Jeudi 13 juillet 2023, SMART PATRIMOINE reçoit Corinne Hershkovitch (Avocate et Présidente, Association Astres) et Bertrand Rambaud (Président, France Invest)
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00:08 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Patrimoine.
00:10 Smart Patrimoine, l'émission qui vous accompagne dans la gestion de vos finances personnelles
00:14 mais l'émission qui décrypte également avec vous les enjeux et les actualités du secteur de la gestion de patrimoine.
00:19 Une émission que vous pouvez retrouver tous les jours sur Bsmart.
00:22 Et au sommaire de cette édition, nous commencerons tout d'abord avec l'Art à la Une,
00:26 le rendez-vous dédié aux actualités du monde de l'art. Un rendez-vous proposé par Sibila Oudjan,
00:30 journaliste spécialisé sur les questions d'art au sein de la rédaction de Bsmart.
00:34 Nous enchaînerons ensuite avec l'Art à la Une, l'interview où nous reviendrons sur cette loi cadre
00:39 qui vient d'être votée par l'Assemblée Nationale et le Sénat.
00:42 Cette loi cadre qui encadre donc le déclassement des œuvres d'art des collections publiques.
00:47 Nous en parlerons dans un instant avec Corinne Erskovitch, avocate mais aussi présidente de l'association ASTRE.
00:53 Ce sera donc la deuxième partie de Smart Patrimoine.
00:56 Et enfin dans Enjeu Patrimoine, la troisième partie de l'émission,
00:59 nous reviendrons sur la feuille de route du nouveau président de France Investe,
01:05 l'association des acteurs du capital investissement.
01:08 Bertrand Rambaud sera dans un instant sur notre plateau pour nous détailler sa feuille de route,
01:12 mais aussi les enjeux du marché du capital investissement à Myannay 2023.
01:17 On se retrouve tout de suite sur le plateau de Smart Patrimoine.
01:20 Et nous commençons tout de suite avec l'Art à la Une,
01:23 le rendez-vous dédié aux actualités du monde de l'art.
01:26 Un rendez-vous hebdomadaire proposé par Sibylle Aoudjane,
01:28 journaliste spécialisée sur les questions d'art au sein de la rédaction de Bismart.
01:32 Bonjour Sibylle.
01:33 Bonjour Nicolas.
01:34 Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine.
01:36 Ravie de vous retrouver.
01:37 Que s'est-il passé Sibylle dans le monde de l'art cette semaine ?
01:39 Alors les annonces ne s'arrêtent pas pour le groupe Drouot.
01:42 D'abord Alexandre Gicchielot qu'on a reçu sur ce plateau il y a quelques mois
01:46 a été réélu président de Drouot.
01:49 Ensuite ils ont fait les annonces du bilan du premier semestre en hausse par rapport à 2022.
01:55 On y reviendra dans quelques instants.
01:57 Et puis surtout c'est l'annonce d'une prise de participation à hauteur de 30% au capital du groupe
02:02 par deux fonds, Vesper Investissement et le groupe Chevrillon.
02:06 Cette décision a été prise lors de l'Assemblée Nationale,
02:08 l'Assemblée Générale des Actionnaires qui a eu lieu le 6 juillet dernier.
02:13 L'opération donnera au groupe plus de moyens pour accompagner les commissaires priseurs.
02:18 L'objectif est aussi de permettre le développement de l'hôtel des ventes Drouot,
02:22 d'abord dynamiser la plateforme digitale et puis aussi étendre ses activités
02:26 sur toute la chaîne de valeur des ventes aux enchères, donc du stockage à la livraison d'oeuvres d'art.
02:31 Des membres des fonds devraient prochainement intégrer le conseil d'administration du groupe.
02:36 L'hôtel Drouot Sibylle qui repose sur un modèle très particulier.
02:39 L'hôtel Drouot est fondé en 1852 au cœur de Paris.
02:44 L'hôtel figure parmi les plus anciennes institutions dédiées à cette activité.
02:49 L'hôtel des ventes concentre le plus grand nombre de vacations physiques dans un seul et même lieu.
02:55 Le groupe vient de publier ses résultats du premier semestre.
02:59 74 maisons de vente sont intervenues à l'hôtel Drouot.
03:03 Elles ont organisé à peu près 500 ventes pour un produit total de 338 millions d'euros.
03:09 Les ventes en live et les ventes en ligne comprises.
03:13 C'est une augmentation de 14% par rapport à 2022.
03:16 Et nous continuons avec les actualités dans le monde de l'art cette semaine.
03:19 Paris+ a dévoilé son programme Hors les murs Sibylle.
03:22 Oui, c'est un programme public assez riche pour cette deuxième édition.
