BE SMART - L'interview de Christophe Guerin (Nexans) par Stéphane Soumier

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Jeudi 29 juin 2023, BE SMART reçoit Christophe Guerin (CEO, Nexans)

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Transcription
00:00 Et donc on démarre avec Christophe Guérin.
00:07 Salut Christophe.
00:08 Salut Stéphane.
00:09 Encore une fois, je ne veux pas te mettre la pression parce que tu as écrit un bouquin
00:12 pour raconter finalement ton expérience, la façon dont tu veux faire les choses chez
00:16 Nexens sans peut-être avoir conscience que… Ou alors oui, tu avais conscience que tu écrivais
00:22 là une façon de faire ou en tout cas une série de solutions que j'avais moi en tout
00:31 cas pas encore vu exprimer en français avec ce luxe de détails, on va dire ça comme
00:37 ça.
00:38 C'est plutôt un partage d'expérience.
00:39 Oui, exactement.
00:40 Un modèle qui est potentiellement duplicable sur beaucoup de secteurs.
00:42 Donc, réconcilier la pression du monde capitaliste avec les enjeux écologiques et le bien-être
00:48 social.
00:49 Je vais résumer ta solution.
00:50 Arrêtez de produire plus.
00:52 Oui.
00:53 Il faut que tu me donnes quelques détails maintenant.
00:56 Le moins égale plus en fait.
00:57 On est parti du… Comme tu le savais, Nexens en 2018 était proche de l'OPA.
01:02 Donc Nexens, on ne le dit pas, mais leader mondial du câble ?
01:05 Deuxième.
01:06 Deuxième acteur.
01:07 Deuxième.
01:08 On ne connaît pas le premier donc c'est très bien.
01:09 Comment s'appelle le premier ?
01:10 Je le suis de peau.
01:11 Non, je rigole.
01:12 Presque.
01:13 Une très belle société italienne.
01:14 D'accord.
01:15 Ah, dis donc.
01:16 Deux européens.
01:17 Deux européens.
01:18 Donc voilà.
01:19 L'un des leaders mondiaux du câble.
01:22 Et donc effectivement dans une situation complexe.
01:25 Très compliqué.
01:26 Très compliqué.
01:27 À l'époque si on prend juste le cours de bourse…
01:29 2018.
01:30 2018, le cours de bourse comme un baromètre, on était à 22 euros.
01:32 La société ne valait que 800 millions d'euros.
01:34 On était proche de l'OPA hostile.
01:36 Enfin, on était complètement à la casse.
01:37 La boîte valait 800 millions d'euros.
01:39 Et on avait quelques années, deux ans devant nous pour redresser avec le support de nos
01:43 actionnaires majoritaires qui sont un fonds chilien et la BPI, redresser la société.
01:47 Fonds chilien pour le cuivre j'imagine.
01:49 Oui.
01:50 Enfin c'est ça, le lien avec le Chili c'est le cuivre.
01:51 Non parce que ça peut paraître surprenant.
01:53 Fonds chilien.
01:54 Voilà.
01:55 Donc c'est ça qui fait le lien.
01:56 Et en fait on s'est dit… Alors moi je n'ai pas sorti la méthode.
01:58 Ça fait 10 ans que je bosse dessus.
01:59 Je me suis toujours posé la question sur comment redresser une entreprise le plus rapidement
02:05 possible avec le moins de casse sociale possible.
02:08 Et puis en changeant un peu les paradigmes et tout ce qu'on nous a appris pendant des
02:12 années, pendant 20 ans, c'était un peu l'ère de l'abondance.
02:15 Donc le plus de volume, tu sais, tu entends cette phrase, j'ai besoin de plus de volume
02:19 pour couvrir mes frais financiers.
02:20 Mais bien sûr.
02:21 Pendant 30 ans.
02:22 Mais bien sûr.
02:23 Le plus de clients, le plus de produits.
02:24 Et donc moi j'ai déployé une méthode depuis 10 ans qui m'a permis de redresser
02:28 beaucoup d'entreprises, enfin d'unités chez Nexan, ce qui était de dire il y a un
02:32 facteur que vous ne prenez pas en compte, c'est le coût de complexité.
02:35 Le coût de complexité.
