Le Pen,
08:18 qui prend vraiment une stature présidentielle.
08:21 Donc à partir de là, l'idée c'est d'expliquer en fait quel est le programme,
08:27 quelles sont les choses, enfin moi je n'ai pas de conseils à donner aux politiques
08:30 parce que ce n'est pas mon objet, mais nous, en tout cas dans nos loges,
08:33 dans nos ateliers, ceux qui se travaillent, c'est plutôt sur le fond des choses.
08:36 Et c'est parce que nous pensons que l'électorat, lui,
08:40 ne mesure pas le geste qu'il fait
08:45 en votant pour des programmes d'extrême droite.
08:49 – Parce qu'elle a réussi la stratégie de dédiabolisation
08:52 et aussi parce qu'il y a une faiblesse des autres partis politiques,
08:54 c'est ça qui explique pour vous la montée du Rassemblement national ?
08:56 – Si vous voulez, qu'il y ait même une disparition des autres partis politiques,
09:01 c'est certain, c'est une observation que tout le monde fait,
09:05 y compris au sein des partis politiques bien sûr.
09:07 Donc, et ça c'est très très troublant pour notre débat démocratique
09:12 parce que la vitalité du débat démocratique,
09:14 elle est représentée par la vigueur des partis politiques bien sûr.
09:17 Mais à partir de là, bon voilà, il y a sûrement d'autres facteurs,
09:20 il y a des facteurs très nombreux, des facteurs culturels,
09:23 je parlais de la période très particulière que nous vivons
09:25 parce que dans les combats importants, il y a aussi bien sûr le problème
09:29 même du futur de l'humanité avec l'écologie,
09:32 avec le dérèglement climatique et la chute drastique de la biodiversité
09:38 qui sont des problèmes qu'aujourd'hui, dont nous nous saisissons,
09:40 dont nos loges se saisissent.
09:41 – De quelle manière alors, vous saisissez de ces problèmes d'économie ?
09:44 – C'est toujours la même méthode, la méthode maçonnique,
09:46 c'est de travailler sur les idées.
09:49 Nous sommes, la maçonnerie est fille des Lumières,
09:51 les Lumières c'est la philosophie de la raison
09:54 et donc de travailler sur les idées, de faire que nos loges
09:58 élaborent peu à peu une pensée, alors nous ne sommes pas des experts,
10:03 c'est simplement des hommes et des femmes de bonne volonté
10:05 imprégnées de grande valeur qui travaillent sur des idées
10:08 et qui peu à peu apportent quelque chose probablement
10:11 dans la diffusion de ces idées et dans l'évolution finalement d'une société.
10:16 Et dans les combats majeurs aussi, je tiens à le dire,
10:18 c'est l'égalité homme-femme qui pour nous est absolument essentiel,
10:23 d'ailleurs nous avons participé, la maçonnerie a participé
10:27 à la fin du XXème siècle, à cette avancée majeure
10:29 que constitue à la fois le droit des femmes de disposer de leur corps,
10:35 de cette autonomie extraordinaire, l'autonomie financière également
10:39 des femmes qui est absolument essentielle bien sûr,
10:41 et donc dans cette révolution que représente cette émancipation des femmes,
10:46 pour nous c'est un combat essentiel qui détermine toute la société
10:50 et qui probablement si l'écologie ne conduit pas à un désastre
10:56 dans les années qui viennent, les historiens futurs verront
10:58 notre époque probablement avec cette révolution sociétale
11:03 tout à fait majeure comme essentielle.
11:05 – Vous nous le dites, votre but c'est de produire des idées,
11:08 vous avez un combat politique mais vous n'êtes pas un parti politique,
11:11 l'âge d'or de la franc-maçonnerie en termes d'influence politique
11:13 c'était la IIIème République, la franc-maçonnerie aujourd'hui
11:16 est-ce qu'elle a encore une influence politique ?