03:26 En plus des galeries qui seront présentes dans le Grand Palais Éphémère,
03:31 plusieurs lieux de la ville seront investis avec deux nouveaux sites cette année.
03:36 Le Palais de l'ENA et le Parvis de l'Institut de France.
03:39 Le Palais de l'ENA accueillera des œuvres in situ de Daniel Buren et Michelangelo Pistoletto
03:44 sous le commissariat de l'historien d'art Mathieu Poirier et soutenu par la galerie Continua.
03:49 Et le Parvis de l'Institut de France recevra la sculpture textile monumentale de Chella X
03:54 représentée par la galerie Frankel-Bas.
03:57 Et alors si on continue avec Paris+ toujours, qu'en est-il des lieux habituels Sibylle ?
04:00 Alors au Jardin des Tuileries, ce seront 25 artistes qui seront présentés
04:04 autour d'une exposition titrée la cinquième saison.
04:09 Elle a été imaginée par Annabelle Thénèse, actuellement directrice des abattoirs
04:13 mais qui sera ensuite directrice du Louvre-Lens.
04:16 L'exposition est pensée pour que les œuvres prennent corps avec le jardin et son habitat.
04:21 Ensuite il y aura une installation multimédia de Jessica Warboys
04:25 présentée par Gaudel des Cent Pas à la chapelle des petits Augustins au Beaux-Arts de Paris.
04:30 Une sculpture WAVE sera présentée, une sculpture monumentale en aluminium d'Ours Fischer
04:36 exposée Place Vendôme.
04:39 Et aussi autre nouveauté, le programme Conversation aura lieu cette fois-ci au Centre Pompidou.
04:44 Pour rappel, Paris+ Parade Puzzle aura lieu au Grand Palais Éphémère
04:48 du 20 octobre au 22 octobre 2023 pour l'ouverture publique.
04:53 Actualité dans le monde de l'art toujours, l'Observatoire du marché de l'art à présent
04:56 pourrait être relancé, Sybille ?
04:58 Oui, alors l'Institut Art et Droit a lancé un appel pour réactiver l'Observatoire du marché de l'art.
05:04 Alors, Art et Droit c'est une association qui a été créée en 1996
05:07 qui a pour objectif de créer des lieux d'échange professionnels
05:11 autour de sujets juridiques et fiscaux liés au monde de l'art.
05:14 Et cette association a remarqué pour eux il faudrait rétablir des échanges
05:19 entre les organisations professionnelles du marché de l'art et les pouvoirs publics.
05:23 Et donc la demande a été transmise au ministère de la Culture.
05:26 Le cabinet du ministère a d'ailleurs répondu.
05:29 L'Observatoire du marché de l'art sera très prochainement rétabli
05:32 et le service des musées de France organisera une première réunion
05:35 dès le mois de septembre 2023.
05:37 Un mot peut-être pour rappel, pourquoi l'Observatoire du marché de l'art n'était plus actif ?
05:41 Alors l'instance a été suspendue tout simplement pendant le Covid
05:44 mais ce n'a pas été rétabli depuis.
05:46 Pourtant ça a été écrit en 90, l'Observatoire du marché de l'art
05:50 réunissait à la fois les représentants des principales organisations du marché de l'art
05:54 et le représentant de l'Etat concernant ce secteur.
05:58 Et il s'organisait autour de différentes réunions régulières chaque année
06:02 et avait pour mission d'améliorer la connaissance du marché de l'art
06:05 et surtout d'examiner les données économiques du secteur notamment.
06:08 Merci Sybille pour les actualités du monde de l'art cette semaine.
06:11 Nous avons à présent le plaisir de recevoir ensemble sur le plateau de Smart Patrimoine
06:15 Corinne Erskovitch. Bonjour Corinne Erskovitch.
06:18 Bonjour.
06:19 Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine.
06:21 Vous êtes avocate et présidente de l'association ASTRE.
06:23 Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur ce plateau sur des sujets
06:26 notamment de recherche ou d'enquête sur la provenance des œuvres
06:29 qui peuvent parfois mener à des restitutions
06:32 notamment lorsque les œuvres ont été spoliées dans différentes guerres
06:36 et notamment lors de la seconde guerre mondiale par les nazis.
06:39 Une loi cadre vient d'encadrer un petit peu ces sujets si je puis dire.
06:43 En France, une loi cadre adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat
06:46 en matière de déclassement des œuvres des collections publiques.
06:50 Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu ce que va apporter,
06:53 ce que va permettre cette loi cadre ?
06:55 Comme vous le rappeliez, les œuvres spoliées pendant la deuxième guerre mondiale
06:59 c'est-à-dire pillées par les nazis, arianisées par le gouvernement du maréchal Pétain
07:05 enfin tout ce qui avait été appréhendé pendant la deuxième guerre mondiale
07:10 est revenu un peu sur le devant de la scène depuis la fin des années 90.