02:36 On garde beaucoup nos coûts fixes, on garde nos coûts variables, mais il y a quelque
02:39 chose que vous ne prenez pas en compte, c'est le nombre de clients et le nombre de produits
02:42 que vous gérez tous les jours qui est exponentiel depuis des années et qui génère un coût.
02:47 Et je vais te donner un exemple plus simple.
02:50 Tu regardes l'iPhone, la vie de tous les jours, l'iPhone.
02:54 Quand Apple sort un nouvel iPhone, ils retirent l'ancien.
02:58 Pourquoi ? Parce qu'ils ne veulent pas empiler les iPhones.
03:01 Tu as l'iPhone 14, tu ne peux plus acheter l'iPhone 12.
03:05 Ils renouvellent leur gamme et ils remplacent.
03:08 Donc ils ne vont pas dans une logique d'accumulation, mais une logique de remplacement.
03:11 C'est une gestion de complexité.
03:13 Tandis que dans le domaine industriel, globalement, tu regardes les statistiques, entre 1995
03:18 et 2020, le nombre de produits manufacturés a une croissance exponentielle de 300%.
03:23 Donc nous, on accumule, on fait du toujours plus.
03:25 Et ça, ça a un coût.
03:27 Et c'est pour ça que le modèle, d'un point de vue économique d'abord, te démonte.
03:32 Je finis juste.
03:33 Oui, mais là, parce que là, Christophe, je ne voudrais pas.
03:34 Non, parce que c'est presque un peu déceptif.
03:36 C'est-à-dire que là, tu me fais, et c'est très bien, mais le PowerPoint du BCG, d'une
03:42 certaine manière, tu vas beaucoup plus loin que ça.
03:44 Effectivement, tu donnes les chiffres.
03:47 2019, j'ai 17 000 clients, 300 000 références produits.
03:50 Maintenant, j'ai 4 000 clients, une réduction de 30%.
03:55 Alors, tu écris exactement une réduction de 30% du nombre de produits manufacturés.
04:01 Est-ce que ça veut dire que c'est une réduction de 30% de la production ?
04:05 Non.
04:06 Non ?
04:07 Non.
04:08 C'est ça.
04:09 Il a l'astuce.
04:10 Il a l'astuce.
04:11 C'est ce que personne ne comprend au départ.
04:12 Et c'est aussi un peu ma bagarre régulière avec les analystes financiers, pas les investisseurs,
04:19 les analystes financiers, qui eux sont sur des modèles de croissance, donc toujours
04:22 plus.
04:23 Donc eux, ils disent, tu fais plus de volume, donc tu as plus de profit.
04:26 Moi, je dis, votre modèle, il est foutu.
04:27 Parce que nous, on a une croissance à base zéro, mais pas de croissance.
04:31 Et pourtant, j'ai doublé mes profits.
04:34 Mais comme on a fait, c'est un peu la logique économique du programme, c'est de dire,
04:39 on a densifié nos ressources, nos capacités sur nos clients dits platinum, les 4000 clients,
04:46 et on a réalloué toute la capacité à ces clients-là.
04:48 Oui, mais là, si tu restes là, et encore une fois, dans le bouquin, tu n'en restes
04:52 pas là, bien, bien loin de ça.
04:54 Là, c'est juste la montée en gamme, finalement, que tu es en train de m'expliquer.
04:57 Tu es en train de m'expliquer le modèle de l'automobile allemande au tournant des
05:00 années 90, finalement.
05:02 Je vais en faire moins, je vais la vendre plus cher, et comme ça, je vais augmenter
05:07 mes profits, ma marge opérationnelle et tutti quanti.
05:10 Encore une fois, tu vas beaucoup plus loin que ça.
05:12 Oui, exactement.
05:13 Et donc, allons-y.
05:14 Tu dis, il y a effectivement cette idée de, je vais augmenter mes profits en produisant
05:21 moins.
05:22 Ok, première chose, enfin, produisant moins de références, première chose.
05:25 Mais tu dis surtout, je vais faire un retour sur capitaux employés au cube.
05:31 Alors, explique-moi ça.
05:33 Alors, je t'explique.
05:34 Déjà, nous, on est une des rares boîtes du capital goods européen qui n'a pas d'objectif
05:40 sur la croissance, volumique.
05:42 Parce que c'est ce que je dis aux analyses financières, tant qu'on ne définit pas la
05:46 croissance, on ne sera jamais d'accord.