11:18 – Alors moi je fais partie peut-être des rares qui…
11:22 je pense que ça n'est pas l'âge d'or de l'influence
11:24 de la franc-maçonnerie, de la IIIème République,
11:26 c'est l'âge d'or de la visibilité en politique de la franc-maçonnerie
11:29 parce qu'on est dans le combat républicain,
11:31 on est dans l'acmé du combat républicain contre la monarchie
11:36 et à ce moment-là, comme la franc-maçonnerie s'est engagée
11:39 dans ce combat républicain, beaucoup d'hommes profondément imprégnés
11:43 des valeurs républicaines et qui vont avoir un engagement très fort
11:45 sont aussi franc-maçons et on le sait.
11:47 Donc c'est une visibilité.
11:48 Mais l'influence de la maçonnerie, comme je vous l'ai dit,
11:51 ce sont les frères et les sœurs qui travaillent dans l'humilité,
11:56 dans l'obscurité même des temples, dans le silence
11:59 et qui peu à peu dans leur vie familiale, professionnelle, associative,
12:04 syndicale, parfois politique, diffusent ces idées.
12:07 Et aujourd'hui, nous sommes relativement nombreux
12:10 puisque le Grand Orient de France compte environ 54 000 membres,
12:14 nous avons près de 1400 loges, 1400 ateliers
12:17 et donc cette diffusion généralisée sur tout le territoire,
12:21 voire à l'étranger aussi, permet simplement cette diffusion des idées
12:25 bien loin de la caricature colportée de grands maîtres ou de francs-maçons
12:30 qui manipuleraient, qui seraient des marionnettistes du monde,
12:33 ce qui est grotesque sans être stupide.
12:35 – Sans manipuler, mais est-ce que vous avez une influence au Parlement
12:38 puisqu'on est sur une chaîne parlementaire,
12:39 est-ce que vous avez une influence dans le vote des lois ?
12:41 – Alors, je crois que c'est toujours dans le même registre,
12:44 c'est-à-dire dans l'évolution des idées,
12:47 c'est-à-dire qu'il est évident qu'il y a aujourd'hui encore
12:52 des francs-maçons parlementaires, bien sûr,
12:54 parlementaire, il a une vie personnelle et…
12:56 – Vous savez dans quelle proportion ?
12:58 – Non, si vous voulez, on n'a pas de fichage,
13:01 ça ne va pas très bien le fichage avec les francs-maçons,
13:04 donc on préfère éviter ça.
13:07 Mais en revanche, on sait qu'il y a des francs-maçons parlementaires,
13:10 bien sûr, mais que chacun vote en fonction de ses convictions politiques,
13:14 alors évidemment républicaines, bien sûr,
13:16 enfin en tout cas nous le souhaitons, bien que…
13:18 – Mais est-ce que les textes qui sont discutés au Parlement
13:21 font l'objet de débats en loge ?
13:22 – Alors, si vous voulez, par exemple, concernant la loi sur la fin de vie future
13:27 qui sera peut-être mise au programme de nos parlementaires,
13:32 bien sûr que, par exemple, ça fait partie…
13:35 Si vous voulez, en loge, il y a la liberté de choix de chaque loge,
13:39 voire de chaque frère et sœur, de présenter un sujet.
13:43 Et évidemment qu'à partir du moment où tout ce que je vous ai dit,
13:47 bien sûr que tout est discuté en loge, tout est dans la liberté,
13:50 et la liberté et la souveraineté des loges
13:52 est pour nous très importante au Grand Orient de France,
13:54 et donc cette liberté de parole qui est aussi un des grands apports
13:58 de la franc-maçonnerie au XVIIIe siècle qui est méconnue,
14:00 c'est cette liberté de parole qui n'existait pas à cette époque-là.
14:04 – Sur la fin de vie, est-ce que vos discussions sont allées au-delà de la loge ?
14:06 On sait que le gouvernement consulte, consulte largement
14:09 pour préparer ce texte, est-ce que vous avez été consulté ?
14:11 – Oui, bien sûr, consulté comme d'ailleurs, je crois,
14:13 le gouvernement l'a fait pour de nombreux courants de pensée,
14:15 ce qui est très bien, ce qui est normal.
14:17 Je crois que c'est quelque chose de tellement important
14:20 qui interpelle vraiment la conscience au plus profond
14:23 de chacune et chacun d'entre nous.
14:25 Donc oui, nous avons été consultés, nous avons…
14:27 – Par la ministre ?
