Henri Sterdyniak : le partage de la valeur "remplace les augmentations dans un certain nombre d'entreprises"

  • l’année dernière
Les députés commencent à examiner le projet de loi sur le partage de la valeur ce lundi : Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE et membre des Économistes atterrés est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-26-juin-2023-4905228

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Transcription
00:00 Il est 6h20, mieux partager les bénéfices au sein des entreprises.
00:04 C'est l'objectif d'un projet de loi qui arrive aujourd'hui à l'Assemblée.
00:06 Alors ça existe déjà pour les grosses entreprises de plus de 50 salariés.
00:10 Là, le dispositif serait étendu aux sociétés à partir de 11 salariés.
00:14 Bonjour Henri Stradignac, vous êtes économiste à l'OFCE et membre des Économistes Atterrés.
00:19 Ce texte sur le partage de la valeur est présenté comme un moyen d'améliorer le pouvoir d'achat
00:24 des Français en ces temps d'inflation record.
00:27 Est-ce qu'il y a un vrai intérêt ? Est-ce que les salariés concernés vont réellement
00:31 gagner plus d'argent si ce projet de loi est voté ?
00:33 Les salariés concernés vont gagner un peu plus d'argent.
00:38 Il faut voir que ces dispositifs existent déjà dans les entreprises de plus de 50 salariés.
00:46 Ça représente actuellement environ 22 milliards, à peu près 5% de la masse salariale.
00:52 Ce que fait ce texte, c'est simplement de l'étendre aux entreprises plus petites.
01:00 Les outils de ce partage de la valeur, c'est la participation, l'intéressement, les primes.
01:05 Combien ça peut rapporter d'argent exactement pour un salarié ?
01:08 On parle de plusieurs centaines d'euros.
01:10 Pour qu'on ait un ordre d'idée ?
01:12 Disons que les bénéficiaires, donc il y a 9 millions de bénéficiaires qui en moyenne
01:17 ont 2400 euros par an.
01:20 En plus ?
01:21 En plus, ce qui n'est pas négligeable, c'est un ordre de grandeur de 2400 euros.
01:25 Je vous sens quand même sceptique dans le ton de votre voix, non ?
01:28 Oui, c'est-à-dire que ce dispositif remplace en quelque sorte les augmentations de salaire
01:37 dans un certain nombre d'entreprises.
01:38 Ça permet aux chefs d'entreprise de distribuer du pouvoir d'achat aux salariés sans avoir
01:49 à payer de cotisations sociales.
01:51 Le salarié lui-même n'a pas payé de cotisations sociales, il peut être exonéré d'impôt
01:57 sur le revenu.
01:58 Donc c'est avantageux pour les deux au détriment de la sécurité sociale.
02:03 Donc il y a un effet d'aubaine, c'est ça que vous dénoncez ?
02:07 Il y a un effet d'aubaine.
02:08 Pour le salarié, effectivement, c'est favorable, sachant que cette prime, il la perd si les
02:17 affaires vont mal dans l'entreprise.
02:19 Oui, parce qu'il faut que l'entreprise soit rentable.
02:22 Il faut que l'entreprise soit rentable.
02:24 Comme vous l'avez dit, il y a trois sortes de dispositifs.
02:29 La participation, ça suppose que l'entreprise fasse effectivement des bénéfices.
02:35 L'intéressement, ça suppose que l'entreprise a atteint un certain nombre d'objectifs.
02:42 Et enfin, le dernier dispositif, la prime Macron, c'est entièrement à la discrétion
02:49 du chef d'entreprise.
02:50 Et donc vous nous dites que généralement, ça se fait à la place des augmentations
02:55 de salaires, pas en plus d'eux.
02:56 C'est ce qu'on a observé dans les entreprises qui ont déjà mis en place ces dispositifs.
02:59 On a observé de manière très scientifique que ça réduit pour 30% les salaires.
03:07 Ça s'affecte pour 30% sur les salaires.
03:10 Donc il y a quand même un plus de 70% pour les salariés.
03:16 Mais il y a quand même 30% qui s'imputent sur les salaires.
03:21 Visiblement, les syndicats trouvent quand même leur compte.
03:24 Puisque j'ai vu qu'il y en avait 4 sur 5 qui avaient validé ces mesures.
03:29 Puisqu'il faut le rappeler quand même qu'à la base, avant ce projet de loi, c'était
03:32 un accord qui a été conclu en février par les partenaires sociaux.