05:47 Parce qu'on peut faire de la croissance en valeur, les effets de mix, l'innovation, etc.
05:52 On peut faire de la croissance verte et on peut faire de la croissance régénérative.
05:55 Tant qu'on ne rentre pas dans la définition de la croissance, il n'y aura pas d'objectif
05:57 de croissance.
05:58 Nous, ce qu'on fait, par exemple, j'étais au Maroc récemment.
06:01 Au Maroc, je peux faire 15% de croissance de volume en plus sans aucun problème avec
06:05 l'électrification du Maroc à l'heure actuelle.
06:07 Ce qu'on leur dit, ils disent, vous avez deux objectifs.
06:09 Objectif de profitabilité à la hausse et quota carbone, moins 10%.
06:15 Le fait d'avoir une double contrainte, d'avoir le quota carbone qui ne peut pas les pousser
06:20 dans la voie de l'abondance et la profitabilité, ils sont obligés de se poser la question
06:25 quels sont les clients qui répondent à la double contrainte.
06:30 Et c'est là-dessus qu'on arrive.
06:32 Avec la méthode, on leur dit, écoutez, vous avez bien un facteur de retour sur capitaux
06:37 employés pour la profitabilité de vos clients.
06:39 Mais maintenant, on calcule le retour sur carbone employé de chacun des clients pour
06:44 être sûr qu'ils répondent à la contrainte environnementale.
06:46 Et c'est certainement là la nouveauté parce que du coup, avec cette double contrainte,
06:52 tu arrives à croître tes profits et réduire ton emprunt de carbone assez rapidement.
06:56 Alors, je reste là-dessus carbone employé.
06:58 Mais n'oubliez pas, on a dit que c'était trois.
07:00 Donc, il y a aussi compétence employée.
07:02 Et ça, on en reparle après.
07:04 Je reste sur le carbone.
07:05 Je ne sais plus si tu le dis ou si tu ne le dis pas, mais je crois que tu le dis.
07:09 Parce que tu as un petit côté, à un moment quand même, et c'est là où je n'étais
07:13 plus en accord avec toi, à un moment, tu dis en gros le système.
07:19 Et donc, tu parles d'un système.
07:21 Le système pousse à produire plus.
07:23 Christopher, ce n'est pas le système qui pousse à produire plus, c'est la demande
07:29 de l'humanité.
07:30 C'est vrai.
07:31 Tu as raison.
07:32 Tu vois ? La croissance de la population.
07:34 La croissance de la population.
07:35 Et surtout, on a ici Étienne Wassmer qui vient nous voir régulièrement, économiste,
07:41 qui travaille, qui enseigne à l'antenne d'Abu Dhabi de la New York University.
07:45 Donc, il a, lui, des Indonésiens, des Pakistanais, ces gens-là, ces élèves.
07:49 Tu as raison.
07:50 Ils veulent croître.
07:52 Ils vont renoncer à rien pour améliorer leur bien-être.
07:55 Il est catégorique avec nous là-dessus.
07:56 C'est évident.
07:57 Je suis entièrement d'accord avec toi.
07:59 Quand je parle de système, c'est que remets-toi dans une logique de bois de côté.
08:02 Moi, je suis une bois de côté.
08:04 Aujourd'hui, ce qui énerve le plus les analystes financiers, c'est qu'on n'a
08:07 pas d'indicateur de croissance.
08:08 Et comme dans leur modèle depuis 20 ans, c'est le top line qui génère le profit,
08:14 quand tu leur soumets le cas néxens, le système, il bug.
08:17 Parce que pas de croissance et triplement des profits.
08:20 Il dit mais comment vous faites ? Et on fait des masterclass au système, aux analystes
08:25 financiers, en bourse pour leur dire, écoutez, à travers la réduction de complicité, la
08:29 densification sur moins de clients et moins de produits, vous gagnez en productivité,
08:33 vous libérez du cash, vous libérez de la ressource qui est de la source productive.
08:37 Alors, mais on est bien d'accord, ça améliore ta productivité et surtout, et ça on va
08:41 en parler parce que c'est super intéressant et vraiment, je crois que ce que tu écris
08:46 va être au cœur du problème de beaucoup d'entreprises.
08:50 Donc, ça augmente ta profitabilité, ça réduit ton impact carbone, ça permet de
08:54 mieux développer tes compétences et d'avoir un meilleur accord social général dans l'entreprise.
