• il y a 2 ans

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00:00 [Générique]
00:04 Un mois dans les médias, partie 2, toujours avec Zéphine Noyon-Redry, qui est son chef adjoint de La Nouvelle République,
00:09 et Florent Clavel, journaliste à TV Tour Val-de-Loire.
00:11 Anne Brunner, pardon, nous a rejoint. Bonjour, bienvenue à vous.
00:15 Vous êtes directrice des études à l'Observatoire des Inégalités à Tour.
00:20 Vous produisez régulièrement des enquêtes sur ce thème, notamment votre rapport sur les inégalités en France.
00:26 C'est tous les deux ans, on parlera du fond tout à l'heure et de la forme aussi, quel impact a notamment votre rapport,
00:31 et quels échos peuvent s'en faire les médias. Mais tout de suite, c'est la deuxième partie du récap de l'info.
00:36 Ça s'est passé en juin, regardez.
00:38 [Générique]
00:42 - Voici donc l'avion sur lequel on travaille depuis déjà un moment, un long moment.
00:50 - Chaque année, les 2 millions de visiteurs du zoo au parc de Beauval passent ou restent à Saint-Aignan
00:55 Pour les habitants, cette cohabitation est prise avec plus ou moins de philosophie.
01:00 Des poubelles calcinées, un système électrique fondu et une baie vitrée explosée à cause de la chaleur.
01:06 Voilà les ravages provoqués par l'incendie à la table de Jeanne-Marie.
01:10 - En voilons !
01:12 - Lance en main, ces sapeurs-pompiers en formation simulent une défense de points sensibles dans la forêt domaniale de Chinon.
01:19 Maquettes, vidéos et reproductions à l'identique de ses croquis, le peintre, ingénieur, architecte est aussi chercheur à la croisée des mondes entre l'art et l'anatomie.
01:31 L'ancien Premier ministre Edouard Philippe terminait son escapade en région centre par une réunion publique.
01:36 Environ 300 personnes ont fait le déplacement.
01:39 Un mois déjà que Stéphane et Delphine Bohan sont rongées par l'inquiétude.
01:44 Leur fille Laura a quitté le domicile familial dans la nuit du 8 au 9 mai.
01:49 - On a obtenu, monsieur Ravier, 2381 voix et Thierry Boutard, 1461 voix. Je vous remercie, bonne soirée.
01:57 - Une visite hautement symbolique, quelques jours après l'arrestation de l'auteur présumé des attaques contre le centre LGBTI de Touraine.
02:08 - C'est ici que se trouvent les gravures parietales les plus anciennes d'Europe.
02:13 Réalisées avec les doigts sur des parois calcaires, elles pourraient dater de plus de 57 000 ans.
02:19 Le 9 juillet 2024, c'est la date à retenir. Une journée durant laquelle la flamme olympique traversera le Loir-et-Cher.
02:27 2500 sympathisants attendent Éric Zemmour.
02:30 L'homme au 7%, la présidentielle tape fort et vite sur son thème de prédilection, l'immigration,
02:36 tout en rejetant l'étiquette de leader d'extrême droite pour celle de la droite authentique.
02:42 - Anne Bruner, je le disais, tous les deux ans, vous publiez depuis 20 ans ce rapport sur les inégalités en France.
02:49 160 pages, 100 tableaux et graphiques qui donnent à voir un tableau exhaustif des rapports entre groupes sociaux.
02:55 Mais d'abord, question de Florent peut-être, qui vous êtes à l'Observatoire des Inégalités ?
02:58 - Oui, c'est ça. Comment vous vous êtes intéressé aux inégalités sociales ?
03:01 Et puis comment les médias s'emparent année après année de vos enquêtes, de votre travail ?
03:06 - En effet, l'Observatoire des Inégalités a été créé à Tours. C'est un petit peu rare.
03:12 On pourrait nous croire à Paris. C'est ce que pensent beaucoup de personnes qui nous connaissent.
