• l’année dernière
Midi actu avec Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences po Paris, auteur de "Les Puissances mondialisées : Repenser la sécurité internationale" (Odile Jacob)

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##MIDI_ACTU-2023-06-23##

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News
Transcription
00:00 Jean-Jacques Bourdin.
00:01 Voilà un sujet qui a été peu abordé dans les médias, à l'exception peut-être d'NCI
00:07 qui consacre beaucoup d'heures à ce qui se passe entre l'Ukraine et la Russie.
00:12 Mais voilà un sujet, et je suis content aujourd'hui d'en parler, qui a été peu évoqué, c'est
00:18 l'évolution de la position française par rapport à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
00:24 L'éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
00:28 Il y a une évolution de la position française.
00:32 Nous allons en parler dans un instant, nous allons débattre.
00:35 Alors, je pose une question, question qui me paraît essentielle pour la paix et la
00:40 stabilité en Europe.
00:42 Est-ce que l'Ukraine doit entrer dans l'OTAN ? Oui ou non ? C'est difficile de répondre
00:48 oui ou non.
00:49 En revanche, il est bon, je crois, d'analyser, de réfléchir et d'expliquer.
00:54 Et bien, pour expliquer et analyser, nous avons la chance de recevoir dans deux minutes
00:59 juste après la pub Bertrand Badi, qui est professeur émérite à Sciences Po Paris,
01:03 auteur de "Les puissances mondialisées, repensées, la sécurité internationale" aux éditions
01:09 Audit de Jacob.
01:10 Il est 12h08.
01:11 Bertrand Badi, dans deux minutes.
01:13 Sud Radio, parlons vrai chez Bourdin.
01:17 10h30, midi 30.
01:19 Jean-Jacques Bourdin.
01:20 Il est 12h11.
01:21 Bertrand Badi, merci d'être avec nous.
01:23 Bonjour.
01:24 Merci d'être avec nous, nous allons parler.
01:26 Alors, je rappelle, 2008, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient bloqué l'adhésion
01:33 de l'Ukraine à l'OTAN, à la fois pour ménager la Russie, oui, c'était l'objectif, et contre
01:40 la vie des Etats-Unis.
01:41 Il faut se rappeler ce moment.
01:43 Bon, aujourd'hui, la position française a évolué.
01:47 L'Ukraine devrait se voir offrir une voie claire vers l'adhésion à l'OTAN.
01:53 C'est ce qu'a dit Emmanuel Macron le 31 mai dernier.
01:57 C'est une évolution de la position française, Bertrand Badi ?
02:01 Ah, incontestablement, dans le verbe, c'est une évolution claire.
02:05 Encore qu'il faille s'arrêter sur le verbe.
02:07 Une voie verse n'est pas une porte qui s'ouvre.
02:11 Quand on vous dit "le chemin pour aller à Rome, c'est celui-ci", ça ne veut pas dire
02:18 que vous entrez dans Rome.
02:19 Ça, c'est un premier élément.
02:21 Le deuxième élément, c'est qu'il y a une évolution croisée, parce que les Etats-Unis
02:26 étaient favorables autrefois, et maintenant, ils sont de moins en moins favorables.
02:30 Il faudra en reparler.
02:31 Aujourd'hui, ils ne sont plus réticents ?
02:34 Ils ne sont plus réticents, parce qu'on est dans un cycle très net de retrait des Etats-Unis.
02:42 Et j'aurais même préféré dire de la société de l'opinion américaine des affaires du
02:50 monde.
02:51 Et donc, faire entrer l'Ukraine dans l'OTAN, c'est un explosif supplémentaire dont l'opinion
02:57 publique américaine ne veut pas.
02:59 À une époque où Emmanuel Macron aime bien se singulariser par rapport aux Etats-Unis,
03:06 ce chemin croisé mérite d'être signalé.
03:08 Mais il y a surtout un troisième élément qui est tactique, pas stratégique, ni politique,
03:14 mais tactique, qui consiste à dire, finalement,
03:19 pour que l'Ukraine aille à la table de négociation, il faut qu'elle se sente confortée.
03:24 Ces fameuses garanties de sécurité dont on parle tant.
03:29 Et quelle meilleure garantie de sécurité peut-on donner à l'Ukraine que la perspective
03:34 d'entrer dans l'OTAN ?
03:36 Ça favoriserait pour vous une entrée de l'Ukraine dans l'OTAN ?