08:58 Mais ça ne règle en rien le sujet du climat.
09:02 Ça ne règle en rien parce que ce que tu ne produis pas toi, quelqu'un d'autre le
09:06 produit.
09:07 Et bien, la demande elle est là, quelqu'un d'autre le produira et dans des conditions
09:10 qui seront des conditions peut-être moins bonnes que celles dans lesquelles Nexen se
09:13 produisait il y a encore quelques années.
09:15 Je suis entièrement d'accord avec toi.
09:16 Après, je ne suis pas un chercheur au CNRS.
09:18 Je ne pense pas régler les problèmes du monde.
09:21 Non, mais d'ailleurs, je crois que tu ne le dis pas.
09:24 Je n'ai pas du tout cette prétention, j'ai juste un partage d'expérience.
09:27 Tu vois, j'ai eu un très bon débat et présentation auprès d'ETI et PME françaises
09:32 où je leur ai dit, n'allez pas chercher obligatoirement la croissance.
09:34 La croissance va augmenter votre coût de complicité.
09:37 Repensez votre modèle économique, environnemental et social à travers moins de clients, mais
09:43 plus dense et moins de produits et les profits seront au rendez-vous.
09:46 Parce qu'il y a très peu de manuels économiques qui démontrent cette notion de coût de complexité.
09:50 On est d'accord.
09:51 C'est ça que je mets en avant.
09:54 Donc, compétence employée.
09:55 Vas-y, définis-moi parce que retour sur capitaux employés, tout le monde comprend.
10:01 Retour sur carbone employé, on comprend assez vite, tu l'as bien expliqué.
10:05 Retour sur compétence employée.
10:07 En fait, tu sais, au départ, c'était au moment du Covid.
10:10 On a appelé, moi j'ai appelé une vingtaine de CEO pour voir un peu comment ils orchestraient
10:15 l'environnement, le social, l'économique dans leurs décisions quotidiennes.
10:18 Ce n'est pas du tout exhaustif, c'est une vingtaine, à part Jean-Pascal Tricouart qui
10:22 est quand même un temps d'avance sur tous les sujets de décarbonation, qui est toujours
10:26 exemplaire sur ce thème-là.
10:27 Je n'ai pas appris grand-chose.
10:28 Après, ce qu'on a fait avec ma petite équipe en centrale, on a appelé toutes les écoles
10:32 de commerce du monde, HEC, Harvard, IMD, Stanford, Columbia, pour voir s'il y avait des formations,
10:37 qu'il y avait une logique systémique entre les trois piliers.
10:39 Rien à trouver.
10:41 Des formations formidables dans chacun des piliers, mais qui pensent comme un système,
10:47 on n'en a pas trouvé.
10:48 Donc après, on s'est dit bon, on va d'abord balayer devant notre porte.
10:52 On ne voit rien, on a lu 40 bouquins, on n'a rien trouvé non plus.
10:56 On a eu belle pensée philosophique, mais pas de méthode.
10:58 Et puis là, on a regardé, on a pris nos unités qui sont les plus profitables depuis
11:02 cinq ans.
11:03 On a regardé donc, profitable, tout va bien du côté économique, on a regardé du côté
11:07 environnemental.
11:08 Plutôt bien, assez vertueuse.
11:10 Une empreinte carbone qui baisse régulièrement, des logiques d'éco-design sur les produits,
11:14 gestion des déchets.
11:15 Et alors là, c'était la grande nouveauté, parce que là, je viens de mettre des sociologues
11:19 chez nous là.
11:20 Sur le truc ?
11:21 Sur le truc, parce que là, il faut qu'on tire encore plus sur les compétences.
11:22 Moi, ce que j'ai vu, c'est que ces sociétés-là, nos unités internes, étaient également
11:27 incroyables sur la partie sociale.
11:28 Un taux de diversité qui était dix points supérieur à la moyenne du groupe, un taux
11:31 de féminisation des instances dirigeantes qui était dix points supérieur à la moyenne
11:34 du groupe, le taux d'absentéisse moyen inférieur à 3%, le groupe est à 4%, la formation,
11:40 la safety, il y avait tout.
11:41 Alors, ce qui a été bluffant et heureux cas pour nous, c'est quand on a pris l'inverse.
11:46 On a pris nos unités les moins profitables depuis des années.