03:16 Il a été créé par un journaliste économique, Louis Morin, et par un philosophe, Patrick Savidan,
03:23 qui avait l'idée de créer cet organisme indépendant qui dresse un état des lieux des inégalités de façon factuelle, chiffrée,
03:31 afin de le mettre au-devant du débat. Et c'est ce qu'on fait avec ce rapport qui paraît tous les deux ans.
03:38 - C'est le 9e ? - C'est le 9e.
03:40 - Quel écho il a dans les médias ? Il est repris ? Les infos qui sont à l'intérieur sont utilisées par soit les journalistes ou même les politiques ?
03:47 - Elles sont utilisées au moment de la publication.
03:49 C'est un petit créneau pendant lequel la question des inégalités remonte en haut de la pile.
03:54 Et puis elles peuvent être aussi utilisées tout au long du travail d'un journaliste ou de quelqu'un qui chercherait,
04:01 n'importe qui, qui chercherait à avoir une donnée fiable, facile à comprendre parce qu'elle est toujours expliquée.
04:08 On s'adresse à tout le monde, aux journalistes, aux élus politiques, et puis aussi à vos téléspectateurs, à qui veut s'intéresser à la question.
04:16 - On va s'intéresser un peu au fond du rapport.
04:20 Si on prend les revenus par exemple, l'écart entre femmes et hommes se resserre.
04:24 L'écart entre les plus riches et les plus pauvres reste identique depuis une quinzaine d'années.
04:27 Mais si on parle du patrimoine, ce que vous révélez c'est que 10% des plus riches possèdent 47% du patrimoine en France.
04:33 Est-ce que ça veut dire que cette constante, notamment, avec cette constante, on ne sort pas des schémas de reproduction sociale en France ?
04:40 - En effet, le patrimoine et le patrimoine culturel, l'éducation, c'est un capital qu'on peut transmettre à ses enfants.
04:48 D'autant plus pour le patrimoine qu'il est très peu corrigé par les droits de succession.
04:53 Il y a très peu d'impôts qui sont payés sur l'héritage.
04:56 Si bien que ces inégalités extrêmement grandes, le patrimoine qui est extrêmement concentré dans les mains d'une minorité de famille,
05:04 il se reproduit de génération en génération avec des inégalités qui tentent plutôt à augmenter de ce côté-là.
05:10 - Si on prend l'exemple de l'école, il y a un exemple qui est assez flagrant avec des écarts de niveau entre les enfants des écoles prioritaires et les autres.
05:18 42% des plus défavorisés améliorent leur résultat entre le CP et le CM2.
05:24 Ça concerne 70% des autres élèves de l'école aux études supérieures.
05:30 Est-ce que l'éducation nationale ne renforce pas les inégalités telles qu'elles sont aujourd'hui ?
05:35 - Renforcer, je ne dirais pas.
05:38 Il suffit pour cela d'imaginer un pays dans lequel il n'y aurait pas une école publique et gratuite.
05:44 On voit bien que les inégalités seraient d'une toute autre ampleur.
05:47 L'école ne renforce pas les inégalités.
05:50 En tout cas, l'école française est régulièrement signalée.
05:55 C'est un fait établi depuis longtemps, notamment par les enquêtes PISA, qui sont bien connues,
06:00 comme un des systèmes scolaires qui est le plus inégalitaire.
06:04 Les écarts de niveau entre les enfants de familles modestes et les enfants des familles les plus diplômées, les plus favorisées, sont les plus importants.
06:13 L'école ne réussit pas à réduire cet écart.
06:15 Au fil de la scolarité, plus on avance dans la scolarité, plus les enfants d'ouvriers disparaissent.
06:21 C'est comme ça qu'on pourrait le dire.
06:23 Ils sont à égalité avec les enfants de cadre au collège.
06:26 Arrivé à l'université, il y a trois fois plus d'enfants de cadre que d'enfants d'ouvriers, par exemple.
06:31 Et ces écarts-là ne se résorbent pas.
06:33 – Ça veut dire que c'est le rapport qui propose une photo d'une France polarisée ?
06:38 – Polarisée, oui. On parle de fracture sociale dans ce rapport.
06:42 On a souhaité mettre en avant les écarts importants qui existent entre classes sociales.