07:14 Des œuvres ont été revendiquées par des ayants droit, restituées.
07:18 Mais en France, un problème se posait, c'est que lorsque une œuvre spoliée
07:23 est propriété d'une collection publique,
07:26 elle ne pouvait pas être restituée sans une loi spécifique
07:30 parce que les œuvres des collections publiques sont inaliénables
07:33 c'est-à-dire qu'elles ne peuvent pas sortir des collections
07:36 sans y être autorisées par une loi.
07:39 Une loi spécifique pour chaque œuvre à chaque fois ?
07:41 Une loi spécifique pour chaque œuvre qui s'avérait restituable.
07:45 Et donc depuis déjà plusieurs années, le ministère de la Culture réfléchissait à une loi cadre
07:51 qui permettrait de ne pas mettre à mal ce principe de l'inaliénabilité
07:55 qui est très important pour la protection des œuvres des collections nationales
07:58 mais pour éviter tout de même d'avoir à chaque fois
08:01 à promulguer une loi spécifique pour la restitution d'une œuvre.
08:05 Et donc cette loi cadre a pour objet d'encadrer justement le déclassement
08:10 c'est-à-dire la sortie des œuvres des collections nationales
08:14 dès lors qu'une œuvre est considérée comme devant être restituée.
08:18 Et maintenant, elle a été votée par l'Assemblée nationale et le Sénat,
08:21 qu'est-ce qu'il reste à faire pour qu'elle soit vraiment effective ?
08:23 Le gouvernement doit la promulguer, ce qui devrait arriver incessamment sous peu
08:29 puisque ce qui est assez remarquable, le Sénat comme l'Assemblée nationale
08:34 ont voté ce projet de loi à l'unanimité.
08:37 Et maintenant, qu'est-ce qu'il resterait à faire ?
08:41 Est-ce que cette loi apporte les détails nécessaires pour vraiment encadrer
08:46 tout le sujet des restitutions ?
08:48 Oui, enfin, pas tout le sujet des restitutions,
08:50 uniquement c'est une loi cadre qui va permettre de déclasser,
08:55 alors pour l'instant les œuvres se poliaient pendant la Deuxième Guerre mondiale,
08:58 mais l'idée est de faire appliquer cette loi cadre
09:01 pour les trois domaines qui aujourd'hui apparaissent comme devant être réformés
09:07 justement en termes de déclassement, c'est-à-dire les œuvres se poliaient
09:10 pendant la Deuxième Guerre mondiale, les restes humains,
09:13 on se souvient peut-être de cette jurisprudence de Sarja Barjin,
09:19 qui était cette femme importée, c'est affreux de le dire comme ça,
09:25 mais c'est réellement ce qui s'est passé, une femme qui a été importée d'Afrique du Sud
09:29 pour être exposée dans des foires au XIXe siècle
09:32 parce qu'elle présentait des caractéristiques physiques particulières,
09:36 et puis elle a été gardée par le musée d'histoire naturelle pendant des années,
09:41 et sa tribu d'Afrique du Sud, sa communauté d'Afrique du Sud
09:46 a réclamé son squelette, ses restes humains,
09:49 et il a fallu une loi particulière, puisqu'elle faisait partie
09:52 de la collection du muséum d'histoire naturelle,
09:54 il a fallu une loi particulière, de la même manière,
09:56 les têtes Maori, qui ont été revendiquées par la Nouvelle-Zélande,
10:00 là aussi il a fallu une loi particulière pour autoriser
10:03 les muséums d'histoire naturelle partout en France à restituer les têtes.
10:08 Et donc là, c'est un remède finalement à cette difficulté
10:12 qui était rencontrée chaque fois qu'une oeuvre devait sortir des collections nationales,
10:18 que ce soit les restes humains, donc les oeuvres spoliées pendant la Deuxième Guerre mondiale,
10:21 ou les oeuvres, ce qu'on appelle les biens étrangers,
10:25 c'est-à-dire collectés pendant les colonisations,
10:28 il fallait trouver une solution, donc c'est une première,
10:32 ce projet est la première des lois cadres.
10:34 Parce qu'il y aura donc trois lois cadres, si je comprends bien,
10:36 et là, la première loi cadre concerne uniquement les oeuvres spoliées
10:39 durant la Seconde Guerre mondiale.
10:41 Voilà, ça concerne uniquement les oeuvres spoliées
10:43 pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais en fond,
10:45 ça met en place une procédure qui sera identique,
10:48 j'imagine, pour chaque catégorie.
10:51 Oui, parce que là, c'est la première qui a été véritablement...