11:49 Et elles avaient tout faux.
11:50 Mais tout faux, surtout.
11:52 Mais où est la poule, où est l'œuf ? Est-ce que c'est, elles sont moins profitables,
11:56 donc sous tension, donc relations sociales dégradées, donc on fait tout ce qui est
12:03 possible de faire pour essayer de redresser la barre et on n'a pas le temps de penser
12:07 au carbone ? Tu comprends ? Ou est-ce que c'est à l'inverse ? C'est ça la grande
12:10 difficulté ?
12:11 Comme elles ne sont pas gérées par une intelligence artificielle, le problème, c'est l'humain.
12:14 Et le problème de l'humain, c'est le management.
12:16 En fait, qu'est-ce qu'on a compris ? On a codifié les deux parties.
12:19 On s'est dit, là, on a un management du bon côté, on a un management intuitif qui
12:23 pense global, le vrai patron ou la vraie patronne qui pense économique, sociale et environnementale,
12:28 qui a une vraie conscience globale, que c'est un tout, puis les autres, management un peu
12:34 militaire, profit d'abord, le reste on s'en fout, et plutôt dans une logique de capitalisme
12:40 carbonifère.
12:41 Et on s'est dit, c'est un problème managériel, tout simplement.
12:43 C'est juste un problème managériel.
12:45 Et donc c'est là où t'en viens, effectivement, enfin t'en viens, c'est le début de ton
12:48 bouquin de toute façon.
12:49 Le modèle managériel, en fait, est aujourd'hui totalement inadapté à ce que t'essayes de
12:53 décrire, c'est-à-dire une série d'entreprises qui, pour sans doute de bonnes raisons, décident
13:01 de caper leur production.
13:02 Pas leur profit, mais leur production.
13:04 Et ça, le modèle managériel actuel, et on parle de middle management évidemment,
13:09 ou de upper middle management, il bug.
13:12 Il n'est pas capable de la même manière que tu le disais, les analystes financiers
13:15 bug, les managers bug aussi.
13:17 C'est ça ton sujet, Christophe ?
13:18 Exactement, parce que si tu veux, t'as les analystes financiers qui sont dans la logique
13:20 de croissance, après t'as les puristes radico-écologistes qui vont être sur le thème de la décroissance.
13:25 Moi je dis juste qu'il y a une voie au milieu qui démontre qu'une forme de sobriété
13:31 peut être signe de surperformance économique et régler également la problématique environnementale.
13:35 Il y a quelque chose là.
13:36 Régler la problématique environnementale, vu ta fenêtre, de l'entreprise.
13:40 De l'entreprise.
13:41 Mais la problématique, tu te mènes à la tête d'un dirigeant.
13:45 Pas obligatoirement le CEO de la boîte, mais un dirigeant d'une unité.
13:48 Le monde, il est en permacrise.
13:50 Les crises s'empilent.
13:52 Oui, c'est un terme que tu emploies, ça, au début.
13:54 Sanitaire, géopolitique.
13:55 Moi, j'ai 3000 personnes en Ukraine.
13:56 Si tu veux, on n'est pas formés, nous, globalement, à gérer des équipes en temps de guerre.
14:02 On a dû apprendre sur le tas.
14:04 On a des gens incroyablement résilients là-bas, mais ils sont en pleine guerre.
14:08 J'ai 3000 employés.
14:09 On n'est pas formés à ça.
14:10 De l'autre côté, t'as les injonctions paradoxales.
14:13 Le lundi, quand je fais des roadshows, on parle de l'économique.
14:16 Le mardi, on parle de l'ESG, mais on parle surtout de l'économique.
14:19 Et puis après, t'arrives à la régulation européenne.
14:24 On est au summum de l'indicateur.
14:26 Il faut de la régulation, mais pas de la complexité.
14:29 1500 labels, 2000 indicateurs.
14:33 Je collectionne les labels comme des magnètes sur un frigo.
14:36 Si tu veux, il y a un moment, on ne sait plus.
14:38 On veut résoudre les problématiques du monde à travers des indicateurs.
14:42 Là, pour le coup, les normes comptables avancent.
14:44 C'est l'ISSB qui a publié il y a quelques jours, Emmanuel Faber.
14:51 L'EFRAG, côté européen, avance aussi.