06:46 Les classes sociales en France, elles n'ont pas disparu.
06:48 On parle souvent d'une grande société moyenne, d'une moyennisation de la société.
06:51 On est loin de là.
06:53 Les écarts de diplôme, les écarts de revenus vont se traduire par des inégalités dans tous les domaines.
06:59 Les conditions de travail notamment, mais aussi les conditions de vie, la santé, le logement.
07:05 Et puis in fine, l'espérance de vie et l'espérance de nombre d'années qu'on peut passer à la retraite.
07:09 Par exemple, on en parlait très récemment.
07:12 – Cet angle, pardon, observer les inégalités, vous pouvez le faire aussi au niveau territorial.
07:18 Le rapport montre que la région centre-Val-de-Loire est une des régions les moins inégalitaires.
07:22 C'est-à-dire que les 10% les plus riches ne gagnent que 3 fois plus que les 10% les moins aisés.
07:30 Ça veut dire quoi ? C'est une région où il y a moins de déterminisme ?
07:33 Ou alors les moins aisés le sont plus qu'ailleurs ?
07:35 Ou les plus aisés le sont moins qu'ailleurs ? Comment on peut l'interpréter ?
07:38 – Ce n'est pas lié aux caractéristiques de la région.
07:40 Ce n'est pas parce qu'on va venir s'installer en région centre qu'on va être moins déterminé.
07:43 Ça, on ne peut pas le dire.
07:44 Ce que ça reflète, c'est la composition sociale des habitants.
07:47 Avec plutôt moins de cadres que ce qu'on peut trouver dans les régions les plus inégalitaires,
07:51 notamment l'île-de-France, qui concentre les lieux de pouvoir,
07:55 les lieux où on va trouver les cadres les mieux payés.
07:58 Et puis moins de pauvres, par exemple, que dans les DOM.
08:02 Du coup, la région centre, elle se trouve à mi-chemin,
08:05 plutôt dans un ensemble qui est composé par le Grand Ouest,
08:09 avec la Bretagne, les Pays de la Loire, où les inégalités sont un peu moins fortes qu'ailleurs.
08:13 Ceci dit, dès qu'on zoom, on peut retrouver des lieux de grandes inégalités,
08:17 notamment dans les grandes villes.
08:19 C'est le cas, par exemple, à Tours.
08:21 L'écart, il n'est plus de 1 à 3, mais de 1 à presque 4.
08:24 Et puis dans certains quartiers du centre-ville de Tours, là, on monte presque à 6.
08:27 Alors, rien à voir avec les arrondissements parisiens,
08:30 mais notamment des lieux où les inégalités sont très élevées.
08:33 – Un mot sur la représentation des catégories défavorisées et minoritaires,
08:39 puisque vous montrez, par exemple, qu'à la télévision,
08:43 les cadres supérieurs l'emportent en termes de visibilité par rapport aux ouvriers,
08:47 alors que leur poids démographique, en fait, n'est pas du tout correspondant.
08:51 Regardez l'infographie, il y a 2/3 des cadres supérieurs représentés à la télé,
08:55 alors qu'ils ne représentent que 10% de la population française.
08:57 Il faudrait que les médias, la télévision, par exemple,
09:00 représentent ou rendent visible ces minorités ou majorités
09:04 en fonction de leur poids démographique.
09:06 Je ne sais pas si on pourrait imaginer des quotas comme ils existent,
09:09 par exemple, pour les femmes et les hommes en politique
09:11 ou dans un certain nombre d'instances de décision,
09:15 mais il faut bien percevoir que cette déformation de la société française,
09:20 telle qu'elle est montrée pas seulement dans les plateaux télé,
09:23 avec des experts où on peut comprendre que des plus diplômés,
09:26 des personnes en responsabilité,
09:28 viennent répondre à des questions de journalistes,
09:32 ils ont aussi une aisance plus grande,
09:35 tous les codes pour répondre à la télé,
09:38 mais néanmoins, ça concerne aussi la fiction, par exemple,
09:40 le documentaire, les reportages.
09:42 – Donc c'est à tous les niveaux.