10:53 C'est la première, la différence sera à chaque fois
10:56 de trouver l'organisme qui va décider de la restituabilité d'une oeuvre.
11:02 Oui, parce qu'à chaque fois, il faut passer devant une commission
11:04 quand même qui va pouvoir...
11:05 Il faudra faire une étude historique, une recherche de provenance,
11:08 justement, c'est un peu l'enjeu de cette loi.
11:11 Et alors, justement, est-ce qu'aujourd'hui, on a dans les collections publiques
11:14 des oeuvres dont la recherche de provenance a établi
11:16 que dès que la loi sera promulguée, il faudra les sortir des collections publiques ?
11:20 Alors, je vous avoue que je ne suis pas encore dans le secret des dieux,
11:22 mais j'imagine qu'il y a déjà des oeuvres qui seraient identifiées.
11:26 Est-ce qu'on sait à peu près combien il y aurait d'oeuvres qui seraient possibles ?
11:32 Probablement, oui.
11:33 C'est très difficile à savoir.
11:34 Ce qu'il faut comprendre, c'est que dans le domaine des oeuvres spoliées
11:38 pendant la Deuxième Guerre mondiale, en fait, ce sont des oeuvres
11:41 qui auraient une provenance douteuse entre 1933 et 1945,
11:44 c'est-à-dire qui auraient potentiellement été spoliées à des Juifs
11:47 sur tout le territoire de l'Europe, ce qui est quand même très important,
11:50 et qui auraient circulé ensuite après la Libération,
11:54 et qui auraient pu être acquises depuis 1945 par les musées français.
11:59 Donc potentiellement, ça peut être beaucoup de numéros d'inventaires.
12:03 Pour les restes humains, là aussi, il faudrait faire un inventaire,
12:07 mais il y a beaucoup de restes humains qui sont conservés
12:09 dans les muséums d'histoire naturelle en France.
12:12 Et puis sur les collectes coloniales, là aussi,
12:15 quand on sait que le musée du Quai Branly regroupe à peu près 400 000 numéros d'inventaires,
12:19 on imagine qu'il y aura beaucoup de travail.
12:22 - Vous, en tant qu'avocate, quel est votre rôle ?
12:25 C'est des ayants droits qui se tournent vers vous pour les aider à faire tout le cheminement ?
12:30 - Absolument, ce sont des ayants droits ou des personnes qui sont directement concernées
12:36 qui sont confrontées à un peu un mur, savoir comment retrouver les preuves,
12:44 parce qu'il faut quand même démontrer, avoir des preuves de premièrement la spoliation,
12:49 deuxièmement la propriété, il faut que la personne qui revendique puisse démontrer
12:53 qu'il est propriétaire ou qu'il a été propriétaire de l'œuvre.
12:56 Donc il y a un enjeu historique en histoire de l'art,
13:01 recueillir toutes les preuves, c'est-à-dire les documents d'archives,
13:05 faire ce qu'on appelle la recherche de provenance de l'œuvre, la traçabilité de l'œuvre.
13:10 - C'est à vous de faire ça, même en tant qu'avocate ?
13:12 - Non, moi je fais appel, j'en ai fait, j'ai été confrontée, j'en ai fait de manière empirique,
13:17 puisqu'il y a eu un moment où il n'y avait pas vraiment de chercheurs de provenance dans ce domaine-là,
13:24 et puis je me suis rendu compte que c'était quelque chose qu'il fallait faire de manière très professionnelle,
13:29 que c'est une discipline en soi qui est au croisement de l'histoire, de l'histoire de l'art,
13:33 du droit, de l'anthropologie, de l'archivistique,
13:37 et donc petit à petit se sont mises en place des formations,
13:41 notamment très récemment une formation à l'Université de Nanterre, à l'École du Louvre,
13:46 et donc c'est un métier en devenir, les gens commencent à se former à ce métier,
13:52 donc il y a la recherche de provenance pour recueillir les preuves de la traçabilité de l'œuvre,
13:58 et puis ensuite il faut pouvoir revendiquer, et là il y a une procédure.
14:03 - Comment se passe cette procédure justement ?
14:05 Vers qui on se tourne déjà tout bêtement ?
14:07 - Justement c'est là que j'interviens pour prendre contact avec l'institution muséale qui conserve l'œuvre,
14:14 apporter non seulement les preuves de la traçabilité et de la propriété,
14:18 mais également des raisons pour lesquelles cette œuvre devrait être restituée,
14:22 donc il y a des critères, il y a tout un tas de raisons historiques et juridiques,
14:27 et puis ensuite si la négociation n'aboutit pas,
14:32 saisir éventuellement les tribunaux pour revendiquer et faire condamner l'institution à restituer.
