Afshi a grandi en essayant de concilier la culture pakistanaise de ses parents et la culture française extérieure, engendrant un conflit interne dans sa construction personnelle. Entre le travail au magasin pour aider sa famille, l’omniprésence de la violence dans le foyer et la vie de jeune fille qu’elle tentait de mener tant bien que mal, Afshi n’a jamais trouvé sa place. À 25 ans, un voyage au Pakistan pour des vacances marquera un tournant dans sa vie de jeune adulte. Mariée de force au nom de l’honneur de la famille, cet événement sera le point de rupture. Elle est venue nous raconter son histoire.
Merci à @afshirani pour sa confiance et pour son témoignage fort.
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AmusantTranscription
00:00 Dans mes 25 ans, j'ai été au Pakistan et j'ai été mariée.
00:03 Mariée de force par le choix de mes parents.
00:05 Mariage sous Arabie allemande.
00:06 Cet élément-là, ça a été l'élément déclencheur de ma vie.
00:09 Je suis née au Pakistan.
00:10 Donc, en fait, mon papa, lui, quand il s'est marié avec ma maman,
00:12 il avait quitté le pays pour aller un peu le rêve européen,
00:16 parce qu'il y avait la pauvreté au Pakistan.
00:17 Et quand il a trouvé une situation, il est revenu nous chercher.
00:20 J'avais donc huit mois quand ça y est, mon père avait fait les papiers pour nous,
00:24 on va dire ça comme ça,
00:26 et du coup, j'ai pu atterrir en France avec ma maman, mon papa et mon grand-frère.
00:30 J'ai grandi en France avec un contexte familial très difficile.
00:35 Il y a des parents qui sont issus d'un mariage arrangé de base,
00:38 donc l'entente n'était pas au rendez-vous à chaque fois,
00:42 c'était pas l'effet de l'amour.
00:44 En fait, la difficulté, elle est surtout dans l'éducation.
00:47 Elle est dans l'éducation venant de mon papa.
00:50 C'est l'homme qu'on doit écouter constamment
00:54 et on n'a pas le droit de faire quoi que ce soit de notre vie sans son aval.
00:59 C'est quelqu'un qui a éduqué ses enfants sous la violence
01:03 et c'est quelqu'un qui a battu ma mère pendant toute sa vie, en fait,
01:07 donc j'ai vu ma mère se faire battre toute ma vie.
01:10 C'est un papa violent, autant psychologiquement que physiquement.
01:12 Du coup, en fait, ce qui a été difficile, c'est qu'il a quitté un pays
01:16 pour venir habiter en Europe, mais sans adhérer à la mentalité européenne.
01:21 Il a complètement laissé tomber la mentalité européenne
01:24 et il est venu ici juste pour avoir une situation financière
01:28 et avoir un avenir bon pour ses enfants.
01:31 Mais il est resté très conservateur de sa culture qu'il avait justement quittée.
01:35 Moi, j'ai grandi en tant que française.
01:38 Quand j'allais à l'extérieur de la maison, je suis française,
01:41 mais dès que je rentrais à la maison,
01:43 "Attention, t'es pas française, t'es pakistanaise."
01:45 Et quand tu retournes au Pakistan pour des vacances ou quoi,
01:48 là-bas, ils te prennent pas du tout pour une pakistanaise,
01:51 ils te disent "Mais t'es une européenne, t'es pas parmi nous."
01:54 Et en fait, tu te cherches toute ta vie et t'es jamais à ta place.
01:57 La violence, elle a été d'abord de mon père à ma mère.
02:02 Ma mère est analphabète, elle a jamais été à l'école.
02:05 Ça a été le bonheur pour lui, parce qu'on dit chez nous
02:08 que toute femme qui s'éduque est dangereuse.
02:10 Il lui a jamais laissé apprendre le français,
02:12 alors que ça fait maintenant 32 ans qu'elle est en France.