03:35 Il n'y a que la CGT qui n'a pas signé.
03:36 Les autres syndicats estiment donc que ce n'est pas mal.
03:39 Les autres syndicats ont fait graver dans l'accord qu'en aucun cas, ça doit remplacer
03:48 des augmentations de salaire.
03:50 Et donc il est totalement interdit lorsqu'on négocie ce genre de primes ou de dispositifs
03:59 de dire que ça a le moindre lien avec les négociations salariales.
04:03 Théoriquement, c'est totalement différent.
04:06 Dans la réalité, bien sûr, ce n'est pas aussi différent.
04:10 Est-ce que c'est compliqué à mettre en place ? Est-ce que pour les petites entreprises,
04:14 ça va être facile ou pas ?
04:16 En principe, c'est facilité par le fait que souvent, les accords ont lieu au niveau
04:23 de la branche.
04:24 Donc la petite entreprise n'a qu'à appliquer.
04:27 Pour simplifier le dispositif, la loi prévoit que dorénavant, la participation dans les
04:34 petites entreprises sera plus ou moins libre.
04:38 Les petites entreprises ne sont pas obligées d'utiliser la même formule que les grandes.
04:43 Et par ailleurs, le dispositif Macron, si on peut dire, la prime Macron, qu'on appelle
04:49 maintenant la prime de partage de la valeur, elle est extrêmement simple.
04:54 Il suffit que le chef d'entreprise décide de vous donner, disons en moyenne, 800 euros
05:04 pour que ces 800 euros n'ont pas à payer de cotisations.
05:10 Et il y a déjà d'ailleurs des petites entreprises, des PME, qui ont mis en place
05:15 ces dispositifs.
05:16 Oui, bien sûr.
05:17 J'ai vu qu'il y en avait autour de 20%.
05:18 Ça va être obligatoire si la loi est votée d'ici à 2024.
05:21 Mais il y a déjà des entreprises qui le font, des petites.
05:24 Maintenant, les petites entreprises devront choisir entre ces trois dispositifs.
05:28 Si vous êtes une petite entreprise, le plus simple, c'est la prime de la valeur ajoutée
05:32 parce que vous la donnez comme ça et les autres sont plus difficiles à mettre en
05:39 oeuvre.
05:40 Il y a des dispositifs amusants qui sont mis en oeuvre dans cette loi, qui compliquent
05:47 encore les possibilités.
05:50 La loi prévoit que les grandes entreprises devront prévoir que s'ils font des bénéfices
05:56 exceptionnels, il y a une partie qui doit être redonnée aux travailleurs.
05:59 Ça doit être prévu dans les accords.
06:02 Il va falloir définir ce qu'est un bénéfice exceptionnel.
06:07 Il n'est pas très juste que si une entreprise comme Total ou Fasse a un bénéfice exceptionnel,
06:15 ça profite en priorité aux travailleurs de l'entreprise.
06:19 C'est quand même un peu bizarre parce qu'on peut se dire qu'après tout, un bénéfice
06:24 exceptionnel, il faudrait mieux que ça profite aux consommateurs plutôt qu'aux travailleurs
06:30 spécifiques de l'entreprise.
06:32 Il y a un nouveau dispositif qui est créé qui s'appelle la participation à la valorisation
06:39 de l'entreprise qui prévoit que dans les grosses entreprises, le travailleur peut avoir
06:48 une prime dépendant non pas des résultats de l'entreprise mais de la valorisation boursière
06:54 de l'entreprise.
06:55 Donc, le champ des dispositifs ouverts à la négociation est relativement étendu.
07:03 Il va falloir bien suivre les débats à l'Assemblée pour voir ce qui est gardé, ce qui est jeté
07:07 dans ce texte, dans ce projet de loi.
07:10 Le gouvernement et l'Assemblée s'engagent à transposer tel quel l'accord qui est fait
07:16 entre les partenaires sociaux et les partenaires sociaux sont très vigilants là-dessus.
07:24 D'autant plus que, comme vous savez, ils sont relativement furieux mais contents de
07:32 la manière dont le gouvernement a imposé la réforme des indemnités chômage et la
07:39 réforme des retraites.
07:40 Donc là-dessus, le gouvernement et le Parlement vont sans doute se contenter de transposer
07:48 l'accord entre les partenaires sociaux.
07:50 Merci Henri Stardignac pour vos explications.
07:52 Je rappelle que vous êtes économiste à l'OFCE.
07:54 Il est 6h28.

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