14:38 - Et comment faire pour que les œuvres favorisent l'identification de ces œuvres ?
14:44 Est-ce qu'il faut vraiment faire de la pédagogie auprès des ayants droit,
14:48 parce qu'ils ne sont peut-être même pas au courant qu'ils ont des œuvres qui ont été exposées dans leur famille ?
14:52 - Je pense qu'il faut pousser tous les intervenants du marché,
14:56 tous les intervenants de la circulation des biens culturels,
15:01 à travailler de plus en plus sur cette recherche de provenance,
15:04 pour que la transparence se fasse, et les musées sont en première ligne,
15:08 il faut que les musées travaillent sur la provenance de leurs œuvres,
15:11 et affichent toutes les informations qu'ils trouvent sur la provenance.
15:15 D'abord c'est très intéressant, c'est une dimension en plus dans le musée,
15:19 jusque-là on s'intéressait à l'histoire de l'art,
15:22 on s'intéressait à l'esthétique de l'œuvre,
15:24 et on s'intéressait à sa traçabilité dans l'histoire, c'est très intéressant aussi.
15:28 - Très rapidement avant de conclure, pour que ce soit clair,
15:30 la charge de la preuve est aux ayants droit déclaré,
15:35 c'est-à-dire qu'il ne suffit pas qu'il y ait un doute dans la traçabilité de la provenance de l'œuvre,
15:40 pour potentiellement estimer qu'elle n'a plus sa place dans une collection publique.
15:44 Il faut qu'on puisse prouver qu'elle a appartenu à un moment à la famille qui réclame l'œuvre.
15:48 - Ce qui est très compliqué c'est que le temps a passé,
15:50 si on ne parle que des œuvres spoliées pendant la Deuxième Guerre mondiale,
15:54 1945, 2023, on est déjà 80 ans plus tard,
15:58 donc rapporter une preuve absolue est très difficile,
16:01 il faut rapporter un faisceau d'indices graves et concordants.
16:05 - Ce sont les termes avec lesquels il faut jongler.
16:09 - Merci beaucoup Corinne Erskovitch de nous avoir accompagné dans Smart Patrimoine,
16:13 je rappelle que vous êtes avocate et présidente de l'association ASTRE,
16:16 merci beaucoup, merci également Sibylla Oudjan de nous avoir accompagné
16:19 dans l'Art à la Une qu'on pourra retrouver à la rentrée sur Bsmart.
16:23 Quant à nous on se retrouve tout de suite dans Enjeu Patrimoine.
16:26 Nous enchaînons à présent avec Enjeu Patrimoine,
16:33 nous allons tenter de comprendre ensemble quels sont les grands enjeux
16:36 du marché du capital d'investissement en cette mi-année 2023.
16:40 Pour cela nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Patrimoine,
16:43 Bertrand Rambeau, bonjour Bertrand Rambeau.
16:45 - Bonjour.
16:46 - Bienvenue sur le plateau de Smart Patrimoine, vous êtes le nouveau président de France Invest,
16:49 vous avez été élu il y a quelques semaines avec un cahier des charges,
16:53 des nouvelles ambitions peut-être pour cette association des acteurs du capital d'investissement
16:58 qui existe depuis bientôt 40 ans.
17:00 Quels sont selon vous les grands enjeux que le marché, que l'activité,
17:06 doit aujourd'hui adresser dans un contexte d'investissement
17:10 qui bouge un petit peu quand même depuis quelques mois
17:13 et notamment des questionnements sur les investissements verts ou durables par exemple ?
17:19 - Alors c'est vrai qu'on est dans un contexte, d'abord avant de parler des grands enjeux,
17:24 chaque mandature de France Invest se situe dans un contexte,
17:28 on le connaît tous, on peut le rappeler en deux grands mots pour nous,
17:31 c'est d'une part un changement de l'économie, autour effectivement de la durabilité,
17:36 autour de la souveraineté et puis cette deuxième révolution industrielle,
17:41 la digitale qui n'est pas neutre et puis à côté de ça un environnement financier,
17:46 de remonter des taux qui au-delà du coût qu'elle génère,
17:50 change le paradigme dans lequel on évolue et rend la liquidité moins facile.
17:55 Donc on est dans ce contexte et donc notre métier qui s'adapte depuis 40 ans
18:01 à ces environnements évidemment va le faire.
18:05 Alors quels sont un peu les grands points que je souhaite,
18:08 sur lesquels j'ai présenté un peu ma feuille de route.
18:11 Peut-être juste avant sur ce contexte de taux plus directeurs, plus élevés de la BCE,
18:16 ça a une incidence directe sur les acteurs du private equity ou du capital investissement en France aujourd'hui ?