02:14 Elle sait pas aligner une phrase en français
02:16 parce qu'elle a jamais eu la chance de pouvoir aller à l'école
02:18 ou fréquenter des amies françaises ou quoi.
02:21 Je me suis souvent fâchée contre mon père
02:23 quand je voyais qu'il agissait de la sorte,
02:27 auprès de ma mère surtout.
02:29 Je disais "Un jour, je parlerai pour maman."
02:31 Parce qu'elle n'avait pas le droit de parler.
02:33 Et en fait, quand elle parlait, quand elle se rebellait
02:35 pour dire ne serait-ce qu'un mot, pour lui dire "Je suis pas d'accord avec toi",
02:39 elle se prenait une claque, elle se prenait un coup de poing, un coup de pied.
02:42 Mon père, il a épargné personne.
02:44 Il est violent avec tous les gens
02:46 qui essayent d'aller à l'encontre de ses décisions.
02:48 Une partie de la mentalité pakissanaise dit que les enfants
02:51 doivent donner un coup de main à l'entreprise familiale,
02:54 suivre les traces du papa.
02:57 À 14 ans, j'ai commencé à travailler avec lui dans les commerces.
03:00 Et c'est l'âge de l'adolescence.
03:04 Donc c'est l'âge où t'as besoin de te sentir un peu belle,
03:08 où t'as ton corps qui commence à se développer.
03:12 Et moi, à cet âge-là, je me suis retrouvée dans les commerces
03:16 à travailler.
03:17 Je sortais du collège et je devais, avec mon sac à dos,
03:19 aller...
03:20 Donc on avait une épicerie.
03:22 Travailler à l'épicerie, les soirs, les week-ends
03:26 et toutes les vacances scolaires.
03:27 Je me suis retrouvée à charger, décharger de la marchandise,
03:30 faire mes devoirs entre deux clients.
03:32 Ça m'a bloqué ma vie, en fait.
03:34 C'est-à-dire que je n'ai pas eu la possibilité de grandir.
03:36 Je suis jamais sortie après l'école avec mes copines,
03:39 je suis jamais passée des week-ends avec elles,
03:41 j'ai pas connu les soirées pyjama,
03:43 j'ai jamais été en boîte de nuit de ma vie.
03:44 Toutes ces choses qu'on peut découvrir à l'adolescence
03:47 ou à l'âge adulte, tout ça, j'ai rien connu de tout ça.
03:50 Je sortais quand même de l'école à 16h30,
03:55 à 17h, je devais être au magasin.
03:57 Si j'y étais pas, je me faisais insulter
03:59 et j'y restais jusqu'à des minuits, une heure du matin,
04:01 toute seule.
04:02 Et le lendemain, je devais retourner à l'école à 8h.
04:04 C'est d'ailleurs quelque chose d'énorme que je reprocherais,
04:08 on va dire, à surtout mes profs d'école, de collège et de lycée.
04:13 Ils ont vu une fille joyeuse,
04:15 mais ils ont vu aussi une fille dormir sur les tables.
04:18 Ça les a jamais alertées.
04:20 Et je pense que j'aurais eu besoin de leur aide, tu vois.
04:22 Ma mère et mon frère, je les voyais se faire battre physiquement
04:26 et se faire aussi constamment rabaisser.
04:28 Moi, j'étais trop petite, encore, mais j'ai beaucoup de souvenirs.
04:31 Moi, c'est venu plus tard.
04:32 Les gestes que mon père a eus envers moi sous la violence,
04:36 c'est des gros coups de poing, des grandes claques,
04:39 j'en ai des traces, encore.
04:40 C'est des... Comme on appelle ça, des grandes claques de cow-boy.
04:43 Ah, ça a été gratuit, hein.
04:45 Il suffisait que...
04:46 J'ai jamais regardé mon père dans ses yeux, hein. Jamais.
04:49 En tout cas, moi, je fais partie de cette famille-là
04:50 où si je regardais mon père dans les yeux,
04:52 c'était tout de suite la claque.
04:53 Donc on parlait tout le temps à mon père, les yeux baissés, comme ça.