09:43 – C'est à tous les niveaux et ça crée une image déformée de la société française
09:46 dans laquelle les ouvriers, les employés ne se voient pas représentés.
09:52 Dans les partis politiques, chez les décideurs, les journalistes,
09:55 on perd de vue ce que c'est que la société française
09:57 composée à moitié d'ouvriers et d'employés, qu'on ne voit pas du tout.
09:59 – Une société composée aussi à moitié d'hommes et de femmes,
10:02 Delphine, une question peut-être là-dessus.
10:03 – Oui, justement, on voit bien qu'il y a quand même une forme d'immobilisme,
10:07 tout ça est un peu difficile à bouger,
10:09 mais en termes d'égalité hommes-femmes,
10:10 on a par exemple l'association des femmes journalistes de sport
10:13 qui vient de lancer une charte qu'elle demande de faire signer par les rédactions,
10:18 avec l'idée d'équilibrer les journalistes hommes et femmes dans les rédactions sportives.
10:24 C'est vrai que les rédactions sportives, c'est peut-être ce qu'il y a de plus caricatural,
10:27 où il y a vraiment le plus d'hommes.
10:28 Est-ce que vous pensez que ça sert à quelque chose,
10:30 où il faut en effet passer, comme vous le disiez, peut-être par la parité en politique,
10:35 parce que finalement on ne voit pas beaucoup les choses évoluer ?
10:37 – Alors, il faut mettre la question de quota, de parité sur la table.
10:41 Je ne suis pas en train de défendre forcément la parité,
10:44 mais en tout cas c'est bien d'en débattre, c'est bien de prendre conscience des écarts,
10:47 parce qu'ils ont des inconvénients très clairs sur la manière dont on se représente la société,
10:52 et puis en ce qui concerne les femmes, sur un plafond de verre réel,
10:55 pour arriver à certains postes de pouvoir ou bien rémunérés.
11:00 Ceci dit, ça fonctionne en politique par exemple, les quotas ont produit leur effet.
11:04 Aujourd'hui, il n'y a pas encore la moitié de femmes dans les instances politiques,
11:08 mais il y a à peu près un tiers, un peu plus de 35% au Sénat, à l'Assemblée par exemple.
11:12 Ça a changé l'image qu'on se fait de l'hémicycle,
11:16 ça donne une autre perspective pour les jeunes filles par exemple, d'autres ambitions possibles.
11:24 Ça ne change pas forcément les politiques, ça ne les rend pas forcément plus féministes,
11:27 donc je ne tiens pas à un discours utilitariste,
11:29 je ne sais pas si le journalisme serait mieux fait par des femmes en sport que par des hommes,
11:33 ce n'est pas la question, c'est une question de justice.
11:35 Il faut quand même être conscient que ces quotas, quand ils s'appliquent, ne suffisent pas.
11:39 Dès qu'on sort du cadre légal, par exemple la part des femmes maires,
11:42 dans les entreprises qui ne sont pas dans le 440, qui sont un tout petit peu en dessous,
11:45 des entreprises qui ont l'obligation de partager les postes de direction entre les femmes et les hommes,
11:51 et bien là le quota, du moment qu'il n'existe plus dans la loi, il n'est plus appliqué dans les faits.
11:55 Donc il y a tout un travail à faire aussi sur les représentations, sur les rôles qu'on se partage,
12:01 et s'intéresser aussi à toutes les femmes qui ne vont pas devenir PDG ou journalistes.
12:07 Par exemple, relever le niveau du SMIC, c'est une manière de réduire les écarts de salaire
12:11 entre les femmes et les hommes, parce qu'à ce niveau de salaire, il y a une majorité de femmes.
12:16 – Merci beaucoup Anne Bruner, un mois dans les médias, malheureusement c'est déjà terminé.
12:21 Merci Florent, merci Delphine de m'avoir accompagné tout au long de cette émission.
12:27 Merci Anne Bruner à nouveau d'avoir accepté notre invitation.
12:30 Merci à vous de nous avoir suivis, on se retrouve en septembre pour un prochain numéro.
12:35 [Musique]

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