18:20 En fait, bien sûr, ça a une influence à deux niveaux.
18:23 D'abord on va dire que c'est quand même un retour à une normalité,
18:26 parce que des taux d'intérêt négatifs ou à zéro, c'est économiquement pas très logique.
18:30 Donc on revient à des choses qu'on a pu connaître il y a quelques années,
18:33 qu'on a certes tous un peu oublié rapidement.
18:35 Il vaut mieux avoir de l'expérience, c'est ce qu'il faut comprendre.
18:37 Vous avez bien résumé.
18:39 Non, ce que ça change, premièrement, bien sûr, c'est un paramètre de coût.
18:43 Une dette coûte plus cher, c'est assez mécanique.
18:46 Mais je dirais que ce n'est pas le phénomène le plus important.
18:49 Le phénomène le plus important, c'est qu'il a changé le mode de financement.
18:53 Il renverse toute la tendance de la liquidité "facile",
18:58 si je puis dire, qu'on a pu connaître au cours de ces dix dernières années.
19:02 Et qu'on rentre dans un environnement où lever de l'argent est plus difficile,
19:06 pour nous en tant qu'investisseurs, puisqu'on va chercher de l'argent, vous le savez,
19:09 au sein de grands investisseurs, institutels ou particuliers, dont on reparlera tout à l'heure, sans doute.
19:13 Et puis, financement bancaire.
19:16 Donc on est dans cette période.
19:18 Donc effectivement, notre industrie est impactée par ces effets.
19:24 Alors quelles en seront les conséquences ?
19:27 Moins d'opérations peut-être, en tout cas à court terme,
19:30 mais un impact sur les valorisations.
19:32 On a vu, il y a 18 mois, commencer à avoir ces signes sur la technologie,
19:37 qui était le premier segment de notre marché à être influencé.
19:40 Avec peut-être, alors c'est effectivement ce qu'on peut lire dans la presse,
19:43 une recherche de rentabilité plus grande vis-à-vis des dossiers accompagnés quand on est investisseur.
19:47 C'est normal, puisque les taux d'intérêt montent.
19:50 Donc il est normal que si on garde une même prise de risque,
19:53 on doit logiquement aller chercher un rendement des capitaux investis plus important.
19:56 Vous avez tout à fait raison.
19:58 Alors après, il y a la logique du modèle économique, il y a les réalités de marché.
20:01 Mais de toute façon, on est une profession, quand on regarde la rentabilité moyenne sur 10 ans,
20:07 France Invest a sorti il y a quelques jours son analyse de rentabilité des fonds sur ces dix dernières années,
20:13 on est à 12 %, et c'est très stable dans la durée.
20:19 Donc en fait, on est une industrie qui arrive à s'adapter au contexte,
20:24 et ce taux a monté ces dernières années.
20:27 Bien sûr, oui.
20:29 Mais effectivement, je dirais que cette évolution de taux a un impact sur l'environnement.
20:34 Vous avez donc été élu à la présidence de France Invest il y a quelques semaines.
20:38 Quels sont selon vous les grands enjeux que le secteur doit adresser aujourd'hui ?
20:43 Écoutez, pour être très simple,
20:46 moi je voudrais qu'on adresse trois grands enjeux externes au-delà du quotidien.
20:50 Bien sûr, et de l'adaptation au contexte économique.
20:53 Exactement.
20:54 Vous savez, on dit souvent, notre industrie, qui est importante en France,
20:58 c'est la plus grande d'Europe, d'abord, je tiens à le dire,
21:00 parce que c'est une vraie fierté.
21:02 Fierté, c'est 50 milliards d'euros qui sont investis chaque année dans les entreprises françaises.
21:08 Et ça a été 10 milliards il y a 15 ans.
21:13 Donc vous voyez la progression que notre industrie a connue.
21:16 En revanche, c'est un peu moins de 8000 entreprises accompagnées,
21:20 qui sont des PME, des ETI ou des sociétés qui se créent et innovantes.
21:23 On peut faire plus sur ce dernier paramètre.
21:26 Vous savez qu'en France, on dit qu'il y a plus de 100 000 entreprises
21:29 qui seraient susceptibles de recevoir un investisseur à son capital.
21:32 Donc je voudrais vraiment, dans cette période,
21:35 alors que mon mandat date de deux ans, mais après, au-delà encore,
21:38 qu'on arrive à faire progresser, alors j'ai dit une hausse de 50%,
21:42 mais au-delà des chiffres, aujourd'hui, notre industrie, qui est un métier d'offre,
21:47 elle peut s'adresser à quasiment tous les secteurs.
21:50 Et pour les aider à croître, à se développer, à se transmettre.
21:53 Bien sûr.