04:57 L'amour envers mon père, en fait, il a toujours été énorme.
05:02 Ça a toujours été, si tu veux, le grand regret.
05:05 Enfin, pas le regret, mais le manque à ma vie.
05:08 On dit qu'une fille, quand elle vient au monde,
05:10 son premier amour, c'est son père.
05:12 Et j'ai jamais eu cet amour.
05:14 En tout cas, il en a donné beaucoup plus aux autres
05:16 qu'à ses propres enfants.
05:17 Et lui, il le voit comme ça.
05:19 Lui, il voit que...
05:21 "Non, non, moi, j'ai donné tout ce qu'il fallait avec mes enfants,
05:24 "même si je les ai frappés, même si je les ai disputés,
05:26 "c'était mon éducation,
05:27 "et c'était comme ça que je voulais leur prouver mon amour,
05:30 "parce que je veux que mes enfants soient parfaits.
05:31 "Je veux le bien pour mes enfants.
05:33 "Qui connaît mieux mes enfants que moi ?"
05:35 Et en fait, avec le temps, je me suis rendue compte
05:38 que mon père me connaissait pas.
05:39 Mon père m'a jamais pris dans ses bras
05:40 ou jamais dit "Ma fille, je suis fière de toi".
05:43 Ça, je l'ai pas connu, donc...
05:45 J'ai jamais grandi avec la haine contre lui.
05:47 Ça, c'est hors de question pour moi,
05:48 parce que dans notre culture, on a un grand respect,
05:51 enfin, on nous inculque vraiment beaucoup de respect pour nos parents.
05:54 Là où, moi, je me suis fait avoir, c'est que je suis tombée dans un excès,
05:57 où, en fait, j'ai recherché mon père de partout,
06:00 mais pas chez lui.
06:01 Donc du coup, je le recherchais dans des hommes, voilà.
06:04 Quand tu rentres dans des relations, quand tu commences à grandir
06:07 et tu te dis "Tiens, y a un homme qui me plaît" ou quoi,
06:09 je me mets en couple, t'es à la recherche de ton père.
06:11 Tant que tu n'es pas consciente que tu es à la recherche d'un papa,
06:16 ah, mais tu pourras enchaîner toutes les relations que tu veux,
06:19 elles finiront toutes à la poubelle, parce que c'est toxique.
06:22 Une relation n'est pas là pour sauver tes blessures passées.
06:25 Ça, ça finit par partir, ou alors ça cicatrise
06:28 et puis t'as plus mal au bout d'un moment.
06:30 Mais les cicatrices que t'as dans ton cœur, dans ton âme,
06:33 c'est les plus terribles.
06:35 À mon adolescence, j'ai décidé d'en finir avec la vie,
06:38 parce que, en fait, c'était beaucoup trop dur à supporter.
06:42 Tu sais pas à qui te confier, tu sais pas où aller,
06:44 et tu te dis "Allez, on arrête."
06:46 Donc voilà, j'ai fait une première tentative sous médicaments,
06:50 ça a pas fonctionné.
06:52 Je pense qu'il y avait quelque chose qui me retenait,
06:54 et ça a pas été jusqu'au bout.
06:56 Et la deuxième, c'était au lycée.
06:59 Exactement le même principe, c'était "Je m'y retrouve pas."
07:02 "Je m'y retrouve pas, j'y arrive pas,
07:04 je suis toujours autant perdue que y a..."
07:07 J'avais pas avancé, en fait. J'avais pas avancé.
07:09 Le problème, tu sais, c'est que personne peut t'aider.
07:12 Personne peut t'aider, parce que personne se mouille pour toi.
07:16 Moi, c'est la danse qui m'a sauvée. La danse m'a sauvée de tout.
07:18 On m'a jamais laissée. Moi, dans ma famille,
07:20 j'ai toujours été mal vue, d'ailleurs.