14:55 Là, tu peux espérer qu'à un moment, tu vas avoir des normes comptables un peu dures,
15:01 un peu robustes, qui vont balayer tous ces labels.
15:04 Ce sera l'équivalent de l'IFRS.
15:06 Tu ne crois pas ?
15:07 Tu es méfiant.
15:08 Quand tu regardes, tu relis le livre passionnant de Nicolas Tailleb sur "Skin in the game".
15:15 Il y a quand même toute une population de buysers, d'avocats, de lobbyistes, etc.
15:20 qui vivent sur la notion de complexité.
15:21 Ce qui est intéressant, ça vient plutôt des États-Unis, parce que le bouquin sort
15:24 en anglais.
15:25 J'ai beaucoup d'appels d'investisseurs américains.
15:27 On a beaucoup d'investisseurs américains dans le cadre de l'actionnariat de Nexence.
15:31 Actionnaires plutôt new-yorkais, Boston, Chicago, qui, eux, je ne sais pas si tu as
15:35 vu cette phrase du patron de Paypal qui dit "le taxonomie et le VIG européenne, c'est
15:39 une forme de nouveau communisme".
15:40 Mais bien sûr.
15:41 En fait, à la vision américaine, s'ils disent "nous, il faut qu'on trouve notre
15:45 voie, il faut qu'elle soit simple et pragmatique".
15:46 Donc, ils sont en train de chercher une voie.
15:48 C'est pour ça que l'E3 actuellement a beaucoup d'écho auprès de nos investisseurs
15:51 américains.
15:52 C'est pragmatique.
15:53 Parce que vous ne mettez pas l'économie en opposition au vieux environnement.
15:58 Parce que moi, si je ne fais pas de profit, ma durée de vente va être vite périmée.
16:04 C'est pour ça que je dis que ça fait date.
16:06 C'est pour ça que je dis que c'est intéressant.
16:08 On n'est pas dans la proclamation.
16:11 Et on n'est pas non plus, puisque tu as clairement levé l'ambiguïté que j'avais un peu en
16:14 tête, dans ce qu'ils nous ont dit à un moment.
16:17 "Ah, mais je décarbone puisque je vends mes centrales à charbon en Indonésie".
16:21 Bah non, tu décarbones rien du tout.
16:23 Il y en a d'autres qui vont les faire tourner tes centrales à charbon en Indonésie.
16:25 Mais attends, parce qu'il y a beaucoup de choses à dire.
16:28 Je veux te montrer quand même celui qui sera sans doute le nouveau président du MEDEF.
16:32 Il l'est peut-être déjà d'ailleurs, puisque cette émission sera rediffusée pendant tout
16:36 l'été.
16:37 Donc pardon si je me suis trompé.
16:39 On va voir là.
16:44 Il met lui sa campagne et donc son mandat sous le signe de la croissance.
16:49 Le pays ne produit pas assez.
16:52 Vraiment, c'est son mantra.
16:53 Il se trompe ? Est-ce qu'il se trompe ?
16:56 Il va falloir qu'il la définisse, la croissance.
16:59 C'est une croissance verte.
17:00 Il ne produit pas assez.
17:03 On peut produire plus, mais il faut que ça soit en harmonie avec des réductions d'empreintes
17:11 carbone.
17:12 Actuellement, on va annoncer des gros investissements sur le recyclage du cuivre.
17:15 Parce que je reviens d'une mine de cuivre au Chili.
17:18 Tu te dis, pour décarboner notre vie de tous les jours, il faut regarder comment on pollue
17:22 de l'autre côté en amont quand même.
17:23 Donc à un moment donné, c'est ce que je dis à mes clients, on est assis sur des mines
17:27 urbaines, il y a plein de cuivre sous les sols.
17:29 Il faut renouveler les réseaux, il faut qu'on récupère.
17:32 Donc si tu fais de la croissance, tu peux être en partie volumique, mais au bénéfice
17:38 de l'environnement et surtout dans une logique d'économie régénérative, là je suis prêt
17:44 à l'écouter.
17:45 Mais si c'est une croissance plus de volume, capitalisme carbonifère, moi il m'aura perdu.
17:49 C'est intéressant, non ? Tu me fais réfléchir.
17:53 Je ne partais pas gagnant au début.
17:59 Non, non, non, c'est intéressant parce que ce que tu me dis, et c'est toujours comme
18:09 ça qu'on doit réfléchir en économie, sort d'une posture idéologique.