03:42 Ça favoriserait, ça obligerait, convaincrait, obligerait, enfin je ne sais pas quel mot
03:47 je peux employer.
03:48 Volodymyr Zelensky à la négociation ? Ça le conduirait à la négociation ?
03:52 Je pense que c'est un des postulats de la diplomatie française aujourd'hui.
03:59 Aujourd'hui, oui.
04:00 C'est-à-dire, cette idée selon laquelle il faut pousser Zelensky vers la table de
04:06 négociation, que c'est une façon de l'inciter.
04:09 On en est à chercher des incitations à.
04:12 Ce qui d'ailleurs est le propre de cette position formidablement ambiguë qui est celle
04:18 de toutes les puissances occidentales aujourd'hui, la co-belligérance non-belligérante.
04:23 C'est compliqué parce que quand vous êtes co-belligérant, non-belligérant, vous ne
04:27 pouvez qu'inciter, vous ne pouvez pas obliger.
04:30 Et ça, c'est une incitation possible.
04:32 Ça ne veut pas dire dans mon esprit que c'est nécessairement un calcul gagnant.
04:37 Il faut faire attention à ça.
04:38 Alors, je vais vous poser quelques questions.
04:42 Pour la paix et la stabilité en Europe, pensez-vous que l'Ukraine doit entrer dans l'OTAN ?
04:50 Alors, moi j'aurais tendance presque à inverser la question.
04:54 Est-ce que l'OTAN est encore d'actualité, elle qui a été créée en 1949, par parenthèse
05:02 elle est plus vieille que moi, et dans un contexte qui n'a absolument rien à voir
05:07 avec le contexte actuel.
05:08 Et ça, on ne peut pas échapper à cette question.
05:12 Rappelez-vous, avant le conflit russo-ukrainien, le dossier commençait à s'ouvrir.
05:17 Il y avait même une commission à l'intérieur de l'OTAN pour en définir les vraies finalités.
05:22 Et c'est l'époque aussi où Emmanuel Macron parlait de mort cérébrale.
05:26 Il n'en a pas parlé par hasard.
05:28 C'est parce que ce qui était à la base de l'invention de l'OTAN, qui était l'équilibre
05:34 de puissance dans un monde qui se bipolarisait, ne correspond plus du tout au contexte actuel.
05:40 - Le monde n'est plus bipolaire aujourd'hui.
05:43 - Il n'est plus bipolaire.
05:44 Le pacte de Varsovie qui était le pendant de l'OTAN a disparu, légitimé en quelque
05:50 sorte, a disparu.
05:52 Et il y a eu un vide.
05:54 Il y a eu un vide dans notre histoire.
05:56 Ce vide a commencé en 90-91.
05:59 Et on était dans l'illusion d'un système qui se voulait unipolaire.
06:04 Et du coup, notamment les États-Unis, et je pense à la présidence Clinton en particulier,
06:10 à sa secrétaire d'État Madeleine Albright, disaient "mais ce monde nous est tellement
06:14 favorable, il est tellement marqué par le sacre de l'hégémone absolu que sont les
06:20 États-Unis, ne touchons à rien".
06:22 Et donc on a perdu une occasion de créer ce que le président américain en exercice
06:30 au moment de la chute du mur, George H. Bush, avait annoncé, "the new world order".
06:34 Dans un nouvel ordre international, l'OTAN n'avait pas sa place.
06:38 - Bien.
06:39 Bertrand Badille, autre question.
06:40 Est-ce qu'une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, acceptée par les partenaires, les 31 membres
06:49 de l'OTAN, aujourd'hui il y en a 31, peut-être bientôt 32 avec la Suède, est-ce qu'une
06:55 adhésion ne pousse pas, ne signifie pas que tous les adhérents de l'OTAN vont entrer
07:02 en guerre ? Tous les adhérents de l'OTAN vont entrer en guerre si l'Ukraine entre en
07:08 guerre ?
07:09 - Alors attendez, là ce commentaire qu'on entend souvent, il est schématique par rapport
07:15 à la réalité des textes. Le fameux article 5, qu'on ne cesse de brandir jusqu'à avoir
07:21 des courbatures dans le bras, indique une chose bien plus prudente qui consiste à dire
07:28 qu'en cas d'agression contre l'un des membres de l'OTAN, les autres membres se concertent
07:36 pour décider ce qu'ils feront. Ce n'est pas une entrée immédiate en guerre. Il faut
07:43 le savoir. Mais cette idée ainsi simplifiée a en quelque sorte alimenté la propagande
07:54 du Kremlin en disant "l'OTAN est une machine de guerre contre nous, regardez, ils veulent
07:59 y faire entrer l'Ukraine".