07:22 La danse est très mal vue chez nous,
07:24 parce qu'on est musulmans,
07:25 et que chez les musulmans, c'est très mal vu de danser,
07:27 pour la pudeur de la femme, tout ça.
07:30 Et en fait, à mes 18 ans,
07:33 je me suis un peu rebellée,
07:35 et du coup, j'ai voulu prendre des cours de danse Bollywood.
07:37 C'était un moyen pour moi de faire vivre ma culture,
07:40 de faire vivre mes origines avec de l'art.
07:43 Et à travers la danse, j'ai aidé des gens.
07:46 J'ai commencé petit à petit, tu vois, à faire mon petit chemin,
07:49 à m'accrocher à certaines cordes qui m'ont tenue un peu dans cette vie, quoi.
07:53 Et là, à mes 25 ans, j'ai décidé d'aller au Pakistan
07:56 pour des vacances avec ma maman, sans mon père.
07:59 Et là, mon père a pas du tout aimé,
08:02 parce que chez nous, des femmes ne voyagent pas seules.
08:03 Donc, quand il a vu qu'on était arrivées au pays,
08:06 là, il s'est dit, c'est le moment ou jamais pour que je la...
08:10 je la choppe.
08:11 Là-bas, tu sais, t'es coupée de...
08:14 t'es coupée de tes amis,
08:16 t'es coupée de... Parce que t'avais pas...
08:18 L'Internet était pas autant développé, y avait pas WhatsApp.
08:20 Et je suis arrivée là-bas, et il a décidé d'envoyer mes tantes
08:24 en mode un peu loup sur moi, elles m'ont accaparée.
08:29 Et pendant un mois, j'ai subi...
08:33 Comment dire ?
08:34 Beaucoup de pression psychologique, mais sans qu'on le sache.
08:37 Donc, au début, t'arrives...
08:39 "Oui, trop bien, t'arrives pour les vacances, c'est génial !
08:42 "Bienvenue, tu nous as manqué, ça fait longtemps qu'on t'a pas vue."
08:45 Tout ça, tout ça.
08:46 Et après, petit à petit, elle commence à te faire comprendre que...
08:49 "Mais tu sais que t'es en âge d'être mariée,
08:52 "mais t'es trop belle,
08:53 "mais tu sais que c'est maintenant qu'il faudrait se marier,
08:56 "mais tu vas revenir quand, la prochaine fois, dans 5 ans ?
08:58 "Non, mais ça sera trop tard pour te marier,
09:00 "mais c'est maintenant, là, t'es toute belle, t'es toute fraîche,
09:02 "c'est maintenant qu'il faut te marier."
09:03 T'es là, au début, tu te dis "Non, je suis pas venue pour le mariage,
09:06 "t'es pas dans ça."
09:07 Et en fait, toi, petit à petit, sans t'en rendre compte, tu baisses la garde.
09:10 T'as pas tes copines autour de toi.
09:11 -C'est ta culture. -C'est ta culture.
09:13 T'es dedans, t'es complètement baignée.
09:15 Tu commences à poser des questions, tu te dis...
09:18 "Ah bah ouais, peut-être."
09:19 "Ouais, peut-être."
09:20 "Peut-être, mais au début, t'en es juste là."
09:23 Tu dis "Oui, d'accord, pourquoi pas, OK, OK, mais on verra."
09:26 Genre "C'est pas le moment, là, je suis là pour des vacances, laissez-moi."
09:29 Et en fait, c'est tous les jours.
09:31 Tous les jours, tous les jours.
09:33 Et puis moi, à ce moment-là,
09:34 mon papa qui avait décidé de m'appeler à distance...
09:38 "Ma fille, mon bébé, oh là là, t'es la meilleure des enfants."
09:43 Toute cette distance qu'il avait créée avec moi,
09:45 et qu'il savait que j'étais en manque de ça,
09:47 il me l'a donnée à ce moment-là.
09:49 Et là, ils ont joué sur une corde sensible.
09:52 C'est "Si tu ne te maries pas, tu vas pas honorer tes parents."