18:13 Ne te laisse pas enfermer, c'est ça ton message.
18:16 Oui d'accord, en fait tu considères que tes ennemis c'est les décroissants, tout
18:21 ça machin et tout, et donc pour ça tu t'enfermes toi-même dans une posture idéologique inverse,
18:27 mais qui est aussi absurde que la leur.
18:28 C'est ça ton message.
18:30 Exactement.
18:31 Il y a toujours une voie au milieu et je pense que les Chinois actuellement sont en train
18:35 de prendre un grand coup d'avance parce qu'ils vont faire beaucoup de croissance à travers
18:39 la transition énergétique, mais ils sont en train de récupérer tous les déchets
18:42 métaux du monde à l'heure actuelle.
18:44 Parce qu'ils sont en train de mettre beaucoup de logique de récidivité.
18:49 Eric Orsenna, formidable Eric Orsenna, docteur en économie, on le sait assez peu, hyper
18:55 diplômé d'économie, qui avait eu cette phrase, mais c'était il y a 15 ans, le recyclage
18:59 c'est la première des matières premières.
19:01 Bien sûr.
19:02 Mais c'était il y a 15 ans.
19:04 Donc des filières se mettent en place etc. et tout, mais on voit que c'est épouvantablement
19:07 compliqué quand même.
19:08 Tu crois que tu peux faire quelque chose de solide avec le cuivre sans faire exploser
19:14 les coûts de manière…
19:16 Dans tous les cas, on va être rattrapé par la problématique de pénurie.
19:19 Il n'y aura pas assez de cuivre, il n'y aura pas assez de limidium, il n'y aura
19:21 pas assez de métaux rares.
19:22 La problématique qu'on a c'est que tu vois, on attaque souvent la société par
19:28 exemple des téléphones mobiles, la société du jetable.
19:31 Sauf que la société du jetable va peut-être aller un cran plus vite.
19:33 Parce que comme tu jettes, tu récupères bien trop de monde.
19:36 Oui mais il faut récupérer.
19:37 Oui mais tu vas voir, à mon avis en 2025, le prochain iPhone il sera 100% fait de matières
19:42 recyclées.
19:43 Donc comme le jetable te crée en fait un volume et permet de rentrer en boucle circulaire
19:47 assez intéressant.
19:48 Nous on est plutôt dans une logique de société d'accumulation.
19:51 On accumule, on accumule, on accumule.
19:53 D'où le dispositif de consigne qui peut t'apparaître comme un truc mais retour aux
19:57 années 60 et qui en fait peut être utile.
20:00 Parce qu'il ne faut pas qu'ils dorment dans les tiroirs les téléphones si tu veux
20:04 toi pouvoir les recycler.
20:05 C'est ça, on est d'accord.
20:06 Et il faut qu'à un moment, la conscience écologique est limitée, il y ait une toute
20:10 petite incitation monétaire, financière, peu importe, une toute petite incitation pour
20:15 qu'on aille les rapporter.
20:17 C'est ça le truc.
20:18 Alors que ce n'est quand même pas très compliqué.
20:19 Un mot de la Chine quand même, il nous reste trois minutes mais c'est parce que tu les
20:23 connais, tu travailles là-bas, tu travailles avec eux.
20:25 Le Premier ministre il était quand même un tout petit peu inquiet, il était en France
20:28 la semaine dernière et il y a cette idée de dérisquer la Chine que vous avez tous
20:32 aujourd'hui.
20:33 Chine +1.
20:34 J'arrête de tout concentrer en Chine, j'en fais ailleurs parce que ça l'inquiète
20:39 dérisquer la Chine.
20:40 Il a raison d'être inquiet ?
20:43 Oui, je pense.
20:45 C'est ça, il se passe quelque chose dans la réflexion de tous les industriels que
20:48 tu peux représenter ici, il se passe quelque chose.
20:50 Il se passe quelque chose en Chine.
20:51 Il y a un modèle à réinventer en Chine, ils sont en train de repenser un peu la chaîne.
20:56 Par contre, ce que je vois, c'est que les Américains et les Chinois sont en train de
21:00 mettre vraiment une colonne vertébrale politique, économique à travers énormément de subventions
21:06 pour leur économie pour préparer l'avenir.
