Comment la grande canicule de l'été 2003 (et l'incapacité du gouvernement Raffarin à se montrer réactif) hante-t-elle depuis vingt ans les étés ministériels...
Le magazine Marianne est en kiosques chaque jeudi et disponible en ligne.
"Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti". Albert Camus
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00:00 [Musique]
00:06 On ne compte plus les printemps où le gouvernement nous fait bien comprendre que cette année,
00:10 les ministres vont passer un été studieux, où ils seront sur le qui-vive.
00:15 C'est particulièrement le cas avec Emmanuel Macron, qui adore montrer qu'il est au turbin.
00:19 Mais d'un autre côté, que dirait-on aujourd'hui si au mois d'août,
00:22 on réalisait que le pouvoir était totalement vacant ?
00:24 C'est ce qui s'est passé sous Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin il y a 20 ans,
00:28 lors de la grande canicule de 2003.
00:30 L'heure est grave, messieurs. Les vieux meurent à cause de la chaleur.
00:34 Il faut des solutions. Je vous écoute.
00:38 Rappelons d'abord les chiffres. Près de 15 000 morts en excès par rapport aux étés précédents,
00:43 et tout cela en l'espace de 20 jours. C'est énorme.
00:46 Une autre étude fera même état de plus de 19 000 décès.
00:49 Bref, un fiasco sanitaire et administratif dont les autorités françaises
00:53 ne mesureront l'ampleur qu'à la fin du mois d'août.
00:56 Qu'est-ce qu'il explique ? D'abord, en 2003, c'est avant les réseaux sociaux,
01:01 avant le commentaire permanent des chaînes d'infos.
01:04 Il est encore admis, à cette époque, qu'un gouvernement prenne sa pause estivale.
01:08 Ensuite, l'équipe Raffarin, à ce moment-là, vient d'être essorée par les manifestations du mois de mai
01:14 contre la réforme des retraites portée par François Fillon, alors ministre des Affaires sociales.
01:18 On le jugera dans 5 ans ce qu'il aura fait.
01:21 Raffarin, il a la France d'en bas, ici, maintenant.
01:25 Et alors ? Il faut qu'il analyse.
01:27 L'idée de lever le pied convient donc à tout le monde, à commencer par Jacques Chirac lui-même.
01:32 Dès le 2 août, le chef de l'État s'envole pour le Canada, Pépère, avec Bernadette.
01:36 En France, les signaux faibles de canicule apparaissent, notamment dans la filière agricole.
01:41 À l'hôpital, les services d'urgence sont débordés.
01:44 Et on constate vite une surmortalité des personnes âgées.
01:48 Du côté de l'État, les commandes ne répondent plus.
01:50 Loin de Paris, au repos dans des zones où il fait plus frais,
01:53 les ministres clés ne réalisent pas l'ampleur du drame.
01:56 Jean-Pierre Raffarin fait alors un geste de précaution.
01:59 Il demande à son ministre de la Santé, Jean-François Matéi,
02:02 de rassurer les Français à la télévision.
02:05 On a vu dans ce journal que c'est difficile de dresser un bilan précis.
02:08 Est-ce que vous, vous avez des chiffres ?
02:10 Non, je ne peux pas honnêtement vous répondre.
02:12 J'entends des estimations, 50 par ci, 300 par là.
02:17 Et là, c'est le drame du 11 août.
02:18 Vêtu d'un polo, parlant aux 20 heures de France 2 depuis le jardin de sa maison dans le Var,
02:23 Matéi est à côté de la plaque.
02:25 Il minimise la situation,
02:27 affirmant que beaucoup des personnes mortes étaient de toute façon en fin de vie,
02:31 alors que la veille, dans les colonnes du Parisien,
02:33 les urgentistes déclarent faire face à une hécatombe.
02:36 C'est donc le branle-bas de combat au gouvernement.
02:39 Le porte-parole Jean-François Copé annule ses vacances pour réorienter la Com'
02:43 et Chirac, lui, ne s'est toujours pas exprimé publiquement,
02:46 même s'il se tient au courant de la situation.
02:48 Il revient du Canada le 19 août, comme il l'avait prévu,
02:51 et il prend la parole le surlendemain,
02:53 le visage visiblement bronzé par ses semaines de repos au soleil.
02:57 La France, désormais, est mieux préparée aux épisodes caniculaires,
03:00 mais nos ministres, du coup, ne disparaissent jamais complètement de nos écrans.
03:05 [SILENCE]