21:54 C'est un axe pour moi qui est tout à fait important.
21:56 Donc on va mettre en place un certain nombre de mesures,
21:58 mais ça ne va pas arriver tout seul,
22:00 pour arriver à être encore plus présents à travers ce métier
22:04 qui se fait dans les territoires, qui se fait beaucoup dans les territoires.
22:08 C'est des mesures de pédagogie, parce que ces dirigeants-là
22:11 n'ont pas le réflexe du capital investissement aujourd'hui ?
22:13 De compréhension, peut-être ?
22:15 Oui, alors c'est tout à fait ça.
22:17 Il y a de la pédagogie, il y a de la communication,
22:19 il y a faire parler les dirigeants qu'on accompagne.
22:21 Ce sont quand même nos meilleurs prescripteurs, comme toujours.
22:24 En général, ils ont plutôt des bonnes choses à raconter.
22:27 C'est aussi, je l'ai dit, métier d'offre, donc avoir de nouveaux outils.
22:31 Je prends l'exemple des obligations relance,
22:33 qui nous ont permis d'aller dans des entreprises
22:35 qui n'étaient pas ouvertes à notre profession.
22:37 Bien sûr.
22:38 Et puis qu'on a maintenant de plus en plus de fonds sectoriels,
22:41 qui nous permettent d'adresser des secteurs qui n'étaient pas couverts.
22:44 Donc c'est tout un travail, et beaucoup dans les territoires,
22:47 parce qu'on le sait, la France est quand même un pays
22:49 qui est très riche d'entreprises de partout en France.
22:52 Il faut aller les chercher.
22:54 C'est une grande force de notre métier,
22:56 qui a une couverture extrêmement large sur le plan national.
22:59 Le deuxième axe qui nous intéresse,
23:04 et vous avez fait allusion dans votre introduction,
23:06 c'est l'industrie verte, avec la durabilité.
23:09 Je pense qu'on a un enjeu très fort, évidemment,
23:12 de financer l'industrie.
23:13 Aujourd'hui, l'industrie, chez nous, dans le capital d'investissement français,
23:16 c'est à peu près 20% de nos investissements.
23:18 C'est bien, mais on peut faire mieux.
23:20 On peut construire des champions européens,
23:23 des champions mondiaux, et on en a.
23:26 Il y a des savoir-faire industriels exceptionnels dans ce pays.
23:29 Et puis, il y a un sujet de souveraineté qu'on connaît tous.
23:32 Pour autant, vous parlez d'industrie verte,
23:33 donc ça veut dire que les critères d'investissement ne sont pas les mêmes.
23:35 Exactement.
23:36 Et donc, ça veut dire qu'autour de ça, c'est la décarbonation.
23:39 Il y a beaucoup de chiffres qui circulent aujourd'hui sur la décarbonation,
23:43 des sommes absolument colossales qui peuvent donner le vertige.
23:46 Moi, j'en retiens 1, 2% du PIB en 2030, ce qui est colossal.
23:51 Et qui va financer ça ?
23:53 La dette, pas beaucoup. L'État, plus d'argent.
23:56 Donc, il y a le capital.
23:58 Alors, il y a la bourse, bien sûr, elle existe, elle a sa place.
24:01 Mais il y a aussi le capital d'investissement.
24:03 Et il n'y aura pas de transition énergétique s'il n'y a pas de capital d'investissement.
24:06 D'accord, s'il n'y a pas de financement, tout simplement.
24:08 Oui, il n'y a pas de financement, mais je reviens à mon métier.
24:10 Évidemment, bien sûr.
24:11 C'est celui-ci.
24:12 Et là, je souhaite aussi qu'on puisse, mais ça a été fait aussi largement par mes prédécesseurs,
24:17 mon mandat de 2 ans est dans une continuité, vous imaginez, de Claire Chabrier,
24:21 qui a fait un super boulot et qui était souvent à cette table.
24:24 C'est d'aller aussi vers l'épargne longue.
24:27 D'accord.
24:28 L'épargne longue des Français.
24:29 D'aller aussi plus vers la retraite, qui est un réservoir de financement
24:33 et qui est très adapté en termes de durée par rapport à nos métiers.
24:37 Et pour nous, il y a des enjeux constants d'aller de plus en plus vers la recherche de cette épargne.
24:44 Voilà.
24:45 Et le troisième point, toujours sur un pôle extérieur de notre métier,
24:49 on parle beaucoup d'ESG, évidemment, où l'ESR a très juste titre.
24:53 France Invest a fait énormément de choses dans ces domaines et va continuer sur son chemin
24:58 en essayant d'oublier aucune entreprise, parce que moi, je n'aime pas du tout le dogmatisme de l'ESG.
25:03 J'aime un ESG qui embarque.
