Herbert von Karajan est incontestablement l’un des plus grands chefs d’orchestre du XXe siècle. Il avait aussi la réputation d’être autoritaire et dur en répétitions.
Son ambition ne connaissait pas de limites, ainsi que l'illustre ses liens avec le IIIe Reich : il a obtenu par deux fois sa carte auprès du parti nazi. Portrait d'un musicien grandiose et ambivalent, avec Lionel Esparza, producteur à France Musique.
D'abord attiré par le piano, Karajan rêve de plus grand et se tourne vers la direction. "Un professeur à Vienne m'a dit un jour qu’il me faudrait dix mains pour exécuter tout ce que je pense. Comme ce n’est pas possible, il m’a conseillé de devenir chef d’orchestre et c’était, je crois, un très bon conseil”, explique-t-il dans une archive de 1967.
Son appétit de pouvoir et son intransigeance durant les répétitions suscitent la fascination et la crainte de ses interlocuteurs. "Karajan est un personnage fascinant au caractère très ambivalent. Certains disaient de lui qu'il était méprisant et je pense que cela était vrai", explique Lionel Esparza.
En 1933, alors que Hitler proclame l'avènement du IIIe Reich, le jeune chef de 25 ans se rapproche du nouveau régime. "A-t-il été nazi ? C'est une véritable question. Il l'a été de fait, puisqu'il a obtenu à deux reprises sa carte auprès du parti nazi et a profité du régime pour sa carrière".
#Karajan #chefdorchestre #nazi #Cultureprime
Son ambition ne connaissait pas de limites, ainsi que l'illustre ses liens avec le IIIe Reich : il a obtenu par deux fois sa carte auprès du parti nazi. Portrait d'un musicien grandiose et ambivalent, avec Lionel Esparza, producteur à France Musique.
D'abord attiré par le piano, Karajan rêve de plus grand et se tourne vers la direction. "Un professeur à Vienne m'a dit un jour qu’il me faudrait dix mains pour exécuter tout ce que je pense. Comme ce n’est pas possible, il m’a conseillé de devenir chef d’orchestre et c’était, je crois, un très bon conseil”, explique-t-il dans une archive de 1967.
Son appétit de pouvoir et son intransigeance durant les répétitions suscitent la fascination et la crainte de ses interlocuteurs. "Karajan est un personnage fascinant au caractère très ambivalent. Certains disaient de lui qu'il était méprisant et je pense que cela était vrai", explique Lionel Esparza.
En 1933, alors que Hitler proclame l'avènement du IIIe Reich, le jeune chef de 25 ans se rapproche du nouveau régime. "A-t-il été nazi ? C'est une véritable question. Il l'a été de fait, puisqu'il a obtenu à deux reprises sa carte auprès du parti nazi et a profité du régime pour sa carrière".
#Karajan #chefdorchestre #nazi #Cultureprime
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00:00 Carriane est fascinant parce que c'est un personnage très ambivalent, au caractère
00:07 totalement impossible, un homme détestable, on peut le dire, un artiste absolument exceptionnel.
00:13 Rien que ça rend son destin absolument incontournable.
00:15 Il faut dire qu'Herbert von Carriane est tout simplement le plus grand chef du XXe siècle,
00:27 en tout cas celui qui a été le plus facilement repéré par le grand public et peut-être
00:31 l'un de ceux qui a donné le plus de disques absolument sidérants.
00:33 Issu d'une grande famille bourgeoise, Carriane veut d'abord apprendre, comme son grand frère,
00:42 le piano.
00:43 A quel moment il a décidé finalement de laisser tomber le piano pour la direction ? Je crois
00:49 c'est quand il s'est rendu compte que son appétit de puissance, ce qu'il faut bien
00:52 appeler l'envie de diriger les autres et de dominer, il n'arriverait pas à le réaliser
00:56 au piano.
00:57 Au bout d'un an, un professeur m'a dit "écoutez, vous n'allez jamais avoir la satisfaction
01:03 de votre profession parce que pour traduire ce que vous pensez, vous écoutez, il faut
01:09 dix mains et vous avez seulement deux.
01:12 Je vous conseille de devenir chef d'orchestre si vous le pouvez et c'était je crois un
01:17 très bon conseil.
01:18 Carriane était quelqu'un de très doué, musicalement, très doué pour la direction,
01:21 très doué, une aura, quelque chose qui l'imposait immédiatement.
01:24 Il n'empêche qu'il a beaucoup, énormément même, travaillé.
01:27 Il avait la particularité de travailler, comme on dit, à la table, c'est-à-dire
01:31 juste sur les partitions.
01:32 Il ne se mettait pas au piano, il les mémorisait intégralement.
01:35 Et quand je dis mémoriser, c'est qu'il a quasiment toute sa vie dirigé tout par
01:39 cœur.
01:40 Ce qui aussi le légitimait auprès des musiciens.
01:41 Lorsqu'il y avait une erreur à l'orchestre, il l'entendait immédiatement.
01:45 Carriane, c'est une carrière prolifique, avec plus de 600 enregistrements et un style
01:59 qui a évolué au fil des années.
02:00 Au tout début de sa vie, c'est quelqu'un qui bouge énormément, avec une grande mèche
02:08 qui va dans un petit peu tous les sens.