14:28 – Alors, nous avons été consultés, bien sûr,
14:29 mais également par la Convention citoyenne,
14:32 au Conseil économique et social, par la Commission parlementaire,
14:35 présidée par Olivier Falorni.
14:37 Donc nous avons été consultés avec d'autres obédiences maçonniques,
14:40 avec d'autres courants de pensée, nous avons exposé nos arguments.
14:43 – Qui sont lesquels ? Quelle est votre position là-dessus ?
14:45 – Alors, notre position, elle est très claire,
14:46 elle est travaillée, elle est argumentée,
14:48 comme je vous l'ai dit, depuis longtemps.
14:49 Alors, pour faire vite, parce que c'est un sujet complexe,
14:52 qui interpelle vraiment la conscience,
14:55 nous sommes pour aller plus loin dans la possibilité
14:59 que chaque être humain ait le droit de disposer de sa vie, bien sûr,
15:07 mais aussi de sa mort.
15:08 Et donc, ces droits nouveaux, qui n'enlèvent à personne un droit ancien,
15:15 puisque ceux qui ne veulent pas disposer de cette possibilité
15:18 d'abréger leur souffrance, par exemple, ou d'en finir,
15:21 parce qu'on est en fin de vie,
15:24 n'enlèvent en rien ceux qui ne veulent pas de ce droit,
15:26 pour des raisons religieuses, par exemple, ou pour des raisons…
15:30 certains, vous savez, comme Pascal, disaient qu'on accède
15:32 à la spiritualité par la souffrance.
15:34 Très bien, nous respectons parfaitement cela,
15:36 mais en revanche, ceux qui ont une maladie dégénérative,
15:39 ou ceux qui souffrent pour d'autres raisons,
15:41 qui sont en fin de vie, qui ne veulent pas d'acharnement,
15:44 ce qu'on appelle l'acharnement thérapeutique, par exemple,
15:47 qui sont encore en pleine conscience, avec toutes les protections de la loi,
15:49 parce que la loi doit protéger et libérer,
15:52 c'est la fonction de la loi, elle doit protéger et libérer,
15:54 nous sommes évidemment pour ajouter ce droit à la République,
15:57 parce que pour nous, et c'est notre argument,
15:59 c'est vraiment un droit républicain.
16:02 – Mais aller plus loin, c'est aller jusqu'où ?
16:03 Est-ce qu'il faut aller jusqu'à légaliser l'euthanasie ?
16:06 – Alors, c'est toujours pareil, on ne peut pas parler à coup de slogan.
16:09 Légaliser l'euthanasie, c'est quelque chose qui est très brutal comme ça,
16:15 parce que ça serait un port ouvert…
16:16 – Mais ça a été le débat de la Convention citoyenne,
16:17 et ça va être le débat de chacun.
16:18 – Oui, bien sûr, mais là, dans notre échange, si vous voulez,
16:20 ça serait, nous, nous essayons d'apporter de la nuance au débat public,
16:23 c'est-à-dire que je crois que ce qu'il faut,
16:25 c'est être particulièrement précautionneux dans la rédaction d'une telle loi.
16:29 Il faut protéger les patients, bien sûr, du moindre abus, quel qu'il soit,
16:34 il faut protéger les soignants aussi, c'est une responsabilité terrible.
16:39 Et je crois qu'il faut prendre exemple, peut-être, sur la Belgique,
16:41 sur d'autres pays qui ont déjà avancé,
16:44 mais surtout faire un travail législatif d'horlogerie, de joaillerie,
16:48 dans la rédaction d'un tel texte, qui est tout à fait essentiel,
16:52 je crois, pour la liberté de conscience, pour respecter la liberté de conscience,
16:55 qui est quand même la clé de voûte de notre République, la loi 1905.
16:59 La République, c'est pour ça que la République,
17:01 issue des principes de la Révolution française, de la Constitution de 1793,
17:06 cette République-là, elle doit avancer dans l'amélioration
17:11 et l'extension des droits au sens le plus républicain du terme.
17:15 – Vous parlez de la loi de 1905, on va parler justement du lien,
17:18 est-ce qu'il y a un lien entre franc-maçonnerie et religion ?