08:00 - Ils l'utilisent, évidemment.
08:01 - C'est formidable, c'est du pain béni. L'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN
08:07 a permis à Poutine, qui était en très grande difficulté à l'époque et qui l'est toujours,
08:14 de dire "voyez, nous sommes véritablement encerclés".
08:19 - Alors d'autres disent, Bertrand Baddy, que "officialiser une invitation" - je parle d'officialiser
08:25 une invitation - de l'Ukraine dans l'OTAN serait un message fort envoyé à Poutine.
08:31 Vous le pensez ou pas ?
08:32 - Je crois qu'on se fait des illusions sur ce qu'est Poutine. Poutine s'est construit
08:43 une réalité qui est celle d'une Ukraine qui lui est insupportable pour différentes
08:50 raisons, il faudrait revenir dans le détail, et qui du coup mobilise tous les arguments
08:58 qui justifient l'anéantissement de l'Ukraine. Le problème c'est qu'une pression OTANesque
09:07 serait un de ces éléments. Et il ne faut surtout jamais oublier quelque chose d'absolument
09:13 fondamental. Poutine a été battu militairement lorsqu'il pensait en trois jours arriver à
09:19 Kiev. Il a été battu militairement, il a réussi à transformer sa défaite militaire
09:26 en victoire diplomatique, se tournant notamment vers les pays du Sud pour dire "je suis victime
09:33 de l'hégémonie occidentale". Et bien tout ce qui va dans le sens d'un renforcement
09:42 de ce modèle d'alliance qui est issu de la guerre froide, alimente ce genre de discours.
09:49 - De cette idée d'hégémonie occidentale, évidemment. Nourrir cette idée d'hégémonie
09:54 occidentale ne peut que se retourner contre nous. Alors Bertrand Badille, deux choses.
10:02 Vilnius, 11-12 juillet, moment important puisque Réunion sera pas décidée à Vilnius, l'entrée
10:13 ou pas de l'Ukraine dans l'OTAN. Néanmoins un pas supplémentaire pourrait être franchi.
10:20 Je sais que les polonais, les états baltes poussent absolument, absolument, poussent
10:27 pour une entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. S'il n'y a pas d'avancée, on murmure que
10:34 les troupes polonaises et baltes pourraient aller sur le terrain, aller rejoindre les...
10:40 mais par intermédiaire de milices ou de... - Oui, ça c'est le propos de monsieur Rasmussen,
10:46 ancien secrétaire général de l'OTAN, conseiller militaire, enfin conseiller diplomatique ou
10:53 militaire de Zelensky. Moi personnellement, je reste assez sceptique, je n'y crois pas
10:59 trop. Mais en revanche, vous avez raison de parler du rendez-vous de Vilnius parce qu'on
11:07 a trop facilement et trop rapidement présenté l'OTAN comme une totalité soudée ou ressoudée
11:14 par le conflit russo-ukrainien. Or, sortons notre microscope et regardons dans les détails
11:20 des postures des uns et des autres, vous avez au moins 3 voire 4 pôles dans l'OTAN. Vous
11:28 avez un pôle états-unien qui était celui du LIDER autrefois et qui est un pôle de
11:35 prudence, davantage obsédé par l'Asie que par l'Europe et qui cherche plutôt à faire
11:44 baisser la fièvre et qui considère de toute façon que la Russie n'est plus un rival
11:50 dangereux pour les États-Unis. Donc, ce n'est pas la peine d'investir beaucoup dans cette
11:53 affaire. Vous avez un pôle allemand qui finalement est assez proche de la posture états-unienne
12:01 et qui consiste à dire qu'il faut effectivement éviter toute provocation belliciste et ne
12:12 pas trop se laisser contraindre par ce conflit. Vous avez une posture française qui appuie
12:19 sur l'idée de souveraineté et d'autonomie stratégique et vous avez enfin une posture
12:26 qui est propre au pays de l'Europe de l'Est qui voudrait vraiment faire de l'OTAN cet
12:31 instrument à la disposition de cette croisade anti-russe. Et ça ne va pas être si simple.