21:09 On a participé un peu à l'alimentation à notre petite échelle sur les câbles du
21:13 plan Biden parce qu'il va y avoir énormément de câbles sur tous les Etats-Unis.
21:16 Quand tu vois le plan Ira, les subventions qu'ils sont prêts à mettre, c'est incroyable
21:20 parce qu'ils sont en train de draguer toutes les boîtes européennes.
21:22 On le décrit tous les jours.
21:25 Ce n'est pas le cas des Chinois.
21:28 Oui, justement, ce n'est pas le cas des Chinois.
21:30 Et puis nous, on a sorti quand même un dispositif, le dispositif Industrie verte, il est à l'échelle
21:35 de la France, on est d'accord, mais c'est quand même des dispositifs de crédit d'impôt
21:38 qui sont comparables.
21:39 Tu sens un gros volontarisme, ce qu'on a vu sur les usines de batterie, etc.
21:43 Ça bouge.
21:44 On a l'impression.
21:45 Ça bouge.
21:46 Ben écoute, moi, pendant des années, on a parlé de Start-Up Nation.
21:49 Maintenant, on parle d'Industrie Nation.
21:51 Moi, je suis content d'être heureux.
21:53 Et puis à la fin, de toute façon, c'est ça, je pense à toi.
21:56 À la fin, on disait les pelles et les pioches de la rue Verleur, les pelles et les pioches
22:01 de la transition énergétique, c'est les câbles.
22:02 À la fin, il faut des câbles pour toutes les éoliennes, tous les trucs, tout les
22:06 trucs, pour les remettre dans le réseau, il faut des câbles.
22:09 Exactement.
22:10 Il est temps qu'on bouge.
22:11 Il est temps qu'on bouge.
22:12 On est proche d'un burn-out environnemental et social.
22:14 Mais je n'ai pas eu le temps.
22:15 Parce qu'on a parlé d'autre chose.
22:16 Mais en fait, non, parce que le sujet que tu disais quand même, et on n'aura pas le
22:19 temps, mais c'est pour ça qu'il faut que vous alliez regarder le bouquin.
22:22 Tu dis le problème que j'ai quand même, c'est que mon retour sur capitaux carbone,
22:29 il faut que je le mesure très précisément et que pour le mesurer très précisément,
22:34 je vais être obligé d'une manière ou d'une autre de retomber dans du micromanagement.
22:37 Tu écris ça, Christophe, en 40 secondes.
22:41 40 secondes.
22:42 Et à un moment donné, quand tu es obligé de changer un système qui repose sur 20 années
22:46 d'expérience, tu es obligé de descendre dans la salle de machine.
22:48 Je peux avoir les meilleures incontations du monde, mais à un moment, au départ, tu
22:51 es obligé d'aller avec ta clé de 12, tu vas dans la salle de machine.
22:54 Moi, j'ai des activités qui sont E3 compatibles maintenant.
22:57 Elles ne me voient plus.
22:58 Je n'en ai rien à laisser les clés.
23:00 Ça roule tout seul.
23:01 Sauf que tu repasses.
23:02 C'est toi qui décris.
23:03 Tu repasses par une phase micromanagement qui est aujourd'hui quand même massivement
23:06 rejetée.
23:07 Pour celles qui ne sont pas E3 compatibles.
23:09 Pour celles qui ne sont pas dans le bon sens.
23:11 Pour celles qui ne sont pas dans le bon sens.
23:12 Tu reprends la bagnole, tu la mets sur la bonne route et après tu les laisses rouler.
23:15 Et t'amènes quand même sans doute des arguments pour leur expliquer pourquoi tu vas le faire.
23:19 Mais ça marche très très bien.
23:20 Voilà, ça marche très très bien.
23:21 Ça marche très très bien.
23:22 Pour aller dans le bon sens, ça s'appelle le livre de Christopher Guérin.
23:26 Il y a une première partie théorique, ce dont on vient de parler, puis une deuxième
23:30 partie qui est vraiment ultra pratique.
23:32 Donc allez regarder ça, ça ne peut que vous intéresser.
23:35 Et on continue finalement la discussion.
23:38 On parlait un tout petit peu de la Chine.
23:39 Ce que Laurence D'Asiano nous racontait récemment sur le Sud global est là aussi passionnant.
23:45 Donc on va voir ça tout de suite sur Bsmart.

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