17:22 – C'est une question qui me désarçonne un petit peu, si vous voulez.
17:26 La franc-maçonnerie, nous avons adopté, au Grand Orient de France,
17:30 en 1877, comme principe cardinal, la liberté absolue de conscience.
17:35 Donc, nous avons, au Grand Orient de France, des croyants, pratiquants ou non,
17:41 mais aussi des non-croyants, agnostiques, athées,
17:44 qui ont la spiritualité, l'option spirituelle qu'ils choisissent,
17:49 et donc, la religion est une affaire intime,
17:53 que nous respectons parfaitement, bien sûr, au Grand Orient de France,
17:56 puisque c'est la liberté absolue de conscience qui est le principe cardinal,
17:59 et qui définit, depuis 1877, même vraiment, notre franc-maçonnerie.
18:03 Donc voilà, les liens que nous avons avec la religion.
18:06 – Est-ce que pour vous, aujourd'hui, la laïcité dans notre pays est en danger ?
18:09 – Oui, bien sûr, bien sûr, il y a deux présentations, si vous voulez,
18:12 et c'est encore un débat profondément républicain.
18:15 Il y a deux options, alors je ne parle pas de tout ce qui n'est pas démocratie,
18:19 dans le monde, mais il y a deux modèles, qui est le modèle républicain,
18:22 c'est-à-dire laïque à la française, telle que nous vivons avec eux,
18:27 et puis il y a le modèle anglo-saxon, qui n'est pas un modèle républicain,
18:30 même s'il y a des républiques,
18:33 qui est un modèle plutôt de démocratie à l'anglo-saxonne,
18:36 avec une vision de la sécularisation qui est différente de la nôtre,
18:40 qui est donc notre laïcité.
18:42 Et donc, dans notre modèle, aujourd'hui, républicain,
18:46 bien sûr que ce modèle est menacé tous les jours.
18:50 – Par qui ? Par quoi ?
18:51 – Il est menacé, évidemment, ce qui apparaît en premier lieu,
18:55 c'est l'islam politique, qui régulièrement fait une offensive,
19:01 depuis une trentaine d'années, on va dire,
19:04 ça a paru en 89 avec l'affaire du voile de Creil, on voit bien…
19:09 – Et qui gagne de plus en plus du terrain.
19:11 – Alors ça, je ne sais pas s'il gagne de plus en plus du terrain,
19:13 il faudrait… vous savez, c'est très difficile à apprécier,
19:15 parce qu'il y a l'effet de loupe, il y a les médias,
19:18 il y a l'instrumentalisation politique de part et d'autre,
19:21 donc c'est très difficile à savoir, mais, vous savez,
19:25 Péguy disait "il faut dire ce que l'on voit,
19:29 et surtout, il faut voir ce que l'on voit".
19:32 Donc il ne sert à rien de se masquer,
19:35 je trouve que cette phrase est tout à fait intéressante
19:38 à appliquer de nos jours, parce que chacun d'entre nous,
19:43 mais aussi les médias, mais aussi les politiques,
19:45 disent-ils ce qu'ils voient, ou voient-ils ce qu'ils voient ?
19:48 Je trouve que c'est…
19:49 – Mais est-ce qu'il y a beaucoup de masques aujourd'hui,
19:51 sur la montée de l'islam politique, sur cette question de la laïcité ?
19:55 C'est aussi bien du côté des politiques que du côté des français peut-être ?
19:59 – C'est un sujet inflammable, bien sûr, on le voit bien,
20:01 c'est un sujet qui est source de tensions terribles,
20:03 on ne peut pas nier aujourd'hui qu'il y a nos concitoyens
20:08 de religion, d'origine musulmane, qui ont la plénitude de leurs droits,
20:12 et que nous, évidemment, en plus nous, francs-maçons, républicains,
20:15 respectons, on n'a pas les respectés, d'ailleurs ils font partie de la communauté,
20:18 ce sont des citoyens comme nous, parfaitement à égalité de droit,
20:22 et voilà, le respect mutuel est presque structurel,
20:25 donc ce n'est pas un sujet à la limite pour nous,
20:27 le respect de concitoyens, quelle que soit son origine, sa religion, son énigme,
20:32 il n'y a que des français, voilà, républicains.
