Retrouvez l'édito média de Cyril Lacarrière sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-mediatique
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00:00L'édito média, Cyril Lacarrière, Cyril, ce matin, vous nous parlez des conséquences
00:05de la crise politique pour les rédactions.
00:07Front républicain, barrage aux extrêmes, ni RN ni LFI, neutralité revendiquée, le
00:12préférable ou le détestable, choisissez votre camp, mais choisissez, car depuis la
00:16dissolution du 9 juin, tout le monde doit choisir, les journaux aussi.
00:20D'ailleurs, c'est allé vite, dès lundi matin, la croix titre « Front républicain
00:23une semaine pour choisir ». Dans Libération, on lit « Seul un barrage républicain pourra
00:28éviter le pire ».
00:29Une prise de position publique, et c'est justement ce que réclame la rédaction du
00:33gratuit 20 minutes.
00:34Dans une lettre ouverte publiée sur X, elle demande à sa direction de prendre un engagement
00:38clair contre l'extrême droite.
00:40Les journalistes estiment que dans la situation actuelle, il ne peut pas y avoir de neutralité.
00:45Et puis, même quand on est d'accord sur le front, c'est la forme qui peut provoquer
00:48des tensions.
00:49Ça a été le cas à Libération, samedi, veille du premier tour, le quotidien titre
00:53« Contre le RN, mobilisation générale ». Pas suffisant, estiment certains, pas assez
00:57puissant.
00:58Une engueulade typique des 50 nuances de gauche de Libé.
01:01Et des remous, il y en a aussi au Figaro.
01:04A droite, c'est le bordel, résultat, c'est aussi le bordel dans les couloirs du quotidien
01:07de la droite.
01:08La faute, surtout, au patron du journal, Alexis Brézé.
01:11Depuis l'annonce de la dissolution, il a d'abord critiqué ceux qui critiquaient
01:15l'alliance Ciotti-RN.
01:16Et puis, lundi, le lendemain du premier tour, il écrit, je le cite, que LFI, et donc le
01:21nouveau front populaire, sont « le vecteur d'une idéologie qui consommerait le déshonneur
01:27et la ruine du pays ». Avec cette conclusion empruntée à Raymond Aron, le choix en politique
01:32n'est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable.
01:36Je vous fais le sous-texte, nouveau front populaire égal détestable, RN égal préférable.
01:40Et comment a réagi la rédaction du Figaro ?
01:43Eh bien, mal.
01:44Les journalistes veulent comprendre quelles lignes défend Alexis Brézé, et du coup,
01:47quelles lignes défend leur journal, car ils se sentent évidemment tous engagés par l'édito
01:51de leur directeur.
01:52Le Figaro, journal de droite, conservateur, libéral et européen, ok.
01:56Mais le Figaro, journal qui étend sa droite jusqu'à l'extrême droite, pas ok.
02:01Mais voilà, elle est embarquée, malgré elle, dans les parties-pris idéologiques
02:04de son boss.
02:05Donc, depuis quelques jours, les journalistes s'engueulent dans des boucles WhatsApp et
02:08des boucles de mails.
02:09Et c'est tout le problème, quand on fait partie d'un journal, malgré ce qu'on peut
02:12imaginer, une rédaction, c'est tout, sauf un bloc monolithique.
02:15Et qu'est-ce que traduit tout ce que vous nous racontez ?
02:18Que la société se radicalise et que les médias suivent le mouvement.
02:22Au Figaro, si Brézé a décidé de se lâcher, c'est aussi parce qu'il fait du clientélisme.
02:25Il sait que son lectorat s'est déporté encore plus vers la droite qu'avant.
02:29Dans le climat actuel, difficile pour tout le monde de trouver le bon équilibre.
02:32Dans le quotidien, l'opinion, hier, le rédacteur en chef Rémi Gaudeau écrit que
02:37le barrage au fascisme ne fonctionne plus, la faute à la polarisation et à la radicalisation
02:42générale.
02:43Une division profonde et qui vient de loin.
02:46Cette crise politique laissera bien sûr des traces dans la société française, elle
02:49risque aussi d'en laisser dans la rédaction.
02:51Sylvie Lacarrière, merci et très bonnes vacances.