02:10 C'est un enthousiaste comme ça, qui regarde vers les hauteurs.
02:12 Et puis par la suite, il va aller vers quelque chose de beaucoup plus intériorisé et systématiser
02:17 le fait d'avoir sans cesse les yeux fermés, donner cette image d'une musique qui se fait
02:21 à l'intérieur du chef d'orchestre.
02:23 Lorsqu'on regarde Carriane en répétition, on voit à quel point il est parfaitement
02:27 conscient de ce qu'il désire et de ce qu'il veut réaliser.
02:30 C'est ce qui pose aussi éventuellement parfois des difficultés avec ses interlocuteurs.
02:34 Ambitieux et perfectionniste, Carriane se révélait intransigeant et dur pendant les répétitions.
02:39 Tout le monde l'a toujours considéré comme assez méprisant.
02:46 Ceux qui l'ont côtoyé sur des périodes de répétition, par exemple, on sent qu'il
02:50 y a un mélange de crainte, d'admiration, de fascination, qui parfois peut tourner une
02:55 forme de veine.
02:56 Il demande aux gens qui l'ont en face de lui de réaliser exactement ce qu'il veut
03:01 lui, au mètre près, au centimètre près, à la note près.
03:05 Il lui avait une très grande ambition, une capacité à manipuler les autres.
03:10 On pourrait dire que pour Carriane, la musique est tout, mais vraiment tout.
03:13 Et qu'à la musique, on sacrifie tout aussi, c'est-à-dire avant tout les êtres humains
03:18 et sa conscience.
03:19 En 1933, Hitler proclame l'avènement du Troisième Reich.
03:25 Carriane a alors 25 ans et choisit de se rapprocher du nouveau régime.
03:29 Carriane était tout de même un nazi qui a joué dans l'uniforme.
03:35 Pour moi c'est un choc différent.
03:37 Je me suis rendu compte qu'on pouvait être nazi et être un très grand chef d'orchestre.
03:41 Ça m'a fait mal.
03:42 Comment pouvait-on être si grand et si grand nazi ?
03:47 A-t-il été nazi ? C'est une véritable question.
03:50 Il l'a été de fait, parce qu'il a pris deux fois sa carte du parti nazi en 1933 et
03:55 deux ans plus tard.
03:56 Est-ce qu'il a profité du régime ? Oui.
03:58 Et volontairement, en sachant ce que ce régime était.
04:01 Sa proximité avec le Troisième Reich lui vaudra d'accéder à des postes prestigieux,
04:06 comme celui de directeur de la musique d'Aix-la-Chapelle.
04:08 Sous la direction de M.
04:10 Herbert von Carriane.
04:11 En 1941, Carriane dirige le Stadthopper de Berlin au Palais Chaillot, dans un Paris occupé.
04:17 Ce qu'il faut arriver à comprendre, c'est que pour les nazis, la musique était un art
04:21 très important.
04:22 Donc les grands dignitaires nazis, les grands responsables du régime, que ce soit Adolf
04:25 Schubert, mais aussi bien Goering et Goebbels, avaient mis la main, chacun de son côté,
04:29 sur un certain nombre d'institutions musicales.
04:31 Donc, si vous étiez musicien pendant le Troisième Reich, et que vous aviez envie de faire votre
04:35 carrière, si en plus vous étiez ambitieux comme l'était Carriane, vous étiez obligé
04:39 de rencontrer ces personnages.
04:41 Carriane a dit par la suite qu'il avait été victime, finalement, du régime, qu'il
04:45 n'avait pas eu le choix.
04:46 Ce n'est pas fondamentalement faux, mais on voit de très nombreux moments où il devance,
04:50 en quelque sorte, ce que le régime demande de lui.
04:53 Sa position, son action, sous le Troisième Reich, a quelque chose d'inqualifiable et
04:57 quelque part d'inacceptable.
04:58 La disgrâce relative de Carriane sous le régime nazi remonte à un concert très précis,
05:06 une représentation des maîtres chanteurs de Nuremberg, de Richard Wagner, avec, dans
05:10 le rôle de Hans Sachs, un chanteur qui arrive à moitié ivre sur scène.
05:13 Et donc, à un certain moment, il se trouve interrompre le spectacle, sans cacher que
05:17 c'est à cause du chanteur qu'il est obligé d'interrompre.
05:19 Or, le chanteur en question est l'un des chanteurs préférés d'Adolf Hitler, qui
05:23 est ce soir-là dans la salle et qui entre dans une colère froide, épouvantable contre
05:28 Carriane.
05:29 Il appellera Carriane "ce freluqué autrichien".
05:31 Carriane va devoir passer, après la guerre, par deux ans de ce qu'on appelle alors le
05:40 procès en dénazification.
05:42 Lui, il y en aura plusieurs, qui font qu'il sera quasiment interdit de diriger pendant
05:45 deux ans.
05:46 Après quoi, il reviendra véritablement en force.
05:48 Je crois que, véritablement, il avait un appétit, une envie, une fascination pour
05:54 la musique, qui en effet devait sacrifier à peu près la totalité du reste.
05:58 [Générique]