20:34 – Il y a une communauté, c'est la communauté nationale, c'est ce que vous dites.
20:36 – Voilà, exactement, la communauté républicaine qui pour nous est essentielle.
20:39 Donc à partir de là, mais on ne peut pas nier non plus que le problème
20:43 qu'a rencontré notre pays jusqu'à il y a un siècle et demi
20:47 avec la religion catholique, pas dans son aspect religieux,
20:52 mais dans son aspect temporel,
20:54 application à la société des préceptes de la religion,
20:59 existe aujourd'hui avec la religion musulmane,
21:02 qui est dans son identité,
21:04 chacune et chacun de nos concitoyens d'origine musulmane
21:07 a plus de ressenti de l'importance sur la société elle-même,
21:12 sur le fonctionnement de la société,
21:14 de la religion qui est une nouvelle version du cléricalisme
21:18 que la République refuse, que la République laïque combat.
21:22 Et donc voilà, c'est un sujet très important.
21:23 – Un dernier mot sur ce sujet, sur cette question de la laïcité,
21:26 et c'est un lien avec une actualité forte au Sénat,
21:28 c'est la question du fonds Marianne.
21:29 Il y a une commission d'enquête sénatoriale
21:30 sur l'attribution de ce fonds Marianne.
21:32 Ce fonds a été créé à la suite de la mort de Samuel Paty
21:34 pour lutter contre le séparatisme.
21:36 Est-ce que les doutes qu'il y a sur l'attribution de ce fonds,
21:40 sur son utilité même, ça nuit pour vous à la lutte contre le séparatisme ?
21:44 – Alors, je vais vous répondre sans essayer de faire de langue de bois.
21:50 La première chose c'est que, comme je vous l'ai dit,
21:52 nous ne sommes pas un parti politique,
21:53 ni qui soutiendrait une majorité ou tel parti ou tel parti.
21:58 Le moins, au Grand Orient de France,
22:00 il y a des gens plutôt de droite, plutôt de gauche, du centre, il y a de tout.
22:03 Donc moi je représente les membres de mon hommédiance, les loges.
22:08 Donc il n'est pas question de porter le moindre jugement en plus sur une affaire
22:14 qui n'est pour l'instant que médiatique.
22:17 Pour l'instant.
22:19 – Qui est un peu judiciaire, il y a une enquête aussi.
22:20 – Oui, oui, non, non, je parle de l'affaire.
22:23 Je parle de l'affaire elle-même, bon.
22:25 Si elle n'était que judiciaire, on n'en entendrait même pas parler.
22:28 Puisque c'est a priori le secret de l'instruction.
22:31 Donc à partir de là, il n'est pas question de porter le moindre jugement,
22:34 ni positif ni négatif là-dessus.
22:36 En revanche, que cette affaire médiatique justement,
22:39 sur quelque chose d'aussi important,
22:41 qui intervient après le crime abominable, l'assassinat de Samuel Paty,
22:46 à qui nous avions remis à titre posthume d'ailleurs
22:48 le prix du Grand Orient de France il y a deux ans,
22:50 et c'était la sœur de Samuel Paty qui était venue, Michaëlle Paty.
22:53 Donc, nous avons commémoré d'ailleurs ce triste anniversaire l'année dernière
22:58 devant le collège de Samuel Paty.
22:59 Donc cette affaire-là, qui est particulièrement sensible,
23:02 qui devrait être exemplaire, même ce fonds Marianne,
23:06 évidemment que nous sommes très affectés,
23:08 et nous souhaitons vraiment que tout ça ne soit qu'un soufflé qui retombe,
23:15 nous le souhaitons ardemment,
23:16 parce que tout ce qui peut affaiblir le combat républicain
23:20 est pour nous terriblement dommageable.
23:23 C'est tout notre combat bien sûr.
23:25 – Merci beaucoup, merci Georges Sérignac
23:27 d'avoir été notre invité ce matin.
23:29 On va continuer à parler de ces sujets tout de suite dans le Club des territoires.

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