25:05 D'accord.
25:06 Quel que soient les secteurs, quels que soient les industries.
25:08 Mais il faut les embarquer et les aider à se transformer.
25:09 Si elles ne veulent pas, il ne faut pas les financer.
25:11 Mais si elles ont envie, il faut les aider.
25:13 C'est notre métier, c'est notre rôle.
25:15 Voilà, on est un accélérateur, nous, le capitain d'investissement.
25:18 Et il y a un point, je m'extrais deux instants de la décarbonation,
25:21 mais qui est très important pour France Invest et que moi, je souhaite vraiment porter,
25:26 c'est le partage de la valeur.
25:28 Vous le savez, des mesures ont été prises très récemment.
25:31 Et France Invest a signé une charte sur cette thématique.
25:34 Mais moi, je voudrais qu'on aille encore plus loin.
25:36 D'accord.
25:37 Tous mes prédécesseurs ont monté des marches.
25:38 Donc, il faut bien que j'en monte une, moi aussi.
25:40 Et je voudrais vraiment qu'on aille plus loin sur l'actionnariat salarié.
25:43 Parce que je crois que c'est très important.
25:46 Parce qu'on a vu qu'aujourd'hui, l'entreprise était quand même beaucoup plus reconnue.
25:51 Et heureusement.
25:52 Bien sûr, oui.
25:53 Dans la vie sociétale.
25:54 Et je crois que c'est magnifique de pouvoir associer des personnes à une aventure entrepreneuriale.
25:59 Mais alors ?
26:00 Je prends l'exemple de la Redoute.
26:01 Bien sûr.
26:02 Et en début d'année, c'est super.
26:03 C'est ce qu'on doit faire.
26:04 Mais comment un fonds de capital investissement peut-il s'engager pour l'actionnariat salarié
26:09 au sein des entreprises qui le financent ?
26:11 Non, il peut s'engager à tout faire pour le mettre en place.
26:14 Après, on sait tous, dans une opération, il y a un actionnaire, il y a des conseils,
26:19 il y a une famille peut-être, il y a un investisseur.
26:22 Donc, on ne fait que gérer des cas particuliers.
26:24 Mais si on ne porte pas cette parole, qui va la porter ?
26:27 Et c'est en la portant, en étant convaincu que c'est nécessaire.
26:30 Vous savez, moi, juste avant de prendre la présidence, j'ai eu l'occasion de parler
26:33 avec beaucoup de mes confrères.
26:34 Bien sûr.
26:35 Et je sens qu'aujourd'hui, il y a une vraie écoute, bien sûr, mais une vraie volonté
26:40 surtout d'avancer dans cette voie-là.
26:42 Et donc, il faut y aller.
26:44 C'est tout ce qui se passe dans le climat social français.
26:47 Ce n'est pas nous qui allons le résoudre.
26:48 Mais si chacun, on ne met pas notre petite pierre là aussi à l'édifice, ça ne marchera
26:52 pas.
26:53 Et nous, on a une vraie responsabilité.
26:54 Donc, au-delà de la parenthèse partage de la valeur, le troisième grand enjeu, c'est
26:59 la décarbonation.
27:00 C'est ce qu'il faut comprendre.
27:01 Oui, sur l'industrie.
27:02 Sur l'industrie.
27:03 La décarbonation, je pense qu'aujourd'hui, si vous voulez, en deux mots là-dessus,
27:06 il faut avoir deux mots, c'est un sujet majeur.
27:08 Bien sûr.
27:09 Mais les investisseurs maintenant s'engagent sur des plans de décarbonation avec des critères
27:16 qui sont suivis chaque année.
27:17 C'est ce que nous demandent nos investisseurs.
27:19 C'est ce qu'on demande aux entreprises.
27:21 Et c'est ce qui va déterminer des critères de performance.
27:24 Et donc, il y a le côté du financement qu'on assure.
27:27 Bien sûr.
27:28 Mais il y aura aussi tout l'accompagnement.
27:30 Parce que vous le savez, notre métier a beaucoup évolué ces dernières années et n'est pas
27:33 que financier, loin de là.
27:34 C'est le paramètre de départ.
27:35 Mais il y a tout ce qui est autour.
27:37 Merci beaucoup Bertrand Rambaud d'être venu sur le plateau de Smart Patrimoine.
27:40 Je rappelle que vous êtes président de France Invest.
27:42 Merci beaucoup.
27:43 Merci beaucoup à vous.
27:44 Merci à vous de nous avoir suivis.
27:46 Smart Patrimoine s'arrête pour l'été et on se retrouve en septembre avec plein de
27:51 nouveaux sujets à traiter ensemble.
27:53 A très vite.
27:54 [Musique]