09:56 "C'est pas ce que tu veux pour tes parents, ma fille."
09:58 "Tu veux que tes parents soient fiers de toi."
10:00 Ils te donnent, ils te donnent.
10:01 Et toi, tu prends, tu prends, et puis du coup, l'amour gonfle, gonfle, gonfle.
10:05 Et toi, tu crois que c'est un amour sincère,
10:06 tu crois que c'est hyper sincère, donc tu te dis "Bah, mais oui, bien sûr,
10:09 pour lui, je vais le faire."
10:11 Et en fait, petit à petit, ils te rendent légume.
10:14 T'as plus cette capacité de discernement, honneur, fierté,
10:17 lavage de cerveau, pression psychologique, manipulation,
10:21 amour, hypocrisie, tout, tout, tout.
10:23 Tu sais plus où tu en es, en fait.
10:25 Et ils te coupent tellement de ton monde à toi, de tes copines,
10:27 de ton monde de liberté qu'ils savent comment faire.
10:30 Du coup, j'accepte pour rencontrer quelqu'un.
10:32 Ça défile, les prétendants.
10:34 T'en as un, t'en as deux, t'en as trois.
10:36 Et puis au bout d'un moment, quand il y en a un qui leur plaît à eux,
10:39 là, ils mettent le paquet à l'inviter régulièrement,
10:43 à lui faire boire le café régulièrement, à inviter sa famille,
10:47 voilà, à développer vraiment une relation avec lui
10:49 pour que moi, je commence à le voir de plus en plus.
10:51 Et ensuite, à force, tu vois lui, tu vois lui,
10:53 mais toi, dans ta tête, t'es claire, tu dis "mais oui, je veux juste rencontrer".
10:57 En fait, t'es loin d'imaginer qu'ils soient en train de t'emmener jusqu'au fiançailles.
11:02 Là, apparemment, ils avaient trouvé quelqu'un,
11:04 une bonne réputation, une bonne famille, et en plus, dans la tribu.
11:09 Donc en gros, soit ton cousin, soit un cousin éloigné,
11:12 soit un cousin du cousin du cousin.
11:13 C'est un peu un système de caste.
11:15 T'as la caste des paysans, t'as la caste des propriétaires,
11:18 t'as la caste des descendants des Marajah, qui est la mienne, les Rajput,
11:22 et on se marie pas...
11:24 entre castes.
11:27 Et là, c'était parfait, le genre de... Enfin, le gars idéal.
11:30 Il faut pas le louper, ce garçon.
11:31 Au bout de 2-3 jours, ça a été très très vite qu'ils m'ont dit
11:34 "mais arrête les fiançailles, viens, on fait le mariage direct,
11:37 ça sert à rien, tu vas pas revenir au pays pour faire une fête de mariage, tout ça.
11:40 Tu vois bien qu'il est génial, ce garçon, pourquoi t'hésites ?"
11:43 J'avais eu le droit à 2-3 coups de fil avec lui avant le mariage,
11:46 et en présence de quelqu'un.
11:47 Je me suis retrouvée mariée au bout de 15 jours.
11:49 Il devait rester là-bas et je devais le faire venir en France
11:51 pour lui faire les papiers et tout ça.
11:53 Et voilà, on a vécu 9 mois à distance.
11:55 Pendant les 15 jours où j'étais avec lui, où je suis restée physiquement avec lui,
11:59 je me suis retrouvée avec un homme qui me calculait pas.
12:03 Si tu veux, moi, à partir du moment où j'avais dit "oui, foutu pour foutu,
12:07 je veux que mon père soit fier de moi",
12:09 j'avais que ça en tête et j'avais dit "je sacrifie ma vie
12:12 pour avoir de l'amour dans ses yeux, c'est tout ce que je veux voir".
12:15 Et là, j'ai commencé à gratter, jusqu'au jour où il craque et me dit
12:18 "écoute, je vais t'avouer, j'ai été mariée de force,
12:21 je voulais pas de ce mariage non plus, moi, c'est quelqu'un d'autre que j'aimais,
12:24 mais je l'ai fait pour mon père".