12:40 - Et plus la Turquie. - Et alors, il y a, c'est pour ça que je parlais
12:43 d'au moins quatre postures, parce que vous avez l'individualité turque qui d'ailleurs
12:50 va aller probablement en s'amplifiant parce que l'aubaine est trop grande. Et donc on
12:54 va s'en saisir d'autant plus que Erdogan est conforté par la dernière élection. Et
13:00 donc, mettre tout ça ensemble, ça ne va pas être évident.
13:04 - Ça ne va pas être évident. Alors, j'ai une question. Beaucoup, ça fait des mois
13:08 que j'entends parler de négociations possibles. Ça me fait à chaque fois sourire. Vous aussi,
13:13 Bertrand Badi. Je vois des débats sans fin. Ça y est, les négociations. Pourquoi est-ce
13:18 qu'on ne négocie pas et tout ? - Mais c'est mon problème. C'est mon problème.
13:23 - Mais oui. Écoutez. - Négociations, c'est impossible. Impossible.
13:26 - La pathologie de ce conflit ressemble à celle d'un malade qui est dans le cabinet
13:33 de son médecin. Le médecin ne comprendrait pas cette maladie rare et proposerait un traitement
13:42 hyper classique dont on ne sait à l'avance qu'il n'aurait aucune efficacité. Penser
13:47 qu'on peut mobiliser les vieux schémas de la négociation transactionnelle pour arriver
13:53 une paix dans ce conflit russo-ukrainien est complètement utopique. Il faut découvrir
14:00 un modèle nouveau de construction de la paix. Ça ne peut plus être la méthode transactionnelle.
14:07 Et d'ailleurs, cette négociation qui met fin à la guerre, ça c'était bien du temps
14:11 de la paix de Nîmes, de la paix d'Aix-la-Chapelle, du très de Rastatt et de tout. La dernière
14:17 vraie négociation qui met fin à une guerre, c'est 1856, le traité de Paris qui a mis
14:22 fin à la guerre de Crimée. C'était une vraie négociation. Prenez la première guerre
14:27 mondiale, prenez la deuxième guerre mondiale, prenez tous les conflits qui se sont développés
14:31 depuis 1945, vous ne trouvez jamais une négociation qui mette fin à une guerre. C'est par pression
14:39 systémique. Et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut regarder attentivement
14:44 du côté des pays émergents. C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron a eu raison
14:48 d'aller à Pékin. - Il va aller au BRICS, il va aller en Afrique du Sud.
14:53 - Il a raison, mais il ne pourra tenir qu'un rôle secondaire, c'est-à-dire un rôle intermédiaire
15:00 entre les BRICS et l'Occident, c'est-à-dire faciliter la communication entre les deux.
15:05 Mais le rôle central appartient désormais à ce nouveau centre de gravité du système
15:10 international. Et la grande surprise de ce conflit, c'est que peut-être un jour, je
15:15 le dis avec beaucoup de prudence, mais peut-être un jour, ce seront des pays d'Asie et d'Afrique
15:20 qui referont la carte de l'Europe. En tous les cas, pas sur le plan territorial, car
15:25 je ne crois pas à la transaction territoriale, mais sur le plan, en tous les cas, de la définition
15:29 d'un nouvel équilibre sur le vieux continent. - Un mot, ce matin Emmanuel Macron était
15:34 chez nos confrères du service public. "Si Poutine m'appelle, je le prendrai bien sûr",
15:38 a-t-il dit. Oui, c'est tout à fait normal. - Mais vous savez, dans toute guerre, y compris
15:44 les plus violentes et les plus atroces, on ne cesse de se parler de Paris.
15:48 - Et vous pouvez être certain que même entre Ukrainiens et Russes, on se parle, indirectement,
15:55 secrètement, clandestinement, mais on se parle. Donc effectivement, plus on parle, plus
16:02 on s'informe sur l'autre et plus on crée les conditions d'un dépassement du conflit.
16:09 Mais ça ne veut pas dire qu'on y arrivera. - Merci Bertrand Baddy, passionnant évidemment.
16:13 Comme d'habitude, les puissances mondialisées repensaient la sécurité internationale.
16:17 Le dernier livre de Bertrand Baddy aux éditions Odile Jacob. Merci d'être venu nous voir,
16:23 d'avoir accepté mon invitation. Il est 12h26, André Bercoff.

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