12:26 Et là, je suis tombée des nues, quoi.
12:28 Donc là, en fait, je suis sans ma famille,
12:30 avec quelque part un inconnu qui voulait même pas de moi.
12:33 Et j'ai rien dit à ma famille, j'ai préservé ce secret-là.
12:36 Jusqu'au jour où, au bout de 9 mois, il me fait craquer.
12:38 Je suis partie devant la famille, je lui ai dit "je veux plus de ce mec,
12:41 c'est fini, c'est terminé".
12:42 "Ah mais maintenant, tu veux salir la réputation ?
12:44 Tu veux salir maintenant, mais t'as pas honte ? Tu veux divorcer ?"
12:47 Dans la religion, c'est autorisé, mais dans la culture,
12:50 une fille divorcée, c'est une poubelle.
12:52 Elle va pourrir chez les parents toute sa vie, quoi.
12:54 Parce que personne ne voudra d'elle si elle est divorcée.
12:56 Cet élément-là, ça a été l'élément déclencheur de ma vie.
12:59 Je me marie pour l'honneur de ma famille,
13:01 je fais tout ce que ma famille me demande,
13:02 je suis prête à ramener un homme ici.
13:04 Ah ouais, donc en fait, moi, je suis en train de me faire avoir
13:08 par des personnes qui ne me considèrent pas, en fait.
13:11 Et en fait, ça m'a révélé dans ma tête que, Afshi,
13:14 t'es une femme libre.
13:16 T'es une femme indépendante.
13:19 T'as tout pour toi.
13:20 T'es en France.
13:21 T'es en France, Afshi.
13:23 T'es française.
13:24 Prends cette force que tu as, vas-y et bats-toi.
13:28 Et c'est là où, dans les mois qui suivent, j'ai quitté mes parents,
13:31 j'ai pris mon indépendance et j'ai commencé ma vie à moi,
13:35 avec mes codes, mes principes, mes valeurs,
13:38 et personne pour me dire quoi que ce soit.
13:40 Au Pakistan, pour qu'une femme puisse divorcer,
13:42 il faut qu'elle soit représentée par un homme.
13:44 Elle, elle ne peut pas demander le divorce.
13:45 C'est en train d'évoluer.
13:46 En tout cas, moi, c'était pas possible.
13:48 Lui, l'homme, a le droit de demander le divorce.
13:50 Enfin, c'est même pas qu'il le demande, il le donne.
13:51 Du coup, moi, j'ai demandé et personne m'a aidé.
13:53 Là-bas, silence radio.
13:55 Jusqu'au jour où lui a décidé, au bout de quatre ans,
13:58 d'envoyer un courrier.
13:59 Et mon grand-oncle était là-bas à ce moment-là,
14:01 il a reçu un courrier, il m'a appelé, il m'a dit
14:03 "Bah écoute, il t'a envoyé le divorce."
14:06 Après le divorce, les relations avec mes parents,
14:07 c'était complètement dégradé.
14:09 C'est-à-dire que j'ai plus eu de contact de mon père
14:11 pendant trois ans et demi, quatre ans.
14:13 Et ma mère, bah...
14:15 ça va, ma mère est pas méchante, donc...
14:19 Elle a repris un peu contact avec moi au bout de quelques temps.
14:22 On a eu des relations saines.
14:24 Pas fusionnelles, mais saines.
14:26 Mais le plus dur a été mon père.
14:28 Jusqu'à aujourd'hui, mon père veut me remarier.
14:30 Il est dans sa matrix, quoi. Il est dans son truc.
14:32 J'en veux pas à mes parents, parce que...
14:35 Je me dis à mes parents, c'est leur code.
14:37 C'est comme ça.
14:38 Et c'était à moi de couper.
14:39 Ils changeront pas. Faut accepter.
14:41 Je me suis reconstruite déjà grâce à une thérapie.
14:44 Ma spiritualité aussi, je suis très croyante.
14:47 C'est ma force.
14:48 C'est quelque chose qui m'élève sur Terre.
14:50 Et ma thérapie que j'ai suivie, c'est une thérapie en mémoire cellulaire.
14:54 Trois ans de thérapie intense,
14:56 dans laquelle, en fait, on va nettoyer dans tes cellules,
15:01 à l'intérieur, toute ton histoire, tous tes traumatismes.
15:03 J'avais les traumas de mon père, j'avais les traumas de mon grand frère,
15:07 je portais les souffrances de ma mère.
15:09 Je suis venue sur Terre avec toutes ces souffrances.
15:11 C'est la thérapie. La thérapie m'a sauvée.
15:13 Aujourd'hui, je suis une femme heureuse, libre, indépendante, amoureuse,
15:19 mais par mon choix.
15:20 "Apchan", mon prénom, veut dire "brillance", "paillette".
15:23 Et du coup, je l'ai transformée en "étincelle".
15:25 Et "étincelle", c'est... Elle brûle autant qu'elle brille.
15:28 Moi, j'ai décidé que je me levais tous les matins
15:31 pour réaliser tout ce que je n'ai pas pu faire avant.
15:33 J'ai des problèmes de santé, des gros problèmes de dos,
15:35 d'avoir travaillé avec mon père à 14 ans, à charger et décharger des palettes.
15:39 Pareil, quand je bossais avec lui, j'allais pas chez les médecins.
15:42 Donc, je suis pas prise soin de moi pendant des années.
15:45 Aujourd'hui, je paye tout ça, mais je prends soin de moi.
15:47 Je suis ma propre priorité.
15:49 J'ai aussi d'autres projets.
15:50 Là, depuis un an, on est en train d'écrire mon livre.
15:53 J'ai rencontré une superbe écrivaine qui m'a accompagnée pendant un an
15:57 dans l'écriture vraiment de mon histoire.
15:59 Qu'est-ce que c'est que d'être une enfant de parents immigrés ?
16:01 Qu'est-ce que c'est que d'être une femme aussi, dans nos cultures ?
16:04 Autant pakistanaises, peut-être que françaises.
16:06 J'ai grandi avec une certaine vision de la religion,
16:09 qui a été une vision très fermée, où on m'a coupé des ailes.
16:14 Et aujourd'hui, je vois pas la religion comme certaines personnes.
16:17 Je la vois comme un tapis volant.
16:18 Il y en a qui le voient comme un tapis au sol,
16:20 et c'est cloué au sol et ça bouge pas.
16:21 Dans ce livre-là, en fait, je m'ouvre énormément
16:24 et je mets vraiment une trace écrite sur la personne que je suis.
16:28 Quand je regarde en arrière, tu sais, je me dis juste une chose,
16:30 si c'était à refaire, je referais tout pareil.
16:32 Je suis hyper fière de tout chemin parcouru
16:35 et le cheminement que j'ai fait depuis quelques années,
16:39 je le souhaite à tout le monde.
16:41 Avoir la force de se battre et de sortir des codes
16:43 dans lesquels on t'avait bloqué depuis ton enfance,
16:48 c'est une force de malade.
16:49 Et je suis très fière de moi de ne pas avoir renié ma culture,
16:55 mes origines, mes racines, ma religion.
16:57 Je suis moi, je retrouve ma place et je vis.
17:01 Je vis et je ne fais de mal à personne.
17:03 Et je veux pas repartir de cette vie en ayant des regrets
17:06 à cause de quelqu'un.
17:07 La Hafshi d'aujourd'hui, elle dirait à la Hafshi petite,
17:11 "Fonce, crois en toi, avance."
17:13 La vie vaut le coup d'être vécue, vraiment.
17:16 Et ça, je le dirais à toutes les personnes, tu vois,
17:18 qui pensent qu'il n'y a plus d'espoir.
17:21 Il y a toujours de l'espoir.